mari trompé

Quand elle lui faisait son nœud de cravate, elle lui donnait une petite tape sur la joue, après. C’était l’autre qu’elle attendait hier soir. Et lui, le couillon à lui lire son manuscrit ! Pour l’autre, les boiseries repeintes, le nouveau tapis. Trois mille francs au moins, ce tapis. Toutes ces dépenses pour rien. Lui, presque jamais il ne l’avait vue nue, et si ça arrivait, elle se couvrait tout de suite, elle disait que ça la gênait. Mais avec l’autre, ça ne la gênait pas. Toute nue et elle le toucherait à un endroit et ça ne la dégoûterait pas.

- Une grue, voilà.

Et pourtant, non, elle n’était pas une grue, elle était une femme bien. C’était ça justement qui était affreux, une femme bien qui acceptait de faire des saletés avec un homme. Aller tout à l’heure à la gare avec un taxi, demander quel train le train de neuf heures ? Peut-être qu’elle aurait pitié en voyant sa bonne volonté lorsqu’il leur passerait les bagages par la fenêtre. Il ne lui dirait rien, il la regarderait avec des yeux brillants de larmes, des yeux émouvants, et alors peut-être qu’elle descendrait du wagon. Il murmura : "Adrien, mon chéri, je ne pars pas, je reviens à toi."

Mais non, elle ne reviendrait pas. L’autre savait y faire. C’était un amant, il la rendait jalouse, sûrement. Tandis que lui, il avait été honnête avec elle. Lui, rien que de l’affection sérieuse, des attentions. Elle l’en avait puni. Oui, de l’affection sérieuse, de l’affection de cocu, des attentions de cocu. Il se cura le nez devant la petite glace de Mariette, considéra sa cueillette, en fit une boulette qu’il jeta. Quelle importance désormais ? D’ailleurs, en qualité de cocu, il avait le droit. 

Auteur: Cohen Albert

Info: Belle du Seigneur, éditions Gallimard, 1968, pages 769-770

[ rival masculin ] [ injustice ] [ horreur ] [ incompréhension ] [ choc de la découverte ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

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