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maladie

Depuis trente ans, chaque matin il lui préparait son thé. Celui de la boîte rouge décorée d'un Ganesh, le dieu indien à tête d'éléphant, protecteur des voyageurs qui s'aventurent en pays inconnu et des écrivains, avec sa défense brisée qui lui servit de plume pour écrire Le Mahâbhârata. Thé vert, quatre doses de gingembre, trois clous de girofle, deux bâtons de cannelle, quelques cosses de cardamome, des grains de poivre noir. Son mélange à elle, souvenir de ses voyages en Inde. Parmi les boîtes de thé pour les différents moments de la journée, dans le petit meuble en bois blanc grillagé rempli d'épices, il ne se trompait jamais. Chaque matin, il dosait, ébouillantait la théière et l'appelait pour partager cet instant unique. Mais ce matin-là, il est arrivé près d'elle, hagard et désespéré, portant toutes les boîtes dans ses bras : "C'est lequel, je ne sais plus ?"
Lors des catastrophes aériennes on recherche désespérément "les boîtes noires" qui vont fournir des indices, mots, cris, graphiques. Ces traces lisibles par les spécialistes du décodage. Elles contiennent tout ce qu'il faut pour expliciter les circonstances de l'accident et ainsi autoriser à trancher les responsabilités, trouver les coupables, juger. Toutes ces révélations qui vont permettre aux familles de commencer "le travail du deuil".
Pour elle, c'est une boîte rouge, la boîte de Pandore qui a libéré en même temps que ses senteurs exotiques l'angoisse d'un à-venir inconnu et innommable. Elle connaît exactement la date et l'heure. Ce matin- là, elle a "su". L'intuition fulgurante que rien ne serait donc jamais plus comme avant. Déchirure entrevue vite pansée de déni et de refus.

Auteur: Huguenin Cécile

Info: Alzheimer mon amour

[ mémoire ] [ vieillesse ] [ oubli ]

 

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mégapole

[...] ... On ne voit, du fleuve qui borde la ville au nord, qu'un prodigieux panorama. On ne peut le contempler qu'avec une espèce d'appréhension, mais on a parfois le souffle coupé par la majesté du spectacle. Les silhouettes claires des immeubles s'élancent à l'assaut du ciel, dévorant l'azur : des surfaces planes, d'autres longues, des rectangles grossiers et des flèches acérées, des minarets et des pics, toutes les formes géométriques imaginables se profilent contre le lavis bleu et blanc du ciel.

La nuit, en descendant le long de River Highway, la voie sur berge, des myriades de soleils vous éblouissent, une espèce de voie lactée qui s'étend de la ville vers le sud, et s'empare de la cité dans une brillante démonstration de magie électrique. Tout autour de la ville, les réverbères des boulevards extérieurs scintillent, proches ou lointains, et viennent se refléter dans les eaux sombres du fleuve. Les fenêtres des immeubles grimpent de plus en plus haut vers les étoiles, en lumineux rectangles, et vont se fondre dans le halo vert, jaune et orange qui embrase le ciel. Les feux verts et les feux rouges ont l'air de vous faire de l'oeil, et, le long du Stem, tout cet étalage incandescent se mélange en une aveuglante orgie de couleurs.

La ville s'offre comme un écrin éblouissant de bijoux précieux, stratifiés en couches lumineuses d'une vibrante intensité.

Les immeubles forment le décor.

Face au fleuve, ils brillent de tous leurs feux artificiels. On les contemple, fasciné, en retenant sa respiration.

Derrière les immeubles, derrière les lumières, il y a les rues.

Dans les rues, il y a des ordures. ... [...]

Auteur: McBain Ed

Info: Du balai ! Se passe dans la ville d'Isola, cité fictive semblable à New York

[ buildings ]

 
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homme-par-femmes

La carapace résiste à la pince, aux doigts, aux ongles, émet des craquements. La ravissante casse en deux sa moitié de homard et mord dedans :

- Sérieux, on va juste se ruiner les dents là. Quelle arnaque.

