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déclaration d'amour

Anetchka, mon trésor, je ne cesse de penser à toi ; dans toutes les images et représentations possibles et imaginables. Tu sais qu'après chaque longue séparation, je m'éprends de toi et te reviens, chaque fois, amoureux. Mais, mon ange, cette fois, il en va quelque peu autrement : tu as sans doute remarqué que j'ai, cette fois, quitté Pétersbourg, déjà amoureux de toi. Suite à notre grosse dispute, j'ai pu être ronchon et, en me préparant pour le voyage, me montrer impatient (tel est mon caractère) mais, dans le même temps, je tombais amoureux de toi, je m'en suis d'ailleurs rendu compte et émerveillé moi-même. Au cours des neuf années de notre vie commune, j'ai été amoureux de toi quatre ou cinq fois, pour quelque temps chaque fois. (Je me rappelle même avec délectation qu'il y a 4 ans de cela, j'étais épris de toi, alors que nous nous étions, je ne sais pourquoi, sérieusement disputés et ne nous étions plus parlés de plusieurs jours ; nous avions été invités je ne sais plus où, je m'étais assis dans un coin et je te regardais, je t'admirais, le coeur battant, toi qui pouvais parler gaiement avec d'autres.) Figure-toi que l'idée m'est venue, ici, que si je m'étais épris de toi, les derniers jours, à Pétersbourg, c'est en partie parce que nous dormions ensemble. Il y a beau temps que nous ne le faisions plus, de nombreuses années (depuis les enfants), et cela a pu avoir un effet sur moi. Ne dis pas, Ania, que cette idée est trop prosaïque ; il n'y a pas, en l'occurrence, que du prosaïsme. L'idée, qu'un être m'appartient totalement, qu'il ne veut pas se détacher de moi, au point de dormir avec moi dans le même lit, cette idée, donc, joue terriblement. Certes, je me suis montré égoïste : tu dormais sur des chaises, c'était inconfortable pour toi, cependant, chaque fois qu'au matin je me couchais à mon tour, il m'était si agréable de te trouver à mes côtés que cette sensation, au bout du compte, était pour moi absolument neuve ; nous avions pourtant dormi ensemble auparavant, mais je l'avais oublié depuis longtemps. Juge donc, maintenant que nous sommes séparés, avec quelle volupté je songe à toi. Et bien que, je le répète, j'aie été épris de toi trois ou quatre fois plusieurs jours d'affilée, à divers moments, il n'en a jamais été comme à présent. Je pense à toi et te vois chaque instant en pensée, je passe en revue tout ce dont nous avons parlé. (...) Ecris-moi, mon trésor, je voudrais noircir, à ton intention, quelque 10 pages sur ce thème. Je t'embrasse jusqu'au dernier atome, d'ici je t'embrasse à chaque instant tout entière, absolument tout entière. Je t'aime jusqu'au tourment, Ania, ne te moque pas de moi. Il m'est même doux de t'avouer mon amour. Embrasse les enfants. Je les bénis tous. Ton F. Dostoïevski.

Auteur: Dostoïevski Fédor Mikhaïlovitch

Info: A Anna Grigorievna Dostoïevskaia, lettre du 13 juillet 1876. Ems, Correspondance, Tome III, Bartillat, pp. 366-367

