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mythologie grecque

Platon, qui était bien plus et mieux qu’un philosophe, identifiait Athéna avec la déesse libyenne Neith, qui possédait un temple à Saïs, en Egypte. Des sources grecques plus tardives font naître Athéna près du lac Tritonis en Lybie, où elle fut trouvée par trois nymphes vêtues de peaux de chèvres. Elle tua, par accident, dans sa jeunesse, sa compagne de jeux Pallas ; elle en associa plus tard le nom au sien pour célébrer le souvenir de Pallas. C’est ultérieurement qu’elle vint en Grèce, en Attique, près du fleuve béotien Triton (doublet du précédent). D’autres traditions feraient venir Athéna et son olivier d’Asie mineure ; quoi qu’il en soit les grecs la tenaient bien pour étrangère à Hellas et antérieure à leur cycle historique. [...] Précisons enfin que l’étymologie du nom d’Athéna – et donc d’Athènes par conséquent – est inconnue, ce qui confirme le caractère mystérieux de la déesse pour les grecs d’époque classique. On connaît la querelle de Poséidon et d’Athéna ; le premier avait revendiqué l’Attique en plantant son trident sur l’Acropole d’Athènes ; là s’était formé aussitôt un puits d’eau salée. Plus tard Athéna y vint aussi et planta le premier olivier (cultivé) ; peut-être simplement greffa-t-elle un olivier sauvage avec une greffe apportée de Lybie ou d’Asie mineure. La querelle ne trouva d’apaisement qu’à la suite de la sentence d’un tribunal des dieux, à la seule majorité d’une voix ; il fut décrété qu’Athéna avait plus de droits sur le territoire de l’Attique parce qu’elle avait fait un cadeau meilleur.

La figure de la déesse est fort complexe est polyvalente. Elle est la fille favorite de Zeus, qui l’a enfantée lui-même en une sorte de parthénogenèse. Elle naît de son crâne, grâce à une brèche faite au coin et au maillet, avec la collaboration technique d’Héphaïstos (ou de Prométhée, selon les versions). La présence et l’usage du maillet n’est pas innocente : dans nombre de traditions il est l’instrument foudroyant qui confère la lumière. Athéna est, pour son père, comme un autre lui-même. Déesse de la Lumière et de la Sagesse, Déesse-Vierge (n’oublions pas que c’est là le sens de parthénos), elle est une manière de Reine du Ciel, nous pourrions écrire de "Sainte-Vierge", sans trop d’abus.

C’est une déesse "poliade", gardienne de ville ; c’est une guerrière, elle excite les guerriers au combat, elle leur fabrique des armes défensives et offensives. C’est aussi une patronne d’agriculture, en dehors même de son olivier ; elle est figurée souvent avec des épis dans les mains. Ses attributions sont aussi purificatrices et maternelles ; elle est la Koria, la "fille" par excellence. Elle est pure (Agna) et purificatrice (katharsios). Elle est patronne des médecins, ce qu’elle doit probablement à l’utilisation médicinale de l’huile d’olives. Enfin elle est Erganè¸ c’est-à-dire ouvrière, opérative, au sens le plus noble et le plus fort ; elle a imaginé la charrue, les armes... elle est manufacturière de l’industrie du bronze ; de ce fait la plupart des métiers se réclament d’elle : les orfèvres, les ciseleurs, les charpentiers, architectes, sculpteurs, potiers, peintres à l’encaustique, carrossiers, cordonniers... bien entendu également patronne de travaux féminins, des fileuses, des tisserandes. [...]

Dernier domaine des attributs d’Athéna, non les moindres : c’est la déesse du bon gouvernement et la protectrice du droit ; c’est aussi celle de la pensée réfléchie, de la raison et du savoir, sa compétence va de la philosophie à la littérature. Nous pensons que ces derniers attributs sont les plus récents et, finalement, les moins profondément enracinés. [...]

Athéna était également honorée, en dehors de l’Attique, dans un grand nombre de lieux de culte, en Crète, en Argolide, en Arcadie, en Béotie. A Lindos, à Rhodes, on lui attribuait une origine phénicienne ; c’est là qu’on rapportait qu’elle aurait appris aux Héliades et aux Telchines le travail du bronze – ce qui pourrait fournir une indication non négligeable de son origine.

Auteur: Laget Francis

Info: L'Olivier symbolique dans Liber n°6, printemps 2021

[ emblèmes ] [ historique ]

 

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autosuggestion

L'autohypnose est une forme de technique de méditation poussée qui permet d'accéder à son inconscient sans être guidé par une tierce personne. Par ce biais, on peut apprendre à se relaxer et à mieux se connaître. Voici 5 méthodes d'autohypnose accessibles et rapides.

L'autohypnose a des bienfaits surprenants pour apprendre à mieux se comprendre, se connaître, dénouer certains blocages, réduire l'état dépressif ou mieux contrôler nos émotions.

Ces techniques permettent d'accéder aux ressources inconscientes par la focalisation de l'esprit et l'imagerie mentale. Choisissez, testez, pratiquez-les pour trouver celle qui vous correspond et qui sera la plus efficace pour vous.

Avant toute chose, installez-vous confortablement, assis ou couché, et surtout assurez-vous d'être aucunement dérangé. Vous pouvez également créer un cadre de détente : bougies, encens, musique douce, lumière tamisée... C'est parti.

