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vénération

Ceci dit, le fétichisme est le même : à la limite tout objet ancien simplement parce qu'il a survécu et devient par là signe d'une vie antérieure. C'est la curiosité anxieuse de nos origines qui juxtapose aux objets fonctionnels, signes de notre maitrise actuelle, les objets mythologiques, signe d'un règne antérieur. Car nous voulons à la fois n'être que de nous-mêmes, et être de quelqu'un : succéder au père, procéder du père. Entre le projet Prométhéen de réorganiser le monde et de se substituer au père, et celui de descendre par la grâce de la filiation d'un être originel, l'homme ne sera peut-être jamais capable de choisir. Les objets eux-mêmes témoignent de cette ambiguité irrésolue. Certains sont médiations du présent, d'autres médiation du passé, et la valeur de ceux-ci est celle du manque. Les objets anciens sont comme précédés d'une particule, et la noblesse héréditaire compense la désuétude précoce des objets modernes. Jadis les vieillards étaient beaux parce qu'ils étaient "plus proches de Dieu" , plus riches d'expériences. Aujourd'hui, la civilisation technicienne a renié la sagesse des vieillards mais elle s'incline devant la densité des vieilles choses, dont la seule valeur est scellé et sûre.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: Le système des objets (1968, Gallimard, 288 p.)

[ mémoire ] [ nocivité du progrès technologique ] [ illusion ]

 

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cosmologie

C’est au fond la même métaphysique qui gouverne la théorie de la forme artistique depuis le romantisme : la métaphysique bourgeoise de la totalité. [...]

Cette théorie sert d’idéologie de base à tout ce qu’on a pu dire du poétique (la psychanalyse elle-même n’y échappe pas) : ambiguïté, polysémie, polyvalence, polyphonie de sens – il s’agit toujours d’une irradiation du signifié, d’une simultanéité de significations. [...]

Densité sémantique du langage, richesse d’information, etc. : le poète "libère" toutes sortes de virtualités [...]. Tout ce mythe joue sur une antériorité "sauvage", préconceptuelle, sur une virginité du sens. [...] il s’agit de découvrir "les secrètes correspondances qui existaient entre les choses".

Théorie "géniale" et romantique, cette vision trouve aujourd’hui paradoxalement à se réécrire en termes informatiques. La "richesse" polyphonique peut se dire en termes de "surcroît d’information". Au niveau du signifié : la poésie de Pétrarque constitue un capital immense d’information sur l’amour (Umberto Eco). Au niveau du signifiant : un certain type de désordre, de rupture, de négation de l’ordre habituel et prévisible du langage accroissent le taux d’information du message. [...]

Ainsi, l’imaginaire sémiologique concilie très bien la polyphonie romantique avec la description quantique.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: Dans "L'échange symbolique et la mort", éditions Gallimard, 1976, pages 340 à 342

[ cybernétique ] [ transformation ] [ transposition moderne ] [ plurivocité ] [ observateur ordonnant ]

 

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coma artificiel

Celui qui travaille reste celui qu’on n’a pas mis à mort, à qui est refusé cet honneur. Et le travail est d’abord le signe de cette abjection de n’être jugé digne que de la vie. Le capital exploite les travailleurs à mort ? Paradoxalement, le pire qu’il leur inflige est de leur refuser la mort. C’est de différer leur mort qu’il les fait esclaves, et les voue à l’abjection indéfinie de la vie dans le travail.

[...] le pouvoir du maître lui vient d’abord toujours de ce suspens de mort. Le pouvoir n’est donc jamais, à l’inverse de ce qu’on imagine, celui de mettre à mort, mais juste à l’inverse celui de laisser la vie – une vie que l’esclave n’a pas le droit de rendre. [...]

Si le pouvoir est mort différée, il ne sera pas levé tant que le suspens de cette mort ne sera pas levé. Et si le pouvoir, dont c’est partout et toujours la définition, réside dans le fait de donner sans qu’il vous soit rendu, il est clair que le pouvoir qu’a le maître d’octroyer unilatéralement la vie ne sera aboli que si cette vie peut lui être rendue – dans une mort non différée.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: Dans "L'échange symbolique et la mort", éditions Gallimard, 1976, page 72

[ condition prolétaire ] [ survie ] [ dépossession ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

bilan philosophique

Chez le premier Baudrillard, dans ses cinq premiers livres, on trouve un critique marxiste de la société capitaliste, comme société d’exploitation et plus encore comme société d’aliénation. Il ne renoncera jamais à cette critique-là, mais, chez le deuxième Baudrillard, et à partir de De la séduction, on se situe de plus en plus dans une analyse axée autour des simulacres et de la simulation, c’est-à-dire dans une déréalisation du réel au profit du simulacre. Baudrillard prolonge d’une certaine façon l’analyse de la société du spectacle de Guy Debord. Mais, chez Debord, derrière le spectacle, on trouve encore une trace du réel ; alors que, chez Baudrillard, au fil du temps, la notion de réel paraît de plus en plus absente. Il n’y a plus pour lui que du spectacle, comme il l’avoue explicitement. Le spectacle demeure quelque chose de très négatif à ses yeux. Il dit qu’il ne juge pas, mais il juge tout de même. En tout cas, cette déréalisation définit sa conception du monde contemporain. Mais il n’y pas vraiment ici d’analyse historique de la modernité comme on peut la trouver chez Marcel Gauchet ou d’autres auteurs. C’est une "critique" de la modernité, si vous voulez, mais sans que le vocable ne soit utilisé.

