Quand j'étais enfant, j'aimais bien imposer aux gens l'épreuve du silence qui consiste à croiser les bras sans rien dire en attendant que les autres comprennent ce qu'ils ont bien pu faire de mal. Ce qui m'a permis d'apprendre que si la parole ne vaut pas grand-chose, les mimiques sont tout aussi mal comprises des masses, et m'a donc apporté surtout l'isolement et la solitude – que je recherchais d'ailleurs, étant dès cette époque en porte à faux avec la plupart des gens et cherchant sans succès un autre moi-même pour devenir copain avec lui.
Ce n'est que beaucoup plus tard que j'ai appris que la communication n'a rien à voir avec les mots et se produit seulement quand deux personnes, équipées par hasard d'un émetteur et d'un récepteur de la même marque – des trucs que ne révèle aucune radiographie, aucun électro-encéphalo –, parviennent on ne sait comment à se rencontrer dans ce pauvre monde où tout un chacun se trimbale seulement avec du matériel bricolé sur mesure, ou les grandes marques, incompatibles avec la mienne et où la parole n'est vraiment qu'un des accessoires les moins importants.
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Info: Monsieur Butterfly, Seuil, 1987 : pp. 25-26
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