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écrivain-sur-écrivain

Je crois que, apparemment très loin de ce que l’on a pu, ces dernières décennies, aimer, lire ou écrire, Borges est pourtant un des noms éminents de ce qu’il faudrait cesser d’appeler la modernité, un de ces points cardinaux à partir desquels se redéfinit l’horizon contemporain tourmenté de la littérature. […] En un sens, Borges est une métaphore pour exprimer le tombeau de pas mal d’illusions, à commencer par ce à quoi on attribue une autonomie sous les noms de temps modernes ou modernisme. […]

Que sait-on de lui ? Qu’il a fait un rapide passage par l’avant-garde dans les années 20 (ça s’appelait "l’ultraïsme" en Argentine) ; que ses prises de position politiques ont été bien souvent regrettables ; qu’il avoue une sympathie pour Jung couplée à une antipathie vieillotte contre Freud dont il trouve que les théories peuvent se ramener à "quelques faits désagréables" (ce qui ne veut pas dire, d’ailleurs, qu’il se trompe complètement sur le fondateur de la psychanalyse puisqu’il émet cette hypothèse que Freud, lui au moins, ne prenait peut-être pas trop au sérieux ses propres découvertes ; après tout, comme Freud, Borges est prodigieusement doué pour ce que ce dernier appelait le "consentement fragmentaire", finalement le seul art de vivre supportable) ; qu’il n’est pas très chaud non plus pour le christianisme, et c’est peut-être sa seule vraie faiblesse d’Argentin, de quoi le rendre sympathique aux Européens… 

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 2 : Mutins de Panurge", le Zimzoum (tsim-tsum) de Borges, éd. Les Belles lettres, Paris, 1998, pages 178-179

[ portrait intellectuel ] [ psychanalyse ] [ monde des lettres ] [ judaïsme vs protestantisme ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

insomnie

Je retournai dans ma chambre, refermai les portes et me couchai en sermonnant : "Il faut que je dorme. Il faut tout oublier jusqu’à demain. Il faut que je dorme." J’éteignis la lumière. Je fermai les yeux et, m’appliquant à ne penser à rien, m’efforçai de m’endormir. La lutte pour le sommeil est déjà quelque chose d’effrayant. On n’a pas de prises. La seule volonté de dormir vous tient éveillé. Je ne pensais à rien, mais il y avait pourtant en moi la volonté de dormir qui à mon insu me tenait éveillé. Je me retournais sans cesse. De temps en temps, à travers l’obscurité, venait à moi de très loin le tintement d’une horloge. Tout était noir. Je n’avais déjà plus de volonté. Pourtant, je ne dormais pas. Combien de temps s’écoula ainsi ? Je ne le sais pas. J’avais complètement perdu la notion du temps. J’étais absolument comme si je dormais, pourtant une conscience suffisante faisait que je savais que j’étais éveillé. A la longue, après m’être retourné je ne sais combien de fois, mon engourdissement se fit plus grand. Une joie minuscule m’envahit. J’allais perdre toute notion des choses lorsque, insensiblement, j’eus la sensation que mon cerveau grossissait, grossissait, que mon corps était de plomb, que tout mon être se gonflait et que, à mesure qu’il gonflait, je pouvais de moins en moins remuer afin de reprendre mon aspect habituel.

Auteur: Bove Emmanuel Bobovnikoff Dugast Vallois

Info: Journal écrit en hiver, Flammarion, 1983, pages 106-107

[ sensations ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

intellos courtisans

Si Orwell insiste tant sur la décence ordinaire ("common decency") des petites gens, c'est aussi pour dénoncer, par contraste, l'indécence extraordinaire des élites politiques et intellectuelles. Il en veut tout particulièrement à une catégorie de personnes qui auraient dû, plus que toutes les autres, faire preuve d'un peu plus de décence dans ses prises de positions publiques : les intellectuels. Tout au long de son œuvre, Orwell n'a eu de cesse de critiquer les intellectuels toujours prêts à braver la morale élémentaire pour légitimer des régimes notoirement tyranniques : "La plupart des intellectuels, pour ne pas dire tous, se sont ralliés à une forme de totalitarisme ou à une autre". Le constat est brutal, mais juste, et nous n'avons pas encore mesuré toute l'indignité intellectuelle et morale qu'il souligne. 