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dernières paroles

Comme de nombreux artistes de cirque, Fabrice Champion (1972 - 2011) se retrouva enfant à l'école de la piste pour dompter une énergie débordante. A 8 ans il déboule pour la première fois sous un chapiteau à Grenoble. Huit ans plus tard, il réussit le concours d'entrée au Centre national des arts du cirque où il choisit sa spécialité : voltigeur au trapèze. Et le voilà, dès sa sortie de l'école, en 1992, à performer dans la rue sur un camion-trapèze avec ses amis. De 1993 à 2004 il est la vedette principale de la troupe des Arts Sauts. Le 22 mai 2004 il percute en plein vol un de ses partenaires. S'ensuit une longue rééducation, aidé en cela par la pratique du bouddhisme. Tétraplégique, il reste trapéziste dans l'âme "une technique qui est la seule à offrir cet espace immense, en longueur, comme en hauteur". En 2010, il met en scène, répète et joue le spectacle de fin d'études des élèves de l'Ecole nationale des arts du cirque de Rosny-sous-Bois. Intitulé, avec la complicité des élèves : "Totem de cirque" (Mourrez-vous d'être vivant?). Pour ses futurs professionnels de la piste, Fabrice a tiré une sagesse et une méthode de son expérience. L'envie de transmettre une relation subtile et profonde au corps virtuose. Mais, celui qui évoquait l'envol du trapèze comme "un cadeau, celui de s'envoyer en l'air avec une maîtrise de soi, une prise de risque et un rapport au corps fantastique" rêvait depuis longtemps de chamanisme. Il part pour le Pérou. Seul. Quatorze heures d'avion d'abord, un trajet en hélicoptère, puis en pirogue pour une semaine d'initiation aux médecines traditionnelles amazoniennes. Après avoir avalé les plantes destinées à la cérémonie, on le retrouve mort le lendemain matin de la cérémonie chamanique. En résidence de travail au Cent Quatre, à Paris, Fabrice Champion répétait depuis un an un nouveau spectacle intitulé Nos Limites avec deux jeunes acrobates-danseurs. Avec eux, il avait inventé la "tétradanse", autrement dit la danse en mode tétraplégique. La création était prévue pour février 2012. Dans le film Acrobat réalisé en 2011 par Olivier Meyrou, qui a suivi sa féroce rééducation et son travail depuis six ans, la vision de Fabrice Champion sur son fauteuil roulant pris d'assaut par ses deux complices avant de tenter des acrobaties par terre avec eux, est impressionnante de beauté et d'émotion. Il confiait "que s'il pouvait choisir aujourd'hui entre marcher de nouveau et avoir plus confiance en lui", il préférait la seconde option. "Pour avoir plus confiance dans mes intuitions, ma force, quoique j'aie à offrir". On l'a compris : le compilateur, ayant pris connaissance de ce parcours singulier, n'aura pas eu grands efforts à faire pour s'imaginer une mort par ingurgitation d'un breuvage à base d'Ayahuasca, c'est-à-dire par abus de DMT. Ce qui lui permet de ne pas classer cette mort dans la catégorie des suicides. Il y voit un terme plus idoine, celui de "quête".

Auteur: Internet

Info: mis en forme par Mg

[ quête ]

 

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femmes-hommes

Earl but son café en attendant le sandwich. Deux types en complet-veston, le col ouvert et la cravate desserrée, s'assirent à côté de lui et demandèrent du café. Au moment où Doreen s'éloignait, la cafetière à la main, l'un des deux types s'exclama :

— Vise-moi un peu cette paire de miches ! C'est pas croyable !

L'autre se mit à rire.

— J'ai vu mieux, fit-il.

— C'est ce que je voulais dire, dit le premier. Mais t'as des gars, ils aiment leurs chagattes bien grasses.

— Pas moi, dit l'autre.

— Moi non plus, dit le premier. C'est ce que je te disais.

[…]

Elle revint avec la cafetière et, après avoir rempli la tasse d'Earl et celles de ses deux voisins, elle s'arma d'une coupelle et leur tourna le dos pour puiser de la glace. Elle plongea un bras dans le bac du congélateur et racla le fond avec le presse-boules. Sa jupe de nylon blanc remonta sur ses hanches, découvrant le bas d'une gaine rose, des cuisses grises, fripées, un peu velues et des veines qui formaient un entrelacs dément.

Les deux types assis à côté d'Earl échangèrent des regards. L'un d'eux haussa les sourcils. L'autre, la bouche fendue par un sourire, continua de lorgner Doreen par-dessus sa tasse de café tandis qu'elle nappait la glace de sirop de chocolat. Lorsqu'elle se mit à secouer la bombe de chantilly, Earl se leva et se dirigea vers la porte en abandonnant son assiette intacte. Il l'entendit crier son nom, mais il ne s'arrêta pas.

[…]

Au matin, après qu'elle eut expédié les enfants à l'école, Doreen entra dans la chambre et releva le store. Earl était déjà réveillé.

— Regarde-toi dans la glace, lui dit-il.