Auteur: Latouche Serge

Info: https://linactuelle.fr/index.php/2019/03/21/baudrillard-serge-latouche-decroissance-castoriadis/

[ évolution ] [ résumé ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

marchandises

Nous sommes à la fin de la production. Cette forme coïncide en Occident avec l’énonciation de la loi marchande de la valeur, c’est-à-dire avec le règne de l’économie politique. Auparavant, rien n’est produit à proprement parler : tout se déduit, par voie de grâce (Dieu), ou de gratification (la nature) d’une instance qui livre ou refuse ses richesses. La valeur émane du règne des qualités divines ou naturelles (elles se confondent pour nous rétrospectivement). C’est encore ainsi que les Physiocrates voient le cycle de la terre et du travail : celui-ci n’a pas de valeur propre. On peut se demander s’il y a alors une véritable loi de la valeur, puisque celle-ci est dispensée sans que son expression puisse devenir rationnelle. Sa forme n’est pas dégagée, puisqu’elle est liée à une substance référentielle inépuisable. Si loi il y a, c’est, par opposition à la loi marchande, une loi naturelle de la valeur.

Une mutation bouscule cet édifice – celui d’une distribution ou d’une dispense naturelle des richesses – dès lors que la valeur devient produite, sa référence le travail, sa loi d’équivalence généralisée de tous les travaux. La valeur est désormais assignée à l’opération distincte et rationnelle du travail humain (du travail social). Elle est mesurable, et du coup aussi la plus-value.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: Dans "L'échange symbolique et la mort", éditions Gallimard, 1976, page 23

[ historique ] [ ordre quantitatif ] [ transcendance-immanence ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

dimension double

La possession n'est jamais celle d'un ustensile car celui-ci me renvoie au monde, c'est toujours celle de l'objet abstrait de sa fonction et devenu relatif au sujet.

(...) Ils se constituent alors en système grâce auquel le sujet tente de reconstituer un monde , une totalité privée.

Tout objet a ainsi deux fonctions : l'une qui est d'être pratiqué, l'autre qui est d'être possédée. La première relève du champ de totalisation pratique du monde par le sujet, l'autre d'une entreprise de totalisation abstraite par le sujet par lui-même en dehors du monde. Ces deux fonctions sont en raison inverse l'une de l'autre. A la limite l'objet strictement pratique prend un statut social : c'est la machine. A l'inverse, l'objet pur, dénué de fonction ou abstrait de son usage prend un statut strictement subjectif. Il devient objet de collection. Il cesse d'être tapis, table, boussole ou bibelots pour devenir "objet" un bel "objet" dira e collectionneur et non pas une belle statuette. Lorsque l'objet n'est plus spécifié par sa fonction, il est qualifié par le sujet : mais alors tous les objets s'équivalent dans la possession, cette abstraction passionnée. Un seul n'y suffit plus. C'est toujours une succession d'objets, à la limite une série totale, qui en est le projet accompli.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: Le système des objets (1968, Gallimard, 288 p.)

[ industrialisation ]

 

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rémunération

Inversement, à partir du moment où le salaire est déconnecté de la force de travail, rien ne s’oppose plus (sinon les syndicats) à une revendication salariale maximaliste, illimitée. Car s’il y a un "juste prix" à une certaine quantité de force de travail, il n’y a plus de prix pour le consensus et la participation globale. [...]

Salaire maximum pour un travail minimum : tel est le mot d’ordre. Escalade de la revendication dont l’issue politique pourrait bien être de faire sauter le système par en haut, selon sa propre logique du travail comme présence forcée. Car ce n’est plus alors en tant que producteurs que les salariés interviennent mais en tant que non-productifs, rôle que leur assigne le capital – et ils n’interviennent plus dialectiquement, mais catastrophiquement, dans le processus.

