Le monothéisme intéresse Freud en quel sens ? Il sait certes aussi bien que tel de ses disciples que les dieux sont innombrables et mouvants comme les figures du désir. Qu’ils en sont les métaphores vivantes. Mais non pas le seul Dieu. Et s’il va rechercher le prototype dans un modèle historique, le modèle visible du Soleil, de la première révolution religieuse égyptienne, d’Akhenaton, c’est pour rejoindre le modèle spirituel de sa propre tradition, le Dieu des dix commandements. Le premier, il semble l’adopter en faisant de Moïse un égyptien – pour répudier ce que j’appellerais la racine raciale du phénomène, la Volkspsychologie de la chose ; le deuxième, lui fait enfin articuler comme tel, dans son exposé, la primauté́ de l’invisible en tant qu’elle est la caractéristique de la promotion du lien paternel, fondé sur la foi et la loi.
La promotion du lien paternel sur le lien maternel, qui, lui, est fondé sur la charnalité́ manifeste, ce sont les termes mêmes dont Freud se sert. La valeur sublimatoire, si je puis m’exprimer ainsi, de la fonction du Père est soulignée en propres termes en même temps qu’affleure la forme proprement verbale, voire poétique, de sa conséquence, puisque c’est à la tradition des prophètes qu’il remet la charge historique de faire progressivement affleurer au cours des âges, le retour d’un monothéisme refoulé comme tel par une tradition sacerdotale plus formaliste dans l’histoire d’Israël – préparant en somme en image et selon les écritures, la possibilité́ de la répétition de l’attentat contre le Père primordial dans (c’est toujours Freud qui écrit) le drame de la Rédemption où il devient patent.
Il me semble important de souligner ces traits essentiels de la doctrine freudienne, car auprès de ce que ceci représente de courage, d’attention, d’affrontement à la vraie question, il me parait de peu d’importance de savoir ou de faire grief à Freud qu’il ne croie pas que Dieu existe ou même qu’il croie que Dieu n’existe pas.
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Info: Conférence de Bruxelles sur l'éthique de la psychanalyse, 9 mars 1960
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