— Hein ? fit Doreen. Qu'est-ce que tu racontes ?

— Regarde-toi dans la glace, c'est tout.

— Qu'est-ce que je suis censée y voir ?

Mais elle se campa devant le miroir de la coiffeuse et repoussa les cheveux qui lui tombaient sur les épaules.

— Alors ? dit Earl.

— Quoi, alors ?

— Ça m'embête de te dire ça, mais je trouve que tu devrais songer à te mettre au régime. Sérieusement. Je ne plaisante pas. Je trouve que tu devrais perdre quelques kilos. Ne te fâche pas.

— Qu'est-ce que tu veux dire ?

— Rien d'autre que ce que je viens de dire. Je trouve que tu devrais perdre quelques kilos. Maigrir un peu.

— Tu ne m'as jamais fait aucune remarque, dit-elle.

Elle releva sa chemise de nuit au-dessus de ses hanches et se mit de profil pour regarder son ventre dans la glace.

— Ça ne m'avait jamais gêné jusqu'à présent, dit Earl en pesant soigneusement ses mots.


Auteur: Carver Raymond

Info: Neuf Histoires et un Poème. Ils t'ont pas épousée

[ regard des autres ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

vote

Ô bon électeur, inexprimable imbécile, pauvre hère, si, au lieu de te laisser prendre aux rengaines absurdes que te débitent, chaque matin, pour un sou, les journaux grands ou petits, bleus ou noirs, blancs ou rouges, et qui sont payés pour avoir ta peau ; si, au lieu de croire aux chimériques flatteries dont on caresse ta vanité, dont on entoure ta lamentable souveraineté en guenilles, si, au lieu de t’arrêter, éternel badaud, devant les lourdes duperies des programmes ; si tu lisais parfois, au coin du feu, Schopenhauer et Max Nordau, deux philosophes qui en savent long sur tes maîtres et sur toi, peut-être apprendrais-tu des choses étonnantes et utiles. Peut-être aussi, après les avoir lus, serais-tu moins empressé à revêtir ton air grave et ta belle redingote, à courir ensuite vers les urnes homicides où, quelque nom que tu mettes, tu mets d’avance le nom de ton plus mortel ennemi. Ils te diraient, en connaisseurs d’humanité, que la politique est un abominable mensonge, que tout y est à l’envers du bon sens, de la justice et du droit, et que tu n’as rien à y voir, toi dont le compte est réglé au grand livre des destinées humaines.

Rêve après cela, si tu veux, des paradis de lumières et de parfums, des fraternités impossibles, des bonheurs irréels. C’est bon de rêver, et cela calme la souffrance. Mais ne mêle jamais l’homme à ton rêve, car là où est l’homme, là est la douleur, la haine et le meurtre. Surtout, souviens-toi que l’homme qui sollicite tes suffrages est, de ce fait, un malhonnête homme, parce qu’en échange de la situation et de la fortune où tu le pousses, il te promet un tas de choses merveilleuses qu’il ne te donnera pas et qu’il n’est pas d’ailleurs, en son pouvoir de te donner. L’homme que tu élèves ne représente ni ta misère, ni tes aspirations, ni rien de toi ; il ne représente que ses propres passions et ses propres intérêts, lesquels sont contraires aux tiens. Pour te réconforter et ranimer des espérances qui seraient vite déçues, ne va pas t’imaginer que le spectacle navrant auquel tu assistes aujourd’hui est particulier à une époque ou à un régime, et que cela passera. Toutes les époques se valent, et aussi tous les régimes, c’est-à-dire qu’ils ne valent rien. Donc, rentre chez toi, bonhomme, et fais la grève du suffrage universel. Tu n’as rien à y perdre, je t’en réponds ; et cela pourra t’amuser quelque temps. Sur le seuil de ta porte, fermée aux quémandeurs d’aumônes politiques, tu regarderas défiler la bagarre, en fumant silencieusement ta pipe.

Et s’il existe, en un endroit ignoré, un honnête homme capable de te gouverner et de t’aimer, ne le regrette pas. Il serait trop jaloux de sa dignité pour se mêler à la lutte fangeuse des partis, trop fier pour tenir de toi un mandat que tu n’accordes jamais qu’à l’audace cynique, à l’insulte et au mensonge.

