désinformation

C’est pour les villageois que j’éprouve le plus de pitié. Ils ont été des victimes innocentes, comme les enfants. Parce que Tchernobyl n’a pas été inventé par les paysans. Eux, ils avaient leurs propres relations avec la nature. Relations de confiance et non de conquête. Ils vivaient comme il y a un siècle ou un millénaire, selon les lois de la divine providence… Et ils ne comprenaient pas ce qui s’était passé. Ils avaient une foi quasi religieuse dans les scientifiques, dans les gens cultivés. Et nous leur répétions : "Tout va bien. Rien de grave. Il suffit de se laver les mains avant de manger." J’ai compris plus tard, quelques années plus tard, que nous avions tous participé…à un crime…à un complot.

Vous ne pouvez pas vous imaginer en quelles quantités sortaient de la zone d’aide qu’on y envoyait, les compensations pour les habitants : conserves de viande, café, jambon, oranges. Par fourgons entiers. A l’époque, de tels produits n’étaient accessibles nulle part dans le pays. Les vendeurs locaux, les contrôleurs, les petits et moyens fonctionnaires du parti s’en mettaient plein les poches. L’homme s’est révélé un être encore plus infâme que je ne le pensais. Et moi aussi… Plus infâme… Je le sais maintenant. […]

Chacun s’efforçait de justifier ses actes. De les expliquer. J’ai fait moi-même cette expérience. Et, plus largement, j’ai compris que, dans la vie, des choses horribles se passent de façon paisible et naturelle…

Auteur: Alexievitch Svetlana

Info: Témoignage de Zoïa Danilovna Brouk, inspecteur de la préservation de la nature dansLa supplication, Editions Jean-Claude Lattès, 1998, traduit du russe par Galia Ackerman et Pierre Lorrain, pages 171-172

[ intérêts financiers privés ] [ responsabilité ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

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