femme-par-homme

Elle [sa cheville] était fine. Jeanne en était fière. Comme les femmes laides, elle avait des fiertés de détail, celles de ses pieds, de ses cheveux, de ses oreilles.

Toutes ces minauderies m’agaçaient. Je me levai. Elle m’imita, sautant sur la descente de lit pour faire preuve cette fois de souplesse. Comme cela lui arrivait parfois, elle voulait, ce jour-là, opérer pour moi une sorte de recensement de tous ses avantages.

Cependant qu’elle se poudrait debout devant la glace presque horizontale de la coiffeuse, j’étais retourné à la fenêtre. Je posai mon front contre la vitre, au même endroit, parce que la place était encore chaude, et regardai dehors, le rideau humide tiré de façon que d’en face on ne pût voir que mon visage.

Midi était passé. Il n’y avait plus rien à attendre. La pluie continuait de tomber. Elle s’échappait des pots de fleurs par le petit trou du fond. Sur le rebord d’une fenêtre, une bouteille était à demi pleine d’eau malgré l’étroitesse du goulot.

J’entendais Jeanne aller et venir. Soudain elle m’appela. Je me retournai. Nue devant la glace de l’armoire pour qu’elle pût voir ses bras levés, elle avait pris une pose de statue. Tournant la tête vers moi avec précaution, afin de ne pas rompre la ligne de son corps, elle demanda :

- Me trouves-tu bien ainsi ?

Mais quand, fatiguée, elle voulut baisser les bras, elle me pria de fermer les yeux.

Auteur: Bove Emmanuel Bobovnikoff Dugast Vallois

Info: Armand, éditions Sillage, Paris, 2020, pages 74-75

[ couple ] [ lassitude ] [ déception ] [ séduction ] [ indifférence ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Coli Masson

Commentaires

No comments