Je te l’ai dit, bonhomme, rentre chez toi et fais la grève.

Auteur: Mirbeau Octave

Info: 1888

[ imposture ] [ critique ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

écriture

Bien que Gould s'efforce de donner l'impression d'être un tire-au-flanc philosophe, il a abattu un travail énorme au cours de sa carrière de bohème. Tous les jours, même lorsqu'il a une épouvantable gueule de bois ou que la faim le laisse épuisé et affaibli, il passe au moins deux ou trois heures à travailler sur un livre sans forme passablement mystérieux qu'il intitule "Une histoire orale de notre temps". Il a commencé ce livre il y a de cela vingt-six ans et il est loin d'être fini. Cette préoccupation semble pour l'essentiel être à l'origine de son mode de vie ; tout emploi stable empiéterait sur sa réflexion.

Selon le temps, il écrit dans les parcs, sous les porches, dans les halls d'hôtel, dans les cafétérias, sur les bancs des quais du métro aérien, dans les rames ou dans les bibliothèques municipales. Quand il se sent d'humeur, il écrit jusqu'à l'épuisement et cette humeur lui vient dans des moments particuliers. Il décrit comment, un soir, il a passé six ou sept heures dans un bar grill-room de 3rd Avenue à écouter une vieille Hongroise éméchée, ancienne tenancière de bordel, ancienne revendeuse de drogues et désormais aide-cuisinière dans un hôpital de la ville, lui raconter l'histoire de sa vie. Trois jours plus tard, aux alentours de quatre heures du matin, sur un lit de camp de l'hôtel Defender, au 300, Bowery, il a été réveillé par les cornes de brume des remorqueurs de l'East River et n'a pas réussi à se rendormir car, en cet instant précis, il se sentait exactement d'humeur à intégrer la biographie de la vieille aide-cuisinière à son récit. Il a une mémoire phénoménale ; s'il a été marqué par une conversation, même interminable et dénuée de sens, il est capable de s'en souvenir plusieurs jours d'affilée, et ce, en grande partie mot pour mot. (...)

Il a écrit dans le hall de quatre heures et quart à midi. Puis il a quitté le Defender, a pris un café dans un bistrot de Bowery et s'est rendu à la bibliothèque municipale. Il a bûché à une table de la salle de généalogie, où il se réfugie souvent les jours de pluie (...) , jusqu'à ce qu'elle ferme, à six heures. Puis il est allé s'installer dans la grande salle, où il est resté, en levant à peine le nez de ses écrits, jusqu'à la clôture de la bibliothèque, à dix heures du soir. Il a avalé deux sandwichs aux oeufs et sa dose de ketchup dans une cafétéria de Times Square. Sur ce, trop fauché pour s'offrir un hôtel et trop absorbé dans ses pensées pour chercher refuge au Village, il a foncé dans le métro de West Side pour passer le reste de la nuit à voyager en griffonnant inlassablement, tandis que sa rame parcourait trois fois la boucle, de la station New Lots Avenue, à Brooklyn, à celle de Van Cortland, dans le Bronx, un des trajets les plus longs du réseau new-yorkais. Il a posé la serviette sur ses genoux et s'en est servi comme d'une écritoire. Il a l'endurance des possédés.

Auteur: Mitchell Joseph

Info: Le secret de Joe Gould, pages 18-19

[ passion ] [ thérapie ] [ refuge ]

 

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santé mondiale

Un champignon, une levure, à la une de l’édition électronique du New York Times. Candida auris est un nouvel exemple de ces agents infectieux qui au fil des dernières années, des dernières décennies, ont développé une résistance aux traitements qui sont pourtant censés les détruire. Le journal publie des témoignages de chercheurs, expliquant que l'utilisation généralisée de fongicides, notamment en agriculture, contribue à la recrudescence de champignons résistants aux médicaments destinés aux humains. C’est un phénomène connu depuis longtemps pour les bactéries, qui deviennent de plus en plus pharmaco-résistantes à mesure qu’on use et qu’on abuse des antibiotiques.

