Je dirai pour commencer cette évocation des jours et des années de mon enfance que le seul personnage que je n'ai pu oublier fut la pluie. La grande pluie australe qui tombe du Pôle comme une cataracte, depuis le ciel du cap Horn jusqu'à la Frontière. Sur cette Frontière - Far West de ma patrie - je naquis à la vie, à la terre, à la poésie et à la pluie. Ayant beaucoup vu et beaucoup circulé, il me semble que cet art de pleuvoir qui s'exerçait comme une subtile et terrible tyrannie sur mon Araucanie natale a cessé d'exister. Il pleuvait des mois entiers, des années entières. La pluie tombait en fils pareils à de longues aiguilles de verre qui se brisaient sur les toits ou qui arrivaient en vagues transparentes contre les fenêtres ; et chaque maison était un vaisseau qui regagnait difficilement son port sur cet océan hivernal. Cette pluie froide du sud de l'Amérique n'a pas les violences impulsives de la pluie chaude qui s'abat comme un fouet et qui disparait en laissant le ciel bleu. Bien au contraire, la pluie australe se montre patiente et continue à tomber interminablement du haut du ciel gris.
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Info: J'avoue que j'ai vécu, incipit
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