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onirologie

Les rêves sont des portes d'accès au monde invisible pour de nombreuses civilisations, cette porte ouvre sur le royaume des morts, des entités célestes et chthoniennes. Ces êtres interagissent avec nous grâce aux rêves, et certains d'entres eux peuvent nous apporter des messages célestes, et d'autres des messages plutôt sombres et funestes. Dans la mystique juive, il est admis que le dormeur à la capacité d'entrer en contact avec différents êtres durant le sommeil, Moshé Idel nous dévoile certaines techniques onirologiques utilisées par des Maîtres Kabbalistes.

Dans la technique dite du she’elot halom, particulièrement présente chez les Kabbalistes, technique qui consiste à formuler des questions avant d’aller dormir, le praticien entre en dialogue avec le monde invisible. Le grand Besht, plus connu sous le nom de Ba'al Shem Tov, est dit avoir utilisé cette technique et que tout ce que savait le Besht provenait des réponses qu'il recevait en rêve. Dans certains cas, ces réponses prennent la forme d’un verset de la Bible comme une révélation personnelle, dans lequel la réponse était contenu. Par conséquent, on devait interpréter le verset comme la Thora est interprétée par les Maîtres.

R. Isaac ben Samuel d’Acre, un Kabbaliste du début du XIVème siècle, rapporte ce qui suit : "Moi, le jeune Isaac d’Acre, étais endormi dans mon lit, et à la fin de la troisième garde, une merveilleuse réponse par le rêve m’a été révélée, dans une véritable vision, comme si j’étais pleinement éveillé, et la voici [le verset] : - Sois entièrement avec l’Éternel ton Dieu…" Deutéronome, chapitre 18, verset 13

R. Isaac voit toutes sortes de combinaisons de mots et leurs équivalences numériques qui font allusion au nom divin YBQ, et "pense aux lettres du Tétragramme telles qu’elles sont prononcées (...). En une cogitation conceptuelle, méditative et intellectuelle… non pas d’une façon qui arrive du cœur à la gorge…".

Cette technique de permutation des lettres associée à une médiation est l'oeuvre d'Abraham Aboulafia (1240-1291), George Lahy définit cette permutation des lettres, le Tserouf, comme suit :

"La pratique du Tserouf, l’art combinatoire, ouvre les portes de la Kabbale extatique. Cette extase provoquée par le Kabbaliste est un ravissement de l’esprit fusionné par la méditation et détaché du monde sensible."

Dans son livre H’aye haOlam haBa, Abraham Aboulafia nous explique de quelle manière procéder :

"Il te faut t’apprêter pour l’union du coeur et la purification du corps. Un lieu particulier et préservé doit être choisi, d’où ta voix ne sera entendue de personne. Installe-toi complètement seul et retire-toi dans l’HITBODED (esseulement). Tu dois être assis en ce lieu préservé, qui peut être une pièce ou une cellule ; mais surtout ne révèle ce secret à personne. Si tu peux, applique la méthode le jour dans une maison, mais le moment le plus favorable est la nuit. Éloigne de ton esprit les vanités de ce monde, car c’est l’instant où tu vas parler avec ton Créateur, de qui tu souhaites connaître la Grandeur.

Enveloppe-toi dans ton châle de prière et place ta tête et ton bras tes tefillim car tu dois être rempli de révérence envers la Shekhinah qui t’enrobe maintenant. Vérifie que tes vêtements soient purs et de préférence blancs ; cette précaution invite avec force au recueillement…"

Un autre exemple de la pratique onirologique du she’elat halom découle de l’un des plus célèbres Kabbalistes, Rabbi Hayyim Vital, qui recommande ceci :

"Tu iras au lit pour dormir, prie : - Que Ta Volonté soit faite, et utilise l’une des prononciations des noms [divins] écrits devant toi, et dirige ta pensée vers les sphères mystiques qui y sont liées. Puis évoque ta question soit pour découvrir les problèmes liés à un rêve et les choses futures, soit pour obtenir quelque chose que tu désires, ensuite pose [la question]."

Ailleurs, ce Kabbaliste a recours à une technique de visualisation de la couleur pour obtenir une réponse à sa question, qu’il atteint dans un état similaire au rêve :

"Visualise qu’au-dessus du firmament des Aravot (des cieux), il y a un très grand rideau blanc, blanc comme la neige, sur lequel le Tétragramme est inscrit, en écriture assyrienne (il ne s’agit pas de l’écriture cunéiforme assyrienne, Hayyim Vital fait référence à une forme calligraphique traditionnelle de l’alphabet hébraïque : l’écriture carrée, dite ashourite (ktav ashuri), qui vient du nom Ashur. Ashur en hébreu désigne l’Assyrie), dans une certaine couleur…. et chacune des grandes lettres inscrites là sont aussi grandes qu’une montagne ou une colline. Et tu devras imaginer, dans tes pensées, que tu poses ta question à ces combinaisons de lettres écrites là, et elles répondront à ta question, ou elles feront résider leur esprit dans ta bouche, ou bien tu seras somnolent et elles te répondront, comme dans un rêve."

Une autre technique d’induction des rêves a été élaborée à partir de textes mystiques juifs, elle s’appelle "les pleurs mystiques" : il s’agit d’un effort pour atteindre un résultat direct par le biais des pleurs provoqués sur soi-même. Ce résultat recherché peut aller de la connaissance paranormale aux visions porteuses d’informations à propos de quelque secret. Nous trouvons quelques exemples dans la littérature apocalyptique, où la prière, les pleurs et les jeûnes sont utilisés pour induire le Parole de Dieu dans un rêve.

Le lien entre les pleurs et les perceptions paranormales qui se forme dans les rêves est également évident dans une histoire midrashique :

"L’un des étudiants de R. Simeon bar Yohaï avait oublié ce qu’il avait appris. En larmes, il se rendit au cimetière. Du fait de ses grands pleurs, il [R. Simeon] vint à lui en rêve et lui dit : - lorsque tu te lamentes, lance trois brindilles, et je viendrai... L’étudiant se rendit auprès d’un interprète des rêves et lui raconta ce qui s’était produit. Ce dernier lui dit : - répète ton chapitre [ce que tu as appris] trois fois, et il te reviendra... L’étudiant suivit ses conseils et c’est effectivement ce qui se passa."

La corrélation entre les pleurs et la visite d’une tombe semble faire allusion à une pratique destinée à induire des visions. Ceci, bien sûr, faisait partie d’un contexte plus étendu dans lequel les cimetières étaient des sites où il était possible de recevoir une vision. Tomber de sommeil en larmes, ce dont il est question ici, semble également être une part de l’enchaînement : la visite au cimetière, les pleurs, tomber de sommeil en larmes, le rêve révélateur.

La technique des pleurs pour atteindre la "Sagesse" est puissamment expliquée par R. Abraham ha-Levi Berukhim, l’un des disciples d’Isaac Louria. Dans l’un de ses programmes, après avoir spécifié le "silence" comme première condition, il nomme "la seconde condition : dans toutes tes prières, et dans toutes tes heures d’étude, en un lieu que l’on trouve difficile (le lieu où l’on étudie), dans lequel tu ne peux pas comprendre et appréhender les sciences propédeutiques ou certains secrets, provoque en toi d’amères lamentations, jusqu’à ce que des larmes mouillent tes yeux, et pleure autant que tu pourras. Et fais redoubler tes pleurs, car les portails des larmes n’étaient pas fermés et les portails célestes s’ouvriront à toi."

Pour Louria et Berukhim, pleurer est une aide pour surmonter les difficultés intellectuelles et recevoir des secrets. Ceci s’apparente à l’histoire de R. Abraham Berukhim qui est la confession autobiographique de son ami, R. Hayyim Vital :

"En 1566, la veille de Chabbath, le 8 du mois de Tevet, j’ai récité le Kiddush et me suis assis pour manger ; et mes yeux s’emplirent de larmes, j’avais signé et j’étais triste dès lors… J’étais lié par la sorcellerie… Et je pleurais également pour avoir négligé la Torah au cours des deux dernières années… Et à cause de mon inquiétude, je n’ai pas mangé du tout, et je me suis étendu, le visage contre mon lit, en pleurs, et je me suis endormi d’avoir trop pleuré, et j’ai fais un rêve extraordinaire."

Ces she’elot halom (les questions posées par le biais des rêves, la visualisation de couleur, les pleurs mystiques), comme d’autres techniques mystiques appartiennent à la littérature juive, mais également au quotidien des Kabbalistes. Moshé Idel affirme que cette technique suppose que le mystique peut prendre l’initiative et établir un contact avec d’autres royaumes, et qu’il peut induire certaines expériences en ayant recours à ces techniques.

Auteur: Shoushi Daniel

Info: Le she’elot halom, ou le processus d'induction spirituelle par les rêves chez les mystiques juifs, par Moshé Idel, 11 Avril 2018. Sources : Kabbale extatique et Tsérouf, Georges Lahy. Editions : Lahy. Astral Dreams in Judaism Twelfth to Fourteenth Centuries, Moshé Idel. Editions : Dream Cultures; Explorations in the Comparative History of Dreaming. Ed. by David Shulman and Guy G. Stroumsa. New York : Oxford University Press, 1999. Les kabbalistes de la nuit, Moshé Idel. Editions Allia

[ songes ] [ astralogie ] [ psychanalyse ]

 
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laxisme

Les conservateurs ne veulent pas abandonner la guerre contre la drogue. Ils sont convaincus que des seigneurs de la drogue mènent une guerre contre d'innocentes victimes, qui commence avec les adolescents, et ils ne s'intéressent pas aux arguments pour la dépénalisation.

