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métaphysique

Pour saisir la véritable distinction d’intellectus et de ratio, et la juste subordination que l’on doit établir entre eux, il suffit d’interroger la plus que millénaire tradition philosophique de l’Occident latin.

S. Augustin nous présente cette distinction avec toute la clarté désirable. Sa doctrine est simple : si la connaissance humaine commence par la raison qui cherche, elle se termine par l’intellect qui trouve. “La raison est un mouvement capable de distinguer et de relier nos connaissances entre elles ”. Mais : “autre est l’intellect, autre la raison”. L’intellectus ou intelligentia (“l’intellect ou l’intelligence”), en effet, est la faculté supérieure de l’âme humaine, directement illuminée par la lumière divine : “Il y a dans notre âme quelque chose que l’on appelle intellect. Et cette partie de l’âme, que l’on appelle intellect ou esprit, est elle-même illuminée d’une lumière supérieure. Or, cette lumière par laquelle l’esprit est illuminé, c’est Dieu.” […] En somme, la raison se distingue de l’intellect comme la science (en vue de l’action) se distingue de la sagesse (en vue de la contemplation) : “Si donc il existe une exacte distinction de la sagesse et de la science, savoir, qu’à la sagesse appartient la connaissance intellective des choses éternelles, tandis qu’à la raison appartient la connaissance rationnelle des choses temporelles, il n’est pas difficile de juger laquelle est la première et laquelle est la seconde.”

La doctrine de S. Thomas d’Aquin ne diffère guère de celle de S. Augustin. Du moins les distinctions terminologiques sont-elles identiques de part et d’autre. “La raison diffère de l’intellect comme la multiplicité de l’unité ; d’où vient que Boèce, au livre IV du De Consolatione, dit que la raison se trouve dans le même rapport à l’intellect que le temps à l’éternité, et le cercle au centre. C’est en effet le propre de la raison de se répandre en tous sens sur une foule de choses, et d’en tirer, en les rassemblant, une connaissance une et simple. […] Mais à l’inverse l’intellect commence d’abord par la considération de la vérité une et simple, puis saisit en elle la connaissance de tout le multiple, de même que Dieu, par l’intellection de son essence, connaît toute chose. 

Cet intellect, non seulement reçoit en lui les connaissances qui viennent de l’extérieur, en tant qu’intellect passif, mais encore, en tant qu’intellect actif, il illumine la connaissance reçue pour en révéler à lui-même la dimension intelligible, comme un œil qui éclairerait ce qu’il voit. […] De grands thomistes affirment qu’il n’y a pas d’intuition intellectuelle chez S. Thomas (cf. par exemple, Sertillanges, Saint Thomas d’Aquin, Alcan, 1912, t. 1, p. 134). C’est même là la thèse généralement admise. Nous avons expliqué pourquoi elle nous paraissait très incomplète (cf. notre article : "La notion d’intellect chez saint Thomas d’Aquin", publié dans la revue Philosophia perennis, n°3, janvier-février 1970). Rappelons seulement ici que, pour S. Thomas : “la raison et l’intellect diffèrent quant au mode de connaissance, parce que, si l’intellect connaît par simple intuition (simplici intuitu), la raison, elle, connaît les choses discursivement.” (Somme théologique, I, q. 59, a. 1, ad 1). D’autre part, comme nous l’avons rappelé, c’est l’intellect qui [d'après S. Thomas] est béatifié et s’unit à l’Essence divine.

Auteur: Borella Jean

Info: Amour et vérité. La voie chrétienne de la charité, chap. VII : "La constitution de l’Homme selon la méthode philosophique", III, "La tripartition anthropologique", 8, "Intellectus et ratio chez S. Augustin et S. Thomas d’Aquin", L’Harmattan, coll. Théôria, Paris, 2011, pp. 113-116.

[ différences ] [ curiosité instinctive ]

 

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protestantisme

Dans les rapports de l’homme avec Dieu, rien de juridique. Tout est amour, un amour agissant et régénérateur, témoigne à la créature déchue par la Majesté redoutable. Un amour qui l’incline, non point à pardonner à l’homme ses péchés, mais à ne point les lui imputer. Tout pécheur qui, se reconnaissant comme tel, acceptant sur sa misère morale et sa souillure le témoignage d’une conscience sans complaisance, sent et atteste que Dieu, le seul juste, est pleinement en droit de le rejeter ; en langage luthérien, tout homme qui reçoit le don de la foi (car la foi pour Luther n’est pas la croyance ; c’est la reconnaissance par le pécheur de la justice de Dieu  ) — tout pécheur qui, se réfugiant ainsi au sein de la miséricorde divine, sent sa misère, la déteste, et proclame par contre sa confiance en Dieu : Dieu le regarde comme juste. Bien qu’il soit injuste ; plus exactement, bien qu’il soit à la fois juste et injuste : Revera peccatores, sed reputatione miserentis Dei justi ; ignoranter justi et scienter injusti ; peccatores in re, justi autem in spe  ... Justes en espérance ? par anticipation plus exactement. Car ici-bas, Dieu commence seulement l’œuvre de régénération, de vivification, de sanctification qui, à son terme, nous rendra justes, c’est-à-dire parfaits. Nous ne sommes pas encore les justifiés, mais ceux qui doivent être justifiés : non justificati, sed justificandi.

