La pathologie de la famille est avant tout le reflet du rythme fou imposé par les cadences du néo-capitalisme. Le lieu de refuge organique, rythmé par la communauté villageoise, est devenu terre d’exil.
Cette désagrégation de la cellule familiale sera récupérée par l’idéologie, comme idéologie de l’émancipation. Le coup de force, de terreur – à la campagne – sera camouflé par tout un discours de la libération – à la ville.
En même temps, la société industrielle invente le temps de loisir. Temporalité qui sera le lieu de l’émancipation. Ce temps de loisir va se développer sous la double pression du progrès social (Front populaire, Résistance) et de l’industrie du loisir. Et de telle manière que les conquêtes sociales seront utilisées, exploitées par l’industrie du loisir et du plaisir. Pour en venir au ministère du Temps libre.
Ce qui fait que le nouveau rythme social ne dispose plus de l’unité organique famille/village, d’une temporalité apaisante, de longue durée, lente, équilibrée. A la place, deux systèmes spatio-temporels : le temps de travail et le temps de loisir. Et entre les deux, ce monstrueux cancer spatiotemporel : le temps de transport.
Trois systèmes du vécu sans lien synthétique. Trois mouvances sociales hétérogènes, irréductibles. Et opposées. Contradictoires même. Et chaque système devient de plus en plus complexe. Sa pratique interne de plus en plus différenciée. Aussi, les raccordements des trois existences sont de plus en plus heurtés, conflictuels. On ne peut pas vivre trois vies en une : un temps de travail soumis aux cadences infernales, un temps de loisir plein à craquer, un temps marginal qui n’est ni temps de loisir ni temps de travail, vide à pleurer.
Le système est incapable de proposer un remède à cette situation pathologique. Et pour cause. Ses idéologues refusent toute perspective synthétique. Incurablement empiristes, ils proposent soit des idéologies du travail soit des idéologies du loisir. Encore et toujours la complémentarité du technocrate et du gauchiste. Le technocrate pour technocratiser le temps de travail. Le gauchiste pour gauchiser le temps de loisir.
Le système veut les deux, pour juxtaposer deux univers, les rendre irréductibles, pour que cette opposition spécifique du capitalisme devienne le destin de l’homme : le travail ou la consommation libidinale, ludique, marginale. Et pour interdire ainsi l’étude de la totalité : les rapports de la production et de la consommation.
Les idéologues du travail ne considéreront que l’effet : l’aménagement spatio-temporel. En se gardant bien de changer la cause : le mode de production capitaliste.
Les gauchistes ne retiendront, eux, que l’expression intersubjective de cette névrose objective. Pour proposer des solutions volontaristes et subjectivistes à base de positivisme naturaliste : l’écologie.
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Info: Le capitalisme de la séduction, éditions Delga, 2015, pages 146-148
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