Le christianisme – mot grec qui signifie messianisme – est l’annonce de la proximité du Royaume, non de sa réalisation plénière. Le Royaume est en nous, par la grâce : il est en dehors de nous dans l’Eglise et les sacrements, mais il n’est pas encore réalisé en acte dans le monde. Le Royaume, c’est la plénitude du Logos. Ce Logos est révélé par le Saint-Esprit : il le communique soit comme un centre au cœur de chaque homme, soit comme une circonférence, dont l’Eglise est l’image visible, à l’horizon de toute chose ; mais la relation qui unit le centre à la circonférence et la circonférence au centre n’est pas encore réalisée.
C’est pourquoi le christianisme ne peut pas énoncer cette relation principielle comme une vérité doctrinale, sa nature "incarnationnelle" s’y oppose ; il peut seulement l’annoncer. Le christianisme, nous l’avons vu, c’est la religion du fait, de l’existentiel : le Logos ne s’y dévoile pas directement à l’intelligence spéculative, Il s’y montre comme un être réel, Il se fait chair. Il se donne sacramentellement dans l’eucharistie. Par conséquent, conformément à son mode révélatoire, le christianisme ne pourrait révéler le plérôme que comme un fait. Or, précisément, le plérôme ne se réalisera qu’à la fin des temps, où Dieu sera tout en tous.
On comprend ainsi que le christianisme, dans ses écrits sacrés, ne semble pas offrir une doctrine métaphysique explicitement intégrale ; laquelle ne saurait consister que dans la réalisation anticipée de l’intégration du multiple dans l’Un, du relatif dans l’Absolu, c’est-à-dire de toute chose en Christ. […] le christianisme exclut – relativement – une possibilité comme celle de la gnose intégrale explicite, parce que celle-ci est une manière, à bien des égards illusoire, de s’établir dans l’être immuable, alors que le chrétien est toujours "en voyage".
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Info: L'intelligence et la foi, L'Harmattant, Paris, 2018, pages 80-81
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