Donc les œuvres disparaissent. Toutes. Arbitramur justificari hominem per fidem, sine operibus legis [Car nous estimons que l'homme est justifié par la foi, sans les oeuvres de la loi] : Luther rencontrait dans l’Épître aux Romains (III, 28) la formule fameuse. Dès 1516, il repoussait avec force l’interprétation traditionnelle : opera legis, les pratiques extérieures. Erreur, s’écriait-il dans une lettre à Spalatin du 19 octobre 1516 ; et déjà, annonçant de futurs combats : "Sur ce point, sans hésitation, je me sépare radicalement d’Érasme". Opera legis, toutes les œuvres humaines, quelles qu’elles soient ; toutes méritent la réprobation de l’apôtre. Le salut ? Il nous vient de sentir en nous, toujours, le mal agissant et notre imperfection. Mais aussi, si nous avons la foi, de porter Dieu en nous. De sa seule présence naît l’espoir d’être justifié, de prendre rang parmi ces élus que, de toute éternité, il prédestine au salut, parce qu’il les aime assez pour les appeler à la vie éternelle. […]

Conception d’accent tout personnel. On voit de suite en quoi, et comment, elle pouvait procurer à Luther ce calme, cette paix que la doctrine traditionnelle de l’Église ne lui ménageait point. Ce mécontentement de lui-même qui ne l’abandonnait jamais ; ce sentiment aigu de la ténacité, de la virulence perpétuelle du péché qui persistait en lui à l’heure même où il aurait dû se sentir libéré et purifié ; cette conscience de ne jamais réaliser, même au prix des plus grands, des plus saints efforts, que des œuvres souillées de péché, d’égoïsme ou de convoitise ; tout ce qui faisait le désespoir, l’anxiété, le doute atroce de Luther — tout cela, il le concevait maintenant avec une force, une clarté indicibles : conditions voulues, par Dieu conditions normales et nécessaires du salut. Quel soulagement, et quelle résurrection !

Auteur: Febvre Lucien

Info: Un destin : Martin Luther, PUF, 1968, pages 34-35

[ théologie ] [ bénéfices secondaires ]

 

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cognition

Les couleurs et les sons

Leonard Bernstein a affirmé : " Un compositeur de symphonie a devant lui toutes les notes de l'arc en ciel". Plus qu’une transdisciplinarité, l’association de la musique et de la couleur est un énomène qui a toujours existé. Les expériences multisensorielles dans l’art sont nombreuses. Voyons ici comment mettre à profit ce lien son/couleur dans l’apprentissage des enfants, notamment en ce qui concerne la lecture et l’écriture.

Chromesthésie

Derrière ce nom compliqué, se cache la capacité à percevoir différemment le son et à le ressentir "visuellement". Cette particularité ne concerne que peu de personnes et fait référence de manière plus large à l’expérience singulière de la synesthésie, terme signifiant en grec ensemble et sens. Autrement dit, certains individus goûtent une couleur, voient un son ou bien sentent un mot. 

Entre autres synesthètes célèbres, l’on trouve Vincent Van Gogh, Duke Ellington, Jean Sibelius ou encore Wagner avec son œuvre d’art totale le Gesamtkunstwerk. Goethe quant à lui a déclaré que "la couleur et le son ont la même source […] mais coulent dans des conditions différentes". Ainsi, textures, formes et couleurs apparaissent dans le champ de perception du synesthète lors de la stimulation par la musique ou les notes. En 1842 Franz Liszt aurait à ce sujet interloqué les musiciens de l’orchestre de Weimar lors d’une répétition en leur demandant de jouer "un peu plus bleu […] et "moins rose".

Faciliter l'apprentissage par les sons et les couleurs

Ce phénomène neurologique étrange et individuel nous emmène au potentiel pédagogique contenu dans l’association des sons et des couleurs. Comment faciliter les apprentissages des enfants si ce n’est par l’aspect multisensoriel et ludique des vibrations et de la couleur ? Lorsque par exemple à travers la lecture les enfants ne reconnaissent pas toutes les voyelles dans un texte, les couleurs auxquelles ils sont très réceptifs les aident. En effet, plus ils rencontrent les graphies d’un son coloré, plus ils s’en imprègnent facilement.  D’autre part, ils parviennent à déchiffrer les sons non appris grâce aux couleurs. Les enfants allophones apprennent de plus les couleurs comme premiers mots. 