- Ton idée. Y avait aussi des burgers et des pâtes.

- T'as trop raison. Encore un truc de bourge. C'est stylé de raquer pour pas dîner. C'est trop la classe de rien bouffer. En vrai, on aurait dû prendre un burger. Le homard je sais pas faire.

- Mais attends attends ! Le boloss ! Il peut nous faire les explications.

- Il peut pas. Le bâillon.

Elles se tournent toutes les deux vers le lit.

Sur le lit, il y a un homme, le visage déformé par un bâillon-boule. Il est allongé sur le dos, les mains attachées au cadre par des menottes roses, ses jambes aux pieds du lit avec du gros scotch de bricolage. Il a le pantalon aux chevilles et le sexe mort. Contraste indécent avec sa chemise blanche et froissée en mille morceaux, son pantalon de costume noir, en accordéon ; c'était, il y a quelques heures, un financier qui sortait d'une journée de travail très bien payée. C'est maintenant un gros animal terrorisé. Sa peau est bien remplie. Il est replet, rebondi même, presque féminin. Tout de lui déborde : les yeux, le visage, la chair, et rien ne tient debout. Le couvre-lit moins rouge et moins fluide que son visage prêt à exploser. Ses yeux crachent des larmes. Un tremblement irrégulier secoue son corps tout entier.

Auteur: Mulder Caroline de

Info: Manger Bambi

[ proie ] [ asservi ] [ tyrannisé ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

lendemain de cuite

Un valet vint ouvrir les persiennes et les fenêtres des salons. L’assemblée se trouva sur pied, rappelée à la vie par les chauds rayons du soleil qui pétilla sur les têtes des dormeurs.

Les mouvements du sommeil ayant brisé l’élégant édifice de leurs coiffures et fané leurs toilettes, les femmes frappées par l’éclat du jour présentèrent un hideux spectacle : leurs cheveux pendaient sans grâce, leurs physionomies avaient changé d’expression, leurs yeux si brillants étaient ternis par la lassitude. Les teints bilieux qui jettent tant d’éclat aux lumières faisaient horreur, les figures lymphatiques, si blanches, si molles quand elles sont reposées, étaient devenues vertes ; les bouches naguère délicieuses et rouges, maintenant sèches et blanches, portaient les honteux stigmates de l’ivresse.

Les hommes reniaient leurs maîtresses nocturnes à les voir ainsi décolorées, cadavéreuses comme des fleurs écrasées dans une rue après le passage des processions.

Ces hommes dédaigneux étaient plus horribles encore. Vous eussiez frémi de voir ces faces humaines, aux yeux caves et cernés qui semblaient ne rien voir, engourdies par le vin, hébétées par un sommeil gêné, plus fatigant que réparateur. Ces visages hâves où paraissaient à nu les appétits physiques sans la poésie dont les décore notre âme, avaient je ne sais quoi de féroce et de froidement bestial.

Ce réveil du vice sans vêtements ni fard, ce squelette du mal déguenillé, froid, vide et privé des sophismes de l’esprit ou des enchantements du luxe, épouvanta ces intrépides athlètes, quelque habitués qu’ils fussent à lutter avec la débauche. Artistes et courtisanes gardèrent le silence en examinant d’un œil hagard le désordre de l’appartement où tout avait été dévasté, ravagé par le feu des passions.

Auteur: Balzac Honoré de

Info: Dans "La peau de chagrin", Librairie générale française, 1984, pages 232-233

[ tête dans le cul ] [ laideur ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

réussite économique

Au printemps la valeur des terrains baissa. Comme chaque fois que des gens de couleur réussissent à s'installer dans le voisinage des blancs et refusent de quitter la place, les Bloom faisaient le vide autour d'eux.

Au début de l'été, l'on apprit que Mac Klem Lodge était à louer : le juge et sa femme évacuaient le pays, cela jeta le désarroi dans le camp ennemi.

