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imagination

L'abstrait m'a toujours paru plus impressionnant que le concret. Je me rappelle qu'étant enfant, je ne craignais personne, pas même les bêtes ; mais j'avais peur, et comment ! des pièces obscures... Je me souviens que cette apparente singularité déroutait la psychologie simpliste dont j'étais entouré.
De même, et contrairement aux gens ordinaires, j'ai toujours craint davantage la mort que de mourir. Je méprisais d'ailleurs, et je méprise toujours, la douleur. J'ai toujours attaché plus de valeur à ma conscience qu'aux sensations agréables de ma peau.

Auteur: Pessoa Fernando

Info: L'Education du stoïcien

[ angoisse ] [ cérébral ]

 

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avoir

La vie se ramène pour nous à ce que nous pouvons en concevoir. Aux yeux du paysan, pour lequel son champ est tout au monde, ce champ est un empire. Aux yeux de César, pour qui son empire est encore peu de chose, cet empire n'est qu'un champ. Le pauvre possède un empire ; le puissant possède un champ. En fait, nous ne possédons jamais que nos impressions ; c'est donc sur elles, et non sur ce qu'elles perçoivent, que nous devons fonder la réalité de notre existence.

Auteur: Pessoa Fernando

Info: Le livre de l'intranquillité

[ représentation ] [ relatif ]

 

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écriture

Tout enfant, j'écrivais des vers. C'étaient des vers exécrables, mais je les jugeais parfaits. Je ne connaîtrai plus jamais ce plaisir trompeur de produire une oeuvre parfaite. Ce que j'écris aujourd'hui est bien meilleur; c'est même meilleur que ce que pourraient écrire les meilleurs poètes. Mais c'est infiniment au-dessous de ce que, je le sens bien sans savoir pourquoi, je pourrais ou, qui sait, devrais écrire. Je pleure sur mes mauvais poèmes d'enfant comme sur un enfant mort, un fils mort, un dernier espoir qui se serait évanoui.

Auteur: Pessoa Fernando (Alv. de Campos)

Info:

[ insatisfaction ] [ perfectionnement ] [ innocence perdue ] [ nostalgie ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

écriture

La plupart des gens souffrent de cette infirmité de ne pas savoir dire ce qu'ils voient ou ce qu'ils pensent. [...] La littérature tout entière est un effort pour rendre la vie bien réelle. Comme nous le savons tous, même quand nous agissons sans le savoir, la vie est absolument irréelle dans sa réalité directe : les champs, les villes, les idées, sont des choses totalement fictives, nées de notre sensation complexe de nous-mêmes. Toutes nos impressions sont incommunicables, sauf si nous en faisons de la littérature.

Auteur: Pessoa Fernando

Info: Le livre de l'intranquillité

[ thérapie ]

 

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existence

La vie est un voyage expérimental, accompli involontairement. C'est un voyage de l'esprit à travers la matière, et, comme c'est l'esprit qui voyage, c'est en lui que l'on vit. Il y a, de ce fait, des âmes contemplatives qui ont vécu plus intensément, plus extensément, plus tumultueusement que d'autres qui ont vécu à l'extérieure d'elles-mêmes.

Le résultat est tout. Ce que l'on a senti est ce que l'on a vécu. On rentre aussi fatigué d'un rêve que d'un travail concret. On n'a jamais vécu autant que lorsqu'on a beaucoup pensé.

Auteur: Pessoa Fernando (Alv. de Campos)

Info:

[ spirituelle ] [ intellectuelle ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

humilité

La banalité est un foyer. Le quotidien est maternel. Après une longue incursion dans la grande poésie, vers les sommets des aspirations sublimes, vers les cimes du transcendant et de l’occulte, on trouve délicieux, on trouve toute la chaleur de la vie au retour à l’auberge où s’esclaffent les imbéciles heureux, où l’on boit avec eux, imbécile à son tour et tel que Dieu nous a faits, satisfaits de l’univers qui nous a été donné, et laissant le reste à ceux qui escaladent les montagnes, pour ne rien faire une fois là-haut.

Auteur: Pessoa Fernando (Alv. de Campos)

Info: Le livre de l'intranquillité

[ grégaire ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

réalité partagée

Je ne puis regretter profondément de n’avoir pu être un empereur romain, mais je peux regretter amèrement de n’avoir jamais seulement adressé la parole à la petite couturière qui, vers les neuf heures, tourne toujours à droite au bout de la rue. Le rêve qui nous promet l’impossible, de ce fait même nous en prive déjà, mais le rêve qui nous promet le possible intervient dans la vie elle-même et y délègue sa solution. L’un vit en toute indépendance, en excluant tout le reste ; l’autre est soumis aux contingences des événements extérieurs.

Auteur: Pessoa Fernando (Alv. de Campos)

Info: Le livre de l'intranquillité

[ chimères personnelles ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

réminiscence

Le temps ! Le passé ! Soudain quelque part - un chant, un parfum senti par hasard - soulève en mon âme le bâillon qui étouffait mes souvenirs... Tout ce que j'ai été et ne serai jamais plus ! Tout ce que j'ai eu, et n'aurai plus jamais ! Et les morts ! Ces morts qui m'ont aimé tout enfant ! Quand je les évoque, toute mon âme se glace et je me sens banni des coeurs humains, seul dans la nuit de moi-même, et pleurant, tel un mendiant, le silence clos de toutes les portes.

Auteur: Pessoa Fernando (Alv. de Campos)

Info: Le livre de l'intranquillité

[ son ] [ odeur ] [ mémoire ] [ catalysée ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

malentendu

J'ai toujours évité, avec horreur, d'être compris. Être compris c'est se prostituer. J'aime mieux être pris sérieusement pour ce que je ne suis pas, et être ignoré humainement, avec décence, avec naturel.

Rien ne provoquerait autant mon indignation que de voir mes collègues de bureau me trouver "différent". Je veux savourer à part moi cette ironie de ne pas être, pour eux, différent. Je veux endurer ce cilice de les voir me juger semblable à eux, et subir cette crucifixion de ne pas être distingué. Il est des martyrs plus subtils que ceux des saints et des ermites.

Auteur: Pessoa Fernando (Alv. de Campos)

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[ solitude ] [ dissimulation ] [ masque ] [ paix ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

auto-évaluation

Quand je mets de côté mes artifices et range dans un coin, avec un soin amoureux et l'envie de les embrasser, mes jouets à moi - mots, images ou phrases -, alors je me sens si petit, si inoffensif et si seul, perdu dans une pièce immense, et si triste, si profondément triste !

En fin de compte, qui suis-je, lorsque je ne joue pas ? Un pauvre orphelin abandonné dans les rues des Sensations, grelottant de froid aux coins venteux de la Réalité, obligé de dormir sur les marches de la Tristesse et de mendier le pain de l'Imaginaire.

Auteur: Pessoa Fernando (Alv. de Campos)

Info: Le livre de l'intranquillité

[ écriture ] [ thérapie ]

 

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Ajouté à la BD par miguel