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antispiritualisme

Regardez tous ces gens qui se dressent au-dessus du peuple chrétien, n'ont-ils pas altéré l'image de Dieu et sa vérité ? Ils ont la science assujettie aux sens. Quant au monde spirituel, la moitié supérieure de l'être humain, on le repousse, on le bannit allègrement, même avec haine. Le monde a proclamé la liberté [...] ; mais que représente cette liberté ! Rien que l'esclavage et le suicide ! Car le monde dit : "Tu as des besoins, assouvis-les, tu possèdes les mêmes droits que les grands, et les riches. Ne crains pas donc pas de les assouvir, accrois-les même" ; voilà ce qu'on enseigne maintenant. Telle est leur conception de la liberté. Et que résulte-t-il de ce droit à accroître les besoins ? Chez les riches, la solitude et le suicide spirituel ; chez les pauvres, l'envie et le meurtre, car on a conféré des droits, mais on a pas encore indiqué les moyens d'assouvir les besoins. On assure que le monde, en abrégeant les distances, en transmettant la pensée dans les airs, s'unira toujours davantage, que la fraternité régnera. Hélas ! Ne croyez pas à cette union des hommes. Concevant la liberté comme l'accroissement des besoins et leur prompte satisfaction, ils altèrent leur nature, car ils font naître en eux une foule de désirs insensés, d'habitudes et d'imaginations absurdes. Ils ne vivent que pour s'envier mutuellement, pour la sensualité et l'ostentation. [...] quant aux pauvres, l'inassouvissement des besoins et de l'envie sont pour le moment noyés dans l'ivresse. Mais bientôt, au lieu de vin, ils s'enivreront de sang, c'est le but vers lequel on les mène. Dites-moi si un tel homme est libre. Un "champion de l'idée" me racontait un jour qu'étant en prison on le priva de tabac et que cette privation lui fut si pénible qu'il faillit trahir son "idée" pour en obtenir. Or cet individu prétendait "lutter pour l'humanité". De quoi peut-il être capable ? Tout au plus d'un effort momentané, qu'il ne soutiendra pas longtemps. Rien d'étonnant à ce que les hommes aient rencontré la servitude au lieu de la liberté, et qu'au lieu de servir la fraternité et l'union ils soient tombés dans la désunion et la solitude [...]. Aussi le dévouement à l'humanité, de la fraternité, de la solidarité disparaît-elle graduellement dans le monde ; en réalité, on l'accueille même avec dérision, car comment se défaire de ses habitudes, où ira ce prisonnier des besoins innombrables par lui inventés ? Dans la solitude, il se soucie fort peu de la collectivité. En fin de compte, les biens matériels se sont accrus et la joie a diminué.

Auteur: Dostoïevski Fédor Mikhaïlovitch

Info: Les Frères Karamazov (1880), p. 426, trad. Henri Montgault, éd. Gallimard, coll. "Folio"

