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initiation

Imaginons la durée du parcours dans ce vide [le désert] où les êtres et les événements paraissent échapper sans cesse au cadre de l’espace et du temps. Parfois, tel un mirage squelettique, un acacia se tord dans la chaleur qui vibre… Un chameau ivre au loin… Des mouches incessantes qu’on voudrait pulvériser. Les pas tristes puis lourds s’additionnent au fil des jours et la nuit les pieds font mal ou sont glacés dans un vent cinglant où, par -4°, on peine à s’endormir. A tout cela vient s’ajouter la soif du jour, brièvement calmée par une eau salée à vomir qui redouble la fièvre et l’envie, par de médiocres sardines étalées sur un pain moisi qu’on se partage avec ânes et chameaux. Au 15e jour, au 20e ou plus tard, il se passe alors quelque chose. Comme s’il avait fallu ce décapage au marcheur, à travers l’aprêté des éléments, pour éroder puis faire chuter "une vision du monde", un autre apparaît et monte comme une aurore dans les paysages d’une âme qui s’étonne de se découvrir ainsi, telle une inconnue à elle-même et qui commence à se dire. Dès cet instant, la vie se transforme. Le désert fonctionne comme un miroir maintenant ; tout le subtil du réel avec ses touches de couleurs variées et ses tonalités superbes de sons et de parfums, de sentir et de toucher, comblent progressivement le voyageur. […] Il semble que la vie, tout en étant là dans sa plus grandiose saveur sensible, dans sa sensualité même, participe à d’autres événements intimes que je ne peux désigner que comme étant ceux de l’âme elle-même, qui prend connaissance de sa propre substance.

Auteur: Albrecht Pierre-Yves

Info: L'initiation, pages 222-223

[ transfiguration ] [ état de conscience ] [ épreuve ] [ dépassement ]

 

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réussite économique

Au printemps la valeur des terrains baissa. Comme chaque fois que des gens de couleur réussissent à s'installer dans le voisinage des blancs et refusent de quitter la place, les Bloom faisaient le vide autour d'eux.

Au début de l'été, l'on apprit que Mac Klem Lodge était à louer : le juge et sa femme évacuaient le pays, cela jeta le désarroi dans le camp ennemi.

A l'automne, tout Forest Hill fut à vendre. Octavius put acquérir à New-York, vit du monde, exposa habilement son projet de création d'une station d'été réservée aux noirs, à proximité des grands centres, avec attractions, cirque, golf et piscine d'eau de mer chaude. Les nouveaux riches de Harlem, le petit commerce de la ceinture noire, à Chicago, qui, depuis la prohibition a pris le goût de placer ses économies dans des spéculations de terrains, se laissèrent séduire. La crise, le grand organe de couleur, se montra favorable à l'entreprise et la soutint par une campagne financière...

Maintenant, Octavius Bloom est un boss. Il fume dès le matin des cigares du Texas. Il a acheté Mac Klem Lodge. Il dit à tout instant : "nous autres Noirs..." Il vaut deux millions de dollars. Poolie est mariée à un avocat de La Nouvelle-Orléans.

Tous ignorent la vraie raison de ces succès inespérés : c'est que la tante leur a cousu dans les doublures de petites poupées consacrées. La vieille Mme Bloom, négresse madrée que la civilisation du Nord n'étonne pas, vit encore. On l'entend, de son lit, le matin, chanter d'anciennes chansons créoles, entre autres : Ah ! tincoutou. C'est la complainte d'une mulâtresse qui voudrait devenir blanche, mais qui ne trouve pas le bon savon.