Les conservateurs veulent que l'État dépense des centaines de millions de dollars pour créer des prisons afin d'y mettre les revendeurs de drogue reconnus coupables - après les faits. À gauche, on veut que l'État dépense un montant au moins égal pour traiter et réhabiliter - après les faits.

Moi, je cherche à fermer le marché des drogues illégales. Je dis qu'il faut être deux pour danser le tango - vendeurs et acheteurs - et je veux fermer la piste de danse.

Nous savons où elle se trouve. Il y en a une dans votre ville. Il y en a probablement plus d'une. Ells sont les sombres lieux de l'âme. Les usagers viennent, cherchant désespérément un nouveau trip ou peut-être uniquement un moyen pour arrêter de trembler. Les vendeurs viennent, avides d'un revenu issu de la vente de leurs articles destructeurs, malgré la misère qu'ils sèment.

Et puis il y a les innocents - des enfants qui ont de l'argent dans leurs poches et du temps à perdre. Ils viennent en bande, cherchant de nouvelles sensations dans un milieu ennuyeux, dénué de sens.

Ce dont nous avons besoin, c'est d'un grand coup de balai. Nous devons envoyer la police locale, les agents de la DEA [Agence de lutte contre la drogue] et les medias dans ces bouges et les fermer une fois pour toute.

Je veux parler des écoles publiques.

Chaque jour, votre gouvernement local envoie des douzaines ou des centaines de bus jaunes pour recruter la nouvelle génération de drogués. Ces individus psychologiquement faibles, soigneusement choisis comme victimes, sont amenés au grand magasin central du cartel de la drogue, où les vendeurs peuvent faire leur offre initiale et compétitive - "Le premier est gratuit !" - et leur incantation subversive, "Essayer : vous aimerez !". Seul le directeur adjoint se trouve entre les usagers et la source de leur dépendance.

Les vendeurs vont où se trouve l'argent, et où les gens qui en ont sont rassemblés pendant sept heures par jour en un lieu pratique et sans loyer.

Les usagers et les usagers potentiels sont conduits vers des pièces où ils doivent rester assis des heures sur des sièges durs, en bois, et sont obligés d'écouter le cours d'un endoctrinateur dont le travail, pour respecter la loi fédérale, est de persuader les enfants que la vie peut avoir un sens et être pleine d'espoir sans : (1) l'idée que Dieu ait une place dans la classe, dans l'isoloir ou dans le jardin public ; (2) l'idée qu'il y aura un jugement final (sauf pour Adolf Hitler) qui ait des conséquences éternelles ; (3) l'idée que l'Humanité est le fruit de Dieu plutôt que celui des forces sans but, aléatoires de la nature impersonnelle ; (4) l'idée que l'Homme a été mis sur Terre par Dieu pour y exercer sa domination sur la création, plutôt que pour être une simple espèce de primate avec l'avantage compétitif unique d'avoir des pouces en opposition ; (5) l'idée que les individus soient responsables légalement et moralement de leurs actes, y compris de l'obligation d'épargner pour leurs années de retraite et de payer pour leurs soins médicaux ; (6) l'idée qu'il y a des réponses finales aux questions morales décisives (sauf en ce qui concerne Hitler) ; (7) l'idée qu'une éducation pertinente et créatrice de toute la vie peut être donnée dans une institution qui n'emploie pas de professeurs à plein temps. (Techniquement, le point 7 n'est pas rendu obligatoire par la loi fédérale ; il y a plutôt une obligation due au aux électeurs locaux, qui feront pression sur le conseil de direction de l'école, pour virer le directeur si l'équipe de football a de nouveau un résultat de 2 victoires et 9 défaites cette saison).

Les éducateurs savent que la vie ne peut pas être vécue uniquement en termes négatifs. Il y a aussi des questions positives qui sont traitées dans les classes des écoles publiques, parmi elles : (1) le droit à un avortement gratuit, avec le conseil de professionnels agréés par l'école et sans consultation des parents ; (2) le droit pour tout mode de vie sexuelle de voir sa position - intellectuelle, bien sûr - présentée en classe comme un choix légitime parmi beaucoup d'autres ; (3) le droit pour tout groupe minoritaire (sauf les Nazis) à avoir au moins un paragraphe positif dans le manuel d'études sociales ; (4) le droit pour chaque élève à avoir un certain sens d'estime de soi, sauf dans les équipes sportives ; et (5) le droit pour les étudiants d'informer tout professeur des idées de leurs parents sur les sujets ayant une importance sociale ou psychologique pour le quartier de l'école.

Là, entre les cours, les élèves se rencontrent pour discuter des implications sur leurs vies de tout cela. "Le premier est gratuit. Essayez : vous aimerez."

Quelle est la dernière fois que vous avez vu, sur la chaîne de télévision locale, un reportage sur une prise de drogue dans une école privée ?

Quelle est la dernière fois où vous avez lu dans les journaux un article sur un élève victime d'une overdose d'héroïne dans une école privée ?

En allant un peu plus loin, quelle est la dernière fois que la police a été envoyée pour arrêter une bagarre dans une école privée ? (J'imagine le reportage. "La bataille a commencé quand un groupe de Catholiques ont apparamment commencé à chanter, 'infused grace, infused grace' durant la période obligatoire des prières matinales [je renonce à traduire ou à trouver des équivalents français en raison de mes faibles connaissances des subtilités religieuses associées au texte anglais. Si quelqu'un peut m'aider. NdT]. On dit que les Baptistes se sont vengés au cri de 'imputed grace, imputed grace'. "Je parlais de plus en plus fort," raconte Mr. Brubaker, qui enseigne le calcul et est également le directeur de l'école. "Nous avons finalement dû appeler la police quand les Méthodistes ont commencé à crier 'prevenient grace'. C'était tout simplement terrible. Mais je peux rassurer le public : nous allons prendre des mesures pour régler ces problèmes.")

Conclusion

Ce dont nous avons besoin, c'est d'une guerre totale contre la drogue qui prenne pour cible le principal centre de recrutement des revendeurs de drogue, les points de vente de choix du cartel de la drogue colombien : les écoles publiques américaines subventionnées par les impôts.

Si j'entendais un jour des membres du Congrès réclamer ce type de guerre bipartisane contre la drogue, je les prendrais bien plus au sérieux. J'aurais une bonne impression si j'en entendais un se dresser devant la chambre du Congrès et dire la chose suivante. "Comme mesure de lutte contre la drogue, je propose aujourd'hui une loi pour arrêter tout financement fédéral de l'éducation." Alors, son collègue de l'autre bord se lèverais et dirais : "je suis prêt à soutenir cette proposition si le gentleman distingué du Texas se déclare prêt à soutenir ma proposition de supprimer toutes les institutions d'éducation de la juridiction du National Labor Relations Board."

Quand la demande de drogues illégales est en fin de compte analysée en termes de catégories qui demandent un traitement - et cherchent des calmants qui sont un soulagement chimique de la douleur - alors nous commencerons à venir à bout du problème continuel américain de la drogue. La guerre contre les drogues devrait commencer par un programme systématique d'élimination des sources initiales de la souffrance des usagers, ces institutions subventionnées qui sont également les principaux supermarchés de la vente des drogues. Jusqu'à ce qu'il en soit ainsi, je ne pense pas que la guerre contre la drogue ait une grande chance de réduire le niveau de stupéfiants.

Jusque là, à chaque fois que vous verrez un bus jaune de l'école publique sur l'autoroute, dites-vous "Transport gratuit vers le centre de cocaïne". À l'arrière de chaque bus scolaire de l'Amérique, on devrait voir clairement ces mots : "recommandé par Medellin".

Auteur: North Gary

Info: Comment gagner la guerre contre la drogue. 15 janvier 2001, traduit par Hervé de Quengo.

[ sécularisation ] [ banalisation ]

 

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nanomonde

Comment l’IA impacte la recherche sur la structure des protéines

Chaque être humain possède plus de 20 000 protéines. Par exemple l’hémoglobine qui s’occupe du transport de l’oxygène depuis les poumons vers les cellules de tout le corps, ou encore l’insuline qui indique à l’organisme la présence de sucre dans le sang.

Chaque protéine est formée d’une suite d’acides aminés, dont la séquence détermine son repliement et sa structure spatiale – un peu comme si un mot se repliait dans l’espace en fonction des enchaînements de lettres dont il est composé. Cette séquence et ce repliement (ou structure) de la protéine déterminent sa fonction biologique : leur étude est le domaine de la « biologie structurale ». Elle s’appuie sur différentes méthodes expérimentales complémentaires, qui ont permis des avancées considérables dans notre compréhension du monde du vivant ces dernières décennies, et permet notamment la conception de nouveaux médicaments.

Depuis les années 1970, on cherche à connaître les structures de protéines à partir de la seule connaissance de la séquence d’acides aminés (on dit « ab initio »). Ce n’est que très récemment, en 2020, que ceci est devenu possible de manière quasi systématique, avec l’essor de l’intelligence artificielle et en particulier d’AlphaFold, un système d’IA développé par une entreprise appartenant à Google.

Face à ces progrès de l’intelligence artificielle, quel est désormais le rôle des chercheurs en biologie structurale ?

