Si l’on part de la conception d’une involution croissante qui s’est réalisée dans notre cycle d’humanité à travers la succession de quatre âges ; si l’on admet que nous nous trouvons désormais dans le dernier de ces âges, dans l’ "âge sombre" (kali-yuga) – époque de dissolution, de prédominance des forces élémentaires, où la çakti est comme déliée de tout, tandis que la spiritualité des origines a été presque totalement perdue – la voie réputée capable de répondre à cette situation est celle qu’on pourrait résumer par la formule "chevaucher le tigre". C’est comme dire qu’il ne faut pas éviter une force dangereuse, ni même s’y opposer directement, mais se greffer sur elle en tenant bon, dans l’idée d’avoir finalement le dessus. Les Tantras, dans cette optique, estiment que le lien du secret, qui s’imposait autrefois pour les doctrines et les pratiques de la "Voie de la Main Gauche" à cause de leur caractère périlleux et de la possibilité d’abus, d’aberrations et de déformations, est périmé. […] Il est précisément affirmé qu’il faut adopter "le poison comme antidote du poison". Un autre principe tantrique, c’est que "fruition" et "libération" (ou détachement, renoncement) ne s’excluent pas nécessairement, contrairement à ce que pensent les écoles unilatéralement ascétiques. On se propose comme but de réaliser les deux choses à la fois, donc de pouvoir alimenter la passion et le désir tout en restant libre.
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Info: Métaphysique du sexe, traduit de l’italien par Philippe Baillet, éditions L'âge d'homme, Lausanne, 2005, page 303
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