D’une matité scintillante, la blancheur de ces seins menus sans être maigres se perdait dans le voile bleuté, pleine de naturel ; elle était visiblement peinte avec âme et, en dépit d’une certaine suavité qui s’en dégageait, l’artiste avait su lui conférer une sorte de réalité scientifique et de précision vivante. Il s’était servi de l’aspect grenu de la toile en le faisant passer pour l’irrégularité naturelle de l’épiderme, sous la peinture à l’huile, notamment dans la région des clavicules légèrement saillantes. Un grain de beauté n’avait pas été omis à gauche, à la naissance des deux seins, et, entre leurs éminences, on croyait voir transparaître des veines à peine bleutées. On eût dit que, sous les yeux du spectateur, un imperceptible frisson de sensibilité passait sur cette nudité. Disons-le tout cru : on pouvait s’imaginer percevoir la transpiration, l’invisible exhalaison vivante de cette peau, et, en y appliquant les lèvres, sentir l’odeur du corps humain et non celle de la couleur et du vernis.
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Info: La Montagne magique
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