Technique 1 : La spirale sensorielle (technique de Betty Erickson, fille du célèbre psychiatre)

Fixez un point légèrement au-dessus de la ligne du regard, jusqu'à ce que les yeux se ferment afin d'amorcer un état différent.

Puis les yeux fermés, sans changer la focalisation du regard, dites à voix haute ou dans votre tête 5 phrases décrivant votre expérience visuelle interne (je vois A, je vois B, je vois C...), 5 phrases décrivant votre expérience auditive (j'entends...), 5 phrases décrivant votre expérience kinesthésique (je ressens...)

Puis ensuite 4 descriptions de chaque sens, puis 3, puis 2, puis 1 description.

Technique 2 : L'escalier

Imaginez un escalier devant vous qui descend, déterminez un nombre de marches (au moins 10) et décrire intérieurement cet escalier (clair, obscur, droit, en colimaçon, quelle matière, quelle couleur, quels détails...).

Descendez ensuite mentalement chacune des marches, le plus lentement possible, en prêtant attention aux ressentis et en les accentuant à chaque marche. Par exemple : "Et à chaque marche que je descends, je rentre un peu plus à l'intérieur de moi, en toute confiance, en toute sécurité, toujours plus profondément détendu, le corps de plus en plus lourd".

Technique 3 : Le body scan

Les yeux fermés, visualisez devant vous une boule de lumière, observez les détails qui la composent, sa couleur, sa texture...

Puis ensuite déplacez mentalement cette boule au-dessus du crâne pour ensuite la faire pénétrer à l'intérieur de la tête en ressentant sa chaleur, les ondes bienfaisantes et apaisantes qu'elle procure.

Imaginez que cette boule libère toutes les pensées parasites, chacune des tensions et la faire descendre lentement dans l'ensemble des parties du corps jusqu'au bout de chaque orteil comme si ce corps était entièrement scanné.

Technique 4 : La main aimantée

Mettez une main à hauteur des yeux, paume face à soi et focalisez le regard sur un point au centre. Tout en relâchant le corps et en restant focalisé, demandez à l'inconscient d'avancer la main jusqu'au visage par des mouvements lents et saccadés, comme si elle était aimantée par le visage.

Répétez-vous ensuite que plus la main se rapproche du visage, plus la détente s'approfondit, que le corps devient de plus en plus lourd, que les yeux fatiguent jusqu'à ce fermer totalement.

Remerciez l'inconscient, laissez faire et soyez spectateur·rice.

Technique 5 : Le souvenir agréable

Beaucoup de nos activités quotidiennes sont hypnotiques : télé, transport, lecture... car elles permettent de se focaliser et de s'évader par la pensée. Imaginez un souvenir agréable, revivez chaque détail, retrouvez chaque élément présent dans la scène (images, sons, sensations, émotions, odeurs) comme si vous y étiez, et d'ailleurs vous y êtes.

Une fois en état modifié de conscience, demandez à l'inconscient de bien vouloir faire tout ce qui est possible pour lui afin d'améliorer telle ou telle chose et de laisser ensuite venir les images, les pensées, les sensations, les souvenirs...

Auteur: Hort Javi

Info: https://www.terrafemina.com, 1 Mars 2019

[ auto-thérapie ]

 

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littérature prolétaire

tous ceux-là,

ventres mous des lettres

enseignant l’anglais à l’université

qui écrivent

de la poésie

sans jambes

sans tête

sans nombril



qui savent où postuler pour obtenir des

bourses

encore des bourses et

toujours plus de bourses

auxquels on doit toujours plus

de poésie

sans mains

sans cheveux

sans yeux

tous ceux-là,

ventres mous des lettres

ont trouvé une bonne planque

parvenant même à ce que des femmes

s’attachent à leurs âmes

d’andouilles



ceux-là,

font des voyages tous frais payés

dans les îles

en Europe

à Paris

le monde entier

dans le but

soit-disant

de rassembler

du matériau

(Mexico, ils s’y rendent juste à titre privé)



pendant que les prisons débordent

d’innocents égarés

pendant que les gros bras descendent

à la mine

pendant que les fils de pauvres

se font virer de boulots

ceux-là

ne se saliront ni les mains ni

leurs âmes

ceux-là,

ventres mous des lettres

intègrent des universités

se lisent leurs poèmes

entre eux

infligent leurs poèmes à

leurs étudiants



ceux-là

prétendent que la sagesse et

l’immortalité

contrôlent les rotatives



gras du bide

tandis qu’en prison se forment les rangs pour des moitiés de repas

pendant que 34 armoires à glace sont coincés dans une mine



ceux-là



embarquent sur un bateau pour une île de la mer du sud

afin d’assembler une anthologie

de petits poèmes

entre amis



et/ou



se pointent à des manifestations contre la guerre

sans même savoir

de quelle guerre

il s’agit



ventres mous des lettres

ils dressent une cartographie de notre

culture –

une division de zéro,

une multiplication de

grâce

dépourvue de sens



"Robert Hunkerford enseigne l’anglais à

S.U. Marié. 2 enfants, un chien.

il s’agit de son premier recueil de

vers. Il travaille actuellement à la

traduction des poèmes de

Vallejo. M. Hunkerford a été récompensé

l’année dernière par un prix Sol Stein."



