Citation
Catégorie
Tag – étiquette
Auteur
Info



nb max de mots
nb min de mots
trier par
Dictionnaire analogique intriqué pour extraits. Recherche mots ou phrases tous azimuts. Aussi outil de précision sémantique et de réflexion communautaire. Voir la rubrique mode d'emploi. Jetez un oeil à la colonne "chaînes". ATTENTION, faire une REINITIALISATION après  une recherche complexe. Et utilisez le nuage de corrélats !!!!..... Lire la suite >>
Résultat(s): 194
Temps de recherche: 0.0501s

contraste nécessaire

Qu’est-ce à dire ? La fin dernière de la science serait de procurer à l’homme le plus de plaisir possible et de lui éviter le moins de déplaisir possible ? Mais qu’en sera-t-il, dès lors que le plaisir et le déplaisir se trouveraient ne former qu’un seul nœud, si bien que, quiconque veut avoir le plus de plaisir possible, doit souffrir au moins autant de déplaisir […] ? […] ou bien le moins possible de déplaisir, l’absence de douleur – et au fond, les socialistes et les politiciens de tout parti devraient honnêtement ne pas en promettre davantage à leurs gens- ou bien le plus de déplaisir possible pour le prix de la croissance d’une abondance de joies et de plaisirs raffinés, rarement savourés jusqu’alors ! Vous décidez-vous pour la première alternative, dans l’intention de déprimer et de réduire la capacité de douleur des hommes, eh bien il faudra aussi rabaisser et réduire leur capacité de joie. En réalité à l’aide de la science on peut favoriser l’un comme l’autre but ! Peut-être est-elle davantage connue aujourd’hui par les puissants moyens qu’elle a de priver l’homme de ses joies, de le rendre plus froid, plus semblable à une statue, plus stoïque. Mais il se pourrait bien qu’un jour elle se révélât en tant que la grande pourvoyeuse de la douleur – et alors peut-être découvrirait-on simultanément sa force contraire, l’immense pouvoir de faire luire de nouvelles constellations de la joie !

Auteur: Nietzsche Friedrich

Info: Le gai savoir

[ inversion ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

nombres

Ô mathématiques sévères, je ne vous ai pas oubliées, depuis que vos savantes leçons, plus douces que le miel, filtrèrent dans mon coeur, comme une onde rafraîchissante. J'aspirais instinctivement, dès le berceau, à boire à votre source, plus ancienne que le soleil, et je continue encore de fouler le parvis sacré de votre temple solennel, moi, le plus fidèle de vos initiés. Il y avait du vague dans mon esprit, un je ne sais quoi épais comme de la fumée ; mais, je sus franchir religieusement les degrés qui mènent à votre autel, et vous avez chassé ce voile obscur, comme le vent chasse le damier. Vous avez mis, à la place, une froideur excessive, une prudence consommée et une logique implacable. À l'aide de votre lait fortifiant, mon intelligence s'est rapidement développée, et a pris des proportions immenses, au milieu de cette clarté ravissante dont vous faites présent, avec prodigalité, à ceux qui vous aiment d'un sincère amour. Arithmétique ! Algèbre ! Géométrie ! Trinité grandiose ! Triangle lumineux ! Celui qui ne vous a pas connues est un insensé ! Il mériterait l'épreuve des plus grands supplices ; car, il y a du mépris aveugle dans son insouciance ignorante ; mais, celui qui vous connaît et vous apprécie ne veut plus rien des biens de la terre ; se contente de vos jouissances magiques ; et, porté sur vos ailes sombres, ne désire plus que de s'élever, d'un vol léger, en construisant une hélice ascendante, vers la voûte sphérique des cieux.

Auteur: Lautréamont Isidore Ducasse

Info: Les chants de Maldoror, 1869, GF 528, Flammarion 1990 II 10 p.162

[ éloge ] [ poésie ]

 

Commentaires: 0

désolation

La neige tombe, indiscontinûment,
Comme une lente et longue et pauvre laine,
Parmi la morne et longue et pauvre plaine,
Froide d'amour, chaude de haine.

La neige tombe, infiniment,
Comme un moment -
Monotone - dans un moment ;
La neige choit, la neige tombe,
Monotone, sur les maisons
Et les granges et leurs cloisons ;
La neige tombe et tombe
Myriadaire, au cimetière, au creux des tombes.

Le tablier des mauvaises saisons,
Violemment, là-haut, est dénoué ;
Le tablier des maux est secoué
A coups de vent, sur les hameaux des horizons.

Le gel descend, au fond des os,
Et la misère, au fond des clos,
La neige et la misère, au fond des âmes ;
La neige lourde et diaphane,
Au fond des âtres froids et des âmes sans flamme,
Qui se fanent, dans les cabanes.

