Cependant, si l’on rompait le lien symbolique, notre Job deviendrait Kirilov [personnage des "Démons" de Dostoïevski], un terroriste suicidaire. Merejkowski n’a pas tout à fait tort de voir dans le grand écrivain le précurseur de la révolution russe. Il la redoute, certes, il la rejette et la stigmatise, mais c’est lui qui en connaît l’avènement sournois dans l’âme de son homme souffrant, prêt à trahir l’humilité de Job pour l’exaltation maniaque du révolutionnaire se prenant pour Dieu (telle est, selon Dostoïevski, la foi socialiste des athées). Le narcissisme du déprimé s’inverse en la manie du terrorisme athée : Kirilov est l’homme sans Dieu qui a pris la place de Dieu.
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Info: Dans "Soleil noir", éditions Gallimard, 1987, page 196
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