Le principe pédagogique pour s’approprier la correspondance entre les graphèmes et la couleur est le suivant : le son est inclus dans le nom de la couleur : jAUne, rOUge nOIr, marrON etc. Créer un arc-en-ciel de sons complexes représente un outil efficace pour les plus petits ou les enfants en difficulté car il repose sur un moyen mnémotechnique simple. Ce dernier contribue à faciliter le décodage et l’encodage des associations graphèmes phonèmes. Le son audible par l’oreille associé à une couleur perceptible par l’œil ancre mentalement la phonétique.

Il est aussi possible de trouver une correspondance entre timbres des instruments de musique et couleurs ; ainsi les enfants peuvent manipuler et moduler les sons et jouer à reconnaître les couleurs de leur choix.  Lorsque les sens sont associés et que les gestes se joignent à la parole et à l’écoute des sons, cela concourt à l’apprentissage tant de la lecture que de l’écriture. Composer et lire des syllabes en couleurs constitue un véritable tremplin sensoriel pour développer les capacités de l’enfant.

Auteur: Alcais Claire

Info: https://icm-association.fr/le-blog/collectivites-locales/les-couleurs-et-les-sons. 19 avril 2022

[ éducation ] [ pédagogie ] [ ondes ] [ double perception ] [ septénaires ]

 

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apprentissage du langage

[…] la maîtresse d’Helen Keller, Ann Sullivan, s’efforçait d’apprendre à son élève à communiquer à l’aide de signes, alors confondus à des signaux, en tapant d’une manière déterminée selon les cas, dans la paume de l’enfant. Elle voulait ainsi associer à la perception d’un signal la sensation d’un objet. Par exemple, elle plaçait la main droite d’Helen sous un jet d’eau fraîche, pendant que sur l’autre, elle frappait le signal convenu. Dans cette pratique, spontanément behaviouriste, le signe est conçu comme l’index de son référent, qu’il a pour fonction essentielle d’évoquer. On prouvera qu’on a compris ce qu’est un signe si l’on peut user de cet index pour désigner le référent, quand on en a besoin. Tout être capable d’un tel comportement sera réputé savoir "parler". Or, la difficulté étonnante à laquelle se heurta Ann Sullivan, est que la petite Helen, tout en étant à même de communiquer quelques-uns de ses besoins au moyen des signaux que sa maîtresse lui avait appris à utiliser, semblait néanmoins piétiner à la porte d’un monde interdit. Il y avait là pourtant tous les éléments d’une relation de communication : émetteur, récepteur, médium de transmission et code. Plus encore : cet ensemble fonctionnait, mais la petite Helen – elle avait alors six ans – ne savait toujours pas parler.

Le miracle se produisit le 5 avril 1887. Ann Sullivan s’efforçait inlassablement d’épeler le mot tasse dans la main d’Helen, puis lui en donnait une à tenir. "Elle versait ensuite de l’eau dans la tasse, y trempait le doigt de l’enfant, et attendait, espérant qu’Helen réagirait en épelant e-a-u". En vain. Etant descendue au jardin afin de distraire l’enfant, elle s’approcha avec elle d’un puits d’où le jardinier tirait un seau d’eau. Une dernière fois, elle lui mit la tasse dans la main, y fit couler un peu d’eau, et épela water, sur l’autre main, de plus en plus rapidement, cette eau qu’Helen aimait à faire couler sur sa main. Soudain l’enfant lâcha la tasse, et, pétrifiée, laissa une pensée envahir et illuminer son esprit : w-a-t-e-r ! w-a-t-e-r ! cette chose merveilleusement fraîche, cette chose amie, c’était w-a-t-e-r ! Elle venait de comprendre que toute chose a un nom, que toute chose peut être dite ou signifiée, que le signe énonce la chose, ou encore qu’il l’exprime, c’est-à-dire que le rapport qui unit la chose à son index n’est pas celui d’une association entre deux perceptions sensibles […] mais un rapport de représentation, en sorte que le signe w-a-t-e-r s’identifie à la chose merveilleuse tout en en demeurant distinct : il "tient lieu" de la chose. Dans un tel rapport de signification, les deux éléments mis en relation ne sont plus du même ordre. Ils sont bien perçus tous les deux comme deux réalités également sensibles, et de ce point de vue, rien ne permet de les distinguer. Pourtant, dans le rapport de signification, la présence sensible de l’un cesse de valoir pour elle-même, cesse d’être le signal de son existence, qui est ainsi occultée, et se trouve valoir pour l’existence d’un autre, dont elle tient la place. C’est là l’expérience fondamentale de la signification. Les deux éléments sensibles ne sont plus unis par une relation horizontale de juxtaposition, mais par une relation verticale, et purement intellectuelle, de lieutenance.