A l'automne, tout Forest Hill fut à vendre. Octavius put acquérir à New-York, vit du monde, exposa habilement son projet de création d'une station d'été réservée aux noirs, à proximité des grands centres, avec attractions, cirque, golf et piscine d'eau de mer chaude. Les nouveaux riches de Harlem, le petit commerce de la ceinture noire, à Chicago, qui, depuis la prohibition a pris le goût de placer ses économies dans des spéculations de terrains, se laissèrent séduire. La crise, le grand organe de couleur, se montra favorable à l'entreprise et la soutint par une campagne financière...

Maintenant, Octavius Bloom est un boss. Il fume dès le matin des cigares du Texas. Il a acheté Mac Klem Lodge. Il dit à tout instant : "nous autres Noirs..." Il vaut deux millions de dollars. Poolie est mariée à un avocat de La Nouvelle-Orléans.

Tous ignorent la vraie raison de ces succès inespérés : c'est que la tante leur a cousu dans les doublures de petites poupées consacrées. La vieille Mme Bloom, négresse madrée que la civilisation du Nord n'étonne pas, vit encore. On l'entend, de son lit, le matin, chanter d'anciennes chansons créoles, entre autres : Ah ! tincoutou. C'est la complainte d'une mulâtresse qui voudrait devenir blanche, mais qui ne trouve pas le bon savon.

Auteur: Morand Paul

Info: Magie noire (1928, 227 p., Grasset, les cahiers rouges)

[ nouveau monde ] [ états-unis ] [ communautarisme ]

 

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pendaison

Et il se retourna et s’en alla.

          Descendant les collines il vit très clairement

Deux images dans son esprit : celle de la mort de Fawn

Avec la gorge tranchée, l’autre de lui-même qui s’était pendu,

Et il devait choisir. D’une nature honnête,

Il choisit la seconde et se pendit avec une bride en crins

Sous une poutre de la grange.

          Il n’aura plus jamais à

Brailler à la recherche de la vérité, la vérité, bien qu’elle fût

venimeuse,

Ni à sentir deux mille ans d’instruction s’affaisser sous ses pieds

Comme un plancher pourri. Il ne sentira plus le vent,

Ni le goût de la pluie, ni ne verrait à nouveau la beauté suprême de l’année, cette tempête venant du sud-est

La semaine de Noël ou du Nouvel An, quand le vent s’acharne contre le toit comme un homme vertueux

Tire son épouse infidèle par les cheveux

Du lit jusqu’à la porte, et quand sous les rugissements du ciel bleu-noir l’océan

Noir enflamme tout de son écume blanche,

Et que pas un oiseau ne vole. Ferguson ne verra pas

Ces deux goélands voler au-dessus du feu d’une soirée d’avril

Sur le genou de la montagne. L’herbe fraîche et maculée de sang,

Les veaux hurlent, les hommes sont épuisés et brutaux, le whisky est bu,

Et dans le crépuscule bleuâtre deux goélands aux ailes arquées en faux

Dérivent au-dessus de la beauté rougeoyante du feu,

Raillant, et étirant leur cou : puis quelqu’un lève les yeux

Et se fend d’une étrange pensée. Ce ne sera pas Ferguson.


Auteur: Jeffers Robinson

Info: Dans "Mara ou Tu peux en vouloir au soleil", Préface, trad. de l’anglais (États-Unis) par Cédric Barnaud, éditions Unes, 2022, pages 54-55