Auteur: Morand Paul

Info: Magie noire (1928, 227 p., Grasset, les cahiers rouges)

[ nouveau monde ] [ états-unis ] [ communautarisme ]

 

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contentement

Des heures d'affilée, je restais étendu au soleil à ne rien faire, à ne penser à rien. Entretenir le vide dans l'esprit, c'est un exploit, et un exploit rudement salubre. Ne pas dire un mot de toute une journée, ne pas voir de journal, ne pas entendre de radio, ne pas écouter de commérages, s'abandonner absolument, complètement, à la paresse, être absolument, complètement indifférent au sort du monde, c'est la plus belle médecine qu'on puisse s'administrer. (...) Le corps se change en un instrument tout neuf, merveilleux ; on regarde les plantes, les pierres, les poissons, avec d'autres yeux ; on se demande où veulent en venir les gens en ce démenant au milieu de leurs activités frénétiques (...). Si seulement on pouvait éliminer la presse - quel grand pas en avant nous ferions, j'en suis sûr ! La presse engendre le mensonge, la haine, la cupidité, l'envie, la suspicion, la peur, la malice. Qu'avons-nous à faire de la vérité, telle que nous la servent les quotidiens ? Ce qu'il nous faut, c'est la paix, la solitude, le loisir. Si nous pouvions tous nous mettre en grève et renier sincèrement tout intérêt pour ce que fait le voisin, peut-être arriverions nous à signer un nouveau bail de vie, à apprendre à nous passer de téléphone, de radio et de journaux, de machines de toutes sortes, d'usines, de fabriques, de mines, d'explosifs, de cuirassés, de politiciens, d'hommes de loi, de conserves, de trucs et de machins, même de lames de rasoir, ou de cellophane, ou de cigarettes, ou d'argent. Rêve fumée, bien-sûr. Quand les gens se mettent en grève, ce n'est que pour réclamer de meilleurs conditions de travail, de meilleurs salaires, de meilleures chances de devenir autre choses que ce qu'ils sont.

Auteur: Miller Henry

Info: Dans "Le colosse de Maroussi"

[ état méditatif ] [ désaliénation ] [ simplicité volontaire ] [ laisser-aller ]

 
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propagande

En ce dimanche grisâtre et venteux, j’encourage chacun à zapper de BFM à Cnews et inversement. Impossible de ne pas relever la différence de ligne éditoriale. Sur Cnews, la campagne électorale est à l’honneur. On parle de l’Ukraine bien sûr. Mais raisonnablement.

Sur BFM, c’est une tout autre histoire. Il n’y en a que pour l’imminente guerre en Ukraine. Les messages de l’Élysée, avec leurs éléments de langage, sont repris en boucle :

- "une guerre au cœur de l’Europe". L’Ukraine est donc au cœur de l’Europe ? Première nouvelle, pour un pays qui n’est pas dans l’UE et aux confins du continent européen.

- en une des informations essentielles, Macron appellera Poutine à 11h ce matin. Le compte à rebours est démarré et s’arrêtera à 11h, lorsque notre président, tel un messie, appellera Vladimir Poutine pour tenter de sauver la planète de la guerre mondiale nucléaire qui semble s’annoncer. Les journalistes de la rédaction de la chaîne info attendent fébrilement cette conversation téléphonique de la dernière chance. Manu can do it. Ils y croient.

- "ce pourrait être une guerre d’invasion qui irait jusqu’à Kiev". Et ça se dit journaliste. Cette guerre ne date pas d’hier. Elle a démarré en 2014, avec des moments de plus ou moins grandes tensions. Personne, à l’exception de Biden et de ses vassaux, au premier rang desquels on trouve Macron, ne croit à l’extension de ce conflit au delà du Donbas. Ni en Ukraine, ni en Russie, ni dans le monde. Par contre, sur BFM, on y croit dur comme fer.

- "très compliqué pour Macron, étant donné la gravité de la situation, de se déclarer candidat". Je me marre. Pas d’autre commentaire.

Plus aucun doute n’est possible, BFM est bien la chaîne du Président.