Aux carrefours des chemins tors,
Les villages sont seuls, comme la mort ;
Les grands arbres, cristallisés de gel,
Au long de leur cortège par la neige,
Entrecroisent leurs branchages de sel.

Les vieux moulins, où la mousse blanche s'agrège,
Apparaissent, comme des pièges,
Tout à coup droits, sur une butte ;
En bas, les toits et les auvents
Dans la bourrasque, à contre vent,
Depuis novembre, luttent ;
Tandis qu'infiniment la neige lourde et pleine
Choit, par la morne et longue et pauvre plaine.

Ainsi s’en va la neige au loin,
En chaque sente, en chaque coin,
Toujours la neige et son suaire, la neige pâle et inféconde,
En folles loques vagabondes,
Par à travers l’hiver illimité du monde.

Auteur: Verhaeren Emile

Info: "La neige" dans les Villages Illusoires

[ homme-univers ] [ paysage ] [ poème ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Coli Masson

occasion manquée

Je ne songeais pas à Rose ;

Rose au bois vint avec moi ;

Nous parlions de quelque chose,

Mais je ne sais plus de quoi.

 

J'étais froid comme les marbres ;

Je marchais à pas distraits ;

Je parlais des fleurs, des arbres ;

Son œil semblait dire : " Après ?"

 

La rosée offrait ses perles,

Les taillis ses parasols ;

J'allais ; j'écoutais les merles,

Et Rose les rossignols.

 

Moi, seize ans, et l'air morose ;

Elle vingt ; ses yeux brillaient.

Les rossignols chantaient Rose

Et les merles me sifflaient.

 

Rose, droite sur ses hanches,

Leva son beau bras tremblant

Pour prendre une mûre aux branches ;

Je ne vis pas son bras blanc.

 

Une eau courait, fraîche et creuse

Sur les mousses de velours ;

Et la nature amoureuse

Dormait dans les grands bois sourds.

 

Rose défit sa chaussure,

Et mit, d'un air ingénu,

Son petit pied dans l'eau pure ;

Je ne vis pas son pied nu.

 

Je ne savais que lui dire ;

Je la suivais dans le bois,

La voyant parfois sourire

Et soupirer quelquefois.

 

Je ne vis qu'elle était belle

Qu'en sortant des grands bois sourds.

"Soit ; n'y pensons plus !" dit-elle.

Depuis, j'y pense toujours.

 

Paris, juin 1831

Auteur: Hugo Victor

Info: Les Contemplations, Texte intégral : Paris, Ed. Michel Levy, 1856. Vieille chanson du jeune temps

[ poème ] [ adolescence ] [ femmes-hommes ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

consumérisme

Si un Bulgare me demandait de lui donner une idée de la vie quotidienne aux USA, je lui recommanderais sans hésitation de se procurer une pile des suppléments publicitaires du New York Times. Ils vous donnent une idée de la richesse et de la variété de la vie américaine qui dépasse tout ce que les étrangers peuvent imaginer dans leurs rêves les plus fous. Comme pour prouver ce que j'avance, mon numéro contenait un catalogue d'idées cadeaux, publié par la firme Zwingle de New York. Il offrait une gamme incroyable d'objets, de ceux dont on ne soupçonnait pas jusque-là qu'ils fussent indispensables : des embauchoirs musicaux, des parapluies avec radio incorporée dans le manche, des polissoirs à ongles électriques. Quel pays fabuleux ! Mon préféré était une petite plaque chauffante-à-poser-sur-son-bureau-pour-empêcher-son-café-de-refroidir. Une véritable aubaine pour ceux qui souffrent d'un dérangement cérébral qui les pousseraient à partir à l'aventure en oubliant leur boisson. J'imaginais les lettres d'épileptiques reconnaissants, venues du monde entier (Chère Zwingle compagnie, Je ne peux vous dire combien de fois je me suis retrouvé sur le plancher, saisi du grand mal, en train de me dire : "mon Dieu, mon café va encore être froid." ) Sérieusement, qui donc peut bien avoir l'idée d'acheter ces gadgets, cure-dents argentés, caleçons avec monogramme, miroirs ornés de l'inscription "homme de l'année" ? Si je dirigeais une de ces firmes, je produirais une petite planche d'acajou, avec une plaque de laiton où serait gravé : "les mecs, j'ai dépensé 22 dollars 95 pour cette merde absolument inutile." Je suis sûr que ça partirait comme des petits pains.