Auteur: Borella Jean

Info: Dans "Histoire et théorie du symbole", éd. L'Harmattan, Paris, 2015, pages 125-126

[ sourd-muet-aveugle ] [ différence signe-signal ] [ invisible ] [ arrachement sémantique ] [ célèbre anecdote ] [ déclic ]

 

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querelle religieuse

[…] quand vous dites que tous les justes ont le pouvoir prochain d’observer les commandements, vous entendez qu’ils ont toujours toute la grâce nécessaire pour les accomplir, en sorte qu’il ne leur manque rien de la part de Dieu. Attendez, me dit-il, ils ont toujours tout ce qui est nécessaire pour les observer, ou du moins pour le demander à Dieu. J’entends bien, lui dis-je ; ils ont tout ce qui est nécessaire pour prier Dieu de les assister, sans qu’il soit nécessaire qu’ils aient aucune nouvelle grâce de Dieu pour prier. Vous l’entendez, me dit-il. Mais il n’est donc pas nécessaire qu’ils aient une grâce efficace pour prier Dieu ? Non, me dit-il, suivant M. Le Moyne.

Pour ne point perdre de temps, j’allai aux Jacobins, et demandai ceux que je savais être des nouveaux Thomistes. Je les priai de me dire ce que c’est que pouvoir prochain. N’est-ce pas celui, leur dis-je, auquel il ne manque rien pour agir ? Non, me dirent-ils. Mais, quoi ! mon Père, s’il manque quelque chose à ce pouvoir, l’appelez-vous prochain ? et direz-vous, par exemple, qu’un homme ait, la nuit et sans aucune lumière, le pouvoir prochain de voir ? Oui-da, il l’aurait selon nous, s’il n’est pas aveugle. Je le veux bien, leur dis-je ; mais M. Le Moyne l’entend d’une manière contraire. Il est vrai, me dirent-ils ; mais nous l’entendons ainsi. J’y consens, leur dis-je. Car je ne dispute jamais du nom, pourvu qu’on m’avertisse du sens qu’on lui donne. Mais je vois par là que, quand vous dites que les justes ont toujours le pouvoir prochain pour prier Dieu, vous entendez qu’ils ont besoin d’un autre secours pour prier, sans quoi ils ne prieront jamais. Voilà qui va bien, me répondirent mes Pères en m’embrassant, voilà qui va bien : car il leur fait de plus une grâce efficace qui n’est pas donnée à tous, et qui détermine leur volonté à prier ; et c’est une hérésie, de nier la nécessité de cette grâce efficace pour prier.

Voilà qui va bien, leur dis-je à mon tour ; mais selon vous, les Jansénistes sont catholiques, et M. Le Moyne hérétique ; car les Jansénistes disent que les justes ont le pouvoir de prier, mais qu’il faut pourtant une grâce efficace, et c’est que vous approuvez. Et M. Le Moyne dit que les justes prient sans grâce efficace, et c’est ce que vous condamnez. Oui, dirent-ils, mais M. Le Moyne appelle ce pouvoir pouvoir prochain.

Quoi ! mes Pères, leur dis-je, c’est se jouer des paroles de dire que vous êtes d’accord à cause des termes communs dont vous usez, quand vous êtes contraires dans le sens. Mes Pères ne répondent rien ; et sur cela mon disciple de M. Le Moyne arriva par un bonheur que je croyais extraordinaire […]

Je dis donc à mon disciple de M. Le Moyne : Je connais un homme qui dit que tous les justes ont toujours le pouvoir de prier Dieu, mais que néanmoins ils ne prieront jamais sans une grâce efficace qui les détermine, et laquelle Dieu ne donne pas toujours à tous les justes. Est-il hérétique ? Attendez, me dit mon docteur, vous me pourriez surprendre. Allons doucement, distinguo ; s’il appelle ce pouvoir pouvoir prochain, il sera thomiste, et partant catholique ; sinon, il sera janséniste, et partant hérétique.

Auteur: Pascal Blaise

Info: Les " Provinciales ", Première lettre, éditions Gallimard, 1987, pages 47-48

[ jansénisme ] [ jésuites ] [ désaccord ] [ sophisme ] [ nomination ]

 

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stratège

Alcibiade, c’est une sorte de pré-Alexandre. Ses aventures de politique sont sans aucun doute toutes marquées du site du défi, de l’extraordinaire, du tour de force, de l’incapacité de se situer, ni de s’arrêter, nulle part – partout où il passe, renversant la situation, faisant passer la victoire d’un camp à l’autre partout où il se promène, mais partout pourchassé, exilé, et il faut bien le dire, en raison de ses méfaits.

Il semble que si Athènes a perdu la guerre du Péloponnèse, c’est pour autant qu’elle a éprouvé le besoin de rappeler Alcibiade en plein cours des hostilités pour lui faire rendre compte d’une obscure histoire, celle dite de la mutilation des Hermès […] qui comportait sûrement dans son fond un caractère de profanation, et, à proprement parler, d’injure aux dieux. […]

Après cette requête du peuple athénien, il passe ni plus ni moins à l’ennemi, à Sparte, à cette Sparte dont il n’est pas pour rien dans le fait qu’elle soit l’ennemie d’Athènes, puisqu’il a préalablement tout fait pour que les négociations de concorde échouent.