Auteur: Sasson Elie

Info: Publication facebook du 20.02.2022

[ détournement d'attention ] [ mensonges médiatiques ] [ journalisme au service de l'état ]

 

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survie

Soumis au manque de sommeil, à la faim et la soif intense qui le pousse à boire son urine, il perd régulièrement les repères temporels et spatiaux communs. Apparaissent alors des états psychiques inhabituels. Il s’agit très souvent de souvenirs de moments heureux passés avec des amis ou sa famille, mais qui ont la particularité de se rassembler dans une lente revue panoramique du passé procurant un sentiment d’apaisement et lui permettant de délivrer une sorte de message de remerciement et d’adieu à tous ceux qu’il a côtoyés. Il peut s’agir aussi de véritables moments hallucinatoires qui n’ont pour lui ni la qualité d’un rêve ni celle d’un souvenir. Ainsi, le matin du troisième jour, il est réveillé de sa somnolence par la vision intérieure, proche d’une image télévisuelle, de sa mère hurlant le prénom de son père pour lui annoncer une mauvaise nouvelle et Ralston sait, à l’instant de cette vision, que c’est de lui dont il est question. À d’autres moments, il vit une transformation imaginaire radicale de son environnement immédiat, proche cette fois du rêve lucide, dans laquelle des visages souriants surgissent des rochers alentours ; il les associe encore à ses amis, mais le rapport à ces figures est teinté d’ambiguïté car si elles cherchent à communiquer avec lui par des gestes ou la pensée pour le rassurer, ce qui l’envahit d’un immense sentiment de réconfort, il perçoit qu’il est comme invité à venir au milieu d’elles afin d’être mené jusqu’à une limite, qu’il ne franchit pourtant jamais. En général, une voix intérieure interrompt ces moments bienheureux pour le sommer de s’occuper de son corps secoué par les spasmes dus à l’hypothermie. Ce corps, il s’en déconnecte parfois et le voit de haut, cette "conscience" pouvant s’en aller loin du canyon pour "survoler" le Pacifique comme un photon interstellaire ou un oiseau !

Auteur: Le Maléfan Pascal

Info: A propos d'Aron Ralston qui a survécu à un accident de montagne au cours duquel il a dû se couper le bras afin de pourvoir en réchapper, https://www.cairn.info/revue-etudes-sur-la-mort-2010-1-page-167.htm

[ lutte ] [ état de conscience non ordinaire ]

 
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attitude borderline

[Dans la pratique de la psychiatrie infantile, un enfant paraît particulièrement vivant, charmant, créatif.] Néanmoins, à l’arrière-plan, il y a une dépression ou une sorte de paralysie ou d’impuissance qui, à la maison, est la symptomatologie principale, ce qui dénote qu’il y a quelque chose qui ne va pas quelque part du point de vue de la mère.
Il a fallu plusieurs années pour réaliser que ces enfants me divertissaient, tout comme ils avaient le sentiment qu’il fallait qu’ils divertissent leur mère pour prendre soin de l’humeur dépressive de celle-ci. Ils prenaient soin de ma dépression […] ou l’empêchaient d’advenir, en m’attendant, ils faisaient des dessins charmants et coloriés ou même écrivaient des poèmes pour que je les ajoute à ma collection. Je me suis souvent laissé prendre avant de réaliser finalement que les enfants étaient malades et me montraient une organisation de faux-Self […].
[En contrepartie] la mère devait supporter la haine qui fait partie du sentiment qu’a l’enfant d’être exploité et d’avoir perdu son identité. [Chez le garçon, ce sentiment se traduit par la régression.] Dans tous les cas il y a une organisation du faux-Self : c’est le mieux que puisse faire l’enfant pour garder le contact avec une mère susceptible de souffrir d’humeur dépressive. […]
Ces enfants sont toujours en train d’essayer de parvenir au point de départ ; quand finalement ils l’atteignent, c’est-à-dire quand ils atteignent le lieu où la mère n’est pas déprimée, ils sont toujours épuisés et ont besoin de repos si bien qu’ils ne peuvent pas en venir à leur vie à eux. […]
Pour ces enfants, s’accomplir c’est parvenir à réparer quelque chose qui ne va pas chez la mère et, par conséquent, cela ne les avance personnellement à rien. […] Dans l’analyse de ces enfants, il est nécessaire de parvenir à quelque chose de nouveau, qui est la destructivité dans la réalité psychique interne, la destructivité qui appartient effectivement à l’enfant et non pas à la mère.