Certes, Orwell considère que la richesse prodigieuse de l'aristocratie terrienne et le goût du pouvoir de la classe dirigeante sont en eux-mêmes également indécents, mais, par-dessus-tout, il ne peut supporter la trahison des intellectuels. Souvent issus des classes moyennes, voire du peuple, ils semblaient pourtant être les mieux placés pour préserver à tout le moins une once de moralité dans un monde voué à l'exploitation des masses : 

"Lorsqu'on voit des hommes hautement instruits se montrer indifférents à l'oppression et à la persécution, on se demande ce qui est le plus méprisable, leur cynisme ou leur aveuglement." (Essais, articles et Lettres vol IV).

Auteur: Bégout Bruce

Info: De la décence ordinaire

[ universitaires compromis ] [ arrivisme sociétal ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

politique

Notre époque ne produit pas que des terreurs innommables, prises d’otages à la chaîne, réchauffement de la planète, massacres de masse, enlèvements, épidémies inconnues, attentats géants, femmes battues, opérations suicide. Elle a aussi inventé le sourire de Ségolène Royal. C’est un spectacle de science-fiction que de le voir flotter en triomphe, les soirs électoraux, chaque fois que la gauche, par la grâce des bien-votants, se trouve rétablie dans sa légitimité transcendantale. On en reste longtemps halluciné, comme Alice devant le sourire en lévitation du Chat de Chester quand le Chat lui-même s’est volatilisé et que seul son sourire demeure suspendu entre les branches d’un arbre.

On tourne autour, on cherche derrière, il n’y a plus personne, il n’y a jamais eu personne. Il n’y a que ce sourire qui boit du petit-lait, très au-dessus des affaires du temps, indivisé en lui-même, autosuffisant, autosatisfait, imprononçable comme Dieu, mais vers qui tous se pressent et se presseront de plus en plus comme vers la fin suprême.

C’est un sourire qui descend du socialisme à la façon dont l’homme descend du cœlacanthe, mais qui monte aussi dans une spirale de mystère vers un état inconnu de l’avenir où il nous attend pour nous consoler de ne plus ressembler à rien.

C’est un sourire tutélaire et symbiotique. Un sourire en forme de giron. C’est le sourire de toutes les mères et la Mère de tous les sourires."

Auteur: Muray Philippe

Info: "Exorcismes spirituels, tome 4", Les Belles Lettres, Paris, 2010, page 1595. Le sourire à visage humain

[ publicité ] [ ironie ] [ vacherie ]

 
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christianisme

Luther est vigoureusement soutenu dans son action en matière de pédagogie par Philippe Schwarzerd dit Mélanchton (1497-1560). (...) Convaincu de l'importance morale de la formation intellectuelle, il étudie la théologie auprès de Luther, mais intervient dans toutes sortes de disciplines, du grec à l'histoire et à l'astronomie. L'influence du "précepteur de la Germanie" est immense : Mélanchton publie lui-même un grand nombre de manuels pédagogiques, et son enseignement attire de nombreux auditeurs. C'est la fin de l'"éducation par les actes" au profit de l' "éducation par le livre", avec le double objectif, de donner aux enfants les moyens d'assurer leur protection contre le mal (par la lecture de la Bible), et de s'intégrer pleinement à une société qui devient elle-même plus alphabétisée (le modèle sera encore à la base de l'action de Francke à Halle à la fin du XVIIe siècle). L'avance de l'Europe protestante en matière d'alphabétisation, voire de formation scolaire, trouve son origine dans ces prises de position.
Par ailleurs Luther est un intellectuel au sens moderne du terme -il est un clerc et un spécialiste du livre, qui travaille lui-même dans les livres et dans les bibliothèques, mais il se préoccupe aussi de transmettre la doctrine au plus grand nombre possible. (...) Sa réflexion en matière de pédagogie témoigne de l'importance qu'il attache au livre, et un "Propos de table" de 1532 rappelle qu'effectivement il a probablement été l'auteur le plus lu de son époque.

Auteur: Barbier Frédéric

Info: Histoire des bibliothèques: D'Alexandrie aux bibliothèques virtuelles. Chapitre 4. Le temps de l'homme 1439-1545, Des bibliothèques collectives Mélanchthon

[ culture écrite ]

 

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transcendance

[...] nous ne pouvons pas exprimer ce que nous voulons exprimer et tout ce que nous disons du miraculeux absolu demeure non-sens. [...]

Nous n’avons pas encore réussi à trouver l’analyse logique correcte de ce que nous désignons en esprit par nos expressions éthiques et religieuses. [...]