Pour le comprendre, il faut savoir qu’un des défis de la biologie de demain est la "biologie intégrative", qui a pour objectif de comprendre les processus biologiques au niveau moléculaire dans leurs contextes à l’échelle de la cellule. Vu la complexité des processus biologiques, une approche pluridisciplinaire est indispensable. Elle s’appuie sur les techniques expérimentales, qui restent incontournables pour l’étude de la structure des protéines, leur dynamique et leurs interactions. De plus, chacune des techniques expérimentales peut bénéficier à sa manière des prédictions théoriques d’AlphaFold.

(Photo) Les structures de trois protéines de la bactérie Escherichia coli, déterminées par les trois méthodes expérimentales expliquées dans l’article, à l’Institut de Biologie Structurale de Grenoble. Beate Bersch, IBS, à partir d’une illustration de David Goodsell, Fourni par l'auteur

La cristallographie aux rayons X

La cristallographie est, à cette date, la technique la plus utilisée en biologie structurale. Elle a permis de recenser plus de 170 000 structures de protéines dans la "Protein Data Bank", avec plus de 10 000 repliements différents.

Pour utiliser la cristallographie à rayons X, il faut faire "cristalliser les protéines". On dit souvent que cette technique est limitée par la qualité de cristaux de protéines, qui est moindre pour les grosses protéines. Mais cette notion ne correspond pas toujours à la réalité : par exemple, la structure du ribosome, l’énorme machine moléculaire qui assemble les protéines, a été résolue à 2,8 angströms de résolution. Venkatraman Ramakrishnan, Thomas Steitz et Ada Yonath ont reçu le prix Nobel de chimie en 2009 pour ce travail.

Avec le développement récent du laser X à électron libre (XFEL), il est devenu possible d’étudier simultanément des milliers de microcristaux de protéines à température ambiante et à l’échelle de la femtoseconde (10-15 secondes, soit un millionième de milliardième de seconde, l’échelle de temps à laquelle ont lieu les réactions chimiques et le repliement des protéines). Cette technique permet d’imager les protéines avant qu’elles ne soient détruites. Elle est en train de révolutionner la "cristallographie cinétique", qui permet de voir les protéines "en action", ainsi que la recherche de médicaments.

Pour l’instant, l’apport d’AlphaFold à l’étude de la structure des protéines par cristallographie s’est concentré dans la génération de modèles de protéines assez précis pour appliquer la technique dite de "remplacement moléculaire" à la résolution des structures.

La spectroscopie par résonance magnétique nucléaire

Une autre méthode expérimentale pour étudier la structure des protéines est la "spectroscopie par résonance magnétique nucléaire". Alors que son alter ego d’imagerie médicale, l’IRM, regarde la distribution spatiale d’un seul signal, caractéristique des éléments chimiques dans les tissus biologiques observés, en spectroscopie par résonance magnétique nucléaire, c’est un ensemble de signaux provenant des atomes constituant la protéine qui est enregistré (ce qu’on appelle le "spectre").

Généralement, la détermination de la structure par résonance magnétique est limitée à des protéines de taille modeste. On calcule des modèles de molécules basés sur des paramètres structuraux (comme des distances interatomiques), provenant de l’analyse des spectres expérimentaux. On peut s’imaginer cela comme dans les débuts de la cartographie, où des distances entre des points de référence permettaient de dessiner des cartes en 2D. Pour faciliter l’interprétation des spectres qui contiennent beaucoup d’information, on peut utiliser des modèles obtenus par prédiction (plutôt qu’expérimentalement), comme avec AlphaFold.

En plus de la détermination structurale, la spectroscopie par résonance magnétique nucléaire apporte deux atouts majeurs. D’une part, en général, l’étude est effectuée avec un échantillon en solution aqueuse et il est possible d’observer les parties particulièrement flexibles des protéines, souvent invisibles avec les autres techniques. On peut même quantifier leur mouvement en termes d’amplitude et de fréquence, ce qui est extrêmement utile car la dynamique interne des protéines est aussi cruciale pour leur fonctionnement que leur structure.

D’autre part, la spectroscopie par résonance magnétique nucléaire permet de détecter aisément les interactions des protéines avec des petites molécules (ligands, inhibiteurs) ou d’autres protéines. Ceci permet d’identifier les sites d’interaction, information essentielle entre autres pour la conception rationnelle de molécules actives comme des médicaments.

Ces propriétés font de la spectroscopie par résonance magnétique nucléaire un outil extraordinaire pour la caractérisation fonctionnelle des protéines en complémentarité avec d’autres techniques expérimentales et l’IA.

La "cryomicroscopie électronique"

La cryomicroscopie électronique consiste à congeler ultrarapidement (environ -180 °C) un échantillon hydraté dans une fine couche de glace, qui sera traversée par les électrons. Les électrons transmis vont générer une image de l’échantillon, qui après analyse, permet d’accéder à des structures qui peuvent atteindre la résolution atomique. En comparaison, un microscope optique n’a un pouvoir résolutif que de quelques centaines de nanomètres, qui correspond à la longueur d’onde de la lumière utilisée ; seul un microscope utilisant une source possédant des longueurs d’onde suffisamment faibles (comme les électrons pour la microscopie électronique) possède un pouvoir résolutif théorique de l’ordre de l’angström. Le prix Nobel de Chimie 2017 a été décerné à Jacques Dubochet, Richard Henderson et Joachim Frank pour leurs contributions au développement de la cryomicroscopie électronique.

Avec de nombreux développements technologiques, dont celui des détecteurs à électrons directs, depuis le milieu des années 2010, cette technique est devenue essentielle en biologie structurale en amorçant une "révolution de la résolution". En effet, la cryomicroscopie électronique permet désormais d’obtenir des structures avec une résolution atomique, comme dans le cas de l’apoferritine – une protéine de l’intestin grêle qui contribue à l’absorption du fer – à 1,25 angström de résolution.

Son principal atout est de permettre de déterminer la structure d’objets de taille moyenne, au-delà de 50 000 Dalton (un Dalton correspond environ à la masse d’un atome d’hydrogène), comme l’hémoglobine de 64 000 Dalton, mais également d’objets de quelques milliards de daltons (comme le mimivirus, virus géant d’environ 0,5 micromètre).

Malgré toutes les avancées technologiques précédemment évoquées, la cryomicroscopie ne permet pas toujours de résoudre à suffisamment haute résolution la structure de "complexes", constitués de plusieurs protéines. C’est ici qu’AlphaFold peut aider et permettre, en complémentarité avec la cryomicroscopie, de décrire les interactions au niveau atomique entre les différents constituants d’un complexe. Cette complémentarité donne une force nouvelle à la cryomicroscopie électronique pour son rôle à jouer demain en biologie structurale.

Les apports d’AlphaFold

AlphaFold permet de prédire la structure de protéines uniquement à partir de leur séquence avec la connaissance acquise par la biologie structurale expérimentale. Cette approche est révolutionnaire car les séquences de beaucoup de protéines sont connues à travers les efforts des séquençages des génomes, mais déterminer leurs structures expérimentalement nécessiterait des moyens humains et techniques colossaux.

À l’heure actuelle, ce type de programme représente donc un acteur supplémentaire de complémentarité, mais ne se substitue pas aux techniques expérimentales qui, comme nous l’avons vu, apportent aussi des informations complémentaires (dynamiques, interfaces), à des échelles différentes (des sites métalliques aux complexes multiprotéiques) et plus fiables, car expérimentalement vérifiées. Au-delà de la pure détermination structurale d’une protéine isolée, la complexité des systèmes biologiques nécessite souvent une approche pluridisciplinaire afin d’élucider mécanismes et fonctions de ces biomolécules fascinantes que sont les protéines.

Auteur: Internet

Info: Published: December 19, 2022 Beate Bersch, Emmanuelle Neumann, Juan Fontecilla, Université Grenoble Alpes (UGA)

[ gnose chimique ]

 

