Je m’excuse si en ce lieu ouvert à tous, je demande à ceux qu’unit la même amitié, de porter leur pensée un instant vers un homme qui a été leur ami, mon ami, Maurice MERLEAU-PONTY, qui nous a été ravi mercredi dernier, le soir de mon dernier séminaire, en un instant, dont la mort nous a été apprise quelques heures après cet instant. Nous l’avons reçue en plein cœur.
Maurice MERLEAU-PONTY suivait son chemin, poursuivait sa recherche qui n’était pas la même que la nôtre. Nous étions partis de points différents, nous avions des visées différentes, et je dirai même que c’est de visées tout opposées que nous nous trouvions l’un et l’autre en posture d’enseigner.
Il avait toujours voulu et désiré enseigner, alors que je puis dire que c’est bien malgré moi, que j’occupe cette chaire. Je puis dire aussi que le temps nous aura manqué, en raison de cette fatalité mortelle, pour rapprocher plus nos formules et nos énoncés. Sa place, par rapport à ce que je vous enseigne aura été de sympathie. Et je crois après ces huit jours, où, croyez-le bien, l’effet de ce deuil profond que j’en aurai ressenti m’a fait m’interroger sur le niveau où je puis remplir cette place, et d’une façon telle que je puis me mettre devant moi-même en question, du moins me semble-t-il que de lui, par sa réponse, par son attitude, par ses propos amicaux chaque fois qu’il est venu ici, je recueille cette aide, ce confort, que je crois que nous avions en commun - de l’enseignement - cette idée qui écarte au plus loin toute infatuation de principe, et pour tout dire, tout pédantisme.
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Info: 10 mai 1961
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