Voilà qu’il passe donc à Sparte, et tout de suite, il ne trouve rien de mieux, de plus digne de sa mémoire, que de faire un enfant à la reine, au vu et au su de tous. Il se trouve que l’on sait fort bien que le roi Agis ne couche pas depuis dix mois avec sa femme, pour des raisons que je vous épargne. La reine a donc un enfant de lui. Ce n’est pas par plaisir que j’ai fait ça, dit-il à Oreste, c’est parce qu’il m’a semblé digne de moi d’assurer un trône à ma descendance, et d’honorer par là le trône de Sparte de quelqu’un de ma race.

[…] Alcibiade, après avoir apporté ce présent et quelques idées ingénieuses à la conduite des hostilités, va porter ses quartiers ailleurs, et ne manque pas de le faire dans le troisième camp, celui des Perses. Il se rend auprès de celui qui représente le pouvoir du roi de Perse en Asie Mineure, à savoir Tissapherne, qui, nous dit Plutarque, n’aime guère les Grecs, les déteste à proprement parler, mais par Alcibiade il est séduit.

C’est à partir de là qu’Alcibiade va s’employer à redresser la fortune d’Athènes. Il le fait à travers des conditions dont l’histoire est également fort surprenante, puisqu’il semble que ce soit au milieu d’un réseau d’agents doubles et d’une trahison permanente. Tout ce qu’il donne comme avertissements aux Athéniens est immédiatement, à travers un circuit, rapporté à Sparte, et aux Perses eux-mêmes, qui le font savoir à celui de la flotte athénienne qui a passé le renseignement, de sorte qu’Alcibiade se trouve à son tour être informé que l’on sait parfaitement en haut lieu qu’il a trahi.

Enfin, ces personnages se débrouillent chacun comme ils peuvent. Ce qui est certain, c’est qu’au milieu de tout cela, Alcibiade redresse la fortune d’Athènes. Et en conséquence, sans que nous puissions être absolument sûrs des détails, qui varient selon la façon dont les historiens antiques le rapportent, il ne faut pas s’étonner si Alcibiade revient à Athènes avec les marques d’un triomphe hors de tous les usages qui, malgré la joie du peuple athénien, sera le commencement d’un retour de l’opinion.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, livre VIII - Le transfert" pages 32-33

[ Grèce antique ] [ aventures ] [ historique ]

 

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judéo-christianisme

De fait, la Bible ne prône nulle part l’épanouissement du vivant, le body-building, la relaxation, les loisirs, le télé-travail, l’Internet-citoyen, la réduction du temps de travail, les trente-cinq heures, les trente-deux heures, les vingt-sept heures, les dix-huit heures, les deux heures, la disparition des heures, les vide-greniers, les pique-niques citoyens, la gymaquatique, la muscu, les randonnées en tenue fluo, les félicités électroniques, la movida hilare et les Gay Prides.

On n’y trouve aucune contribution à l’accroissement des droits des malades, du droit au logement et de celui des handicapés, des sans-fenêtres, des sans-portes ou des sans-papiers. L’épisode de Babel est une insulte à notre idéal de culture interculturelle et transfrontalière. La différence des sexes marquée à jamais, dans la Genèse, comme condition de possibilité de toute humanité (avec l’énoncé des maux différents, ou plutôt différenciés avec une extrême précision, que Dieu promet à l’homme et à la femme après l’épisode du péché : multiplication des peines de grossesse pour elle, souffrance du travail quotidien pour lui et retour à la terre par la mort), justifie la haine de tous les transgenristes, de tous les partisans du "l’un et l’autre" ou du "ni l’un ni l’autre", de tous les déligitimeurs de l’ "ordre symbolique" et de tous les apologistes du "contre-pouvoir féminin" menacé par le front réactionnaire de l’Internationale machiste.

Et, assurément, les guerres et les massacres qui sont évoqués dans l’Ecriture ont le malheur d’avoir été "réels" ; de ne pas s’être rapprochés de l’idéal "zéro mort" des guerres "parfaites" d’aujourd’hui. […]

Quant à l’hostilité vétérotestamentaire vis-à-vis de ce qui relève de l’occultisme ("Si un homme ou une femme ont en eux un esprit de divination, ils seront punis de mort, on les lapidera", etc.), elle ne peut qu’apparaître odieuse à nos esprits modernes où cohabitent si harmonieusement les inepties des cartomanciennes et les prestiges de la technique la plus ravageante.

Et je ne parle même pas du paternalisme abusif dont le Livre regorge, ni de sa prétention paranoïaque à un châtiment descendu du ciel. Ou plutôt si, j’en parle. Je ne parle que de ça : de la fonction centrale du Père dans la Bible et du caractère spécifiquement douteux de la paternité réelle, introduisant la dimension symbolique et la parole articulée (du moins jusqu’à ce que les récentes conquêtes de la science n’en finissent avec ce doute et ne rendent la paternité possiblement certaine, donc sans intérêt, en même temps que d’autres conquêtes, sociétales celles-là, annonçant la joyeuse destruction du langage articulé et le retour à l’inceste).