Auteur: Winnicott Donald W. Woods

Info: Dans "La crainte de l'effondrement" page 190

[ étiologie ] [ faux moi ] [ état-limite ] [ épuisement psychique ] [ mère-enfant ]

 

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hiérarchie

Il ne faut rien exagérer. La judéo-gangsterie américaine a beau raffiner son boucan énorme, c'est pas elle quand même qui décide des choses vraiment graves, celles qui engagent toute la juiverie. Pas du tout ! Dans les conciles décisifs de la politique juive mondiale, Washington compte pour du beurre. Le personnel politique judéo-américain s'est toujours, partout, démontré d'une connerie sans nom. Il n’a pas droit à la parole. C'est Londres-l'hypocrite qui garde la haute main, le pouvoir très absolu, (par l'intelligence service) de guerre et de paix. Washington ne rame qu'à la traine avec son quarteron marrant de féodaux de la conserve et du soutien-gorge, éberlués du dollar, vieux aventuriers goujatiers, exhibitionnistes, analphabets retraités dans les protocoleries gâteuses.

Washington-la-conne n'ose jamais, ne prend jamais sur la scène mondiale d'initiatives majeures. C'est toujours Londres qui la règle dans toutes ses allures, fringantes, endiablées, sournoises, sermonneuses.

C'est Londres aussi qui règle Moscou dans ses perversités geôlieres, ses partouzes d'aveux spontanés, autant, pas plus, mais pas moins qu'elle oriente tous nos Orients, nos loges pas souveraines, nos trébuchets ministériels, notre démocratie française haletante. Les sages de Londres ne demandent aux Judéo-américains, obtuses, dépravées, infantiles brutes, que leur pétrole surabondant, leur coton, leurs avions, leur cinéma, leur or, leur 70 pour 100 de l'industrie mondiale, leur inégalable tapagerie-bastringue, leur propaganderie abracadabrante, leur bluff cyclopéen. C'est tout. Le matériel en temps voulu, la hurlerie en temps voulu. Pas d'avantage.

On ne leur demande jamais d'idées, surtout pas d'idées, on leur en fait grâce. Les Judéos-américains sont célèbrement idiots, atterants de sottise, voyez Roosvelt, Otto Khan, Morgenthau, Filène, Barush, Rosenthal... Regardez ces têtes de cons... Sottise en personnes ! Londres se méfie de leurs idées pires que de la peste. Les Judéos-américains ne se mettent en branle qu'au commandement de la cité, pour déverser leur brocante, à toute berzingue, toute leur quincaillerie, le crédit, leurs huiles puantes, leur tintamarre, leurs filmeries, où on leur dit, ici, là-bas à l'endroit juste...

Tous les déclics de la guerre, de la paix, sont à Londres...

Auteur: Céline Louis-Ferdinand

Info: l'école des cadavres (1938, 305 p.)

[ empire ] [ domination ] [ état profond ] [ lobby ] [ réseaux occultes ]

