Le sens de la métaphysique du sexe reçoit ici [chez Diotime dans le Banquet de Platon], d’un côté, une confirmation : aspiration à la possession éternelle du bien, l’amour est aussi aspiration à l’immortalité ; mais, d’un autre côté, on passe avec la doctrine de Diotime à une physique du sexe qui annonce curieusement les thèses de Schopenhauer et des darwiniens. Tourmentée et dominée par l’élan de l’amour, la naturelle mortelle cherche à atteindre l’immortalité sous la forme de la continuation de l’espèce, en engendrant. […] Et Diotime parle vraiment comme un disciple de Darwin en expliquant ainsi le sens le plus profond, non seulement de la pulsion sexuelle visant à éviter l’extinction de la lignée, mais de la pulsion qui, sans être dictée par aucun raisonnement, pousse les animaux à s’accoupler, ainsi qu’à toutes sortes de sacrifices pour nourrir, protéger et défendre leur progéniture.
Ce n’est pas un hasard si cette théorie est mise dans la bouche d’une femme, en premier lieu et, en second lieu, d’une femme comme Diotime de Mantinée, initiée à des Mystères qu’on peut légitimement appeler "Mystères de la Mère", et qui renvoient au substrat pré-hellénique, pré-indo-européen d’une culture d’inspiration tellurique et gynécrocratique. […] dans l’optique d’une telle culture, qui plaça le mystère maternel de la génération physique au sommet de sa conception religieuse, l’individu n’a pas d’existence propre ; il est transitoire et éphémère, seule étant éternelle la matrice cosmique maternelle, où il ira se dissoudre mais d’où, éternellement, il renaîtra : tout comme un arbre dont les feuilles mortes sont remplacées par d’autres feuilles. On est ici à l’opposé de la conception de l’immortalité véritable, olympienne, qui implique au contraire la rupture du lien naturaliste et tellurico-maternel, la sortie du cercle pérenne de la génération, l’ascension vers la région de l’immutabilité et de l’être pur.
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Info: Métaphysique du sexe, traduit de l’italien par Philippe Baillet, éditions L'âge d'homme, Lausanne, 2005, page 71
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