Les center for disease control (CDC) aux Etats-Unis attirent l’attention, sur ces bactéries résistantes à la plupart, si ce n’est désormais à tous les antibiotiques.

Le New York Times, en quelques chiffres, donne une bonne mesure du phénomène, et de l’urgence : on estime qu’aux États-Unis, au début des années 2010, deux millions de personnes chaque année contractaient des infections résistantes et que 23.000 en mouraient. Des études plus récentes de chercheurs de la faculté de médecine de l’Université de Washington font état d’un nombre de morts désormais 7 fois plus élevé.

En ce qui concerne Candida Auris, découvert pour la première fois en 2009 au Japon, on n’en est pas à la première alerte, c'est ce que rappelle Forbes : en 2016 déjà les autorités sanitaires britanniques s’étaient inquiétées d’un cas à Londres. Et le Corriere Della Serra, de son côté, explique que de nombreux foyers sont répertoriés, et surveillés, en Inde au Pakistan ou encore en Afrique du Sud. C'est que Candida auris voyage très bien, et est devenu extrêmement résistant. L’histoire de cet homme âgé, admis l'an dernier à l’hôpital Mount Sinaï, à New York, illustre bien le problème. Il est mort 90 jours après son admission en soins intensifs, et, explique au New York Times le président de l’hôpital, le docteur Scott Lorin, ça aura été un temps suffisant pour que Candida auris colonise entièrement sa chambre : les murs, le lit, les portes, les rideaux, les téléphones, l'évier, le tableau blanc, les poteaux, la pompe, le matelas, les barrières de lit, les trous de la cartouche, les stores, le plafond : tout dans la chambre était positif”. L'hôpital a dû détruire une partie du carrelage du plafond et du sol de la chambre pour venir à bout du champignon.

Alors le New York Times décortique le phénomène, et explique que la vente des fongicides et des antibiotiques rapporte énormément d'argent aux industries pharmaceutique et phytosanitaire. C'est un marché de 40 milliards de dollars à l'échelle mondiale, rien que pour les antibiotiques. Ce que nous voyons arriver, ce sont peut-être de nouvelles maladies du capitalisme. Ou plus exactement : un effet du "darwinisme... multiplié par les conséquences du capitalisme globalisé", selon l'expression de Matt Richtel, un des auteurs de l'enquête, très complète, et composée d'une série d'articles. A lire, d'ailleurs ce matin, sur le New York Times : un reportage au Kenya, où des antibiotiques à pas cher inondent le marché, et contribuent à créer des bactéries extrêmement dangereuses pour la population, et notamment pour les plus fragiles.

