Les adversaires de la définition eussent voulu qu’à l’exemple de Trente, aucune résolution, en matière dogmatique du moins, ne fût prise qu’à l’unanimité morale, sinon à l’unanimité absolue. A cette prétention, le Vatican, qui, malgré les précédents, avait seul dressé les règlements du concile, répondit en édictant que toutes les décisions seraient prises à la simple majorité. Plus de cent évêques protestèrent en vain contre cet article d’un règlement qui avait déjà soulevé leurs stériles réclamations, sans oser revendiquer le droit de statuer eux-mêmes, ainsi que les Pères de Trente, sur l’ordre et les conditions de leurs travaux. La session s’avançant et les chaleurs de l’été menaçant de suspendre le concile avant que l’infaillibilité fût venue en discussion, les légats pontificaux, en dépit des représentations d’un grand nombre de Pères des deux partis, intervertirent l’ordre du jour de l’assemblée, renversant l’ordre logique et traditionnel des canons sur les droits de l’Eglise, sans s’arrêter à l’objection qu’avant d’aborder l’infaillibilité pontificale, il eût été bon de définir en quelles matières l’Eglise elle-même est infaillible. La question venue enfin au concile, les débats, déjà fort longs, il est vrai, furent écourtés, et ainsi le dernier espoir enlevé à l’opposition, réduite pour toute tactique à ne rien attendre que d’une prorogation.
La majorité, ardente, impatiente de délais, obtint des chefs de la minorité, de Mgr Haynald notamment, qu’ils renonçassent à la parole. Cette concession, traitée au premier moment de trahison par l’évêque d’Orléans, n’était pas du goût de tous. Quelques-uns, Mgr Dupanloup entre autres, eussent voulu maintenir leur droit à la parole ; l’attitude de l’assemblée les contraignit à se résigner également au silence. On accusait déjà l’opposition de s’être entendue pour prolonger indéfiniment la discussion en la faisant reprendre tour à tour par chacun de ses membres.
Des évêques dans un concile ne pouvaient, comme des Irlandais à la Chambre des Communes, s’exposer volontairement au reproche d’obstruction. Ils préférèrent se taire. Aussi vit-on, en une seule séance, vingt-deux orateurs de la minorité renoncer successivement à monter à l’ambon. Ce spectacle se renouvela deux jours de suite. A l’appel des secrétaires : Dominus episcopus accédai ad ambonem, les évêques ne se levaient plus. Enfin, le 13 juillet, la définition était votée en congrégation, autrement dit en comité secret, par 451 voix sur 601 votants ; 88 Pères avaient répondu Non placet ; 62 n’avaient donné qu’un oui conditionnel (Placet juxta tnodum).
Quelques jours après avait lieu, en séance publique, le scrutin définitif sous les yeux mêmes du Souverain Pontife, qui avait enfin attaché à la tiare cette couronne si longtemps contestée. La minorité, sentant toute résistance inutile, s’était résolue à ne pas affliger Pie IX en renouvelant publiquement ses votes dissidents à la face du Saint-Père. Qu’elle l’ait fait ou non de propos délibéré, le dogme récemment inscrit au Credo catholique a, de cette façon, comme elle le réclamait d’avance, obtenu du concile la presque unanimité. Deux voix seulement contre 533, la majorité ayant grossi d’un scrutin à l’autre, s’obstinèrent à la négative.
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Info: Les catholiques libéraux, l'Église et le libéralisme de 1830 à nos jours, Librairie Plon, 1885, pages 254 à 256
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