L’homme de gauche, en conformité avec son credo, manifeste sa foi, non en un certain progrès, mais en un progrès certain, ce qui est plus grave, et le fait ressembler au chrétien des premiers temps croyant à la prochaine venue du Seigneur, à la parousie. A notre époque où les progrès technologiques se sont jusqu’ici accompagnés de catastrophiques revers, ce serait la foi du charbonnier. Mais en quoi l’homme de gauche, optimiste à tout prix, diffère-t-il du capitaliste de droite qui rêve aussi de progrès, ou du moins en rêvait avant-hier ? Chaque fois que je vais dans un super-market, ce qui m’arrive rarement, je me crois en Russie. C’est la même nourriture imposée d’en haut, pareille, où qu’on aille, imposée par des trusts au lieu de l’être par des organismes d’Etat. Les Etats-Unis, en un sens, sont aussi totalitaires que l’URSS, et dans l’un comme dans l’autre pays, et comme partout d’ailleurs, le progrès (c’est-à-dire l’accroissement de l’immédiat bien-être humain) ou même le maintien du présent état de choses dépend de structures de plus en plus complexes et de plus en plus fragiles. Comme l’humanisme un peu béat du bourgeois de 1900, le progrès à jet continu est un rêve d’hier. Il faut réapprendre à aimer la condition humaine telle qu’elle est, accepter ses limitations et ses dangers, se remettre de plain-pied avec les choses, renoncer à nos dogmes de partis, de pays, de classes, de religions, tous intransigeants et donc tous mortels.
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Info: Yeux ouverts, page 243
Commentaires: 1
miguel
26.06.2024
gauche-droite, politique ?