ceux-là,

ventres mous des lettres

enseignant l’anglais à l’université

qui écrivent

de la poésie

sans cou

sans mains

sans couilles



voilà la manière, la méthode

et la raison pour laquelle les gens

ne comprennent pas

les rues

les vers

la guerre

ou

leurs mains sur la

table



notre culture se cache dans les rêves à dentelles de

nos classes d’anglais

dans les robes à dentelles de nos classes

d’anglais



Ce qu'il nous faut c'est

des cours de langue américaine

et des poètes sortis tout droit

des mines

des docks

des usines

des hôpitaux

des prisons

des bars

des bateaux

et des aciéries

des poètes américains,

déserteurs des armées

échappés des asiles de fous

déserteurs de femmes et de vies étouffantes ;

des poètes américains :

marchands de glace, commerciaux en cravate, distributeurs de journaux, manutentionnaires, chauffeurs-livreurs, maquereaux, liftiers, plombiers, dentistes, clowns, promeneurs de chevaux, meurtriers (on a entendu parler des victimes), barbiers, mécaniciens, garçons de café, groom, passeurs de drogue, boxeurs, barmen, des autres, des autres,

des autres



Tant que ceux-là n'arriveront pas

notre pays restera

mort en honteux.

Auteur: Bukowski Charles

Info: Dans "Tempête pour les morts et les vivants", au diable vauvert, trad. Romain Monnery, 2019, "ventres mous des lettres"

[ entre-soi ] [ dévitalisation ] [ excès de confort ]

 
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mass medias

"Schizophrénie culturelle" : Les médias américains ne rapportent plus de faits, mais font appel aux émotions

Aux États-Unis, les médias grand public ont évolué au cours des dernières décennies. Une "schizophrénie culturelle" qui déchire les États-Unis.

Sur la base des conclusions d'une étude de la RAND Corporation, les médias grand public sèment activement la discorde dans la société américaine, déclare à RT le journaliste Chris Hedges, lauréat de nombreux prix. Les médias s'efforcent de faire en sorte que deux parties se haïssent l'une l'autre au lieu de rapporter les faits, et la majorité du public n'est pas au courant et se moque que son esprit soit manipulé via ses propres réactions émotionnelles.

L'étude, publiée par RAND cette semaine, indique qu'entre 1987 et 2017, le contenu des nouvelles est passé du reportage événementiel et contextuel à une couverture "plus subjective, reposant davantage sur l'argumentation et le plaidoyer, et comportant davantage d'appels émotionnels". Selon RT, les émissions d'information diffusées aux heures de grande écoute et le journalisme en ligne ouvrent la voie à cette évolution vers une rhétorique émotionnelle et haineuse. Le groupe de réflexion financé par le gouvernement a conclu que la presse écrite l'avait également remarqué.

Cela contribue à ce que RAND a nommé "Décadence de la Vérité". Il s'agit de s'éloigner des faits et de l'analyse dans le discours public.

Hedges affirme que la détérioration des médias grand public est "bien pire" que ne le suggère le rapport RAND. Et il n'est pas le seul dans cette évaluation.

Le journaliste américain Matt Taibbi dit que le résultat de cette décadence journalistique et de cette peur émotionnelle est une addiction publique à la haine mutuelle.

Les Américains sont devenus accros aux nouvelles qui renforcent leurs préjugés, et c'est ainsi qu'elles ont délibérément été mises en place. La seule chose que les gens entendent lorsqu'ils regardent les nouvelles, ce sont des histoires conçues spécialement pour fabriquer de l'indignation, vous faire détester l'autre côté et alimenter la dépendance à la colère.

Les médias grand public ont réussi à accaparer la colère et la haine de l'Américain moyen. L'idée que les médias puissent tirer profit des faits a été perdue depuis longtemps.

"La structure commerciale qui fonda les anciens médias a disparu et a éviscéré le journalisme dans le pays parce qu'il n'est pas durable. Nous l'avons vu avec l'effondrement des petites annonces, qui représentaient 40 p. 100 des revenus des journaux. Ce n'est plus viable sur le plan économique ", a déclaré M. Hedges.

Il devient de plus en plus difficile de distinguer les faits et les opinions, et les gens croient ce qu'ils veulent croire, explique Mr Hedges. "Nous avons passé des années à regarder CNN et MSNBC promouvoir cette théorie de conspiration selon laquelle Trump était un agent du Kremlin, par exemple... C'était de la foutaise, mais ça attirait les téléspectateurs", ajoute Hedges. Et, si cela ne vous dérange pas que votre QI baisse, allumez MSNBC quelques minutes. Il est probable que vous entendrez encore quelques trucs sur le Russiagate que le public reste en colère.

Aujourd'hui, les gens peuvent revendiquer leurs émotions comme des faits sans avoir à considérer ceux qui ne sont pas d'accord avec eux.. Ce qui permet de maintenir les disputes au sein de la population, pendant que les politiciens volent plus d'argent, enlèvent de la liberté et s'en tirent comme ça.