Ce qui revient à dire ceci : je vois maintenant que si ces expressions n’avaient pas de sens, ce n’est pas parce que les expressions que j’avais trouvées n’étaient pas correctes, mais parce que leur essence même était de n’avoir pas de sens. En effet, tout ce à quoi je voulais arriver avec elles, c’était d’aller au-delà du monde, c’est-à-dire au-delà du langage signifiant. Tout ce à quoi je tendais – et, je crois, ce à quoi tendent tous les hommes qui ont une fois essayé d’écrire ou de parler sur l’éthique ou la religion – c’était d’affronter les bornes du langage. C’est parfaitement, absolument sans espoir de donner ainsi du front contre les murs de notre cage. Dans la mesure où l'éthique naît du désir de dire quelque chose de la signification ultime de la vie, du bien absolu, de ce qui a une valeur absolue, l'éthique ne peut pas être science. Ce qu'elle dit n'ajoute rien à notre savoir, en aucun sens. Mais elle nous documente sur une tendance qui existe dans l’esprit de l’homme, tendance que je ne puis que respecter profondément quant à moi, et que je ne saurais sur ma vie tourner en dérision.

Auteur: Wittgenstein Ludwig

Info: "Leçons et conversations", texte établi par Cyril Barrett d’après les notes prises par Yorick Smythies, Rush Rhees et James Taylor, traduit de l'anglais par Jacques Fauve, éditions Gallimard, 1992, page 155

[ infranchissable ] [ saut catégoriel ] [ signe ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

cogito

[…] mais, pource qu’alors je désirais vaquer seulement à la recherche de la vérité, je pensai qu’il fallait que je fisse tout le contraire, et que je rejetasse comme absolument faux tout ce en quoi je pourrais imaginer le moindre doute, afin de voir s’il ne resterait point après cela quelque chose en ma créance qui fût entièrement indubitable. Ainsi, à cause que nos sens nous trompent quelquefois, je voulus supposer qu’il n’y avait aucune chose qui fût telle qu’ils nous la font imaginer ; et pource qu’il y a des hommes qui se méprennent en raisonnant, même touchant les plus simples matières de géométrie, et y font des paralogismes, jugeant que j’étais sujet à faillir autant qu’aucun autre, je rejetai comme fausses toutes les raisons que j’avais prises auparavant pour démonstrations ; et enfin, considérant que toutes les mêmes pensées que nous avons étant éveillés nous peuvent aussi venir quand nous dormons sans qu’il y en ait aucune pour lors qui soit vraie, je me résolus de feindre que toutes les choses qui m’étaient jamais entrées en l’esprit n’étaient non plus vraies que les illusions de mes songes. Mais aussitôt après je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi, qui le pensais, fusse quelque chose : et remarquant que cette vérité, je pense, donc je suis, était si ferme et si assurée que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques n’étaient pas capables de l’ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir sans scrupule pour le premier principe de la philosophie que je cherchais.

Auteur: Descartes René

Info: Le discours de la méthode, Librairie générale française, 1973, pages 127-128

[ démonstration ] [ raisonnement ]

 
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lecture critique

[…] L’Esthétique de Hegel n’a quasiment jamais été commentée. Pourtant, bien qu’elle ne puisse être comparée aux gros ouvrages spéculatifs du philosophe allemand, L’Esthétique n’en représente pas moins un texte capital pour bien mesurer la portée réelle de l’hégélianisme. En effet, et cela explique peut-être son abandon relatif, aucun écrit de Hegel ne permet mieux de vérifier comment fonctionne, dans les faits, son système que L’Esthétique. Par là, son examen attentif devrait permettre de révéler en quoi son approche de l’art résiste ou non à une étude approfondie des œuvres prises en elles-mêmes. Il ne serait en ce sens pas impossible de voir L’Esthétique, en raison des problèmes qu’elle pose, menacer l’ensemble de l’édifice dialectique. Car, en toute logique, la philosophie de l’esprit qu’impose Hegel ne peut être vraie que si son application l’est aussi. 

