L’extraordinaire dynamisme spirituel de la théologie orthodoxe constitue un bien précieux pour tous les chrétiens. Mais sans doute l’unité organique de la perspective orientale est-elle incompatible avec l’unité organique de la perspective latine, et chacune n’a pu développer ses propres virtualités qu’en ignorant pratiquement l’autre. Chacune comporte aussi ses propres limites, tout à fait inévitables. Et il est à craindre qu’en voulant les réunir, on n’ajoute les limites de l’une aux limites de l’autre, et qu’elles ne se corrompent l’une l’autre : le dogmatisme latin étouffera la spontanéité mystique de l’Orient, et la relative répugnance de l’Orient aux formulations extérieures, son "réalisme" pneumatique, fait d’immédiateté et d’intériorité, accentuera chez les modernes Occidentaux le mépris de la théologie et les autorisera à confondre les mouvements de l’âme individuelle avec des mitions du Saint-Esprit. Il est bon que cesse la haine ou le mépris entre orthodoxes et catholiques. Il est souhaitable que la "primauté" du trône de saint Pierre soit reconnue de part et d’autre. Mais il serait catastrophique que cet œcuménisme conduisît à la destruction de ce qui fait la spécificité irremplaçable de chacune.
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Info: Amour et vérité, L’Harmattan, 2011, Paris, pages 253-254
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