"Tout ça crée une schizophrénie culturelle " dit M. Hedges, faisant remarquer qu'il l'avait observé lors de l'effondrement de la Yougoslavie dans les années 1990. À l'époque, les médias suscitaient des antagonismes et des haines entre groupes ethniques. Des choses similaires se produisent en ce moment aux États-Unis, où "les médias de droite diabolisent Bernie Sanders et Barack Obama en les comparant à Hitler et les médias de gauche qualifient tous les partisans de Trump de racistes et de déplorables" dit Hedges. "Tout cela crée une fragmentation sociétale et des discordes " souligne Hedges à RT.

Auteur: Internet

Info: www.zerohedge.com, 17 mai 2019

[ médias de masse ] [ intoxication ]

 

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partisanerie

Il y a [...] l'intellectuel de gauche et l'intellectuel de droite.

Je voudrais vous donner des formules qui, pour tranchantes qu'elles puissent paraître au premier abord, peuvent tout de même nous servir à éclairer le chemin.

Le terme de sot, de demeuré, qui est un terme assez joli pour lequel j'ai quelques penchants, tout ceci n'exprime qu'approximativement un certain quelque chose pour lequel je dois dire assurément la langue et la tradition, l'élaboration de la littérature anglaise, me paraît nous fournir un signifiant infiniment plus précieux.

Une tradition qui commence à Chaucer, mais qui s'épanouit pleinement dans le théâtre du temps d'Elisabeth ; qu'une tradition dis-je nous permette de centrer autour du terme de fool -- le fool est effectivement un innocent, un demeuré, mais par sa bouche sortent des vérités qui ne sont pas seulement tolérées, que parce que ce fool est quelquefois revêtu, désigné, imparti, des fonctions du bouffon.

Cette sorte d'ombre heureuse, de foolery fondamentale, voilà ce qui fait à mes yeux le prix de l'intellectuel de gauche.

À quoi j'opposerai [...] un terme employé d'une façon conjuguée [...] c'est le terme de knave.

Le knave, c'est-à-dire quelque chose qui se traduit à un certain niveau de son emploi par le valet, est quelque chose qui va plus loin.

Ce n'est pas non plus le cynique, avec ce que cette position comporte d'héroïque.

C'est à proprement parler ce que Stendhal appelle le coquin fieffé, c'est-à-dire après tout Monsieur Tout-le-Monde, mais Monsieur Tout-le-Monde avec plus ou moins de décision.

Et chacun sait qu'une certaine façon même de se présenter qui fait partie de l'idéologie de l'intellectuel de droite est très précisément de se poser pour ce qu'il est effectivement, un knave.

Autrement dit, à ne pas reculer devant les conséquences de ce qu'on appelle le réalisme, c'est-à-dire, quand il le faut, de s'avouer être une canaille.

Le résultat de ceci n'a d'intérêt que si l'on considère les choses au résultat.

Après tout, une canaille vaut bien un sot, au moins pour l'amusement, si le résultat de la constitution des canailles en troupe n'aboutissait infailliblement à une sottise collective.

C'est ce qui rend si désespérante en politique l'idéologie de droite.

Observons que nous sommes sur le plan de l'analyse de l'intellectuel et des groupes articulés comme tels.

Mais ce qu'on ne voit pas assez, c'est que par un curieux effet de chiasme, la foolery, autrement dit ce côté d'ombre heureuse qui donne le style individuel de l'intellectuel de gauche, aboutit elle fort bien à une knavery de groupe, autrement dit, à une canaillerie collective. [...]

Ce qui me fait le plus jouir, je l'avoue, c'est la face de la canaillerie collective.

Autrement dit, cette rouerie innocente, voire cette tranquille impudence qui leur fait exprimer tant de vérités héroïques sans vouloir en payer le prix.

Grâce à quoi ce qui est affirmé comme l'horreur de Mammon à la première page se finit à la dernière dans les ronronnements de tendresse pour le même Mammon.

Ce que j'ai voulu ici souligner, c'est que Freud n'est peut-être point un bon père, mais en tous cas, il n'était ni une canaille, ni un imbécile.

C'est pourquoi nous nous trouvons devant lui devant cette position déconcertante qu'on puisse en dire également ces deux choses déconcertantes dans leur lien et leur opposition : il était humanitaire, qui le contestera à pointer ses écrits, il l'était et il le reste, et nous devons en tenir compte, si discrédité que soit par la canaille de droite ce terme.

Mais d'un autre côté, il n'était point un demeuré, de sorte qu'on peut dire également, et ici nous avons les textes, qu'il n'était pas progressiste.

Auteur: Lacan Jacques

Info: L’éthique de la psychanalyse - 23 mars 1960

[ retour du refoulé ] [ hommage ] [ gauche-droite ] [ bêtise réductrice ]