En tous ces domaines, et en bien d’autres, la Bible n’a cessé de se rendre antipathique. Elle n’est pas du tout glamrock. Elle ne cultive pas le maximum respect. Les démocraties terminales d’Occident, dans leur frénésie de chasser tout ce qui a pu être différent, à un degré ou à un autre, de ce qu’elles considèrent maintenant comme le devenir enviable de l’humanité, ne peuvent donc qu’être conduites à mettre en accusation ses "passages sanglants" et "contraires aux droits de l’homme". […] La part d’ombre, le flou, le louche, le tortueux, l’ambivalent, la négativité, caractéristiques il n’y a pas si longtemps de ce qu’il y avait de plus humain et de plus libre dans la condition humaine, ne sont plus que des crimes ou des infirmités.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 3", Les Belles Lettres, Paris, 2002, pages 37 à 39

[ anti-moderne ] [ liste des griefs ] [ choc des discours ] [ révisionnisme ] [ évolution ]

 
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hallucination

De toute façon, il pensait lentement, les mots lui coûtaient un effort, il n’en avait jamais assez, et parfois, lorsqu’il parlait avec quelqu’un, il arrivait que son interlocuteur, tout à coup, le regardât avec étonnement, ne comprenant pas tout ce qu’il pouvait y avoir dans un seul mot, quand Moosbrugger lentement l’extrayait. Il enviait tous les hommes qui avaient appris dès leur jeunesse à parler facilement ; lui, comme par dérision, les mots lui collaient au palais comme de la gomme juste au moment où il en avait le plus urgent besoin ; alors, il se passait parfois un temps interminable jusqu’à ce qu’il réussît à dégager une syllabe, et repartît. […]

La conscience que sa langue, ou quelque chose de plus profond encore en lui, était paralysé comme par de la colle, lui donnait un sentiment d’insécurité pitoyable qu’il lui fallait pendant des jours s’efforcer de dissimuler. Alors apparaissait soudain une subtile, on pourrait presque dire même une silencieuse frontière. Tout d’un coup, un souffle glacé était là. Ou bien, tout près de lui, dans l’air, une grosse boule émergeait et s’enfonçait dans sa poitrine. Dans le même moment, il sentait quelque chose sur lui, dans ses yeux, sur ses lèvres, ou bien dans les muscles faciaux ; il y avait comme une disparition, un noircissement de tout ce qui l’entourait, et tandis que les maisons se posaient sur les arbres, un ou deux chats, peut-être, se sauvant à toute vitesse, bondissaient hors du taillis. Cela ne durait qu’une seconde, puis tout était de nouveau comme avant. […]

Ces périodes étaient tout entières sens ! Elles duraient parfois quelques minutes, parfois elles s’étendaient sur toute une journée, parfois encore elles se prolongeaient en d’autres, semblables, qui pouvaient durer des mois. Pour commencer par ces dernières, parce qu’elles sont les plus simples, […] c’étaient des périodes où il entendait des voix, de la musique, ou bien des souffles, des bourdonnements, des sifflements aussi, des cliquetis, ou encore des coups de feu, de tonnerre, des rires, des appels, des paroles, des murmures. Cela lui venait de partout ; c’était logé dans les cloisons, dans l’air, dans les habits et dans son corps même. Il avait l’impression qu’il portait cela dans son corps tant que cela restait muet ; mais dès que cela éclatait, cela se cachait dans les environs, quoique jamais très loin de lui. Quand il travaillait, les voix protestaient contre lui, le plus souvent avec des mots détachés ou de courtes phrases, elles l’injuriaient, le critiquaient, et quand il pensait à quelque chose, elles l’exprimaient avant qu’il en ait eu le temps, ou disaient malignement le contraire de ce qu’il voulait. Que cela suffît à le faire juger malade, Moosbrugger ne pouvaient qu’en rire ; lui-même ne traitait pas ces voix et ces visions autrement que si ç’avait été des singes. Cela le distrayait de les entendre et de les voir se démener ; c’était incomparablement plus beau que les pensées pesantes et tenaces qu’il avait lui-même, mais quand elles le gênaient trop, il se mettait en colère, finalement c’était assez naturel. [...]

Il lui était arrivé dans sa vie de dire à une fille : "Votre bouche est une rose !" mais tout à coup le mot se défaisait aux coutures, et quelque chose de très pénible se produisait : le visage devenait gris comme la terre que couvre le brouillard, et devant lui, sur une longue tige, une rose se dressait ; affreusement grande alors était la tentation de prendre un couteau, de la couper ou de la frapper pour qu’elle rentrât de nouveau dans le visage. 

