Peut-être est-ce en Suisse, comme nous disons aujourd’hui – qu’à cet égard la situation est la plus nette. Depuis 1529, date précoce, on peut dire que les Cantons confédérés forment deux groupes : Zurich, Berne, Bâle, Saint-Gall ont remplacé la messe par le prêche. Encore reste-t-il bien à faire aux novateurs, surtout en Suisse romande, cette dépendance de Berne, pour que la carte religieuse du pays soit mise à jour de façon à peu près définitive. Et ni catholiques ni réformés ne renoncent à faire prévaloir leur foi, au besoin, par des moyens violents. Le 11 octobre 1531, Zwingli laisse sur le champ de bataille de Cappel son corps sanglant, que les catholiques dépècent et brûlent...
En Allemagne ? Situation longtemps indécise, les princes protestants étant contraints à la prudence. L’empereur, au lendemain de Pavie, au lendemain du sac de Rome, était si puissant ! En 1527 seulement, à la diète de Spire, les princes ont obtenu une sorte e liberté provisoire d’organier les Eglises dans leurs Etats, suivant leurs idées et sans avoir à redouter ces éternels conflits avec la Chambre impériale qui jusqu’alors avait tout troublé. – En Angleterre ? C’est en 1532, l’année de Pantagruel, qu’Henri VIII commence à peser sur les décisions du clergé anglais ; mais nul ne sait encore ce que veut en matière de foi ni à quel point s’arrêtera ce prince à la fois anti-romain et anti-luthérien. L’acte de Suprématie ne date que de 1534, et le Gargantua paraît, après le Pantagruel, quand Thomas More est décapité ou quand, sous la vigoureuse impulsion de Thomas Cromwell, commence la suppression des monastères anglais.
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En France ? L’incertitude est extrême sur les desseins du roi. Il n’a pas rompu avec Rome ; mais il s’entend avec les princes luthériens : jeu de bascule perpétuel. Un jour, il sauve Berquin et le fait arracher, par les archers de sa garde, aux griffes croches des parlementaires. Un autre jour, il suit, cierge en main, les processions expiatoires de juin 1528. Il laisse périr ce Berquin qu’il a d’abord sauvé (17 avril 1529), puis, au début de 1530, institue les lecteurs royaux, et, en avril 1531, invite Zwingli à lui présenter une confession de Foi. – Cependant, en octobre 1533, il se rend à Marseille, rencontre le pape Clément et marie le Dauphin à une Médicis. Mais à la fin de novembre 33, il délibère à Avignon sur un projet d’alliance avec les luthériens ; en janvier 1534, il traite à Bar-le-Duc avec le Landgrave : il faut l’affaire des Placards (le 18 octobre 1534) qui éclate lorsque, selon toute probabilité, le Gargantua est mis en vente, pour que le roi se porte aux pires extrémités, contre les luthériens, sans doute, mais contre les lettres mêmes, l’imprimerie qu’un édit prétend supprimer, l’humanisme et les langues classiques.
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Info: "Le problème de l'incroyance au 16e siècle", éditions Albin Michel, Paris, 1968, pages 251-253
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