 
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homme-par-femme

Serena Joy serre mes mains comme si c'était elle, et non pas moi, qui se faisait baiser, comme si elle trouvait la chose agréable, ou douloureuse, et le Commandant baise, à un rythme régulier de pas cadencé, une, deux, sans relâche, comme un robinet qui goutte. Il est absorbé, comme un homme qui fredonne sous la douche sans se rendre compte qu'il fredonne ; comme un homme qui a d'autres choses en tête. C'est comme s'il était ailleurs, à attendre de jouir, tout en tambourinant des doigts sur une table. Il y a une impatience dans sa cadence, à présent. Mais n'est-ce pas le rêve érotique de tout homme ? deux femmes à la fois? C'est ce que l'on disait. Excitant, disait-on. Ce qui se passe dans cette chambre sous le baldaquin argenté de Serena n'a rien d'excitant. Cela n'a aucun rapport avec la passion, ni l'amour, ni le romantisme, ni avec aucune des autres idées qui nous servaient à nous émoustiller. Cela n'a rien à voir avec le désir sexuel, du moins pour moi, et certainement pas pour Serena. Le désir et l'orgasme ne sont plus considérés nécessaires; ils ne seraient qu'un symptôme de frivolité, comme des jarretelles tape-à-l'œil, ou des grains de beauté : distractions superflues pour des écervelés. Démodées. Cela paraît étrange que les femmes aient jadis consacré tant de temps et d'énergie à s'informer de ces choses, à y penser, à s'en inquiéter, à écrire à leur propos. Il est tellement évident que ce sont des divertissements. Ceci n'est pas divertissant, même pour le Commandant.
Il s'agit d'une affaire sérieuse. Le Commandant, lui aussi, fait son devoir. Si j'entrouvrais les yeux, je pourrais le voir, son visage pas déplaisant suspendu au-dessus de mon torse, avec peut-être quelques mèches de ses cheveux d'argent lui tombant sur le front, absorbé par son voyage intérieur, ce lieu vers lequel il se hâte, et qui recule comme en rêve aussi vite qu'il s'en approche.
Je verrais ses yeux ouverts. S'il était plus beau, est-ce que je prendrais davantage de plaisir à ceci ?
Au moins il représente un progrès par rapport au précédent, qui sentait le vestiaire d'église par temps de pluie ; l'odeur de votre bouche quand le dentiste commence à vous curer les dents; l'odeur d'une narine. Le Commandant, lui, sent l'antimite, ou cette odeur est-elle une forme vindicative de lotion d'après-rasage ? Pourquoi doit-il porter ce stupide uniforme ? Mais est-ce que son corps blanc, hirsute, cru, me plairait davantage ? Il nous est interdit de nous embrasser. Cela rend la chose supportable.
On prend de la distance. On décrit. Il jouit enfin, avec un grognement étouffé comme de soulagement. Serena Joy, qui retenait son souffle, le laisse s'exhaler. Le Commandant, qui était arc-bouté sur les coudes, à distance de nos corps combinés, ne se permet pas de plonger en nous. Il se repose un instant, se retire, se rétracte, se rebraguette. Il fait un signe de tête, puis se détourne et quitte la pièce, en fermant la porte derrière lui avec un soin exagéré, comme si nous étions toutes deux sa mère souffrante. Il y a là quelque chose d'hilarant, mais je n'ose pas rire. Serena Joy me lâche les mains. "Vous pouvez vous lever, dit-elle. Levez-vous et partez." Elle est censée me laisser me reposer, dix minutes, les pieds sur un coussin pour augmenter les chances. Elle est supposée consacrer ce moment à une méditation silencieuse, mais elle n'est pas d'humeur à cela. Il y a de la haine dans sa voix, comme si le contact de ma chair l'écœurait et la contaminait. Je me démêle de son corps, me lève; le jus du Commandant me coule le long des jambes. Avant de me détourner, je la vois lisser sa jupe bleue, serrer les jambes; elle reste étendue sur le lit à contempler le baldaquin au-dessus d'elle, raide et droite comme une statue.
Pour laquelle des deux est-ce pire, elle, ou moi ?

Auteur: Atwood Margaret

Info: La Servante écarlate

[ s'accouplant ] [ plan à trois ] [ reproduction nécessaire ]

 

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bio-technologie

Mi-animal, mi-machine, le "xénobot" est le premier robot vivant
Il s'agit d'un organisme quadrupède manufacturé par l'Homme avec des cellules souches de grenouille. Il est un tout petit peu plus petit qu'une tête d'épingle avec son diamètre de 650 à 750 microns.
Le xénobot est un organisme vivant programmable: il a été assemblé avec des cellules souches de peau et de muscles de cœur de grenouille. Une première scientifique réalisée par des chercheurs des universités américaines du Vermont et de Tufts.
"Ce sont de nouvelles machines vivantes", explique Joshua Bongard, l'un des coauteurs de l'étude publiée par PNAS, le journal de l'Académie américaine des Sciences, le 13 janvier. "Ce n'est ni un robot traditionnel, ni une espèce connue d'animal. C'est une nouvelle classe d'artéfact: un organisme vivant, programmable", selon la description de cet informaticien et expert en robotique de l'Université du Vermont.

(Illustration : grenouille Xénope lisse. Les cellules souches de peau et de cœur d'embryons de cette grenouille ont servis à la fabrication du xénobot, le premier robot vivant. Qui s'appelle donc xénobot, du nom de la grenouille Xenopus laevis, dont les cellules embryonnaires ont été utilisées pour le fabriquer.)

"Génomiquement, ce sont des grenouilles", indique Michael Levin, coauteur de l'étude et directeur du Centre de biologie régénérative et développementale à l'Université de Tufts. "C'est à 100% de l'ADN de grenouille, mais ce ne sont pas des grenouilles". Un peu comme un livre est fait de bois, mais n'est pas un arbre...

La taille du xénobot ne dépasse pas le millimètre de large: il est légèrement plus petit qu'une tête d'épingle avec son diamètre de 650 à 750 microns.