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chair-esprit

Le libre-arbitre existe-t-il ? Comment le cerveau déforme la réalité temporelle
Nous avons coutume de penser que nous sommes libres de décider et de choisir nos actes. Et pourtant, une série d'expériences de neurosciences jettent un doute sur ce qu'on a l'habitude d'appeler notre libre-arbitre.
Même si elles sont largement débattues, tant du point de vue de leurs résultats scientifiques que de l'interprétation philosophique qui en est donnée, ces expériences sont plutôt troublantes !
Libre-arbitre et activité neurologique
Nous avons tous une notion intuitive de ce qu'est le libre-arbitre. Sur le plan biologique, il peut être associé à la notion d'action volontaire, qui s'oppose à celle de réflexe. Alors que les réflexes empruntent des chemins neuronaux simples (comme un rapide circuit via la moelle épinière), les actions volontaires font intervenir de nombreuses aires cérébrales.
1983 : L'expérience fondatrice de Benjamin Libet*
Dans l'expérience de Libet, on vous place devant une horloge qui défile rapidement, et on vous donne un bouton sur lequel vous pouvez appuyer au moment qui vous plaira. La seule chose qu'on vous demande c'est de retenir le nombre indiqué par l'horloge au moment où vous prenez votre décision d'appuyer. Dans le même temps, des électrodes placées sur votre crâne suivent votre activité cérébrale.
Ce dispositif permet de mesurer 1) le moment où vous prenez la décision d'appuyer, 2) le moment où votre cerveau commence à s'activer, et 3) le moment où vous appuyez physiquement sur le bouton. Et la découverte spectaculaire de Libet, c'est que l'activation cérébrale précède la décision consciente, et ce de plusieurs centaines de millisecondes.
Interprétée de manière brute, l'expérience de Libet semble condamner le libre-arbitre : vous avez l'impression de décider d'appuyer à un certain moment, mais votre cerveau a déjà décidé depuis presque une demi-seconde ! Comment puis-je être libre de décider quelque chose, si au moment où j'ai conscience de choisir, mon cerveau a déjà commencé à agir ? Comme on peut s'en douter, cette expérience possède de nombreux points faibles que les spécialistes n'ont pas été longs à relever.
Il y a tout d'abord les incertitudes de mesure, puisqu'on parle ici d'un écart de seulement quelques centaines de millisecondes. Ensuite le fait que l'estimation du moment de décision par le sujet lui-même n'est certainement pas très fiable : elle est subjective et l'horloge peut constituer une source de distraction et donc d'erreur. Enfin, le signal électrique relevé dans le cerveau pourrait être simplement un signal "préparatoire", qui indique que le cerveau s'active mais qui ne détermine pas spécifiquement la décision que l'on va prendre.
Bref, il y a plein de critiques à faire à l'expérience de Libet, et qui permettent de se rassurer quant à l'existence de notre libre-arbitre. Tout va bien donc, jusqu'à une nouvelle expérience réalisée en 2008, et qui s'affranchit de la plupart de ces critiques.
Dans cette nouvelle expérience, plusieurs choses diffèrent par rapport au protocole de Benjamin Libet. Tout d'abord, le sujet dispose de 2 boutons, un dans sa main gauche et un dans sa main droite. Il peut appuyer quand il le souhaite, soit à gauche soit à droite. Ensuite, le cerveau du sujet est suivi cette fois dans une IRM, ce qui permet d'observer simultanément l'activité de tout un ensemble d'aires cérébrales.
Et le moins que l'on puisse dire, c'est que les résultats de cette expérience sont perturbants. D'une part, l'IRM révèle qu'une activité cérébrale préparatoire existe 7 à 10 secondes AVANT que le sujet ne prenne sa décision d'appuyer. Encore plus troublant, cette activité cérébrale permet dans une bonne mesure de prédire de quel côté le sujet va appuyer.
Oui oui, vous avez bien lu, plusieurs secondes avant que vous soyiez conscient de choisir, votre cerveau a déjà décidé entre droite et gauche, et l'IRM peut révéler le côté qui sera choisi !
Pour modérer un peu ce résultat apparemment catastrophique pour notre libre-arbitre, il faut noter que la prédiction faite par l'IRM est loin d'être infaillible, puisqu'elle fonctionne au mieux dans 60% des cas, ce qui est significativement mieux que le hasard, mais reste tout de même limité.
Quelle conclusion raisonnable tirer de ces expériences ?
Il faut savoir qu'il n'existe chez les scientifiques et les philosophes aucun consensus quant à l'interprétation de ces expériences. Pour certains comme Patrick Haggard, le libre-arbitre n'existe tout simplement pas, il affirme "We feel that we choose, but we don't". Pour d'autres, au contraire, ces expériences n'ont aucune valeur, "Circulez ya rien à voir !".
Une position intermédiaire raisonnable c'est d'admettre que ces expériences montrent au moins que nos intentions ne sont pas systématiquement à l'origine de nos actions. Les processus inconscients jouent peut être un plus grand rôle que nous ne pouvions le penser, et la conscience d'une décision est un phénomène qui se construit au cours du processus de décision, pas à son origine.
Comme cette conclusion prudente semble quand même en mettre un coup à notre vieille notion de libre-arbitre, une manière de se rassurer c'est de considérer que notre cerveau prépare nos décisions assez en avance par rapport à notre conscience, mais qu'il nous laisse jusqu'au dernier moment un droit de veto. Il semblerait qu'une des fonctions de cette aire appelée SMA soit justement de pouvoir inhiber certaines actions décidées et préparées en amont. Donc jusqu'au dernier moment, on aurait le choix de ne pas faire. C'est ce que les anglo-saxons appellent le "free won't", par analogie au libre-arbitre appelé "free will".
Pour d'autres philosophes comme Dan Dennett, ces expériences sont correctes, mais elles ne sont pas incompatibles avec le libre-arbitre. Ces philosophes adhèrent à une position appelée compatibilisme, selon laquelle la réalité est totalement déterministe mais le libre-arbitre existe quand même. J'avoue que je ne comprends pas ce que ça signifie, et que pour moi ça ressemble beaucoup à une posture de façade "pour sauver les meubles". Ce qu'on peut comprendre car si le libre-arbitre était vraiment réfuté, les conséquences pour la société pourraient être terribles.
Les implications morales de l'absence de libre-arbitre
Imaginons que l'on montre scientifiquement que le libre-arbitre n'existe pas, alors on est mal car toutes nos lois et notre droit reposent sur la notion de responsabilité individuelle : nous sommes responsables de nos actes car nous sommes libres de les accomplir ou pas.
D'ailleurs en droit, pour être puni d'un crime, il faut qu'il y ait à la fois l'intention et l'action. La pensée n'est pas un crime, donc si vous avez juste l'intention de commettre un forfait, on ne peut pas vous condamner pour ça (encore que ce ne soit pas totalement vrai, notamment dans le cas de la préparation d'actes terroristes). Réciproquement, si quelqu'un commet un crime mais est jugé irresponsable, il ne sera pas condamné. Donc si le libre-arbitre n'existe pas, nous sommes tous irresponsables de nos actes et toutes nos structures juridiques s'effondrent !
Ceci a amené Dan Dennett à mettre en garde les scientifiques à ne pas trop faire d'annonces intempestives au sujet de leurs expériences sur le libre-arbitre !...
Pour aller plus loin...
Il faut ajouter un commentaire sur ce résultat de 60% de prédiction du côté gauche/droit quand on fait l'IRM. Cela peu paraître peu, bien peu. Mais songez que l'IRM est loin d'être en général un prédicteur parfait de nos actes. Ce qu'ont notamment montré les auteurs, c'est que même en utilisant l'information disponible dans le cortex moteur après la prise de décision et pendant le mouvement, on n'arrivait à correctement prédire le côté que dans 75% des cas. Alors qu'en théorie on devrait être capable de le faire à 100%. Cela montre que l'IRM est une information peut être trop agrégée pour permettre une prédiction très fiable.
Ainsi une récente étude montre qu'en faisant un suivi individuel de neurones avec des électrodes implantées dans le cerveau (plutôt qu'une IRM), on peut prédire le résultat avec une acuité de 80%, et ce 700 millisecondes avant la décision consciente. Tout ça pour dire que rien ne nous met à l'abri de futures expériences avec de meilleurs systèmes de mesure et de prédiction, qui pourraient deviner nos décisions 5 secondes en avance avec 90% de fiabilité.
Pour finir sur un peu de philo, ces expériences semblent au moins réfuter le modèle dualiste du corps et de l'esprit. Dans ce modèle popularisé par Descartes, l'esprit existe indépendamment du corps, et est capable de le contrôler. Si cette vision était correcte, alors le sentiment d'avoir l'intention d'agir (qui viendrait de l'esprit) devrait précéder les manifestations cérébrales et musculaires (du corps). Il paraît que les philosophes dualistes, ça n'existe plus, mais malgré tout la vision dualiste reste probablement la plus reflétée dans le langage commun, quand on dit "JE décide" (esprit), mais "le cerveau s'active" et "le muscle bouge" (corps).

Auteur: Internet

Info: sciencetonnante.wordpress.com,*voir aussi les expériences de Walter Grey

[ sciences ]

 

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symbiose

Les cellules du corps se parlent du vieillissement

Les biologistes ont découvert que les mitochondries de différents tissus communiquent entre elles pour réparer les cellules blessées. Lorsque leur signal échoue, l’horloge biologique commence à ralentir.

Le vieillissement peut apparaitre comme un processus non régulé : au fil du temps, nos cellules et notre corps accumulent inévitablement des bosses et des bosses qui provoquent des dysfonctionnements, des échecs et finalement la mort. Cependant, en 1993, une découverte a bouleversé cette interprétation des événements. Les chercheurs ont trouvé une mutation dans un seul gène qui doublait la durée de vie d'un ver ; des travaux ultérieurs ont montré que des gènes apparentés, tous impliqués dans la réponse à l'insuline, sont des régulateurs clés du vieillissement chez une multitude d'animaux, depuis les vers et les mouches jusqu'aux humains. La découverte suggère que le vieillissement n’est pas un processus aléatoire – en fait, des gènes spécifiques le régulent – ​​ce qui ouvre la porte à des recherches plus approfondies sur la manière dont le vieillissement se déroule au niveau moléculaire.

Récemment, une série d’articles ont documenté une nouvelle voie biochimique qui régule le vieillissement, basée sur les signaux transmis entre les mitochondries, les organelles les plus connues comme la centrale électrique de la cellule. En travaillant avec des vers, les chercheurs ont découvert que les dommages causés aux mitochondries dans les cellules cérébrales déclenchaient une réponse de réparation qui était ensuite amplifiée, déclenchant des réactions similaires dans les mitochondries de tout le corps du ver. L'effet de cette activité de réparation prolonge la durée de vie de l'organisme : les vers dont les dommages mitochondriaux étaient rainsi éparés vivaient 50 % plus longtemps.