Auteur: Bryson Bill

Info: Motel Blues

[ absurde ] [ humour ]

 

Commentaires: 0

couchant

Pirate et Osbie Feel sont étendus sur le toit de l'immeuble, un magnifique coucher de soleil traverse et dessine la rivière sinueuse, impérial serpent, une multitude d'usines, d'appartements, de parcs, de tours et de façades enfumées, un ciel incandescent qui se déverse sur les kilomètres de rues profondes, l'encombrement des toits et les ondulations de la Tamise, y mettant une tension drastique d'orange brûlée pour rappeler au visiteur sa fugacité mortelle, pour sceller ou cacher toutes portes et fenêtres visibles à ses yeux, qui ne cherchent qu'un peu de compagnie, un mot ou deux dans la rue avant de monter vers l'odeur de savon de la chambre louée et les carrés corail du coucher de soleil sur le plancher - une lumière antique, intériorisée, combustible consommé dans l'holocauste hivernal programmé, les formes plus lointaines parmi les brins ou les feuilles de fumée sont maintenant elles-mêmes de parfaites ruines carbonisées, les fenêtres plus proches, frappées un instant par le soleil, ne réfléchissent plus rien mais contiennent la même lumière destructrice,  intense décoloration qui ne permet aucune promesse de retour, une lumière qui rouille les voitures du gouvernement sur les trottoirs, qui vernit les derniers visages se pressant devant les magasins dans le froid comme si une vaste sirène avait finalement retenti,  une lumière qui fait que les innombrables rues se transforment en canaux froids déserts, et qui, avec les étourneaux de Londres, emplit tout, les oiseaux convergent par millions vers des piédestaux de pierre embrumés, vers les endroits qui se vident et vers un grand sommeil collectif. Ils convergent en anneaux, des anneaux concentriques sur les écrans radar. Les opérateurs les appellent des "anges".  

Auteur: Pynchon Thomas

Info: Gravity's Rainbow, trad Mg

[ soir ] [ cépuscule ]

 
Mis dans la chaine

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

portrait

Quand la nature l’a créé, elle lui a donné une dose généreuse de force physique et de santé, et elle l’a étayé, pour ainsi dire, de toutes parts à grand renfort de respect et de confiance – afin qu’il puisse vivre comme un enfant ses trois fois vingt ans plus dix. Il avait environ 28 ans ; il était massif et lent, avec un cou trapu et charnu brûlé par le soleil, des cheveux noirs en broussailles et des yeux bleu terne, assoupis et calmes ; il respirait fort et avait l’odeur de son travail. Il portait une casquette aplatie en tissu gris, un grand manteau miteux couleur laine qui enveloppait et cachait son corps, et des bottes en cuir. Il était très musclé et c’était un gros consommateur de viande, qui emportait généralement son repas à l’endroit où il travaillait – à quelques miles de ma maison -, dans un seau en étain – des repas froids – souvent des marmottes froides que son chien avait capturées, et du café dans une bouteille en pierre qui se balançait au bout d’une corde, et il m’offrait parfois à boire. […]
Si d’autres avaient cultivé des facultés intellectuelles qui le laissaient pantois, son endurance et sa satisfaction physiques, comme le cousin pour le pin et le roc, les laissaient tout aussi pantois. Je lui ai demandé un jour s’il n’était pas fatigué le soir après avoir travaillé toute la journée, et il me répondit, l’air sincère et sérieux, tout à fait authentique : "Tudieu, je n’ai jamais été fatigué dans ma vie !" Cela sonnait comme le triomphe de l’homme physique. Cela montrait ce qu’un entraînement rigoureux et authentique pouvait accomplir chez tout le monde.

Auteur: Thoreau Henry David

Info: Dans "Histoire de moi-même", pages 141-142

[ bûcheron ] [ admiration ]

 
Mis dans la chaine

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Coli Masson

femmes-hommes

Il se rendit chez Hélène en sortant de l’hôpital.
Dès qu’il arriva, il s’enferma dans la salle de bains. Un gant de toilette s’égouttait sur le rebord du lavabo. Hélène venait de se laver. La brosse à dents était mouillée. Hélène voulait avoir l’haleine fraîche au cas où Loïc l’embrasserait. Il vit, sur un coin de la baignoire, une boîte bleue. Une boîte plate, presque ovale, qui ressemblait à un grand poudrier. C’était la boîte d’un diaphragme. Loïc l’ouvrit. Elle était vide. Il sourit. Ainsi, Hélène s’était préparée pour lui. Elle s’était soigneusement lavée et, jambes fléchies, un pied en appui sur le bord de la baignoire, elle avait mis son diaphragme. Puis elle avait enfilé un slip propre, neuf peut-être, avec le soutien-gorge assorti. Elle avait sûrement quitté son bureau plus tôt que d’habitude et elle était allée au magasin de lingerie. Elle avait essayé plusieurs modèles. Nue dans la cabine, elle avait sans doute eu froid. Elle s’était rapidement décidée. La vendeuse lui avait souri, complice. Et maintenant, elle était assise à côté de lui, propre, dans ses beaux dessous, avec, dans la bouche, le goût du dentifrice. Il lui parlait, elle ne l’écoutait pas. Elle pensait au moment où il se déciderait à poser la main sur elle, à la toucher, à la caresser. Elle y penserait au restaurant et dans la voiture, au retour. Jusqu’à ce qu’il s’arrête devant chez elle, sans se garer, sans couper le contact. Là, elle comprendrait. Les sous-vêtements neufs et le diaphragme n’auraient servi à rien. Elle rentrerait seule. Dans la salle de bains, elle verrait le gant de toilette avec lequel elle s’était lavée et la boite bleue et elle se jetterait sur son lit en pleurant. Lui, il irait chez Brigitte.