Auteur: Internet

Info: https://www.franceculture.fr, 8 mars 2019

[ big pharma ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

déclaration d'amour

Je n'ai pas passé un jour sans t'aimer ; je n'ai pas passé une nuit sans te serrer dans mes bras ; je n'ai pas pris une tasse de thé sans maudire la gloire et l'ambition qui me tiennent éloigné de l'âme de ma vie. Au milieu des affaires, à la tête des troupes, en parcourant les camps, mon adorable Joséphine est seule dans mon coeur, occupe mon esprit, absorbe ma pensée. Si je m'éloigne de toi avec la vitesse du torrent du Rhône, c'est pour te revoir plus vite. Si, au milieu de la nuit, je me lève pour travailler, c'est que cela peut avancer de quelques jours l'arrivée de ma douce amie, et cependant, dans ta lettre du 23 au 26 ventôse, tu me traites de Vous !!
Vous toi-même ! Ah ! Mauvaise, comment as-tu pu écrire cette lettre ! Qu'elle est froide ! Et puis, du 23 au 26, restent quatre jours ; qu'as-tu fait, puisque tu n'as pas écrit à ton mari ?... Ah ! Mon amie, ce vous et ces quatre jours me font regretter mon antique indifférence. Malheur à qui en serait la cause ! Puisse-t-il, pour peine et pour supplice, éprouver ce que la conviction et l'évidence me feraient éprouver ! L'Enfer n'a pas de supplice ! Ni les Furies, de serpents ! Vous ! Vous ! Ah ! Que sera-ce dans quinze jours ?...
Mon âme est triste ; mon coeur est esclave, et mon imagination m'effraie... Tu m'aimes moins ; tu seras consolée. Un jour, tu ne m'aimeras plus ; dis-le-moi ; je saurai au moins mériter le malheur... Adieu, femme, tourment, bonheur, espérance et âme de ma vie, que j'aime, que je crains, qui m'inspire des sentiments tendres qui m'appellent à la Nature, et des mouvements impétueux, aussi volcaniques que le tonnerre. Je ne te demande pas ni amour éternel, ni fidélité, mais seulement... vérité, franchise sans bornes. Le jour où tu dirais "je t'aime moins" sera le dernier de ma vie. Si mon coeur était assez vil pour aimer sans retour, je le hacherais avec les dents.
Joséphine, Joséphine ! Souviens-toi de ce que je t'ai dit quelquefois : la Nature m'a fait l'âme forte et décidée. Elle t'a bâtie de dentelle et de gaze. As-tu cessé de m'aimer ? Pardon, âme de ma vie, mon âme est tendue sur de vastes combinaisons. Mon coeur, entièrement occupé par toi, a des craintes qui me rendent malheureux... Je suis ennuyé de ne pas t'appeler par ton nom. J'attends que tu me l'écrives. Adieu ! Ah ! Si tu m'aimes moins, tu ne m'auras jamais aimé. Je serais alors bien à plaindre.
PS : La guerre, cette année, n'est plus reconnaissable. J'ai fait donner de la viande, du pain, du fourrage ; ma cavalerie armée marchera bientôt. Mes soldats me marquent une confiance qui ne s'exprime pas ; toi seule me chagrine ; toi seule, le plaisir et le tourment de ma vie. Un baiser à tes enfants dont tu ne parles pas ! Pardi ! Cela rallongerait ta lettre de moitié. Les visiteurs, à dix heures du matin, n'auraient pas le plaisir de te voir. Femme !!!

Auteur: Bonaparte Napoléon

Info: Lettres d'amour à Josephine, Albenga, le 18 germinal

[ correspondance ]

 

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astronomie

Très superstitieux, Kepler dressait de nombreux horoscopes tant pour les autres que pour lui-même ; c’est ainsi qu’il nous apprend qu’il fut conçu le 16 mai à 4 heures 47 du matin et que sa mère le mit au monde après une grossesse de 224 jours 9 heures et 53 minutes. Kepler se décrit lui-même comme "sans cesse en mouvement, furetant dans les sciences, la politique et les affaires privées, y compris les plus viles" ; il nous confie qu’il a horreur des bains, des parfums et des lotions et qu’il a "en toutes choses une nature canine" car son apparence est celle d’un petit chien : il aime ronger les os et les croûtons de pain et se donne pour si glouton qu’il prétend attraper tout ce qu’il voit.

On pourrait se demander, non sans motif, s’il ne faut pas chercher dans le goût de Kepler pour les sciences célestes une démarche de compensation visant à le consoler de sa myopie doublée d’un défaut de vision qui le condamnait à voir double ou même quadruple. Quoi qu’il en soit, il n’est nullement aberrant de penser que les études de Kepler ne sont que la projection existentielle d’un désir de se rapprocher des planètes et des étoiles, de voyager et de fuir ainsi le monde où il vivait, voire la nature qui était la sienne, en parcourant du regard et de la pensée les immenses espaces nocturnes, dont la contemplation pouvait lui donner l’illusion de triompher de lui-même et d’être transporté ailleurs. [...]

Fort significativement, Kepler compare lui-même le travail entrepris à un voyage animé de motifs métaphysiques et tout au long duquel il tient à faire le point : "Si non seulement nous pardonnons à Christophe Collomb, à Magellan, aux Portugais qui nous racontent leurs erreurs grâce auxquelles ils découvrirent celui-là l’Amérique, celui-ci la mer de Chine, cet autre la circumnavigation autour de l’Afrique et si nous ne voulons pas qu’ils en omettent puisque nous serions privés du grand plaisir de leur lecture, - par conséquent on ne me blâmera pas si, poussé à mon tour par la même bienveillance à l’égard du lecteur, je fais le récit de l’itinéraire que j’ai suivi" [Astronomia nova].