Les Leçons sur l’Esthétique proposent-elles, comme le croyait G. Planty-Bonjour, "des analyses historiques de première valeur" ? Le découpage et la périodisation de l’art qu’elles présentent correspondent-ils à la réalité ? Ou bien, au contraire, n’a-t-on pas à faire avec Hegel à une interprétation forcée des formes artistiques qui, à partir de postulats philosophiques discutables, les enfermerait dans un logos qui n’est pas le leur ? A ce propos, que penser par exemple de la distinction qu’opère Hegel entre ces trois grandes époques ainsi désignées : art symbolique, art classique et art romantique ? A quel point l’idée de progrès qui, à ses yeux, permet le passage de l’une à l’autre, est-elle justifiable ? Enfin, dans quelle mesure l’esthétique de Hegel n’a-t-elle pas contribué massivement au dénigrement du symbolisme en général ?

Auteur: Geay Patrick

Info: Dans "Hermès trahi", page 139

[ questions ]

 

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mondialisation

La concentration des infrastructures de contrôle social dans quelques mains privées a [...] deux conséquences de taille. La première est évidemment que les décisions concernant les structures de contrôle et de surveillance viennent à être prises par un nombre restreint de personnes, dont le but premier est la maximisation d’un profit à l’échelle mondiale, donc souvent la maximisation des flux abstraits – sur lesquels ils pourront prélever des commissions – sur la planète. [...] Cette dépossession au profit de processus impersonnels mondialisés est évidemment l’un des principaux moteurs du "complotisme". [...]

Un ultime corollaire à la mise en place de ce système mondial est que chefs d’États et gouvernements sont de plus en plus dépourvus vis-à-vis de la "mégamachine" de surveillance des flux, laquelle mène une existence de plus en plus autonome. Ainsi, lorsqu’une procédure est mise en place, la question qui domine n’est souvent plus de savoir si elle est conforme aux intérêts politiques locaux, mais de s’assurer de sa conformité avec ce qui a été décidé ailleurs. [...] A nouveau, une logique qui donne le sentiment d’une immense corruption des dirigeants, quand bien même la réalité est souvent plus banale. L’illusion d’optique vient du fait que l’on s’acharne souvent à voir en eux des acteurs politiques, c’est-à-dire préoccupés par la représentation et la défense d’intérêts politiques et locaux. Sauf exception, ils ne sont souvent que des acteurs juridiques et administratifs, chargés de s’assurer de la compatibilité des cadres législatifs et juridiques locaux avec la mégamachine planétaire. Ils dirigent, consciemment ou inconsciemment, la filiale nationale d’une entreprise mondiale.

Auteur: Travers Guillaume

Info: Dans "La société de surveillance, stade ultime du libéralisme", La nouvelle librairie, Paris, 2021, pages 87 à 89

[ privatisation ] [ hors-sol ]

 

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psycho-sociologie

C'est ici que la culture entre en jeu, dans l'image de ce moi idéalisé qui peut prospérer dans le monde des prises de contrôle par emprunt. Cette personne idéalisée se dérobe à toute dépendance ; elle ne s'accroche pas à d'autres. Les réformateurs de l'État-providence craignent qu'il ait encouragé la dépendance institutionnalisée : précisément ce qu'espérait Bismarck. En lieu et place de la vie institutionnelle, les réformateurs veulent notoirement plus d'initiative individuelle et d'esprit d'entreprise : des coupons pour l'éducation, des comptes d'épargne individuels pour la vieillesse et les soins médicaux. Autrement dit, chacun devrait gérer sa couverture sociale comme un service commercial.

Il est trompeur d'assimiler la peur de la dépendance à l'individualisme pur et simple. Dans le monde des nouvelles affaires, ceux qui prospèrent ont besoin d'un réseau serré de contacts sociaux ; si des cités globales se forment, c'est, entre autres raisons, qu'elles offrent un territoire local pour le networking (travail en réseau) en face-à-face. Les gens qui ne sont rattachés aux organisations que par ordinateur, qu'ils travaillent chez eux ou se retrouvent seuls sur le terrain, ont tendance à se marginaliser, parce que leur manquent ces contacts informels que l'on appelle parfois des "refroidisseurs".

La peur de la dépendance désigne plutôt la crainte de ne plus être maître de soi et, sur un plan plus psychologique, la honte de se retrouver à la merci des autres. Un des grands paradoxe du modèle de la nouvelle économie est qu'en faisant voler en éclats la cage de fer elle n'a réussi qu'à réintroduire ces nouveaux traumas sociaux et émotionnels dans une nouvelle forme institutionnelle.

Auteur: Sennett Richard

Info: La culture du nouveau capitalisme, p 45

[ post-capitalisme ]

 

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