De plus, les cellules de la lignée germinale – les cellules qui produisent les ovules et les spermatozoïdes – étaient au cœur de ce système de communication anti-âge. C’est une découverte qui ajoute de nouvelles dimensions aux préoccupations en matière de fertilité impliquées lorsque les gens parlent du vieillissement et de leur " horloge biologique ". Certaines des découvertes ont été rapportées dans Science Advances et d’autres ont été publiées sur le serveur de prépublication scientifique biorxiv.org à l’automne.

La recherche s'appuie sur un ensemble de travaux récents suggérant que les mitochondries sont des organites sociaux qui peuvent communiquer entre elles même lorsqu'elles se trouvent dans des tissus différents. Essentiellement, les mitochondries fonctionnent comme des talkies-walkies cellulaires, envoyant des messages dans tout le corps qui influencent la survie et la durée de vie de l’organisme tout entier.

"Ce qui est important ici, c'est qu'en plus des programmes génétiques, il existe également un facteur très important pour réguler le vieillissement, à savoir la communication entre les tissus", a déclaré David Vilchez, qui étudie le vieillissement à l'Université de Cologne et n'a pas participé à l'étude. 

Le biologiste cellulaire Andrew Dillin a découvert il y a environ dix ans les premiers indices de cette nouvelle voie qui régule la durée de vie. Il était à la recherche de gènes prolongeant la vie des vers Caenorhabditis elegans lorsqu'il a découvert que les dommages génétiques aux mitochondries prolongeaient la vie des vers de 50 %.

C'était inattendu. Dillin avait supposé que des mitochondries défectueuses accéléreraient la mort plutôt que de prolonger la vie – après tout, les mitochondries sont essentielles au fonctionnement cellulaire. Pourtant, pour une raison ou une autre, le fait de perturber le bon fonctionnement des mitochondries obligeait les vers à vivre plus longtemps.

Plus intrigant était le fait que les mitochondries endommagées dans le système nerveux des vers semblaient être à l'origine de cet effet. "Cela montre vraiment que certaines mitochondries sont plus importantes que d'autres", a déclaré Dillin, qui est maintenant professeur à l'Université de Californie à Berkeley. "Les neurones dictent cela au reste de l'organisme, et c'était vraiment surprenant."

Au cours de la dernière décennie, le biologiste cellulaire Andrew Dillin a découvert les détails biochimiques d'une nouvelle voie qui régule le vieillissement, dans laquelle les mitochondries des cellules du corps communiquent sur la santé cellulaire.

Aujourd'hui, Dillin et son équipe ont élargi ces découvertes en découvrant de nouveaux détails sur la façon dont les mitochondries du cerveau communiquent avec les cellules du corps du ver pour prolonger la vie.

Tout d'abord, il fallait comprendre pourquoi des dommages causés aux mitochondries du cerveau pouvaient avoir un effet bénéfique sur l'organisme. Le processus de production d'énergie d'une mitochondrie nécessite une machinerie moléculaire extrêmement complexe comprenant des dizaines de parties protéiques différentes. Lorsque les choses tournent mal, par exemple lorsque certains composants sont manquants ou mal repliés, les mitochondries activent une réponse au stress, connue sous le nom de réponse protéique dépliée, qui délivre des enzymes de réparation pour aider les complexes à s'assembler correctement et à restaurer la fonction mitochondriale. De cette façon, la réponse protéique déployée maintient les cellules en bonne santé.

Dillin s’attendait à ce que ce processus se déroule uniquement à l’intérieur des neurones dont les mitochondries sont endommagées. Pourtant, il a observé que les cellules d’autres tissus du corps du ver activaient également des réponses de réparation même si leurs mitochondries étaient intactes.

C'est cette activité de réparation qui a permis aux vers de vivre plus longtemps. Comme si on emmenait régulièrement une voiture chez un mécanicien, la réponse protéique déployée semblait maintenir les cellules en bon état de fonctionnement et fonctionner comme un élément anti-âge. Ce qui restait mystérieux était la façon dont cette réponse protéique déployée était communiquée au reste de l’organisme.

Après quelques recherches, l'équipe de Dillin a découvert que les mitochondries des neurones stressés utilisaient des vésicules – des conteneurs en forme de bulles qui déplacent les matériaux autour de la cellule ou entre les cellules – pour transmettre un signal appelé Wnt au-delà des cellules nerveuses vers d'autres cellules du corps. Les biologistes savaient déjà que Wnt joue un rôle dans la configuration du corps au cours du développement embryonnaire précoce, au cours duquel il déclenche également des processus de réparation tels que la réponse protéique déployée. Pourtant, comment la signalisation Wnt, lorsqu’elle est activée chez un adulte, pourrait-elle éviter d’activer le programme embryonnaire ?

Dillin soupçonnait qu'il devait y avoir un autre signal avec lequel Wnt interagissait. Après d'autres travaux, les chercheurs ont découvert qu'un gène exprimé dans les mitochondries de la lignée germinale – et dans aucune autre mitochondrie – peut interrompre les processus de développement de Wnt. Ce résultat lui suggère que les cellules germinales jouent un rôle essentiel dans le relais du signal Wnt entre le système nerveux et les tissus du reste du corps.

"La lignée germinale est absolument essentielle pour cela", a déclaré Dillin. Il n’est cependant pas clair si les mitochondries germinales agissent comme des amplificateurs, recevant le signal des mitochondries du cerveau et le transmettant à d’autres tissus, ou si les tissus récepteurs " écoutent " les signaux provenant des deux sources.

Quoi qu’il en soit, la force du signal germinal régule la durée de vie de l’organisme, a déclaré Dillin. À mesure qu’un ver vieillit, la qualité de ses œufs ou de son sperme diminue – ce que nous appelons le tic-tac d’une horloge biologique. Ce déclin se reflète également dans la capacité changeante des cellules germinales à transmettre les signaux des mitochondries du cerveau, a-t-il suggéré. À mesure que le ver vieillit, sa lignée germinale transmet le signal de réparation moins efficacement et son corps décline également.

Les scientifiques ne savent pas encore si ces découvertes s’appliquent aux humains et à notre façon de vieillir. Pourtant, l’hypothèse a du sens d’un point de vue évolutif plus large, a déclaré Dillin. Tant que les cellules germinales sont saines, elles envoient des signaux favorables à la survie pour garantir que leur organisme hôte survit et se reproduit. Mais à mesure que la qualité des cellules germinales diminue, il n’y a aucune raison évolutive de continuer à prolonger la durée de vie ; du point de vue de l'évolution, la vie existe pour se reproduire.

Le fait que les mitochondries puissent communiquer entre elles peut sembler quelque peu alarmant, mais il existe une explication. Il y a longtemps, les mitochondries étaient des bactéries libres qui s’associaient à un autre type de cellules primitives pour travailler ensemble dans ce qui est devenu nos cellules complexes modernes. Ainsi, leur capacité à communiquer est probablement une relique de l’ancêtre bactérien libre des mitochondries.

"Cette petite chose qui existe à l'intérieur des cellules depuis des milliards d'années conserve toujours ses origines bactériennes", a déclaré Dillin. Et si ses recherches sur les vers se confirment dans des organismes plus complexes comme les humains, il est possible que vos mitochondries parlent en ce moment de votre âge. 



 

Auteur: Internet

Info: https://www.quantamagazine.org/, Viviane Callier, 8 janvier 2024

[ impulsion source ] [ jouvence ]

 

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subatomique

Des scientifiques font exploser des atomes avec un laser de Fibonacci pour créer une dimension temporelle "supplémentaire"

Cette technique pourrait être utilisée pour protéger les données des ordinateurs quantiques contre les erreurs.

(Photo avec ce texte : La nouvelle phase a été obtenue en tirant des lasers à 10 ions ytterbium à l'intérieur d'un ordinateur quantique.)

En envoyant une impulsion laser de Fibonacci à des atomes à l'intérieur d'un ordinateur quantique, des physiciens ont créé une phase de la matière totalement nouvelle et étrange, qui se comporte comme si elle avait deux dimensions temporelles.

Cette nouvelle phase de la matière, créée en utilisant des lasers pour agiter rythmiquement un brin de 10 ions d'ytterbium, permet aux scientifiques de stocker des informations d'une manière beaucoup mieux protégée contre les erreurs, ouvrant ainsi la voie à des ordinateurs quantiques capables de conserver des données pendant une longue période sans les déformer. Les chercheurs ont présenté leurs résultats dans un article publié le 20 juillet dans la revue Nature.

L'inclusion d'une dimension temporelle "supplémentaire" théorique "est une façon complètement différente de penser les phases de la matière", a déclaré dans un communiqué l'auteur principal, Philipp Dumitrescu, chercheur au Center for Computational Quantum Physics de l'Institut Flatiron, à New York. "Je travaille sur ces idées théoriques depuis plus de cinq ans, et les voir se concrétiser dans des expériences est passionnant.

Les physiciens n'ont pas cherché à créer une phase dotée d'une dimension temporelle supplémentaire théorique, ni à trouver une méthode permettant d'améliorer le stockage des données quantiques. Ils souhaitaient plutôt créer une nouvelle phase de la matière, une nouvelle forme sous laquelle la matière peut exister, au-delà des formes standard solide, liquide, gazeuse ou plasmatique.