[ impasse matérialiste ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

agapè

Anastasia, ma bien-aimée, pourquoi ai-je cette impression que tu te confies à moi comme tu le ferais auprès d’un papa aimant ? Pourquoi ai-je le sentiment de t'aimer plus qu'un père n'aimerait sa propre fille ? Ma douce et jeune amie, dont je lis chaque message avec tant de joie... voilà que l'on s'échange des photos de chats et que j'aime tellement les photos de ta belle Jaina... l'amour rend un peu sénile.
Mes sentiments pour toi ont toujours été ambigus, je t'ai désirée comme un homme désire une belle femme. Voilà le constat : les hommes sont obsédés par la chair à tous les âges et leur dignité, c'est de rester discret sur ce secret graveleux ! Si seulement tu avais été une demi-mondaine, précieuse, vénale, superficielle que sais-je... ça m'aurait aidé ! Pour mon malheur ou peut-être pour mon bonheur, nous nous sommes rapprochés en vertu de la plus belle des amitiés, et d'une admiration que j'espère réciproque.
Le moteur de l'écrivain, du poète, c'est presque toujours l'amour des femmes et leurs promesses de plaisirs profonds, mystérieux. Sans une Erato, pas de recueil de poésie, pas de poèmes écrits sur l'asphalte de nos rues, rendues brûlantes par un soleil d'été implacable et triomphant. Mon Erato à moi porte un prénom, son visage habille le ciel de ma ville.
Face à la femme qui est bienveillante en plus d'être belle, je n'ai trouvé aucune parade. La vie poursuit son œuvre, l'homme accepte que tourne la roue du destin, accepte cet espace-temps qui le sépare de sa bien-aimée. Expérience du deuil, invitation à prolonger l'amour sur d'autres plans... mon amour pour toi nous tire vers le haut, la main du destin a saisi la mienne pour me conduire progressivement sur d'autres horizons.
Il est toujours possible d'explorer cette autre dimension de l'amour que l'on qualifie parfois d'inconditionnel. Rabindranath Tagore, Rûmî, Sohrawardi l'ont fait avant moi, tant pis si je n'ai que leur inspiration et pas leur génie. Tant pis si je ne connaîtrai jamais le côté réel ou illusoire de cette quête, ses détracteurs n’en sauront pas plus. Peu m’importe, à vrai dire, pourvu que la vie se poursuive.
Pauvre qui, comme l'apprenti-philosophe, doit choisir entre la joie et le désarroi face au spectacle envoûtant de la danseuse persane promise au marin de passage, vaguement attentive aux prophéties que seuls écoutent encore les étudiants et les sots ! Elle danse pour elle et sa danse embellit le monde. Il y a un temps pour la jouissance, pour le reste c'est à voir... peut-être... un jour… plus tard ! J'ai choisi de continuer à t'aimer, malgré tout.

Auteur: Fossat Simon

Info: Correspondance à Anastasia

[ déclaration ] [ hommes-femmes ] [ philia ] [ correspondance ]

 

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Ajouté à la BD par SFuchs

mode

Je n’aurais pas pour ma part levé le petit doigt pour posséder une Rolex, des Nike ou une BMW Z3 ; je n’avais même jamais réussi à établir la moindre différence entre les produits de marque et les produits démarqués. Aux yeux du monde, j’avais évidemment tort. J’en avais conscience : ma position était minoritaire, et par conséquent erronée. Il devait y avoir une différence entre les chemises Yves Saint Laurent et les autres chemises, entre les mocassins Gucci et les mocassins André. Cette différence, j’étais le seul à ne pas la percevoir ; il s’agissait d’une infirmité, dont je ne pouvais me prévaloir pour condamner le monde. Demande-t-on à un aveugle de s’ériger en expert de la peinture post-impressionniste ? Par mon aveuglement certes involontaire, je me mettais en dehors d’une réalité humaine vivante, suffisamment forte pour provoquer des dévouements et des crimes. Ces jeunes, à travers leur instinct demi-sauvage, pressentaient sans nul doute la présence du beau ; leur désir était louable, et parfaitement conforme aux normes sociales ; il suffisait en somme de rectifier son mode d’expression inadéquat. À bien y réfléchir, pourtant, je devais convenir que Valérie et Marie-Jeanne, les deux seules présences féminines un tant soit peu consistantes de ma vie, manifestaient une indifférence totale aux « chemisiers Kenzo et aux sacs Prada ; en réalité, pour autant que je puisse le savoir, elles achetaient à peu près n’importe quelle marque. Jean-Yves, l’individu que je connaisse bénéficiant du plus haut salaire, optait préférentiellement pour des polos Lacoste ; mais il le faisait en quelque sorte machinalement, par ancienne habitude, sans même vérifier si sa marque favorite n’avait pas été dépassée en notoriété par un challenger plus récent. Certaines fonctionnaires du ministère de la Culture, que je connaissais de vue (si l’on peut dire, car j’oubliais régulièrement, entre chaque rencontre, leur nom, leur fonction et jusqu’à leur visage) achetaient des vêtements de créateur ; mais il s’agissait invariablement de créateurs jeunes et obscurs, distribués dans une seule boutique à Paris, et je savais qu’elles n’auraient pas hésité à les abandonner si d’aventure ils avaient connu un succès plus large. La puissance de Nike, Adidas, Armani, Vuitton, était ceci dit indiscutable ; je pouvais en avoir la preuve concrète, chaque fois que nécessaire, en parcourant Le Figaro et son cahier saumon. Mais qui exactement, en dehors des jeunes de banlieue, faisait le succès de ces marques ? Il devait y avoir des secteurs entiers de la société qui me demeuraient étrangers ; à moins qu’il ne s’agisse, plus banalement, des classes enrichies du tiers-monde. J’avais peu voyagé, peu vécu, et il devenait de plus en plus clair que je ne comprenais pas grand-chose au monde moderne.