Kepler tient bien à préciser qu’il n’a pas entrepris un tel voyage par amour des mathématiques ou de la physique : "Je vous en supplie, mes amis, ne me condamnez pas entièrement à la meule des calculs mathématiques et laissez-moi du temps pour les spéculations philosophiques qui sont mes seules délices" [Lettre à Bianchi]. Ce que l’on trouve partout présent dans son œuvre, c’est une inspiration pythagoricienne et chrétienne à partir de laquelle il cherche à découvrir ces lois qu’il appelle "archétypales" selon lesquelles Dieu a créé le monde. Si une telle tâche n’est pas impossible, c’est justement parce que Dieu a fait l’homme à sa propre image ; savoir revient donc à retrouver le plan divin de la Création.

Celui dont on ne retiendra que les fameuses lois qui portent son nom, pense que le Soleil correspond au Père, la sphère des étoiles fixes au Fils et l’entre-deux, c’est-à-dire l’espace rempli de l’aura céleste, à l’Esprit Saint [...].

Auteur: Brun Jean

Info: "Les vagabonds de l'occident", Desclée, Paris, 1976, pages 43-44

[ biographie ] [ historique ] [ motivations ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

cité imaginaire

Pour vous parler de Penthesilea, je devrais commencer par vous décrire l'entrée de la ville. On imagine bien sûr voir un mur s'élever de la plaine poussiéreuse,  vous vous approchez pas à pas de la porte, gardée par les gabelleros qui regardent déjà de travers vos ballots. Tant que vous ne l'avez pas atteinte, vous êtes à l'extérieur ; vous passez sous une archivolte et vous vous retrouvez à l'intérieur de la ville ; son épaisseur compacte vous entoure ; gravé dans sa pierre, il y a un dessin qui se révélera à vous si vous suivez son chemin bordé d'arêtes. Si vous pensez cela, vous avez tort : à Pentesilea, c'est différent. Vous marchez depuis des heures et vous ne savez pas si vous êtes déjà au milieu de la ville ou encore à l'extérieur. Comme un lac peu profond qui disparaît dans les marais, Pentesilea s'étend sur des kilomètres dans une soupe de villes diluées dans la plaine : des maisons pâles qui se tournent le dos dans des prairies hirsutes, entre des clôtures de planches et de toits de tôle. De temps en temps, au bord de la route, un épaississement de bâtiments aux façades minces, hautes ou basses, basses comme dans un peigne édenté, ce qui semble indiquer qu'à partir de là le maillage de la ville se rétrécit. Au lieu de cela, vous continuez et vous trouvez d'autres terrains vagues, puis une banlieue d'ateliers et d'entrepôts rouillés, un cimetière, une foire avec des manèges, un abattoir, vous continuez le long d'une rue de magasins miteux qui se perd dans des parcelles de campagne dénudée. Les gens que tu rencontres, si tu leur demandes : - Pour Penthesilea ? - ils esquissent un vague geste circulaire dont on n'est pas sûr de la signification. Est-ce : "Ici", ou : "Plus loin", ou : "Tout autour", ou : "De l'autre côté". - La ville, - vous insistez votre demande. - Nous venons ici pour travailler tous les matins", répondent certains, et d'autres : "Nous revenons ici pour dormir. - Mais où habiter dans la ville ? - vous demandez. - Ce doit être,  disent-ils, - là-bas, - et certains lèvent le bras en oblique vers une concrétion de polyèdres opaques à l'horizon, tandis que d'autres pointent derrière vous le spectre d'autres coquilles. - Alors ai-je passé sans le remarquer ? - Non, essaiez de continuer. Vous continuez donc, passant d'une banlieue à l'autre, et le moment est venu de quitter Penthésilée. Vous demandez la sortie de la ville ; vous repassez le fil de banlieues éparpillées comme un pigment laiteux ; la nuit vient ; les fenêtres s'éclairent, tantôt plus clairsemées, tantôt plus denses. Existe-t'il une Penthésilée cachée dans une poche ou une ride de cet environnement délabré, reconnaissable et mémorisable par ceux qui y sont allés, ou si Penthésilée n'est qu'une périphérie d'elle-même et a son centre partout, vous avez renoncé à comprendre. La question qui commence maintenant à vous ronger l'esprit est plus angoissante : et en dehors de Penthésilée, y a-t-il un dehors ? Ou alors, quelle que soit la distance qui vous sépare de la ville, vous allez de limbes en limbes sans jamais en sortir ?