Ils ont entrepris de construire cette nouvelle phase dans le processeur quantique H1 de la société Quantinuum, qui se compose de 10 ions d'ytterbium dans une chambre à vide, contrôlés avec précision par des lasers dans un dispositif connu sous le nom de piège à ions.

Les ordinateurs ordinaires utilisent des bits, c'est-à-dire des 0 et des 1, pour constituer la base de tous les calculs. Les ordinateurs quantiques sont conçus pour utiliser des qubits, qui peuvent également exister dans un état de 0 ou de 1. Mais les similitudes s'arrêtent là. Grâce aux lois étranges du monde quantique, les qubits peuvent exister dans une combinaison, ou superposition, des états 0 et 1 jusqu'au moment où ils sont mesurés, après quoi ils s'effondrent aléatoirement en 0 ou en 1.

Ce comportement étrange est la clé de la puissance de l'informatique quantique, car il permet aux qubits de se lier entre eux par l'intermédiaire de l'intrication quantique, un processus qu'Albert Einstein a baptisé d'"action magique à distance". L'intrication relie deux ou plusieurs qubits entre eux, connectant leurs propriétés de sorte que tout changement dans une particule entraîne un changement dans l'autre, même si elles sont séparées par de grandes distances. Les ordinateurs quantiques sont ainsi capables d'effectuer plusieurs calculs simultanément, ce qui augmente de manière exponentielle leur puissance de traitement par rapport à celle des appareils classiques.

Mais le développement des ordinateurs quantiques est freiné par un gros défaut : les Qubits ne se contentent pas d'interagir et de s'enchevêtrer les uns avec les autres ; comme ils ne peuvent être parfaitement isolés de l'environnement extérieur à l'ordinateur quantique, ils interagissent également avec l'environnement extérieur, ce qui leur fait perdre leurs propriétés quantiques et l'information qu'ils transportent, dans le cadre d'un processus appelé "décohérence".

"Même si tous les atomes sont étroitement contrôlés, ils peuvent perdre leur caractère quantique en communiquant avec leur environnement, en se réchauffant ou en interagissant avec des objets d'une manière imprévue", a déclaré M. Dumitrescu.

Pour contourner ces effets de décohérence gênants et créer une nouvelle phase stable, les physiciens se sont tournés vers un ensemble spécial de phases appelées phases topologiques. L'intrication quantique ne permet pas seulement aux dispositifs quantiques d'encoder des informations à travers les positions singulières et statiques des qubits, mais aussi de les tisser dans les mouvements dynamiques et les interactions de l'ensemble du matériau - dans la forme même, ou topologie, des états intriqués du matériau. Cela crée un qubit "topologique" qui code l'information dans la forme formée par de multiples parties plutôt que dans une seule partie, ce qui rend la phase beaucoup moins susceptible de perdre son information.

L'une des principales caractéristiques du passage d'une phase à une autre est la rupture des symétries physiques, c'est-à-dire l'idée que les lois de la physique sont les mêmes pour un objet en tout point du temps ou de l'espace. En tant que liquide, les molécules d'eau suivent les mêmes lois physiques en tout point de l'espace et dans toutes les directions. Mais si vous refroidissez suffisamment l'eau pour qu'elle se transforme en glace, ses molécules choisiront des points réguliers le long d'une structure cristalline, ou réseau, pour s'y disposer. Soudain, les molécules d'eau ont des points préférés à occuper dans l'espace et laissent les autres points vides ; la symétrie spatiale de l'eau a été spontanément brisée.

La création d'une nouvelle phase topologique à l'intérieur d'un ordinateur quantique repose également sur la rupture de symétrie, mais dans cette nouvelle phase, la symétrie n'est pas brisée dans l'espace, mais dans le temps.

En donnant à chaque ion de la chaîne une secousse périodique avec les lasers, les physiciens voulaient briser la symétrie temporelle continue des ions au repos et imposer leur propre symétrie temporelle - où les qubits restent les mêmes à travers certains intervalles de temps - qui créerait une phase topologique rythmique à travers le matériau.

Mais l'expérience a échoué. Au lieu d'induire une phase topologique à l'abri des effets de décohérence, les impulsions laser régulières ont amplifié le bruit provenant de l'extérieur du système, le détruisant moins d'une seconde et demie après sa mise en marche.

Après avoir reconsidéré l'expérience, les chercheurs ont réalisé que pour créer une phase topologique plus robuste, ils devaient nouer plus d'une symétrie temporelle dans le brin d'ion afin de réduire les risques de brouillage du système. Pour ce faire, ils ont décidé de trouver un modèle d'impulsion qui ne se répète pas de manière simple et régulière, mais qui présente néanmoins une sorte de symétrie supérieure dans le temps.

Cela les a conduits à la séquence de Fibonacci, dans laquelle le nombre suivant de la séquence est créé en additionnant les deux précédents. Alors qu'une simple impulsion laser périodique pourrait simplement alterner entre deux sources laser (A, B, A, B, A, B, etc.), leur nouveau train d'impulsions s'est déroulé en combinant les deux impulsions précédentes (A, AB, ABA, ABAAB, ABAABAB, ABAABABA, etc.).

Cette pulsation de Fibonacci a créé une symétrie temporelle qui, à l'instar d'un quasi-cristal dans l'espace, est ordonnée sans jamais se répéter. Et tout comme un quasi-cristal, les impulsions de Fibonacci écrasent également un motif de dimension supérieure sur une surface de dimension inférieure. Dans le cas d'un quasi-cristal spatial tel que le carrelage de Penrose, une tranche d'un treillis à cinq dimensions est projetée sur une surface à deux dimensions. Si l'on examine le motif des impulsions de Fibonacci, on constate que deux symétries temporelles théoriques sont aplaties en une seule symétrie physique.

"Le système bénéficie essentiellement d'une symétrie bonus provenant d'une dimension temporelle supplémentaire inexistante", écrivent les chercheurs dans leur déclaration. Le système apparaît comme un matériau qui existe dans une dimension supérieure avec deux dimensions de temps, même si c'est physiquement impossible dans la réalité.

Lorsque l'équipe l'a testé, la nouvelle impulsion quasi-périodique de Fibonacci a créé une phase topographique qui a protégé le système contre la perte de données pendant les 5,5 secondes du test. En effet, ils ont créé une phase immunisée contre la décohérence pendant beaucoup plus longtemps que les autres.

"Avec cette séquence quasi-périodique, il y a une évolution compliquée qui annule toutes les erreurs qui se produisent sur le bord", a déclaré Dumitrescu. "Grâce à cela, le bord reste cohérent d'un point de vue mécanique quantique beaucoup plus longtemps que ce à quoi on s'attendrait.

Bien que les physiciens aient atteint leur objectif, il reste un obstacle à franchir pour que leur phase devienne un outil utile pour les programmeurs quantiques : l'intégrer à l'aspect computationnel de l'informatique quantique afin qu'elle puisse être introduite dans les calculs.

"Nous avons cette application directe et alléchante, mais nous devons trouver un moyen de l'intégrer dans les calculs", a déclaré M. Dumitrescu. "C'est un problème ouvert sur lequel nous travaillons.

 

Auteur: Internet

Info: livesciences.com, Ben Turner, 17 août 2022

[ anions ] [ cations ]

 

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transposition linguistique

La théorie de la traduction est très rarement - comment dire ? - comique. Son mode de fonctionnement est celui de l'élégie et de l'admonestation sévère. Au XXe siècle, ses grandes figures étaient Vladimir Nabokov, en exil de la Russie soviétique, attaquant des libertins comme Robert Lowell pour leurs infidélités au sens littéral ; ou Walter Benjamin, juif dans un Berlin proto-nazi, décrivant la tâche du traducteur comme un idéal impossible d'exégèse. On ne peut jamais, selon l'argument élégiaque, reproduire précisément un vers de poésie dans une autre langue. Poésie ! Tu ne peux même pas traduire "maman"... Et cet argument élégiaque a son mythe élégiaque : la Tour de Babel, où la multiplicité des langues du monde est considérée comme la punition de l'humanité - condamnée aux hurleurs, aux faux amis, aux applications de menu étrangères. Alors que l'état linguistique idéal serait la langue universelle perdue de l'Eden.

La théorie de la traduction est rarement désinvolte ou joyeuse.

Le nouveau livre de David Bellos sur la traduction contourne d'abord cette philosophie. Il décrit les dragons de la Turquie ottomane, l'invention de la traduction simultanée lors du procès de Nuremberg, les dépêches de presse, les bulles d'Astérix, les sous-titres de Bergman, etc.... Il propose une anthropologie des actes de traduction. Mais à travers cette anthropologie, c'est un projet beaucoup plus grand qui émerge. Les anciennes théories étaient élégiaques, majestueuses ; elles étaient très sévères. Bellos est pratique et vif. Il n'est pas éduqué par l'élégie. Et c'est parce qu'il est sur quelque chose de nouveau.

Bellos est professeur de français et de littérature comparée à l'université de Princeton, et également directeur du programme de traduction et de communication interculturelle de cette université (où, je dois le préciser, j'ai déjà pris la parole). Mais pour moi, il est plus intéressant en tant que traducteur de deux romanciers particulièrement grands et problématiques : le Français Georges Perec, dont l'œuvre se caractérise par un souci maniaque de la forme, et l'Albanais Ismail Kadare, dont Bellos traduit l'œuvre non pas à partir de l'original albanais, mais à partir de traductions françaises supervisées par Kadare. La double expérience de Bellos avec ces romanciers est, je pense, à l'origine de son nouveau livre, car ces expériences de traduction prouvent deux choses : Il est toujours possible de trouver des équivalents adéquats, même pour une prose maniaquement formelle, et il est également possible de trouver de tels équivalents dans une langue qui n'est pas l'original de l'œuvre. Alors que selon les tristes théories orthodoxes de la traduction, aucune de ces vérités ne devrait être vraie.

