surmoi

La censure va avoir une autre stratégie : comme il ne fait pas de doute, il va prendre, je dirais, le biais de rendre le sujet douteux, c’est-à-dire que le sujet est mis en position, s’il insistait, d’être confronté à un autre qui est en position de le soupçonner.

Quelle est la différence entre, un sujet "soupçonné" ou un sujet "supposé" ? Eh bien, je dirais – qu’un sujet supposé c’est un sujet qui est éventuellement supposé pouvoir vous surprendre, – un sujet soupçonné, à l’encontre, c’est un sujet dont fondamentalement rien ne saurait surprendre venant de lui, puisqu’il y a, par rapport au sujet soupçonné, une prévention, une présomption plus exactement, et que rien de lui ne saurait surprendre : quoi qu’il dise, ça sera intégré quelque part et ça n’aura rien de surprenant.

Si vous voulez, vous voyez par là que nous sommes très proches, ce censeur, il est très proche du "non-dupe" dont nous a parlé Lacan en son temps, il en est très proche parce qu’il est dans la position : "tu ne m’auras pas, on ne me la fait pas, quoi que tu dises je sais où situer ce que tu as à dire et dans cette position de méfiance, de soupçon, je t’ai à l’œil, je ne serai pas surpris."

[...] Freud dit qu’une des fonctions de la censure est de dépouiller de son intensité ce qu’il appelle "le signifiant de haute valeur psychique".

Ce signifiant de haute valeur psychique autour duquel je vais centrer ce travail, c’est - je vous le signale en passant - le signifiant qui est la cause du rêve, c’est le signifiant que le sujet a rencontré dans la journée et auquel ayant été confronté il est resté coi, bouche bée, sans répondant et avec l’esprit d’escalier qui caractérise ce sujet qui n’a pas pu répondre, il lui faut le temps d’incubation de la journée et il n’arrive à répondre que dans la nuit avec l’aide d’un rêve à ce signifiant qui l’a, pour l’instant interloqué avant de voir de plus près de quoi il retourne.

Le problème de la censure, c’est que sa fonction c’est surtout de prévenir le sujet contre le fait qu’il puisse accéder à cet état de fading, de sidération par ce signifiant de haute valeur psychique qui est donc dépouillé de son efficace.

Encore un mot de ce censeur, ou ce "non-dupe", vous pouvez imaginer que c’est dans la mesure où le fait de ne pas pouvoir être surpris nécessite chez lui le développement - je crois qu’on peut le dire- d’une intelligence importante, puisqu’il aura réponse à tout, rien ne saurait le surprendre.

Auteur: Didier-Weill Alain

Info: La topologie et le temps, intervention lors du séminaire de Jacques Lacan, 8 mai 1979

[ étonnement ] [ refoulement ] [ dénigrement ] [ effets ]

 

Commentaires: 4

Ajouté à la BD par Coli Masson

Commentaires

miguel, filsdelapensee@bluewin.ch
2024-01-03 08:28
dépouillé de son efficace ?... Je comprends certes ;-) Cette histoire de haute valeur du signifiant me semble aventurée. Je crois pouvoir dire que mes rêves ne sont jamais à base de mots, mais d'idées-situations bien plus complexes
Coli Masson, colimasson@live.fr
2024-01-03 16:05
Comme si ça n'était pas un mot.
Coli Masson, colimasson@live.fr
2024-01-03 16:12
Je précise un peu : le côté séduisant de l'idée-situation du rêve est bien souvent l'arbre qui cache la forêt, c'est-à-dire le tout petit signifiant de haute intensité psychique caché dans tout cela. Pour autant, ces idées-situations sont bien des assemblages de signifiants elles aussi. Pas de quoi se rouler par terre davantage qu'en parlant simplement de signifiant, donc.
miguel, filsdelapensee@bluewin.ch
2024-01-04 09:34
Mouais... Y'aurait de quoi creuser plus loin... mais g pas le temps ;-) .... Là je suis dans une réflexion qui est quasi à l'opposé de tout ça parce qu'en plein dans la secondéité "Paul Dirac", ce fou. Mais stop. Merci surtout pour l'explique