Platon est censé avoir affirmé l’existence d’un monde intelligible, dont on donne même la formule en grec : cosmos noêtos, alors qu’il n’a jamais employé une telle expression (il parle seulement de topos noêtos, de "lieu" ou "région intelligible"). Quant aux essences, les fameuses Idées (eidos, idéa) ou Formes (morphê), si elles désignent tout autre chose que les idées qu’on a "dans la tête", elles ne constituent pas cependant, comme Aristote semble le croire, des "choses" intelligibles. Cette interprétation "chosiste", qui se rencontre à peu près partout, a pourtant fait l’objet, de la part de Platon lui-même, d’une critique impitoyable dans le Parménide et le Sophiste : nous y reviendrons. Platon n’est donc aucunement "idéaliste". On pourrait sans doute parler, à son sujet, d’un "réalisme des Idées", mais il serait encore plus juste de dire que l’opposition du réalisme et de l’idéalisme n’a ici aucun sens, même si, par ailleurs, nous admettrions, quant à nous, qu’il y a une part de vérité incontestable dans le réalisme comme dans l’idéalisme, entendus au sens ordinaire des termes. Enfin, il n’y a non plus chez lui aucune dépréciation unilatérale du sensible et aucune haine du corps. […] Ce n’est pas le corps en tant que tel qui est "le tombeau de l’âme", c’est le corps en tant que l’âme se soumet volontairement à ses lois […].
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Info: Penser l'analogie, L'Harmattan, Paris, 2012, pages 139-140
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