À un moment donné, Bellos cite avec une fierté légitime un petit exemple de sa propre inventivité. Dans le roman de Perec "La vie : Mode d'emploi" de Perec, un personnage se promène dans une arcade parisienne et s'arrête pour regarder les "cartes de visite humoristiques dans la vitrine d'un magasin de farces et attrapes". Dans l'original français de Perec, l'une de ces cartes est : "Adolf Hitler/Fourreur". Un fourreur est un fourreur, mais la blague de Perec est que cela ressemble aussi à la prononciation française de Führer. Donc Bellos, dans sa version anglaise, traduit à juste titre "fourreur" non pas par "furrier", mais comme ceci : "Adolf Hitler/Lieder allemand". Le nouveau jeu de mots multiphonique de Bellos est une parodie, sans aucun doute - et c'est aussi la traduction la plus précise possible.

Les conclusions que ce paradoxe exige sont, disons, déconcertantes pour le lecteur vieux jeu. Nous sommes habitués à penser que chaque personne parle une langue individuelle - sa langue maternelle - et que cette langue maternelle est une entité discrète, avec un vocabulaire manipulé par une grammaire fixe. Mais cette image, selon Bellos, ne correspond pas aux changements quotidiens de nos multiples langues, ni au désordre de notre utilisation des langues. L'ennemi philosophique profond de Bellos est ce qu'il appelle le "nomenclaturisme", "la notion que les mots sont essentiellement des noms" - une notion qui a été amplifiée dans notre ère moderne d'écriture : une conspiration de lexicographes. Cette idée fausse l'agace parce qu'elle est souvent utilisée pour soutenir l'idée que la traduction est impossible, puisque toutes les langues se composent en grande partie de mots qui n'ont pas d'équivalent unique et complet dans d'autres langues. Mais, écrit Bellos, "un terme simple comme 'tête', par exemple, ne peut être considéré comme le 'nom' d'une chose particulière. Il apparaît dans toutes sortes d'expressions". Et si aucun mot en français, par exemple, ne couvre toutes les connotations du mot "tête", sa signification "dans un usage particulier peut facilement être représentée dans une autre langue".

Cette idée fausse a toutefois une très longue histoire. Depuis que saint Jérôme a traduit la Bible en latin, le débat sur la traduction s'est dissous dans l'ineffable - la fameuse idée que chaque langue crée un monde mental essentiellement différent et que, par conséquent, toutes les traductions sont vouées à l'insuffisance philosophique. Dans la nouvelle proposition de Bellos, la traduction "présuppose au contraire... la non-pertinence de l'ineffable dans les actes de communication". En zigzaguant à travers des études de cas de bibles missionnaires ou de machines linguistiques de la guerre froide, Bellos élimine calmement cette vieille idée de l'ineffable, et ses effets malheureux.

On dit souvent, par exemple, qu'une traduction ne peut jamais être un substitut adéquat de l'original. Mais une traduction, écrit Bellos, n'essaie pas d'être identique à l'original, mais d'être comme lui. C'est pourquoi le duo conceptuel habituel de la traduction - la fidélité et le littéral - est trop maladroit. Ces idées dérivent simplement de l'anxiété déplacée qu'une traduction essaie d'être un substitut. Adolf Hitler/Fourreur ! Une traduction en anglais par "furrier" serait littéralement exacte ; ce serait cependant une ressemblance inadéquate.

En littérature, il existe un sous-ensemble connexe de cette anxiété : l'idée que le style - puisqu'il établit une relation si complexe entre la forme et le contenu - rend une œuvre d'art intraduisible. Mais là encore, cette mélancolie est mélodramatique. Il sera toujours possible, dans une traduction, de trouver de nouvelles relations entre le son et le sens qui soient d'un intérêt équivalent, voire phonétiquement identiques. Le style, comme une blague, a juste besoin de la découverte talentueuse d'équivalents. "Trouver une correspondance pour une blague et une correspondance pour un style", écrit Bellos, "sont deux exemples d'une aptitude plus générale que l'on pourrait appeler une aptitude à la correspondance de modèles".

La traduction, propose Bellos dans une déclaration sèchement explosive, plutôt que de fournir un substitut, "fournit pour une certaine communauté une correspondance acceptable pour une énonciation faite dans une langue étrangère." Ce qui rend cette correspondance acceptable variera en fonction de l'idée que se fait cette communauté des aspects d'un énoncé qui doivent être assortis de sa traduction. Après tout, "on ne peut pas s'attendre à ce qu'une traduction ressemble à sa source sur plus de quelques points précis". Une traduction ne peut donc pas être bonne ou mauvaise "à la manière d'une interrogation scolaire ou d'un relevé bancaire". Une traduction s'apparente davantage à un portrait à l'huile". Dans une traduction, comme dans toute forme d'art, la recherche est celle d'un signe équivalent.

Et pour les habitants de Londres ou de Los Angeles, ce démantèlement des mythes autour de la traduction a des implications particulières. Comme le souligne Bellos, ceux qui sont nés anglophones sont aujourd'hui une minorité de locuteurs de l'anglais : la plupart le parlent comme une deuxième langue. L'anglais est la plus grande interlangue du monde.

Je pense donc que deux perspectives peuvent être tirées de ce livre d'une inventivité éblouissante, et elles sont d'une ampleur réjouissante. Le premier concerne tous les anglophones. Google Translate, sans aucun doute, est un appareil à l'avenir prometteur. Il connaît déjà un tel succès parce que, contrairement aux traducteurs automatiques précédents, mais comme d'autres inventions de Google, il s'agit d'une machine à reconnaissance de formes. Il analyse le corpus des traductions existantes et trouve des correspondances statistiques. Je pense que les implications de ce phénomène n'ont pas encore été suffisamment explorées : des journaux mondiaux aux romans mondiaux... . . . Et cela m'a fait imaginer une deuxième perspective - limitée à un plus petit, hyper-sous-ensemble d'anglophones, les romanciers. Je suis un romancier anglophone, après tout. Je me suis dit qu'il n'y avait aucune raison pour que les traductions d'œuvres de fiction ne puissent pas être faites de manière beaucoup plus extensive dans et à partir de langues qui ne sont pas les langues d'origine de l'œuvre. Oui, j'ai commencé à caresser l'idée d'une future histoire du roman qui serait imprudemment internationale. En d'autres termes : il n'y aurait rien de mal, pensais-je, à rendre la traduction plus joyeuse. 


Auteur: Thirlwell Adam

Info: https://www.nytimes.com/2011/10/30. A propos du livre : Le côté joyeux de la traduction, Faber & Faber Ed. Texte traduit à 90% par deepl.com/translator

 

