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Arrivent ensuite Gaston Gallimard et sa femme. On se met à table. Conversation, moi muet tout d’abord, sur le dernier roman de Céline : Mort à crédit. Unanimité à le célébrer. Grand déplaisir pour ma part à entendre parler d’un livre et le célébrer sous le jour d’une chose réussie, bien combinée, produisant bien ses effets, comme un tour de force difficile et réussi, la difficulté à vaincre, etc., etc. Je n’ai jamais pu voir la littérature sous cet aspect. On me demande mon avis. Je dis que lorsque j’ai reçu le premier Céline : Voyage au bout de la nuit, je l’ai feuilleté et quand j’ai vu ce vocabulaire je l’ai laissé là, que je n’ai lu du nouveau que des extraits dans des articles de critique et que cela me suffit. Je n’ai aucun goût pour ce style volontairement fabriqué, que les inventions ne m’intéressent pas, comme sujet ni comme forme. J’ajoute que, dans moins de cinq ans, on ne pourra plus lire un livre de ce genre. J’ai même fini par dire tout crûment que cela me fait un peu pitié qu’on puisse admirer des livres de ce genre, comme on admire aussi cet Henri Michaux dont ils sont tous si férus, et qu’ils ont décidément à la N.R.F. des goûts littéraires extraordinaires.

Auteur: Léautaud Paul

Info: Extrait de la journée du samedi 13 juin 1936 Journal littéraire ( 1954 ) - P.1 668 t.2 - Mercure de France, seconde édition parue sur trois volumes en novembre 1986.

[ vacherie ]

 

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