Auteur: Houellebecq Michel

Info: Plateforme

[ habillement ] [ ajustement ] [ tyrannie des apparences ] [ surmoi frustrant ]

 
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Ajouté à la BD par Bandini

société techno-scientifique-marchande

Dans le nouvel esprit des catastrophes, il n’y a rien à craindre pourvu qu’on s’adapte. Nous voici face au nouvel avatar de la raison catastrophique, raison qui nous trouve toujours de bonnes raisons de tirer parti du pire. Aussi pandémique soit-elle, la résilience n’est pourtant pas une simple rhétorique. C’est avant tout une technologie du consentement dont la finalité est d’amener les populations en situation de désastre à consentir au et par le “progrès” technique ; à consentir aux nuisances en rendant incontournable, voire nécessaire, le fait de “vivre avec” le désastre ; à consentir à la participation à travers la cogestion des dégâts avec les pouvoirs publics ; à consentir encore à l’ignorance en désapprenant à être affecté, en renonçant à notre santé notamment, notre désir de vérité aussi ; à consentir, enfin, à devenir les cobayes de conditions de vie dégradées induites par le désastre. […]

C’est pourquoi la cogestion avec les populations rendues optimistes par la grâce de la joie agissante constitue un pilier des rhétoriques de résilience. Elle participe de l’élaboration du consentement au désastre et à ses suites. Il s’agit de donner naissance à un micro-entrepreneuriat des décombres. Car en transformant les victimes en acteurs, le statut même de victime est dilué dans la cogestion des dégâts, tandis que celui du désastre l’est dans la promesse de l’avènement d’un “nouveau départ” garanti par la résilience et fondé sur l’adaptation-soumission. Naît ainsi la confusion entre l’accomplissement du sujet et les nécessités que lui impose sa survie en milieu catastrophique. […]

Enquêter sur les déterminants de la survie pour mieux la paramétrer et en élaborer les outils thérapeutiques en conséquence : voilà l’activité scrupuleusement menée par les “techno-bigots” de la résilience, cette métaphysique étatique du malheur. Non seulement cela revient-il à ne jamais condamner les causes qui poussent de plus en plus de gens à être engloutis dans ce qui n’est plus qu’une survie, mais cela concourt-il aussi à sa planification plutôt qu’à vivifier le désir de prendre de la distance vis-à-vis de la condition de survivant. Seule l’émancipation, consistant précisément à aller à l’encontre de l’identification du sujet à cette condition, peut mettre fin à la dangereuse entreprise de désocialisation de la catastrophe et de la réalité du malheur – usurpation visant à les soustraire à toute forme d’explication sociale tout en les exhortant à marcher d’un pas unifié derrière l’appel à l’endurance – pour enfin cesser de faire du désastre le pendant inéluctable du progrès au point d’en faire sa source. En finir avec la perpétuation du mythe d’un malheur vertueux rendant inapte toute tentative de s’y opposer.

Auteur: Ribault Thierry

Info: "En réponse aux résiliothérapeutes et leur métaphysique du malheur", Socialter n°48 octobre-novembre 2021

[ déresponsabilisation ] [ endoctrinement ] [ malléabilité ] [ psychothérapie instrument du pouvoir ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