Auteur: Musil Robert

Info: Dans "L'homme sans qualités", tome 1, trad. Philippe Jaccottet, éditions du Seuil, 1957, pages 372-375

[ point de vue intérieur ] [ cristallisation signifiante ] [ décompensation psychotique ]

 

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post-matérialisme

Comme nous le disions aussi précédemment, s’il est vrai que l’emprise du matérialisme diminue, il ne convient pourtant guère de s’en féliciter, car, la "descente" cyclique n’étant pas encore achevée, les "fissures" [...] ne peuvent se produire que par le bas ; autrement dit, ce qui "interfère" par là avec le monde sensible ne peut être rien d’autre que le "psychisme cosmique" inférieur, dans ce qu’il a de plus destructif et de plus "désagrégeant", et il est d’ailleurs évident qu’il n’y a que les influences de cette sorte qui soient vraiment aptes à agir en vue de la dissolution ; dès lors, il n’est pas difficile de se rendre compte que tout ce qui tend à favoriser et à étendre ces "interférences" ne correspond, consciemment ou inconsciemment, qu’à une nouvelle phase de la déviation dont le matérialisme représentait en réalité un stade moins "avancé", quelles que puissent être les apparences extérieures, qui sont souvent fort trompeuses.
Nous devons en effet remarquer à ce propos que des "traditionalistes" mal avisés se réjouissent inconsidérément de voir la science moderne, dans ses différentes branches, sortir quelque peu des limites étroites où ses conceptions s’enfermaient jusqu’ici, et prendre une attitude moins grossièrement matérialiste que celle qu’elle avait au siècle dernier ; ils s’imaginent même volontiers que, d’une certaine façon, la science profane finira par rejoindre ainsi la science traditionnelle (qu’ils ne connaissent guère et dont ils se font une idée singulièrement inexacte, basée surtout sur certaines déformations et "contrefaçons" modernes), ce qui, pour des raisons de principe sur lesquelles nous avons souvent insisté, est chose tout à fait impossible. Ces mêmes "traditionalistes" se réjouissent aussi, et peut-être même encore davantage, de voir certaines manifestations d’influences subtiles se produire de plus en plus ouvertement, sans songer aucunement à se demander quelle peut bien être au juste la "qualité" de ces influences (et peut-être ne soupçonnent-ils même pas qu’une telle question ait lieu de se poser) ; et ils fondent de grands espoirs sur ce qu’on appelle aujourd’hui la "métapsychique" pour apporter un remède aux maux du monde moderne, qu’ils se plaisent généralement à imputer exclusivement au seul matérialisme, ce qui est encore une assez fâcheuse illusion. Ce dont ils ne s’aperçoivent pas (et en cela ils sont beaucoup plus affectés qu’ils ne le croient par l’esprit moderne, avec toutes les insuffisances qui lui sont inhérentes), c’est que, dans tout cela, il s’agit en réalité d’une nouvelle étape dans le développement, parfaitement logique, mais d’une logique vraiment "diabolique", du "plan" suivant lequel s’accomplit la déviation progressive du monde moderne ; le matérialisme, bien entendu, y a joué son rôle, et un rôle incontestablement fort important, mais maintenant la négation pure et simple qu’il représente est devenue insuffisante ; elle a servi efficacement à interdire à l’homme l’accès des possibilités d’ordre supérieur, mais elle ne saurait déchaîner les forces inférieures qui seules peuvent mener à son dernier point l’œuvre de désordre et de dissolution.
L’attitude matérialiste, par sa limitation même, ne présente encore qu’un danger également limité ; son "épaisseur", si l’on peut dire, met celui qui s’y tient à l’abri de toutes les influences subtiles sans distinction, et lui donne à cet égard une sorte d’immunité assez comparable à celle du mollusque qui demeure strictement enfermé dans sa coquille, immunité d’où provient, chez le matérialiste, cette impression de sécurité dont nous avons parlé ; mais, si l’on fait à cette coquille, qui représente ici l’ensemble des conceptions scientifiques conventionnellement admises et des habitudes mentales correspondantes, avec l’"endurcissement" qui en résulte quant à la constitution "psycho-physiologique" de l’individu , une ouverture par le bas, comme nous le disions tout à l’heure, les influences subtiles destructives y pénétreront aussitôt, et d’autant plus facilement que, par suite du travail négatif accompli dans la phase précédente, aucun élément d’ordre supérieur ne pourra intervenir pour s’opposer à leur action. On pourrait dire encore que la période du matérialisme ne constitue qu’une sorte de préparation surtout théorique, tandis que celle du psychisme inférieur comporte une "pseudo-réalisation", dirigée proprement au rebours d’une véritable réalisation spirituelle […].

Auteur: Guénon René

Info: Dans "Le règne de la quantité" pages 165-167

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développement durable

Lutter contre le nucléaire, la création d’un centre commercial, d’une rocade ou de tout autre grand projet nuisible en multipliant les comités de défense locaux, cela nous paraît une stratégie essentielle de l’écologie politique. Mais marcher vaguement "pour le climat", à l’instar des manifestations médiatiques qui se développent actuellement dans les métropoles, cela a-t-il un sens ?