Ses cellules vont exécuter des fonctions différentes de celles qu'elles accompliraient naturellement. Les tissus vivants ont été récoltés et incubés; ensuite les chercheurs les ont assemblés en un corps optimal conçu par des modèles informatiques. L'intelligence artificielle sélectionnait les formes les plus réussies et les plus aptes.

(illustration : Les xénobots calculés par ordinateur - in silico - et réalisés avec des cellules embryonnaires -in vivo.
On voit des petits blocs cubiques de chair, briques structurelles différentes - en rouge, contractables; en vert, passives - qui sont fournies à un algorithme d'évolution. Celui-ci définit un modèle optimal pour l'organisme vivant manufacturé, tout à droite de l'image.
Un résultat comportemental – ici, la maximisation du déplacement – et des briques structurelles différentes - en rouge, contractables; en vert, passives - sont fournies à un algorithme d'évolution. Celui-ci définit un modèle optimal pour l'organisme vivant manufacturé. On voit un gros plan flou à droite de l'image.)

De petits organismes autonomes
L'organisme a réussi à "évoluer" du stade d'amas de cellules souches à celui d'un assemblage bougeant grâce aux pulsations envoyées par les cellules du tissu musculaire cardiaque... ce qui leur a permis de se déplacer pendant plusieurs semaines dans de l'eau, sans avoir besoin de nutriments additionnels.

Ces petits êtres d'un genre nouveau ont été capable de se réparer – se soigner! – tous seuls après avoir été coupés en deux par les scientifiques: "Ils se recousaient et continuaient de fonctionner", remarque Joshua Bongard.

Ces créatures peuvent aussi se diriger vers une cible, ce qui pourrait être très utile dans le domaine de la santé: un xénobot pourrait par exemple administrer des médicaments dans le corps humain, à un endroit prédéterminé. Ou s'occuper d'une artère bouchée.

Des tests ont montré qu'un groupe de xénobots arrivait à se déplacer en cercle, en poussant des pastilles vers un lieu central, de manière spontanée et collective.

De la peau morte
Les applications futures de ces robots vivants peuvent être nombreuses, selon les chercheurs: ils imaginent par exemple qu'ils pourront assembler les microplastiques qui polluent les océans, afin de les nettoyer.

"Ces xénobots sont complètement biodégradables", affirme Joshua Bongard, "Lorsqu'ils ont terminé leur travail après sept jours, ce ne sont plus que des cellules de peau morte".

Une forme de vie étonnante, entièrement nouvelle, qui disparaît presque sans laisser de traces.

Auteur: Jaquet Stéphanie

Info: https://www.rts.ch/info/sciences-tech/technologies. 16 janvier 2020

[ écologie ]

 
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femmes-par-hommes

Quand le paysan de l’Himalaya croise un ours mâle plein de vigueur,
Il crie pour effrayer ce monstre, qui souvent alors se détourne de lui.
Mais lors d’une semblable rencontre une femelle le lacère avec acharnement,
Car la femelle de l’espèce est plus meurtrière que le mâle.
Quand Naga le cobra se dore au soleil et entend un pas insouciant,
Il lui arrive de se tortiller pour se mettre à l’écart et si possible l’éviter.
Mais sa compagne qui campe près du sentier ne se déplacerait pas,
Car la femelle de l’espèce est plus meurtrière que le mâle.
Quand les premiers pères jésuites prêchaient les Hurons et les Choctaws
Ils priaient pour échapper à la vengeance des squaws.
C’était les femmes, non les guerriers, qui faisaient pâlir ces zélateurs,
Car la femelle de l’espèce est plus meurtrière que le mâle.
Le cœur craintif de l’homme déborde de choses qu’il ne doit pas dire,
Car Dieu ne lui a pas donné une femme pour qu’il la dénonce ;
Mais quand le chasseur rencontre le mari, chacun confirme les dires de l’autre :
La femelle de l’espèce est plus meurtrière que le mâle.
L’homme, qui se comporte souvent en ours, ou alors en ver ou en sauvage,
L’homme propose des négociations, l’homme accepte les compromis.
Il est très rare qu’il pousse carrément la logique d’une situation
Jusqu’à sa conséquence ultime par une action extrême.
La peur ou la bêtise, l’incite, avant d’abattre les malfaisants,
A accorder quelque forme de procès même à son plus féroce ennemi.
Une gaieté obscène détourne sa colère – le doute et la pitié le rendent souvent perplexe
Quand il règle un problème – au grand scandale des personnes du sexe !
Mais cette femme que Dieu lui a donnée, chaque fibre de son corps
Prouve qu’elle est conçue dans un seul but, armée et équipée de même ;
Et pour atteindre ce but, de peur que les générations ne viennent à manquer,
La femelle de l’espèce doit être plus meurtrière que le mâle.
Elle qui affronte la mort dans la torture avec chaque vie en son sein
Ne peut se permettre le doute ou la pitié – et ne doit pas se laisser dévier par un fait ou une plaisanterie.
Ce sont des diversions purement masculines – là n’est pas son honneur.
Elle, cette autre loi sous laquelle nous vivons, est cette loi et rien d’autre.
Elle ne peut apporter plus à la vie que ses pouvoirs d’exception
En tant que mère du nourrisson et maîtresse du conjoint.
Et quand le bébé et l’homme font défaut et qu’elle défile, sans attache, s’attachant à revendiquer
Les droits de l’épouse (et de l’époux), ses armes sont les mêmes.
Elle a épousé des convictions – à défaut de liens plus grossiers ;
Ses opinions sont comme ses enfants, que Dieu aide celui qui les conteste !
Il provoquerait alors non pas un débat courtois mais le réveil furieux de la femelle de l’espèce,
Instantanément chauffée à blanc, guerroyant comme pour défendre son époux et son enfant.
Des attaques terribles, sans avoir été provoquée – ainsi se bat l’ourse,
Des paroles qui dégoulinent, rongent, empoisonnent – ainsi mord le cobra,
Une vivisection scientifique d’un nerf jusqu’à ce qu’il soit à vif
Et que la victime se torde de douleur – comme le jésuite avec la squaw !
Et voilà que l’homme, ce lâche, quand il se réunit en assemblée
Pour s’entretenir avec d’autres braves, n’ose pas laisser une place pour elle,
Là où, en guerre avec la vie et la conscience, il lève sa main faillible
Vers un Dieu de la justice abstraite – ce qu’aucune femme ne comprend.
Et l’homme sait cela ! Il sait, en outre, que la femme que Dieu lui a donnée
Doit commander mais non gouverner, le captiver mais non l’asservir.
Et elle-même sait, puisqu’elle l’en avertit, et son instinct ne la trompe jamais,
Que dans sa propre espèce la femelle est plus meurtrière que le mâle.