programme

Ça pourrait être cela, en fin de compte, le propre de la critique : repérer ce qui tend à rendre le roman impossible. Il y a donc la poétification de la réalité. Et aussi, en vrac : l’interdiction de se moquer ou de caricaturer (tout le monde est respectable) ; la victimocratie ; le primat des larmes et de l’émotion, mélange radioactif de résidus de gauchisme et de puritanisme ; le terrorisme du cœur ; le chantage au moi comme authenticité, comme preuve (et finalement comme œuvre : "Il me suffit d’exhiber mes blessures et d’appeler ça de l’art. reconnaissez mes blessures comme de l’art et taisez-vous !") ; le rôle épurateur des émissions dites littéraires du type "Apostrophes", leur longue mission de nettoyage éthique et de formation de nouvelles générations d’ "auteurs" consensuels ; la confusion organisée des sexes (alors qu’un bon romancier est toujours un très ferme différenciateur des sexes) ; la propagande homophile acceptée lâchement comme style de vie général ("On est tous un peu homos") ; le devenir nursery-monde du monde, l’infantilisation généralisée (devant "l’intérêt de l’enfant", qui oserait ne pas s’agenouiller ?) ; la vitesse médiatique, la sinistre vitesse liquidatrice, en opposition avec la lenteur nécessaire aux arts (à leur profond instinct de conservation) ; le modèle du racisme à toutes les sauces (invention du "sexisme" sur le moule du racisme, fabrication plus récente du "spécisme", crime consistant à voir une distinction entre les espèces) ; le refus des gens eux-mêmes, des simples gens, de n’être que des gens, leur prétention à passer pour le gratin, pour le dessus du panier, pour l’élite, leur désir d’être pris pour des people, comme on dit dans les magazines people justement, donc à perdre toute consistance romanesque […] ; la culture englobant les différentes disciplines dites artistiques et les réorientant vers une finalité résolument touristique, à l’intérieur du nouvel ordre social lui-même touristique (on vient, on paie, on regarde, on photographie, on camescopise, on approuve, on s’évacue) ; le tourisme lui-même, bien sûr, forme ultime et destructrice de la transparence planétaire, avec son choix de sites, ses cadrages, ses ravages et son accompagnement de pâtisseries romanesques luberonnaises ou vénitiennes qui ne renseignent que sur l’endroit où les auteurs ont passé leurs derniers congés payés. Et il faudrait encore ajouter la prévention généralisée, la Sécurité sociale (pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, la survie triomphant de la vie), la politique des sondages en lutte contre toute attitude anti-communautaire, contre toute échappée hors des "valeurs" de la classe moyenne, contre toute imprévisibilité (donc contre l’essence du romanesque). Et ainsi de suite.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels I - Rejet de greffe", pages 5-6

[ démolition ] [ dissection du discours ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

femmes-entre-elles

Parmi les femmes qui composaient la société de***, Mélanide était la moins aimable, et l'une des plus remarquables par son esprit ; mais personne encore n'avait poussé plus loin l'enivrement et l'aveuglement de l'amour-propre. Ce qui entraîne le défaut de goût, et produit toujours les ridicules les plus saillants.
Avec des traits et une taille hommasse, Mélanide ne pouvait se trouver jolie ; mais elle se persuadait qu'elle était belle, et d'après cette opinion, elle avait toute la recherche de la parure, toutes les mines d'une coquette uniquement occupée de sa figure. Il y avait dans sa personne et dans ses manières quelque chose de si affecté, de si bizarre, que dès qu'elle paraissait, tous les yeux se fixaient sur elle. Et, prenant alors l'étonnement et la curiosité pour de l'admiration, elle se disait tout bas, "nulle femme n'a produit cet effet"; et cette comique illusion de son orgueil était parfaitement exprimée par la mâle assurance de son maintien, par son air intrépide et conquérant : elle ignorait que les hommes qui aiment le mieux les femmes, ne regardent jamais fixement celles qui sont jeunes, jolies, et modestes. La galanterie à cet égard ressemble à l'amour: elle craint de blesser et de profaner son objet ; elle n'ose le contempler qu'à la dérobée; et c'est ainsi qu'en admirant la beauté elle rend hommage à la pudeur.
Mélanide avait infiniment d'esprit, mais un esprit absolument dénué de grâce; et le désir ardent et continuel de briller le rendait souvent faux. Ne pensant qu'à elle, rapportant tout à elle, ne parlant que d'elle, directement ou indirectement, elle ne savait ni écouler, ni répondre. Quand on ne voyait pas clairement sa vanité, on la sentait; on en était toujours ou frappé ou importuné. Les amis de Mélanide faisaient d'elle, sans le vouloir, la critique la plus piquante; ils avouaient qu'elle contait mal, qu'elle était dépourvue du charme, du naturel et de la naïveté, de celui de la gaîté. Mais ils prétendaient qu'elle avait dans la conversation "de la force et de l'éloquence".
Cette singulière admiration ressemblait plus à une épigramme qu'à un éloge. Sans doute on peut être éloquent en tête-à-tête avec ce qu'on aime, tandis que dans la conversation il faut, non les talents d'un orateur, mais de la grâce et du naturel. Dans la société la plus intime, un entretien agréable est toujours un dialogue vif et serré : l'usage du monde en exclut les "longues tirades", et par conséquent l'éloquence; rien n'y doit être approfondi : la variété, la légèreté en font le charme ; la force y serait déplacée, elle n'y paraîtrait que comme de la pesanteur.