Curieuse époque en effet où certains marchent, nagent, rament, pédalent, tricotent… "pour le climat" comme d’autres font des processions pour faire tomber la pluie. On pourrait néanmoins trouver sympathiques ces happenings s’il s’y tenait des propos d’un quelconque intérêt. Mais qu’y entend-on ? "Bouffe ma chatte, pas la planète", "Si y’a plus de terre, y’a plus de bière", "Pas d’climat pas d’chocolat"… Dans le même esprit, les militants d’Extinction Rebellion avaient accroché en mai dernier, sur le palais de la Bourse de Bordeaux, une banderole géante qui clamait : "Chirac, reviens !" (Pour reprendre les essais nucléaires ? Buter quelques Canaques de plus ?) Leur prétendu second degré masque mal leur indigence politique. Comme le reconnaît ingénument Greta Thunberg, l’égérie de Youth for Climate : "Mais je ne parle jamais de politique, tout ce que je dis, c’est que nous devons écouter la science. […] Nous n’avons pas l’éducation qu’il faut pour nous permettre de formuler des demandes, il faut laisser cela aux scientifiques." Quand on sait que ces mouvements sont financés par des fonds abondés par des multinationales et des multimillionnaires (le Climate Emergency Fund entre autres) pour promouvoir l’imposture de la transition énergétique (à l’échelle industrielle, les énergies renouvelables ne se substituent pas aux énergies fossiles, mais les requièrent et s’y ajoutent) et relancer une croissance verte avec le Green New Deal, on comprend mieux ce qui est en jeu et le "sens" de ces manifestations.

Parmi toutes les catastrophes en cours ou quasi achevées après deux siècles de capitalisme industriel : catastrophes écologique, culturelle, esthétique, intellectuelle, sociale, morale, politique, démographique… – sans parler de l’effondrement financier et économique qui peut nous tomber dessus à tout instant –, la catastrophe climatique est la seule à bénéficier d’un tel battage médiatique et à faire sortir tant de gens dans la rue. C’est surtout l’une des seules pour lesquelles l’ingénierie et l’industrie prétendent encore apporter des remèdes. Des remèdes technologiques bien sûr, comme si l’on pouvait soigner le mal par le mal : pulvériser des particules de soufre dans la haute atmosphère, séquestrer le carbone dans les sols, alcaliniser et fertiliser les océans avec du sulfate de fer, capter directement le CO2 de l’air pour le stocker, lancer un parasol spatial, ensemencer des nuages marins… nos savants fous ne manquent pas d’idées folles, et légitiment en passant l’énergie nucléaire, qu’ils osent nous vendre comme une "énergie propre".

Ces mises en scène d’un catastrophisme d’État sous couvert d’"état d’urgence climatique" sont-elles autre chose qu’une vaste propagande pour "l’adaptation à de nouvelles formes de survie en milieu extrême" (1) ? Avec pour corollaire une gestion totalitaire des populations, puisque "la préservation du taux d’oxygène nécessaire à la vie ne pourra être assurée qu’en sacrifiant cet autre fluide vital : la liberté (2)", comme le redoutait déjà Bernard Charbonneau il y a quarante ans.

Leur nombre élevé procure aux manifestants qui tournent en rond "pour le climat" un sentiment de puissance bien illusoire. Pour Günther Anders, "seuls travaillent à l’aide de happenings ceux qui n’ont pas de pouvoir, ceux qui n’ont pas réellement la possibilité de changer ou de détruire effectivement l’institution qu’ils combattent. Les happenings sont tous sans exception des manifestations de détresse ou de substitution et parfois même des actes de désespoir à l’aide desquels ceux qui n’ont pas de pouvoir peuvent exposer leurs revendications (3)". Les Gilets jaunes, même s’ils manifestent eux aussi leur impuissance, ont su créer des lieux de rencontre et de débat où l’on parle de politique, de démocratie directe en particulier. Ce pourrait être un premier pas vers une contre-société libre, égale et fraternelle, à condition de construire dès à présent des contre-institutions libertaires.

Car l’extinction de la vie sur terre continuera tant que nous n’aurons pas repris notre souveraineté à la toute-puissante technocratie.

Auteur: Les Amis de Bartleby

Info: Tribune parue dans la Décroissance n°165, pages 30-31, consultable sur https://lesamisdebartleby.wordpress.com/2019/12/11/une-tribune-dans-la-decroissance/. Notes : 1. René Riesel, Jaime Semprun, Catastrophisme, administration du désastre et soumission durable, EDN. 2. Bernard Charbonneau, Le Feu vert, Parangon. 3. Günther Anders, L’Obsolescence de l’homme, t. 2, Fario.

[ greenwashing ] [ gesticulations collapsologiques ] [ brassage d'air ]

 

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