séparation de l'église et de l'état
Les luttes religieuses du passé ayant été provoquées par l’intolérance des sectes ou par l’ingérence de l’état dans leurs disputes, on était en droit de croire que, pour enlever à ces querelles tout caractère politique, il n’y avait qu’à en désintéresser l’état, qu’à dénouer les liens qui unissaient le pouvoir civil aux diverses églises, qu’à faire cesser l’ancienne solidarité du temporel et du spirituel en proclamant l’état incompétent en matière religieuse. C’est ce qu’ont fait successivement, avec plus ou moins de décision, la plupart des états contemporains. En aucun domaine, le courant des idées modernes ne s’est manifesté avec plus de force et d’unité. S’il reste encore des religions d’état, elles n’ont plus les mêmes privilèges qu’autrefois. Les églises ont perdu leur ancien monopole ; aucun clergé, en dehors de la Russie et de l’Espagne, ne demeure à l’abri de la concurrence ; aucun ne peut compter sur l’appui du bras séculier. Des Pyrénées aux Carpathes, il y a une tendance générale à la sécularisation ou, comme l’on dit chez nous, à la laïcisation de l’état et de la société.
Par malheur, si, en théorie, il est facile à l’état de se désintéresser des affaires religieuses, les faits ont prouvé que cela ne l’était pas autant dans la pratique. L’état laïque, l’état neutre ou, comme disent ses adversaires, l’état athée, provoque d’abord l’opposition de tous ceux qui prétendent que la religion doit continuer à inspirer les gouvernements. Mais, contrairement à toutes les prévisions, ce n’est pas là le seul obstacle à l’accomplissement des rêves de pacification religieuse. Heureux les pays où le nouveau dogme de l’incompétence de l’état en matière de foi ne rencontre pas d’autres résistances que le zèle des croyants et les prétentions des divers clergés ! En maintes contrées, il a fallu compter avec une intolérance d’une nouvelle sorte, avec le fanatisme inattendu des incrédules, qui, sous le couvert de la libre pensée, poursuivent la destruction de toute religion. A ceux-là l’incompétence et la neutralité de l’état ne suffisent point. L’autorité publique, dont les religions ont si longtemps usé à leur profit, ils l’exploiteraient volontiers à leur tour contre les doctrines religieuses ; s’ils n’osent le faire ouvertement, ils le tentent par des voies détournées, employant les influences gouvernementales à la ruine ou à l’affaiblissement des cultes qu’ils ont en aversion, retournant hypocritement le mot de liberté contre la première de toutes les libertés : celle de la conscience.
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Info: Les mécomptes du libéralisme, Revue des Deux Mondes, 3e période, tome 69, 1885
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