Auteur: Genlis Madame de

Info: à propos de Mme de Staël

[ vacherie ] [ haine ] [ mondanités ]

 

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guitare

Cher Monsieur Reinhardt,
En Juillet dernier, je fus convié à participer à New York à un colloque sur la paix dans le monde. Le soir venu, avec quelques amis, nous nous sommes rendus au Café Society à Greenwich village afin d'assister au concert donné par Duke Ellington, car on nous avait informé que vous étiez maintenant membre de son orchestre et telle ne fut pas notre surprise de constater votre absence.
À la fin du concert, j'allais féliciter Monsieur Ellington pour sa prestation pianistique et la grande qualité de son orchestre.
Il nous présenta la très chaleureuse Rosetta Tharpe qui assurait la première partie de la soirée. C'est une femme très douée, pourvue de grandes qualités morales s'accompagnant d'une étrange guitare, possédant en son centre une espèce de couvercle de métal vibrant engendrant un son envoûtant correspondant parfaitement à son répertoire au caractère très spirituel.
Vous pensant quelque peu souffrant, j'interrogeais Monsieur Ellington, qui eut l'air navré de ne pas satisfaire ma requête, ne sachant pas où vous étiez présentement. Il me rassura sur votre état de santé et me confia que la veille au soir vous étiez dans une " forme électrique" (c'est le terme qu'il a employé). J'en déduisis que vous étiez en bonne santé tout en constatant que Monsieur Ellington avait une conception quelque peu personnelle de l'électricité. Très posément, il me fit votre éloge vantant vos qualités d'expressions hors normes laissant même ses propres musiciens dont le jovial Fred Guy, subjugués par votre facilité à changer de tonalité dans l'improvisation.
J'ai cru comprendre que vos habitudes étaient peu compatibles avec la rigueur imposée par les tournées américaines et comme je vous comprends : toute ma vie, j'ai lutté pour la liberté et je continue à lutter contre toutes les contraintes susceptibles de juguler l'esprit créatif si cher au musicien comme au scientifique.
Vous et moi sommes de la famille des déracinés, quelque part nous sommes des incompris et je serais le plus heureux des hommes le jour où je vous serrerais la main. Et ce jour-là, nous pourrions échanger, si vous n'y voyez pas offense quelques notes, vous et votre guitare que beaucoup considèrent comme exceptionnelle et moi avec mon violon, un Aegidius Klotz de très bonne facture que ma mère avait exigé de mon père qu'il l'achetât afin que j'entreprenne une carrière de violoniste, car tels étaient ses désirs... J'en joue encore un peu à l'occasion lorsque j'ai besoin de ressentir, et je pense que vous me rejoindrez sur ce thème, la sphéricité du tout qui est si peu de chose comparé au vide créateur.
Nous nous rencontrerons un jour, j'en suis sûr, car rien n'est établi.
Sincèrement vôtre.

Auteur: Einstein Albert

Info: Lettre du 15 Septembre 1946

[ jazz ]

 

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points de vue

Un jour de grand soleil, six aveugles instruits et curieux, désiraient, pour la première fois, rencontrer un éléphant afin de compléter leur savoir.

Le premier s’approcha de l’éléphant, et près de de son flanc vaste et robuste, il s’exclama : "Dieu me bénisse, un éléphant est comme un mur !".

Le deuxième, tâtant une défense s’écria "Oh ! Oh ! rond, lisse et pointu!, selon moi, cet éléphant ressemble à une lance !".

Le troisième se dirigea vers l’animal, pris la trompe ondulante dans ses mains et s'écria : "Pour moi, l’éléphant est comme un serpent".