Auteur: Kipling Rudyard

Info: La femelle de l’espèce 1911, Barrack-room ballads, trad Dominique Petitfaux, Poèmes de Kipling illustrés par Hugo Pratt, Vertige graphic

[ ironie ]

 

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question

Stephen Paddock, le papy du futur ?
La tuerie de Las Vegas préfigure peut-être une nouvelle criminalité, celle des vieux et des malades qui n’ont rien à perdre dans une société du tout juridique où la morale n’a plus d’effet.
Stephen Craig Paddock, le tueur de Las Vegas, était trop vieux, trop riche, trop indifférent à la religion, à la politique - et même aux armes à feu - pour que son geste soit intelligible selon les grilles d’interprétation ordinaires. Et loin d’être un fou ou un être isolé, il était "normal", il avait une famille et une fiancée. Il n’avait d’ailleurs pas le moindre antécédent judiciaire. Angoissée par cette absence de sens, la presse chercha dans ses gènes l’explication de son massacre : son père avait été un gangster. Mais cette hypothèse loufoque ne satisfit personne. On prêta très peu d’attention au fait qu’il choisit de tuer des jeunes gens qui écoutaient un concert de musique country, celle que l’affreux retraité adorait. Des jeunes, donc, auxquels il aurait pu s’identifier. Comme si, au crépuscule de sa vie, il regrettait tant de quitter ses joies et ses délices qu’il en devint hargneux et envieux au point de vouloir éliminer ceux qui avaient devant eux de longues décennies pour en profiter.
Peut-être avait-il choisi d’en finir avec sa propre existence, ne supportant pas la vieillesse ou une maladie grave. Mais avant, Paddock voulait assouvir sa haine envers les jeunes bienheureux.
Cette hypothèse serait terrifiante si on la prenait non pas comme l’explication de l’acte isolé d’un homme mais comme une nouvelle manière d’appréhender nos rapports aux normes. En effet, que se passerait-il si la seule contrainte que nous ressentions était celle de la loi, si nous nous détachions complètement de celle de la morale ? Celle-ci était la grande obsession de la romancière américaine Patricia Highsmith. Dans son roman Ripley s’amuse, elle avait imaginé les comportements d’un homme, au bord de la mort, à qui l’on proposait de tuer pour sauver sa famille de la misère.
Bien sûr, la plupart de ceux qui arrivent à la fin de leur vie ne commettent pas des actes aussi graves, même si ces derniers restent impunis, parce que des contraintes morales les en empêchent justement.
Mais notre société ne cesse de saper ce rapport que nous entretenons avec la morale.
Depuis quelques décennies, l’Etat cherche à régler l’ensemble de nos comportements, ceux qui atteignent les autres, mais aussi ceux qui ne portent atteinte qu’à nous-mêmes, et cela commence de plus en plus tôt dans la vie. Il est vrai que les instances dites intermédiaires, comme la famille, l’école ou le travail, sont si fragilisées qu’elles peinent à imposer des normes. Désormais, ces institutions semblent incapables de fonctionner sans que les comportements, y compris les plus anodins, soient réglés par le droit. Ce nouveau travers de nos sociétés n’a-t-il pas comme conséquence l’incroyable cynisme que l’on peut attribuer à Paddock ? Ce travers permet, en effet, d’éviter les comportements antisociaux les plus graves, seulement si l’on risque d’être pris et puni.
Dans un tel monde, le groupe le plus redouté serait celui constitué par les personnes très âgées ou très malades, celles qui n’ont plus rien à perdre, et non plus par les jeunes. Complètement indifférentes à leur réputation post-mortem, elles formeraient des bandes se livrant aux pires turpitudes et suscitant la peur autour d’elles. Leur cynisme sera tel qu’elles devront être l’objet d’une surveillance constante et envahissante.
Des dispositifs techniques de contrôle viendront combler l’absence de sentiment de culpabilité des citoyens, celui-ci n’étant plus intérieur mais extérieur. Sauf à faire marche arrière sur cette bêtise qu’est le tout juridique, sauf à redonner du pouvoir aux instances intermédiaires, lesquelles devront être repensées à leur tour.
Mais quels efforts ne serions-nous pas prêts à faire pour éviter que des tueries comme celles de Sin City (Frank Miller et Robert Rodriguez, 2005), la ville du vice et du péché, ne deviennent aussi banales que les divorces ou les vols ? Pour empêcher que des salauds comme Paddock ne deviennent demain le type le plus courant du papy.