Moins on a à en faire, plus on doit exiger un salaire élevé, puisque ce moindre emploi est le signe d’une absurdité plus évidente encore de la présence forcée. Voilà la "classe" telle qu’en elle-même le capital la change : dépossédée de son exploitation même, de l’usage de sa force de travail, elle ne saurait faire payer trop cher au capital ce déni de production, cette perte d’identité, cette débauche. Exploitée, elle ne pouvait exiger que le minimum. Déclassée, elle est libre d’exiger tout.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: Dans "L'échange symbolique et la mort", éditions Gallimard, 1976, pages 39-40

[ inversement proportionnel ] [ inflation ] [ travail social abstrait ] [ perte de la fonction d'index ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

camarde

La mort, la nôtre, est vraiment née au XVIè siècle. Elle a perdu sa faux et son horloge, elle a perdu les Cavaliers de l'Apocalypse et les jeux grotesques et macabres du Moyen Âge. Tout ça, c'était encore du folklore et de la fête, par où la mort s'échangeait encore, certes pas avec l'efficacité symbolique des primitifs, mais du moins comme phantasme collectif au fronton des cathédrales ou dans les jeux partagés de l'enfer. On peut même dire : tant qu'il y a de l'enfer, il y a du plaisir. Sa disparition dans l'imaginaire n'est que le signe de son intériorisation psychologique, quand la mort cesse d'être la grande faucheuse pour devenir l'angoisse de la mort. Sur cet enfer psychologique, d'autres générations de prêtres et de sorciers vont grandir, plus subtiles et plus scientifiques.

Avec la désintégration des communautés traditionnelles, chrétiennes et féodales, par la Raison bourgeoise et le système naissant de l'économie politique, la mort ne se partage plus. Elle est à l'image des biens matériels, qui circulent de moins en moins, comme dans les échanges antérieurs, entre des partenaires inséparables, et de plus en plus sous le signe d'un équivalent général. Dans le mode capitaliste, chacun est seul devant l'équivalent général. De même chacun se retrouve seul devant la mort - et ceci n'est pas une coïncidence. Car l'équivalence générale, c'est la mort.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: L'échange symbolique et la mort (1976)

[ historique ] [ faucheuse ] [ renaissance ]

 

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vie professionnelle-vie privée

Le travail (sous forme de loisir aussi bien) envahit toute la vie comme répression fondamentale, comme contrôle, comme occupation permanente en des lieux et des temps réglés, selon un code omniprésent. Il faut fixer les gens partout, à l’école, à l’usine, à la plage ou devant la TV, ou dans le recyclage – mobilisation générale permanente. Mais ce travail n'est plus productif au sens originel : il n'est plus que le miroir de la société, son imaginaire, son principe fantastique de réalité.  [...]

C’est à cela que tend toute la stratégie actuelle qui tourne autour du travail : job enrichment, horaires variables, mobilité, recyclage, formation permanente, autonomie, autogestion, décentralisation du procès de travail, jusqu’à l’utopie californienne du travail cybernétisé livré à domicile. On ne vous arrache plus sauvagement à votre vie pour vous livrer à la machine – on vous y intègre avec votre enfance, vos tics, vos relations humaines, vos pulsions inconscientes et votre refus même du travail – on vous trouvera bien une place avec tout cela, un job personnalisé ou, à défaut, une allocation de chômage calculée selon votre équation personnelle – de toute façon, on ne vous abandonnera plus jamais, l’essentiel est que chacun soit le terminal de tout le réseau, terminal infime, mais terme cependant – surtout pas un cri inarticulé, mais un terme de la langue, et au terme de tout le réseau structural de la langue.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: Dans "L'échange symbolique et la mort", éditions Gallimard, 1976, pages 30-31

[ totalitarisme ] [ télétravail ] [ revenu universel ] [ transformations ] [ sociologie ] [ labeur ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

crédit

Une génération a vu s’évanouir le concept de patrimoine et de capital fixe. Jusqu’à la génération passée, les objets acquis l’étaient en toute propriété, matérialisant un travail accompli. Le temps n’est pas loin encore où l’achat de la salle à manger, de la voiture, était le terme d’un long effort d’économie. On travaille en rêvant d’acquérir : la vie est vécue sous le mode puritain de l’effort et de la récompense, mais quand les objets sont là, c’est qu’ils sont gagnés, ils sont quittance du passé et sécurité pour l’avenir. Un capital. Aujourd’hui, les objets sont là avant d’être gagnés, ils anticipent sur la somme d’efforts et de travail qu’ils représentent, leur consommation précède pour ainsi dire leur production. […] Le statut d’une civilisation entière change ainsi avec le mode de présence et de jouissance des objets quotidiens. Dans l’économie domestique patriarcale fondée sur l’héritage et la stabilité de la rente, jamais la consommation ne précède la production. En bonne logique cartésienne et morale, le travail y précède toujours le fruit du travail comme la cause précède l’effet. Ce mode d’accumulation ascétique fait de prévision, de sacrifice, de résorption des besoins dans une tension de la personne, toute cette civilisation de l’épargne a eu sa période héroïque, pour s’achever sur la silhouette anachronique du rentier, et du rentier ruiné qui fait au XXe siècle l’expérience historique de la vanité de la morale et du calcul économique traditionnels. A force de vivre à la mesure de leurs moyens, des générations entières ont fini par vivre bien en dessous de leurs moyens.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: " Le système des objets ", éditions Gallimard, 1968, pages 221-223

[ créancier ] [ conséquences ] [ évolution ]

 

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