Auteur: Calvino Italo

Info: Villes invisibles

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Ajouté à la BD par miguel

philosophie

- Qu'est-ce que c'est, un virus ? À première vue, il s'agit d'une simple entité biologique. Mais toutes sortes de choses, semble-t-il, peuvent devenir "virales". Zizek a même récemment modifié le célèbre jugement infini de Hegel ("l'esprit est un os") de sorte qu'il se lise "l'esprit est un virus". La viralité n'est peut-être pas quelque chose, mais plutôt une qualité ou une caractéristique qui expose un étrange statut ontologique ou phénoménal ou peut-être même la capacité de certaines entités ? 

- A un certain moment de la Phénoménologie de l'Esprit, Hegel lui-même utilise la notion de contagion, d'infection, d'Ansteckung* en relation avec l'esprit. C'est dans le chapitre qui traite de la lutte des Lumières contre la superstition : la pure perspicacité éclairée, dit-il de façon assez surprenante, se répand comme un parfum ou une infection pénétrante, et la conscience ne s'en aperçoit que trop tard. L'infection est déjà généralisée, "il est trop tard pour lutter, et tous les remèdes adoptés ne font qu'aggraver la maladie, car elle s'est emparée de la moelle de la vie spirituelle." L'esprit agit de manière "invisible et imperceptible", "il s'infiltre dans les parties nobles et s'est bientôt emparé des parties vitales et de tous les membres de l'idole inconsciente ; et puis un beau matin, il donne à son camarade une poussée du coude, et bang ! crash ! l'idole se retrouve par terre". La dernière partie est la citation du Neveu de Rameau de Diderot, elle montre comment la persistance muette de l'esprit (das stumme Fortweben des Geistes) sape les idoles auxquelles la superstition s'accrochait. Hegel parle en outre de "l'infection par les Lumières", sous-entendant, par extension, que la raison est un virus. Cette image de l'esprit en tant que contagion est frappante, non seulement parce qu'elle dépeint le progrès de l'esprit comme une propagation virale qui se fait sans effort, mais surtout parce que cette qualité infectieuse virale était traditionnellement réservée aux pouvoirs de la sensualité, des passions, de la folie, des comportements et des croyances "irrationnels" (comme la superstition) ; en ultime analyse à la matière et au matériel. Il y avait toujours la crainte explicite que le matériel contamine les royaumes spirituels supérieurs. L'image traditionnelle est plutôt que la matérialité est virale et que l'esprit est là pour restreindre et contenir cette contamination. La matière comme maladie, l'esprit comme remède - le chemin spirituel était sur base de purification. Le péché étant syndrome d'immunodéficience. Mais là Hegel renverse cette image et conçoit une partie de l'avancement spirituel comme homologue à la propagation d'une maladie contagieuse. Mais seulement en partie, une face - l'envers nécessaire, sa contrepartie, est "l'action de l'essence négative" qui présente "le tumulte pur et la lutte violente". Pas question de s'en remettre simplement à l'esprit comme contagion. L'idée est tentante de voir dans le virus quelque chose qui relie esprit et matière, quelque chose à leur intersection, une propriété commune qu'ils partagent, si bien conçue, et de construire à partir de là une proposition d'"ontologie virale".

Il faut aussi penser aux très élémentaires mécanismes de la mimésis qui s'articulent  autour de quelque chose qui ressemble à la contagion (j'ai écrit en détail à ce sujet). Le virus apparaît comme un péril externe contingent, mais en même temps il indique une dimension au cœur (son extimité ?) de l'humain.

Auteur: Dolar Mladen

Info: https://crisiscritique.org/uploads/24-11-2020/interview-with-mladen-dolar.pdf. Trad Mg. *contamination

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