Auteur: Iacub Marcela

Info: Le nouvel observateur, 6 octobre 2017, 18:56

[ normalisation ] [ désenchantement ] [ tueur de masse ] [ amoralité ]

 

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racisme

Et donc je pris un car à Greyhound pour Los Angeles qui s'arrêtait dans toutes les petites villes du désert. Le type assis à côté de moi était un vieux boulanger adorable, quatre-vingts ans bien sonnés, qui avait fait cuire des tourtes toute sa vie. Je suppose qu'il est mort à présent. Il venait d'une de ces villes de l'Owens Valley où les champs bruissent de jets d'eau propulsés par les arroseurs mécaniques qui forment des arc-en-ciel brouillés au-dessus des ouvriers agricoles, des éoliennes, des colonnes d'alimentation et de la luzerne verte, mais les rues des villes, là-bas, étaient toujours poussiéreuses comme les cours intérieures des maisonnettes en pisé où roulaient les buissons d'amarante ; là-bas les devantures craquaient, la poussière apportée par l'air donnait aux Whites et aux Sierras la couleur de son bleu de travail. Je suppose qu'il savait presque tout ce qu'il y a à savoir sur la confection des tourtes. Les tourtes étaient d'un blanc nuageux quand il les mettaient dans le four et elles en ressortaient toutes brunes, croustillantes et parfumées aux fruits californiens. L'été dernier, pour son soixante-dix -neuvième anniversaire, il avait pris sa retraite, mais même encore aujourd'hui il aimait faire des tourtes. Je le voyais à présent tel qu'il était : un bouddha à la perfection onctueuse, au parler doux et serein comme un ventilateur qui tourne sans bruit et vous rafraîchit les nuits d'intense chaleur. Aussi l'ajoutai-je à mon panthéon des hommes divins, étant disposé à vénérer en lui le dieu des tourtes et des murmures. Son meilleur ami était à l'hôpital, aussi lui avait-il préparé quelques tourtes aux pommes. Elles étaient encore chaudes et sentaient le four ; tout le long du trajet j'inhalais leur parfum. Il me parla des dizaines d'années passées devant la porte du four au petit matin, et moi je ne cessai de me répéter Quel homme merveilleux ! voici au moins une personne dont la vie a été agréable et utile à tout le monde ; nous arrivâmes à Los Angeles à la nuit tombée et il me serra la main. Je me dis que je ne le verrais plus. Mais les probabilités sont étranges. De même qu'il y a de fortes chances pour que, dans un groupe de seulement trente personnes ( non pas trois cent cinquante et quelques, comme on pourrait le croire), deux soient nées le même jour, de même, alors que je rentrais à Los Angeles, cette fois-ci dans un car pratiquement vide, je revis mon ami et, ravi, allai m'asseoir à côté de lui. Lui aussi me retrouva avec plaisir, les heures s'écoulèrent au gré joyeux des tourtes jusqu'à ce que nous ne soyons plus très loin de ma ville. - Soudain, il me désigna un point au loin. - Regardez, dit-il, c'est Manzanar, ce camp de concentration où ils ont mis tous ces pauvres Japonais. - je n'y avais jamais été, aussi suivis-je son doigt, mais c'était bien trop loin ; je ne pus distinguer grand-chose. - Je ne comprends toujours pas comment on a pu faire tant de mal à ces pauvres gens, dit le vieux boulanger. - C'est abominable, dis-je. - Le boulanger me regarda droit dans les yeux, et je vis quelque chose se lever en lui, quelque chose qu'il devait dire : - Si seulement ç'avait été LES JUIFS !

Je le regardai, sans voix. Puis me levai et changeai de siège.

Qu'avait-il vu toutes ces années, quand il pétrissait cette pâte aussi pâle qu'un visage, la striant de ses ongles avant de la livrer aux flammes du gaz ?

Nous arrivâmes dans ma ville, je récupérai mon sac et me levai. J'étais tendu parce que j'allais devoir passer devant lui. Quand je fus au niveau de son siège, je lui dis au revoir d'une voix basse. Mais il ne me répondit pas.

Et je me demandai ce que j'aurais dû faire. Aurais-je dû rester assis et discuter avec cet homme ? Aurais-je dû ne pas lui dire au revoir ? Quoi que j'aie fait, c'était une erreur. Sinon pourquoi aurais-je eu honte ainsi ?...

Auteur: Vollmann William T.

Info: Treize récits et treize épitaphes

[ antisémitisme ]

 

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Ajouté à la BD par miguel