Le quatrième tendit une main impatiente, palpa le genou de l'éléphant et décida qu’un éléphant devait ressembler à un arbre !

Le cinquième ayant touché par hasard l’oreille de l'éléphant, dit : "Même pour le plus aveugle des aveugles, cette merveille d’éléphant est comme un éventail !"

Le sixième chercha à tâtons l’animal et, s’emparant de la queue qui balayait l’air, perçu quelque chose de familier : "Je vois, dit-il, l’éléphant est comme une corde !"

Les 6 aveugles discutèrent longtemps avec passion, chacun défendant sa perception de ce que pouvait être un éléphant. Ils avaient bien du mal à s'entendre.

Un sage qui passait par là les entendit se disputer et demanda : "Que se passe t-il quel est l'objet de vos échanges si passionnés ?"

"Nous n'arrivons pas nous à mettre d’accord sur ce que peut être un éléphant, et à quoi il peut ressembler !"Chaque aveugle expliqua sa perception de ce que pouvait être un éléphant.

Après avoir écouté chaque aveugle, le sage dit : "Vous avez tous dit vrai ! Si chacun de vous décrit l’éléphant de façon si différente, c’est parce que chacun a touché une partie différente de l’animal. L’éléphant a réellement les caractéristiques que vous avez tous décrit. Et si vous rassemblez l'ensemble des caractéristiques de ce que vous avez données, vous pouvez avoir une représentation de l'animal dans son ensemble."

"Oooooooh !" s'exclama chacun. Et la discussion s’arrêta net ! Ils furent tous heureux d’avoir dit la réalité, car chacun détenait une part de vérité, et heureux d'avoir contribué à la construction d'une réalité plus grande, une réalité plus grande que la seule addition des caractéristiques apportées par chaque aveugle. La vérité n’est jamais le résultat d'un seul point de vue ou d'une seule perception. Une vérité nouvelle peut émerger des mises en commun des vérités individuelles. De cette mise en commun peut naître une perception globale qui inclut et transcende l'ensemble des vérités individuelles. C'est le principe de la collaboration générative.

Auteur: Internet

Info: Les aveugles et l’éléphant. Conte traditionnel hindou jaïniste où ce concept est nommée " syādvāda ”, “ anekāntavāda ”, ou théorie des affirmations multiples.

[ facettes ] [ relativité ] [ exactitude ] [ comptine ] [ septénaire ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

Lettre de motivation

Ayant très illustre Seigneur, vu et étudié les expériences de tous ceux qui se prétendent maîtres en l'art d'inventer des machines de guerre et ayant constaté que leurs machines ne diffèrent en rien de celles communément en usage, je m'appliquerai, sans vouloir faire injure à aucun, à révéler à Votre Excellence certains secrets qui me sont personnels, brièvement énumérés ici.
J'ai un moyen de construire des ponts très légers et faciles à transporter, pour la poursuite de l'ennemi en fuite ; d'autres plus solides qui résistent au feu et à l'assaut, et aussi aisés à poser et à enlever. Je connais aussi des moyens de bruler et de détruire les ponts de l'ennemi.
Dans le cas d'investissement d'une place, je sais comment chasser l'eau des fossés et faire des échelles d'escalade et autres instruments d'assaut.
Item. Si par sa hauteur et sa force, la place ne peut être bombardée, j'ai un moyen de miner toute forteresse dont les fondations ne sont pas en pierre.
Je puis faire un canon facile à transporter qui lance des matières inflammables, causant un grand dommage et aussi grande terreur par la fumée.
Item. Au moyen de passages souterrains étroits et tortueux, creusés sans bruit, je peux faire passer une route sous des fossés et sous un fleuve.
Item. Je puis construire des voitures couvertes et indestructibles portant de l'artillerie et, qui ouvrant les rangs de l'ennemi, briseraient les troupes les plus solides. L'infanterie les suivrait sans difficulté.
Je puis construire des canons, des mortiers, des engins à feu de forme pratique et différents de ceux en usage.
Là où on ne peut se servir de canon, je puis le remplacer par des catapultes et des engins pour lancer des traits d'une efficacité? Étonnante et jusqu'ici inconnus. Enfin, quel que soit le cas, je puis trouver des moyens infinis pour l'attaque.
S'il s'agit d'un combat naval, j'ai de nombreuses machines de la plus grande puissance pour l'attaque comme pour la défense : vaisseaux qui résistent au feu le plus vif, poudres et vapeurs.
En temps de paix, je puis égaler, je crois, n'importe qui dans l'architecture, construire des monuments privés et publics, et conduire l'eau d'un endroit à l'autre. Je puis exécuter de la sculpture en marbre, bronze, terre cuite. En peinture, je puis faire ce que ferait un autre, quel qu'il puisse être. Et en outre, je m'engagerais à exécuter le cheval de bronze à la mémoire éternelle de votre père et de la Très Illustre Maison de Sforza.
Et si quelqu'une des choses ci-dessus énumérées vous semblaient impossible ou impraticable, je vous offre d'en faire l'essai dans votre parc ou en toute autre place qu'il plaira à Votre Excellence, à laquelle je me recommande en toute humilité.