[ suicide ] [ mélancolie ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

femmes-hommes

Kin-lièn se leva et rapporta bientôt dans un grand vase le vin qu'elle avait fait chauffer ; puis, demandant à son beau-frère s'il n'était pas trop légèrement vêtu pour la température, elle passa les doigts sur ses épaules et sur tout son corps comme pour s'en assurer. La chasteté de Wou-song souffrait beaucoup ; il paraissait triste et ne répondait rien. Alors Kin-lièn, relevant les manches de sa robe, saisit quelque menu bois et se prit à dire : " Mon beau-frère, vous ne savez pas faire le feu. Je vais m'en charger pour vous... " Wou-song était décontenancé ; il gardait le silence. Kin-lièn s'abandonne à sa passion, qui était ardente comme la flamme. Elle ne voit pas l'embarras de Wou-song ; elle verse encore une tasse, y trempe ses lèvres ; puis, avec ce regard expressif, particulier aux femmes libertines : " Si vous savez aimer, lui dit-elle, vous achèverez ceci. " Wou-song étend la main et prend la tasse, mais c'est pour la renverser par terre et s'écrier : " Ma belle-soeur, vous foulez aux pieds toutes les bienséances. " Puis, il la repousse ; et, la regardant d'un oeil sévère, il continue : " Votre beau-frère est un homme qui a des cheveux sur la tête et des dents dans la bouche ; mais il est si grand, si grand qu'il touche à la voûte du ciel. Il n'appartient pas à la race des chiens et des porcs, qui sont dépourvus de raison et ne connaissent ni la justice, ni la pudeur. Ma belle-soeur, gardez-vous d'agir de la sorte. Autrement, quoique mes yeux reconnussent toujours qui vous êtes, mes poings pourraient bien l'oublier. " A ces paroles, Kin-lièn devint rouge jusque dans le blanc des yeux. " Je voulais plaisanter, dit-elle, vous interprétez mal les choses et vous calomniez les intentions. " Elle se leva, prit le plateau et descendit dans la cuisine.

Auteur: Luo Guan zhong

Info: Au bord de l'eau, tome 2, chapitres 47 à 92

[ séduction ] [ adultère ] [ refus ] [ littérature ]

 

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cité imaginaire

On atteint Despina de deux manières : par bateau ou à dos de chameau. La ville se présente différemment selon qu’on y vient par terre ou par mer.

Le chamelier qui voit pointer à l’horizon du plateau les clochetons des gratte-ciel, les antennes radar, battre les manches à air blanches et rouges, fumer les cheminées, pense à un navire, il sait que c’est une ville mais il y pense comme à un bâtiment qui l’emporterait loin du désert, un voilier qui serait sur le point de lever l’ancre, avec le vent qui déjà gonfle les voiles pas encore larguées, ou un vapeur dont la chaudière vibre dans la carène de fer, il pense à tous les ports, aux marchandises d’outre-mer que les grues déchargent sur les quais, aux auberges où les équipages de diverses nationalités se cassent des bouteilles sur la tête, aux fenêtres illuminées du rez-de-chaussée, avec à chacune une femme qui refait sa coiffure.

Dans la brume de la côte, le marin distingue la forme d’une bosse de chameau, d’une selle brodée aux franges étincelantes entre deux bosses tachetées qui avancent en se balançant, il sait qu’il s’agit d’une ville mais il y pense comme à un chameau, au bât duquel pendent des outres et des besaces de fruits confits, du vin de datte, des feuilles de tabac, et déjà il se voit à la tête d’une longue caravane qui l’emporte loin du désert de la mer, vers des oasis d’eau douce à l’ombre dentelée des palmiers, vers des palais aux gros murs de chaux, aux cours sur les carreaux desquelles dansent nu-pieds les danseuses, remuant les bras un peu dans leurs voiles et un peu en dehors.

Toute ville reçoit sa forme du désert auquel elle s’oppose ; et c’est ainsi que le chamelier et le marin voient Despina, la ville des confins entre deux déserts.

