On est tous à la merci de cette stupeur qui vous prend à la gorge et vous étouffe littéralement. On est tous alors semblables à Swann, à moitié fou après sa séparation d’avec Odette, et qui fuyait comme la peste tous les mots susceptibles d’évoquer, même indirectement, son existence. C’est pourquoi chacun reste cramponné à ses échafaudages sémiotiques; pour pouvoir continuer à marcher dans la rue, se lever, faire ce qu’on attend de lui. Sinon tout s’arrête, on a envie de se jeter la tête contre les murs. C’est pas évident d’avoir le goût de vivre, de s’engager, de s’oublier. Il y a une puissance extraordinaire de l’ " à quoi bon ! * C’est bien plus fort que Louis XV et son " après moi le déluge "! Est-ce que ça vaut le coup de continuer tout ça, de reprendre le legs des générations antérieures, de faire tourner la machine, d’avoir des gosses, de faire de la science, de la littérature, de l’art? Pourquoi pas crever, laisser tout en plan? C’est une question ! C’est toujours à la limite de s’effondrer… La réponse, bien sûr, est à la fois personnelle et collective. On ne peut tenir dans la vie, que sur la vitesse acquise. La subjectivité a besoin de mouvements, de vecteurs porteurs, de rythmes.
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Info: Ecrits pour l'Anti-Oedipe
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