 
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transmigrations

Les expériences les plus déconcertantes étaient celles dans lesquelles la conscience du patient semblait s'étendre au-delà des limites habituelles de l'ego et explorer ce que c'était que d'être d'autres êtres vivants et même d'autres objets. Par exemple, Stanislav Grof avait une patiente qui fut soudainement convaincue d'avoir pris l'identité d'un reptile préhistorique féminin. Non seulement elle donna une description richement détaillée de ce qu'elle ressentait en étant encapsulée dans une telle forme, mais elle indiqua que la partie de l'anatomie du mâle de l'espèce qu'elle trouvait la plus excitante sexuellement était une tache d'écailles colorées sur le côté de sa tête. Bien que la femme n'ait pas eu de connaissances préalables sur ce sujet, une conversation que Grof eut avec un zoologiste confirma par la suite que chez certaines espèces de reptiles, les zones colorées sur la tête jouent effectivement un rôle important en tant que déclencheurs de l'excitation sexuelle. Certains patients pouvaient également accéder à la conscience de leurs proches et de leurs ancêtres. Une femme fit l'expérience de ce qu'était sa mère à l'âge de trois ans et décrivit avec précision un événement effrayant qui avait frappé sa mère à l'époque. La femme donna également une description précise de la maison dans laquelle sa mère avait vécu ainsi que du tablier blanc qu'elle portait - tous détails que sa mère confirma plus tard en admettant qu'elle n'en avait jamais parlé auparavant. D'autres patients ont donné des descriptions tout aussi précises d'événements survenus à des ancêtres qui avaient vécu des décennies, voire des siècles auparavant. D'autres expériences ont conduit à l'accès à de souvenirs raciaux et collectifs. Des individus d'origine slave ont vécu ce que c'était que de participer aux conquêtes des hordes mongoles de Gengis Khan, de danser en transe avec les bushmen du Kalahari, de subir les rites d'initiation des aborigènes australiens et de mourir comme victimes sacrificielles des Aztèques. Et encore, les descriptions contenaient fréquemment des faits historiques obscurs et un degré de connaissance qui était souvent en contradiction totale avec l'éducation du patient, sa race et son exposition antérieure au sujet. Par exemple, un patient sans instruction a donné un compte rendu richement détaillé des techniques d'embaumement et de momification utilisées en Égypte, y compris la forme et la signification de diverses amulettes et boîtes sépulcrales, une liste des matériaux utilisés pour fixer le tissu de la momie, la taille et la forme des bandages de la momie, et d'autres facettes ésotériques des services funéraires égyptiens. D'autres individus se sont connectés aux cultures de l'Extrême-Orient et ont non seulement donné des descriptions impressionnantes de ce que c'était qu'avoir une psyché japonaise, chinoise ou tibétaine, mais ont également relaté divers enseignements taoïstes ou bouddhistes.

Auteur: Talbot Michael Coleman

Info: L'univers holographique

[ états modifiés de conscience ] [ télépathie ]

 

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sensibilité médiévale

Evoquons devant nous les contemporains de François Rabelais, leurs violences et leurs caprices, leur peu de défense contre les impressions du dehors, l’extraordinaire mobilité de leur humeur, cette étonnante promptitude à s’irriter, à s’injurier, à tirer l’épée, puis à s’embrasser et à se cajoler : tout ce qui nous explique tant de querelles pour rien, d’accusations atroces de vol et de plagiat, d’appels à la justice de Dieu et des hommes – à quoi sans intervalles succèdent d’affreux coups d’encensoir, et les plus folles comparaisons avec Homère, Pindare, Virgile et Horace. Produits naturels d’une vie toute en contrastes. Et bien plus marquée que nous ne saurions l’imaginer. Contrastes du jour et de la nuit, ignorés de nous dans nos demeures électrifiées ; contrastes de l’hiver et de l’été, adoucis pour nous, en temps normal, par mille inventions : ils en subissaient eux, la rigueur et la nécessité, à peu près sans atténuation, et pendant des semaines et des mois. Egalisation des conditions de vie, égalisation des humeurs : les deux se suivent et se conditionnent. Mais pareillement nos nerfs se sont blasés. Nous avons trop mangé de fruits – de ces fruits dont nous gardons, comme dit la Bible, "les dents agacées". Eux ? Ce n’étaient point des blasés, Dieu non ; et pour ne retenir que cet exemple, comme ils étaient sans défense contre l’attaque violente et souveraine des sons ! Pensons toujours à ce passage des Contes d’Eutrapel où Noël Du Fail nous décrit l’effet, sur les hommes de son temps, du célèbre chœur descriptif de Clément Janequin, la Bataille de Marignan. Personne qui échappât aux prises de cette musique puissante et puérile avec ses "bruits de bataille" en harmonie imitative, personne qui, exalté par les sons, « ne regardât si son épée tenoit à son fourreau, et ne se haussât sur ses orteils pour se rendre plus bragard et de la riche taille..."

Simples gens, qui se livraient sans contrôle. Mais nous nous refoulons.