Auteur: Calvino Italo

Info: Les villes invisibles

[ relativité ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

ambivalence

Elle n'est pas heureuse, la vie, à Raïssa. Dans les rues, les gens marchent en se tordant les mains, disputent les enfants qui pleurent, s'appuient aux parapets des fleuves en prenant leurs tempes entre leurs mains ; le matin, ils émergent d'un mauvais rêve et en commencent un autre. Dans les ateliers où à chaque instant on se tape à coups de marteau sur les doigts et se pique avec une aiguille, sur les colonnades de chiffres tordus des registres de négociants et de banquiers, devant les verres vides rangés sur le zinc des bistrots, c'est un moindre mal quand les têtes se penchent en t'épargnant des regards torves. Dans les maisons, c'est pire, et il n'est pas nécessaire d'y entrer pour le savoir : l'été, les fenêtres retentissent de disputes et de bris de vaisselle. Et pourtant, à Raïssa, à tout moment, un enfant rit à sa fenêtre, en voyant un chien sauter sur un auvent pour mordre dans le morceau de polenta qu'un maçon à lâché du haut d'un échafaudage, en s'exclamant : "Mon trésor, laisse-moi plonger !" à l'adresse d'une jeune hôtelière qui soulève un plat de ragoût sous sa pergola, contente de le servir au marchand de parapluies qui fête une bonne affaire, l'ombrelle de dentelle blanche avec quoi  va se pavaner aux courses une grande dame amoureuse d'un officier qui lui a souri alors qu'il sautait la dernière haie, heureux lui-même mais plus heureux encore son cheval qui volait par-dessus les obstacles voyant voler dans le ciel un francolin, heureux oiseau libéré de sa cage par un peintre heureux de l'avoir peint plume à plume, tacheté de rouge et de jaune, dans une miniature, à cette page du livre où le philosophe dit : "Même à Raïssa, ville triste, court un fil invisible qui par instants réunit un être vivant à un autre et se défait, puis revient se tendre entre des points en mouvement, dessinant de nouvelles figures rapides, si bien qu'à chaque seconde la ville malheureuse contient une ville heureuse sans même qu'elle le sache."

Auteur: Calvino Italo

Info: Villes invisibles

[ cité imaginaire ]

 

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perspective insectoïde

Je suivais attentivement le parcours de la coccinelle, elle montait lentement sur le pont, l'autoroute lisse de son tibia, en direction du genou et contournait l'obstacle arrondi de l'os pour s'aventurer dans la plaine du mollet en traversant le blé fragile, ce duvet doré et presque invisible sur la peau, épis solitaires, la plaine, le désert pâle qui se trouve après le mollet, cet espace qui n'est ni ventre ni mollet ni entrejambe ni presque la hanche, avec le vide d'un côté et l'ombre du pubis de l'autre, cette haie découpée derrière laquelle se cache l'entrée dans un autre monde, et continuer, continuer vers le haut en direction du thorax, vers ce nord qui est toujours une promesse, monter par le doux escalier des côtes et par la dune soyeuse de la poitrine jusqu'au sombre monument du téton, contempler de puis la cime le merveilleux paysage, ces vallées et ces collines qui s'étendent, ces rigoles, ces pores invisibles, ces grains de beauté planétaires, ces cuvettes et des lits de rivière dépeuplés, poursuivre le chemin en une descente harmonieuse jusqu'à la dépression de la clavicule, remonter ce léger obstacle et entreprendre l'ascension du cou, à l'ombre déjà de la forêt des cheveux, ces vagues, ces courbes de mèches claires, un champ de blé abondant parmi des veines brunes, achever l'ascension par le menton et depuis ce promontoire contempler la frontière rouge des lèvres, ce cratère élastique qui se répand en un sourire qui est l'incarnation du futur et de la vérité (ce qui est pour moi le futur et la vérité, l'incertain, ce que je n'atteindrai peut-être jamais complètement et qui me fuit, comme la vie me fuit, comme fuient les jours, de même que le paysage reste derrière moi lorsque je cours sans aller nulle part), la bouche, la vérité, le futur, mon destin au fond de cette grotte de laquelle pointe, brillante et humide, la pierre des dents, cette archéologie de stalagmites et de stalactites blanches, monter à l'ombre du versant du nez et, oui, arriver alors vraiment au lieu choisi, à la destination ultime, l'embouchure de l’œil, sa rive, le regard dont tout dépend.

Auteur: Soler Antonio

Info: Sud

[ corps paysage ] [ point de vue liliputien ]

 

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Ajouté à la BD par miguel