Cet ARCIMBOLDO se distingue par cette technique singulière qui a porté son dernier surgeon dans l’œuvre par exemple de mon vieil ami Salvador DALI, qui consiste en ce que DALI a appelé "le dessin paranoïaque".
Dans le cas d’ARCIMBOLDO, c’est de représenter la figure par exemple du bibliothécaire - il opérait en grande partie à la cour de ce fameux RODOLPHE II de Bohême qui a laissé aussi bien d’autres traces dans la tradition de l’objet rare - de RODOLPHE II par un échafaudage savant des ustensiles premiers de la fonction du bibliothécaire, à savoir une certaine façon de disposer des livres de façon que l’image d’une face, d’un visage, soit ici beaucoup plus que suggérée, vraiment imposée.
Aussi bien le thème symbolique d’une saison incarnée sous la forme d’un visage humain sera matérialisé par tous les fruits de cette saison dont l’assemblage lui-même sera réalisé de telle sorte que la suggestion d’un visage s’imposera également dans la forme réalisée.
Bref cette réalisation de ce qui dans sa figure essentielle se présente comme l’image humaine, l’image d’un autre, sera par le procédé maniériste réalisée par la coalescence, la combinaison, l’accumulation d’un amas d’objets dont le total sera chargé de représenter ce qui dès lors se manifeste à la fois comme substance et comme illusion, puisque en même temps que l’apparence de l’image humaine est soutenue, quelque chose est suggéré qui s’imagine dans le désassemblement des objets qui, de présenter en quelque sorte la fonction du masque, montrent en même temps la problématique de ce masque.
Ce à quoi nous avons en somme toujours affaire chaque fois que nous voyons entrer en jeu cette fonction si essentielle de la personne, pour autant que nous la voyons tout le temps au premier plan dans l’économie de la présence humaine, c’est ceci : s’il y a besoin de "persona", c’est que derrière, peut-être, toute forme se dérobe et s’évanouit.
Et assurément, si c’est d’un rassemblement complexe que la persona résulte, c’est bien en effet là que gît à la fois le leurre et la fragilité de sa subsistance et que, derrière, nous ne savons rien de ce qui peut se soutenir, car une apparence redoublée s’impose à nous ou se suggère essentiellement comme redoublement d’apparence, c’est-à-dire quelque chose qui laisse à son interrogation un vide : la question de savoir ce qu’il y a derrière au dernier terme.
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Info: 19 avril 1961
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