[...] Voici qui déjà nous avertit qu’entre les façons de sentir, de penser, de parler des hommes du XVIe siècle et les nôtres – il n’y a pas vraiment de commune mesure. Nous enchaînons : ils laissent flotter. Des générations, depuis le XVIIe siècle et Descartes, ont inventorié pour nous, analysé, organisé l’espace. Elles nous ont dotés d’un monde bien arrêté où chaque chose et chaque être a ses frontières parfaitement délimitées. Des générations, depuis la même époque, ont travaillé à faire du temps, de plus en plus précisément mesuré, le cadre rigide de nos activités. Tout ce grand travail, au XVIe siècle, commençait à peine. Ses résultats n’avaient point encore, par voie de conséquence, engendré en nous le besoin impérieux d’une certaine logique, d’une certaine cohérence, d’une certaine unité.

Auteur: Febvre Lucien

Info: "Le problème de l'incroyance au 16e siècle", éditions Albin Michel, Paris, 1968, pages 99-100

[ état d'esprit ] [ contextualisation ] [ exacerbée ] [ incompréhensibilité moderne ]

 

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barbarie

Alors un de nos cow-boys a pris la parole. Il avait servi dans le 1er régiment de cavalerie du Colorado, et il avait assisté au massacre. Son capitaine, qui s’appelait Silas Soule, avait refusé d’obéir à Chevington qui lui ordonnait d’attaquer un village pacifique dans lequel un des chefs cheyennes, Black Kettle, faisait flotter le drapeau blanc et le drapeau américain sur son tipi. Mais Chevington a donné l’assaut avec les autres régiments. Quand les tirs ont commencé, des dizaines de femmes et d’enfants sont venus à la rencontre des soldats, les mains en l’air ou en agitant des drapeaux blancs en signe de reddition. Certains, à genoux, ont supplié qu’on leur laisse la vie. Les soldats leur ont fracassé le crâne à coups de crosse, tuant les squaws, les vieillards, les enfants, les bébés. D’autres ont tenté de fuir en suivant le lit de la rivière, sec à ce moment de l’année, et le sable les empêchait de courir. Un petit garçon de trois ans, tout seul, essayait de les rattraper. Ses parents étaient sans doute déjà morts. Trois soldats ont parié entre eux pour savoir lequel l’abattrait le premier. Deux l’ont raté, mais pas le troisième. Le gamin a mordu la poussière. Après avoir tué autant d’Indiens qu’ils le pouvaient, les militaires ont scalpé les morts… Femmes, enfants, nourrissons… Ils ont mutilé leurs corps, leur ont tranché les oreilles, les doigts, le nez, les organes génitaux. Chivington et ses hommes s’en sont servis pour décorer leurs chapeaux, leurs uniformes, leurs selles. L’un d’eux a ouvert le ventre d’une squaw enceinte et le fœtus est tombé à terre. Un autre a coupé les testicules d’un chef pour s’en faire une blague à tabac. Voilà ce que nous a raconté notre collègue, ce soir-là, ce qu’il avait vu… Il avait besoin de se décharger de tout ça et il ne pouvait plus s’arrêter. Il s’est mis à pleurer et il en avait encore, des horreurs, à nous dire. Les autres se sont couchés, mais il parlait tout seul, devant les braises en train de s’éteindre. Je n’oublierai jamais ce pauvre gars. Au milieu de la nuit, un coup de feu a retenti. Il s’était tiré une balle dans la tête. Le seul moyen qu’il avait trouvé pour faire taire ces voix qui le hantaient. "Voilà, June, pourquoi je ne veux pas retourner là-bas, encore moins y passer la nuit. Si on y va quand même, tu seras obligée de les voir à genoux, implorer la pitié, ou courir vers le lit de la rivière. Tu entendras les cris, les hurlements, des hommes, des femmes, des gamins, des fillettes… pendant que les soldats leur arrachent la tête et les taillent en morceaux. Tu verras peut-être même les enfants de Gertie s’effondrer. Seulement, il n’y a rien qu’on puisse faire, ni toi, ni moi, ni personne. Tu ne sens pas que ça grouille sous tes pieds, à l’endroit où on est ? Cette terre est maudite depuis le massacre. Le mieux est encore de laisser les morts tranquilles, en espérant qu’ils trouvent un jour la paix."

Auteur: Fergus Jim

Info: May et Chance

[ colonialisme ] [ états-unis ]

 
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