Auteur: Leonard de Vinci

Info: en 1482 l'artiste désire ainsi rencontrer son futur mécène, Ludovic Marie Sforza dit le More, Duc de Milan, déjà séduit par les louanges des Médicis

[ confiance en soi ]

 

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mère-fils

Un jour, une dame très comme il faut est venue me voir après une conférence. Par très comme il faut, je veux dire : coiffure irréprochable, tenue vestimentaire impeccable... Voici son récit :
"J'ai participé à votre stage l'année dernière. En rentrant chez moi, mes seules pensées concernaient mon fils âgé de dix-huit ans. Chaque soir, lorsque je rentrais à la maison, je le trouvais assis sur la table de la cuisine, portant cet horrible T-shirt délavé qu'une de ses copines lui avait donné. J'avais toujours peur que mes voisins ne le voient avec cette horreur et pensent que j'étais pas capable d'habiller correctement mes enfants. Il restait là à traînailler avec ses amis. (Quand elle prononça le mot "amis", son visage se tordit de dégoût.) Chaque soir, je lui faisais des remarques, en commençant par "ce T-shirt". Bref, vous pouvez imaginer le genre de relation que j'entretenais avec mon fils...
Et puis, un jour, j'ai repensé à l'exercice sur la fin de vie que nous avions accompli pendant le stage. J'ai réalisé que la vie est un don qui n'est pas éternel. De même, les êtres qui me sont chers ne seront pas toujours là. Je me suis alors posé des questions essentielles. Si je mourrais demain, quelle vision aurais-je de ma vie ? Je me dirais que j'ai bien vécu, même si ma relation avec mon fils n'a pas été parfaite.
Ensuite, je me suis dit : "Si mon fils mourrait demain, aurais-je bien rempli mon devoir de mère ?"
J'ai pris conscience que j'éprouverais un énorme sentiment de perte et un profond conflit par rapport à notre relation. En déroulant cet horrible scénario dans mon esprit, j'imaginais son enterrement. Je n'aurais pas aimé qu'il soit enterré revêtu d'un costume, car ce n'est vraiment pas son genre. J'aurais aimé qu'il soit enterré avec ce satané T-shirt qu'il aimait tant.
C'est ainsi que je pourrais lui rendre hommage.
Quelque chose m'a alors frappée : j'étais prête, s'il venait à disparaître, à l'aimer pour ce qu'il avait été et pour ce qu'il avait lui-même aimé, mais je n'étais pas disposée à lui faire ce cadeau de son vivant. J'ai alors compris que ce T-shirt avait une énorme importance pour lui. Pour une raison que j'ignore, c'était son vêtement préféré. Ce soir-là, quand je suis rentrée, je lui ai dit qu'il pouvait porter ce T-shirt autant qu'il le souhaitait. Je lui ai dit que je l'aimais tel qu'il était. J'ai ressenti un formidable soulagement en me libérant de vouloir à tout prix décider pour lui et en me contentant de l'aimer tel qu'il est. Et maintenant que je ne cherche plus à ce qu'il soit parfait, je m'aperçois qu'il est tout à fait charmant comme ça.

Auteur: Kübler-Ross Elisabeth

Info: Leçons de vie : Comprendre le sens de nos désirs, de nos peurs et de nos espoirs

[ lâcher-prise ] [ préjugés ]

 

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