Je ne suis pas neurasthénique, ni sentimental. Je ne suis rien de particulier. D’où vient alors que je ressemble à ce point à une épave ? Si on était entré en coup de vent au moment où je pleurais, je me serais dressé comme si rien n’était et j’eusse fait ce qu’on m’aurait proposé avec la gaieté nécessaire, comme si jamais je n’avais souffert. Ce n’est pourtant pas de la comédie tout cela. Je ne me trompe pas. Je pleure. Je souffre et je ne peux rien contre moi-même, et je vis comme tout le monde. Je suis incapable d’envisager une autre existence. C’est surtout cela qui m’étonne, de pleurer ainsi et tout de suite après de ressembler au premier venu. J’ai les occupations de tout le monde, je vais au théâtre, je suis gai, et au fond de moi-même, il y a toujours quelque chose qui n’est pas heureux, quelque chose d’insatisfait.
Auteur:
Info: Journal écrit en hiver, Flammarion, 1983, page 43
Commentaires: 0