Auteur: Bernheim Emmanuèle

Info: Un couple

[ littérature ]

 

Commentaires: 0

maman-enfant

Je me suis assise dans le studio et j’ai parlé à mon enfant.

J’ai dit à mon enfant qu’il devrait se réjouir de ne pas être lâché dans ce monde où même les plus grandes joies sont teintées de souffrance, où nous sommes les esclaves des forces matérielles. Il a remué et m’a donné un coup de pied. Si plein d’énergie mon enfant, mon enfant à demi créé que je vais renvoyer au néant.

Renvoyer à l’obscurité, à l’inconscience, et au paradis du non-être.

Je t’ai connu ; j’ai vécu avec toi. Tu n’es que l’avenir. Tu es l’abdication.

Je vis au présent, avec des hommes qui sont plus près de la mort. Je veux des hommes, et non une future extension de moi-même, comme une branche. Mon tout petit, pas encore né, il fait très sombre dans la pièce où nous sommes assis tous les deux, certainement aussi sombre qu’à l’intérieur de moi où tu te trouves, mais il doit être plus doux pour toi de reposer dans ma chaleur que pour moi de rechercher dans cette pièce sombre la joie de ne pas savoir, de ne pas sentir de ne pas voir, la joie de rester calmement allongée dans cette chaleur et cette obscurité. Nous tous, à jamais condamnés à rechercher cette chaleur et cette obscurité, cette vie sans souffrance, cette vie sans angoisse, sans peur et sans solitude. Tu es impatient de vivre ; tu frappes de tes petits pieds, mon tout petit, pas encore né ; tu dois mourir.

Tu dois mourir avant de connaître la lumière, la souffrance et le froid. Tu dois mourir dans la chaleur et l’obscurité. Tu dois mourir parce que tu es sans père.

Auteur: Nin Anaïs

Info: Journal, 1932-1934. Agée de 30 ans, elle a décidé d'avorter

[ interruption de grossesse ] [ IVG ]

 
Commentaires: 1
Ajouté à la BD par miguel

réveil

Comme tous les jours, il est 8 h 30 précises lorsque le premier valet de chambre par quartier, qui a dormi sur un lit de camp dans la somptueuse chambre du roi, tendue de soie rouge sur laquelle sont pendus des tableaux des plus grands maîtres, franchit la balustrade de bois doré derrière laquelle sommeille le souverain dans l'alcôve. S'il fait froid (et c'est souvent le cas à Versailles, même en dehors de l'hiver) un feu de bois a déjà été allumé dans la cheminée par l'un des nombreux feutiers du palais. Les officiers du gobelet sont eux aussi déjà en fonction avec le petit déjeuner du roi, c'est-à-dire un bouillon de viande et une tasse d'infusion à la sauge ou à la véronique.
Le premier valet de chambre ouvre les rideaux du lit de brocart surmonté de quatre bouquets de plumes d'autruche et prononce la formule traditionnelle : "Sire, voilà l'heure."
Le roi s'éveille, prend son bouillon, se laisse ausculter par son premier médecin et son premier chirurgien, qu'accompagne généralement son ancienne nourrice, Perrette Dufour, à qui il souhaite le bonjour. Commencent alors les premières entrées auxquelles assistent les princes du sang et les grands officiers de la Couronne, qui se sont donc éveillés et habillés une heure plus tôt, au moins. Le roi fait sa toilette devant eux, ce qui revient à dire qu'il se lave les mains avec un peu d'esprit de vin, tout en récitant quelques prières. Toujours en chemise, le roi sort de son lit, enfile une robe de chambre en brocart et va s'asseoir sur sa chaise percée dans laquelle, au su et à la vue de tous, il fait ses besoins matinaux, à moins qu'il ne fasse que semblant, puisque c'est la tradition, étant au préalable passé par son cabinet d'aisance.

Auteur: Saint-Bris Gonzague

Info: Louis XIV et le grand siècle, Pages 181-182

[ anecdote ]

 

Commentaires: 0