Nous ne pouvons pas, Mesdames et Messieurs, accompagner à sa dernière demeure celui qui fut pour la plupart d’entre nous un maître très sage et un ami véritable, sans lui dire tout haut les sentiments de reconnaissance et d’affection qui jaillissent silencieusement de nos cœurs.
Pendant de longues années – trop courtes, hélas ! – nous avons eu sa parole affectueuse, et la bonhomie charmante sous laquelle son humilité cachait des trésors de science et des dons admirables. Pendant des années, il nous écouta patiemment, oubliant ses propres inquiétudes, pour se pencher sur nos chagrins ; pendant des années, il ne différa jamais de secourir quiconque venait à lui ; aucune ingratitude, aucun échec ne purent jamais ralentir l’élan de sa triple charité, matérielle, intellectuelle et morale.
Dans le domaine de l’Idée, il fut un novateur et un révélateur ; son génie vigoureux sut infuser une vie neuve aux vieilles traditions momifiées des sagesses mystérieuses, et l’œuvre énorme qu’il laisse derrière lui, pas assez connue encore, sera pour les positivistes de l’avenir une mine inépuisable de théories et d’hypothèses fécondes.
Dans le domaine de l’Action, son œuvre est multiple ; sa force propagandiste à répandu sur toute la terre des semences d’idéalisme, et organisé des Centres où la lumière du Verbe est présentée avec une prévoyante sollicitude, selon les facultés réceptives de ceux que rebutent le matérialisme et le formalisme.
Mais c’est dans le domaine moral surtout que Papus, à mon avis, sut accomplir son Grand-Œuvre : tâche d’autant plus féconde que les fatigues en restent inconnues. Vers les ténèbres les plus épaisses, la Lumière aime surtout à descendre. Et le labeur le plus fertile est celui qui s’effectue dans le silence et le secret. Tous ceux-là qui venaient vers Papus : les malades de corps, les martyrs de l’intelligence, les victimes de la méchanceté générale, qui s’en retournaient soulagés toujours, et bien souvent guéris, combien se doutent qu’ils ne furent allégés que parce que ce mystique médecin avait pris à l’avance sur ses épaules, par le moyen d’un ascétisme intérieur constant, une partie de leur fardeau ?
Je trahis peut-être ici les secrets d’une amitié dont je m’honore infiniment ; mais il me semble juste qu’au couronnement de cette carrière si remplie, une voix dise tout haut ce que tant de reconnaissances murmurent tout bas. L’érudit, le philosophe aux splendides intuitions, le propagandiste puissant, le conférencier applaudi, le voyant, le thérapeute habile ; tous ces aspects admirables s’unissaient en la personne de cet homme de bien, dont la dépouille, dès maintenant vénérable, est confiée aujourd’hui à Notre Mère commune.
Des larmes montent à nos yeux, sans doute, mais nos cœurs savent qu’il n’y a pas de mort. Celui-là que nous saluons avec une grave tendresse, nous a appris que de ce côté du voile sont seulement les fumées passagères. De l’autre côté, se déploient les splendeurs du Réel. Des larmes respectables et touchantes tombent sur cette sépulture entr’ouverte. Mais nous savons que, pour les serviteurs du Ciel, la mort est une invisible apothéose.
Imitons cet initiateur qui voulut n’être qu’un ami pour nous et qui fut assez fort pour cacher ses douleurs et ses misères sous un perpétuel sourire. Séchons nos larmes ; elles le retiendraient dans les ombres ; et réjouissons-nous, comme lui-même se réjouit depuis trois jours de revoir enfin face à face le tout-puissant Thérapeute, l’authentique Pasteur des Ames, l’Ami éternel et Bien Aimé dont il fut le fidèle servant.
Disons ensemble à Gérard Encausse un Au Revoir vaillant ; et donnons-lui, par nos bonnes volontés désormais indéfectibles, la seule récompense digne des si longues fatigues qu’il a endurées pour nous.
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Info: Dans Papus, sa vie, son œuvre, Editions Pythagore, 1932
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