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dernières paroles

MA DERNIERE CARTOUCHE... ULTIME COMBAT POUR UNE CAUSE ORPHELINE
Non ! Le LAOS n'était pas une " colonie " comme les autres. Nous ne l'avions pas pris de force: il s'était donné à nous librement à la suite d'une sorte d'attirance réciproque nouée à l'occasion d'événements dramatiques. " A la conquête des coeurs ! " écrivait Auguste PAVIE dont la personnalité attachante avait séduit le vieux Roi Oun KHAM qui avait placé son royaume sous la protection de la France pour échapper à la cruelle tutelle du voisin siamois.
Non ! Les Laotiens ne sont pas un peuple comme les autres. Leur art de vivre, leur façon d'être heureux malgré, ou peut-être à cause, d'une extrême pauvreté ; leur aménité, leur nonchalance (parfois stigmatisée par leur laborieux voisin vietnamiens, la bouleversante douceur de leurs femmes, la gentillesse de leurs enfants en font un peuple à part dans un monde dominé par la loi du profit. A l'exception notable des H'mongs, victimes depuis 1975 d'un véritable génocide, ce ne sont pas de farouches guerriers mais ils savent, sans se plaindre, mourir au combat et ont le courage de se faire tuer en se portant au secours d'un frère d'armes. C'est ainsi que, le 17 juillet 1950 vers 14 h, près de Ban Saka, le chasseur Ba LAN, mortellement frappé à mes côtés, ne prononce qu'un mot, thièp, pour signaler qu'il est blessé ; il s'éteint, 10 heures plus tard, sans avoir une seule fois crié sa souffrance ! Et lorsque, le 7 juillet 1954, je me débats dans la Nam Hin Boun en crue sous les tirs d'une cinquantaine de Viets, le sergent LIENE qui a déjà traversé la rivière fait demi-tour et se jette è l'eau pour me secourir ; il est tué d'une balle dans la tête à quelques brasses de moi ! Et le lendemain (8 juillet), alors que, blessé, j'étais dans l'incapacité de franchir une barre calcaire de plusieurs centaines de mètres de haut pour rejoindre les miens, de braves paysans lao m'ont littéralement porté par-dessus l'obstacle, et cela au péril de leur propre existence !
Non ! Les Laotiens n'étaient pas des amis comme les autres, ceux qui vous oublient lorsque viennent les épreuves et les dangers : quand les Japonais exécutèrent leur " coup de force " du 9 mars 1945 avec une traîtrise peu en rapport avec les principes du " bushido ", il y eut, en de nombreux endroits, et notamment à Thakkek, une véritable chasse à l'homme blanc. Ceux qui étaient pris étaient souvent décapités. Monsieur Henri FRAISSE, Sous-préfet à Mortagne-au-Perche en 1991, se souvient : petit garçon habitant Thakkek avec ses parents, lui et sa famille ont été sauvés par des Laotiens qui, au péril de leur vie, les ont emmenés, cachés et nourris jusqu'à ce que tout danger soit écarté. Et, dans tout le pays, les Laotiens ont agi de même, au secours des Français menacés.
C'est dans ce contexte d'amitié partagée que la France, du temps de sa grandeur, à signé, après Dien Bien Phu dont le choix avait été dicté par le souci de protéger le Laos, trois traités garantissant la liberté et l'indépendance du royaume du Million d'Eléphants et du Parasol Blanc. D'abord le Traité de Genève de 1954 mettant fin à notre guerre d'Indochine. Ensuite, les Accords de Genève de 1962 garantissant la neutralité du Laos. Enfin, le Traité de Paris de 1973 pour le respect et la reconnaissance de l'indépendance, de la souveraineté et de l'intégrité territoriale du Royaume du Laos. Or ces accords ont été violés, sans réaction notable des signataires, par la République Démocratique du Viet Nam (devenue depuis République Socialiste du Viet Nam) : dès le retrait précipité des Américains fin 1975, d'importantes forces armées nord-vietnamiennes ont envahi le Laos et permis aux maigres effectifs communistes lao de s'emparer du pouvoir par la force lors du " coup d'état " du 2 décembre 1975. Il faut savoir que les effectifs vietnamiens engagés à cette occasion ont été (officiellement) démobilisés sur place et convertis en ouvriers travaillant dans le cadre d'un projet de développement rural financé par les aide internationales. En réalité, ces aides ne font qu'entretenir une armée d'occupation vietnamienne abritée dans la Zone Spéciale Stratégique de Xay Somboun (au sud-ouest de Xieng Khouang), véritable Base de regroupement de soldats et cache d'armes lourdes (artillerie et blindés). Ces importantes forces vietnamiennes sont toujours prêtes à intervenir sans délai en cas de soulèvement populaire ou de coup d'état contre le gouvernement actuel, mis en place par Hanoï. C'est d'ailleurs dans cette zone qu'ont eu lieu les répressions les plus féroces contre les résistants H'mongs désespérément accrochés au fameux massif du Phou BIA. En outre, il m'a été confirmé par différentes sources (dont certaines sont implantées au sein même du pseudo Gouvernement Laotien), que le Viet Nam avait procédé, depuis plusieurs années, à une massive colonisation de peuplement en installant au Laos, sur les meilleures terres, 3 millions de vietnamiens communistes bénéficiant d'avantages exceptionnels. De surcroît, on constate une mainmise des vietnamiens sur les différents services artisanaux (coiffeur. menuisier, épicier, boucher etc.) au détriment des Laotiens.
Lorsque, fin 1975, les Américains se sont " désengagés " du conflit vietnamien, je n'ai pas compris que le Laos allait perdre son indépendance et qu'une inhumaine dictature communiste allait lui être imposée par la force des armes. Nos gouvernants ont feint de croire qu'il s'agissait d'une affaire intérieure laotienne, ce qui les dispensait d'agir dans le cadre de nos engagements. Et lorsque le père Jean-Marie OLLIVIER, oblat de Marie Immaculée, a voulu dénoncer, pour en avoir été témoin, cette ingérence d'une puissance étrangère dans les affaires intérieures d'un état indépendant, on lui a répondu..., qu'on " ne voulait pas le savoir " ! J'ai, d'ailleurs, écrit à ce sujet un article contenant le récit détaillé du Père OLLIVIER sous le titre " Les lépreux de SOMSANOUK et le Missionnaire qui en savait trop ".
Par suite du mutisme complice des autorités françaises, je n'ai appris l'asservissement du Laos qu'en 1999, en lisant le témoignage terrifiant du Colonel Khamphan THAMMAKHANTI, l'un des rares rescapés de ces goulags qui font partie de la " culture " communiste. Ce récit, intitulé " La vérité sur le camp-prison N°01 ou camp de la mort au point 438-745? M'a été transmis par SAR le Général Tiao SAYAVONG, ancien commandant de la 1ère Région Militaire (Luang Prabang) et demi-frère du roi Sri Savang VATTHANA. Ce Général, que j'avais connu lieutenant à Thakkek en 1954, avait lui-même passé 16 ans en camp de " rééducation ". Quelque temps après avoir témoigné, lui et le Colonel THAMMAKHANTI sont morts des suites des mauvais traitements qu'ils avaient endurés,,,
Avec une grande naïveté, j'ai pensé que nos " média " et nos gouvernants n'étaient pas " au courant ". Il m'appartenait donc de dénoncer le crime. Ce que j'ai fait en m'adressant aux grands journaux, aux mouvements de défense des peuples opprimés, aux politiciens, à Mr CHIRAC puis à son épouse, à certaine vedette de la chanson, à Mr KOUCHINER. à Mr MENARD, à Mr d'ORMESSON, à Mr DEVEDJIAN, au candidat puis au Président SARKOZY et à son épouse. Les réponses sont allées du silence méprisant aux justifications minables ou mensongères. Et j'ai fini par comprendre qu'ils étaient tous " au parfum ", un parfum de cadavres, et que tous participaient à cette conspiration du silence qui protège les crimes communistes.
Et puis, au début de l'année 2010, est arrivé l'inacceptable : 4200 H'mongs enfermés depuis des décennies dans un " camp de regroupement " thaïlandais ont été livrés à leurs bourreaux lao-viets afin d'améliorer encore les bonnes relations (commerciales) nouées depuis déjà longtemps entre la République Démocratique Populaire Lao et le Royaume Thaïlandais. Survenant au moment où l'on " commémorait " la sinistre " rafle du Vel. D'Hiv. " Commise pour des raisons ethniques sur des effectifs comparables, ce crime (connu avant d'être consommé) aurait dû soulever une énorme vague d'indignation. C'était compter sans le pouvoir discrétionnaire des journalistes de tous bords qui ont littéralement escamoté l'événement. A part deux ou trois brefs communiqués, que personne n'a repris mais qui pourront, plus tard, servir d'alibi, et ce sont toutes les " belles consciences brevetées " qui sont restées muettes, enveloppant dans un linceul de silence les 4.200 H'mongs partis pour leur dernier voyage...
Après une période de découragement, j'ai décidé de jouer ma dernière carte ou, plus exactement, de tirer ms dernière cartouche. Dans ma tête. En d'autres termes, je vais me " faire sauter le caisson " pour expier ma part de honte et protester contre la lâche indifférence de nos responsables face au terrible malheur qui frappe nos amis Lao. Ce n'est pas un suicide mais un acte de guerre visant à secourir nos frères d'armes en danger de mort. Quant à vous, les gouvernants sans honneur, vous, les grands " média " sans courage et vous, les " collabos " sans vergogne, je vous crache mon sang et mon mépris à la gueule !
Je demande pardon à tous ceux qui m'aiment pour le chagrin que je vais leur causer. Signé : Le Colonel Robert JAMBON, Retraité des Troupes de Marine

Auteur: Jambon Robert

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[ suicide ]

 

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mondialisation

Les erreurs de l'État impérial mondial et les erreurs des autres
On m'a fait remarquer que les bizarreries de la réconciliation sans vérité que j'ai rencontrées aux Philippines eu égard à l'importance persistante de la famille Marcos, malgré le discrédit généralisé de la période où elle était aux commandes (1965-1986), n'est pas aussi étrange qu'il y paraît.
Après tout, Jeb Bush a récemment annoncé son intention de briguer la présidence des États-Unis en 2016, et George W. Bush, malgré sa présidence déplorable, est considéré comme un atout politique. Il s'active à faire campagne et à récolter des fonds en faveur de son jeune frère. Aux Philippines, contrairement aux États-Unis, il y a eu une rupture politique provoquée par le mouvement Pouvoir du peuple, qui a écarté le clan Marcos du pouvoir et a porté directement à la présidence Corey Aquino, la veuve de Benigno Aquino Jr., l'opposant à Marcos assassiné. Même aujourd'hui, ce triomphe populiste est célébré comme un jour de fierté nationale pour le pays, et Benigno Noynoy Aquino III siège au palais de Malacañang comme le président élu du pays. Pourtant, les réalités politiques aux Philippines, comme aux États-Unis, sont plus connues pour leur continuité avec un passé discrédité que pour les changements qui rejettent et surmontent ce passé.
Barack Obama agissait dans un contexte politique certes différent aux États-Unis lorsqu'il a mis de côté les allégations bien fondées de criminalité adressées à l'équipe au pouvoir pendant la présidence de Bush, affirmant prudemment que le pays devait regarder vers l'avant et non derrière lorsqu'il s'agit de la responsabilité pénale de ses anciens dirigeants politiques. Bien sûr, c'est l'opposé de ce qui a été fait avec les dirigeants allemands et japonais survivants après la Deuxième Guerre mondiale avec les procès largement acclamés de Nuremberg et de Tokyo [ainsi qu'avec Saddam Hussein et Muammar Khadafi, NdT] ; et cela ne peut pas devenir la norme aux États-Unis par rapport aux crimes des gens ordinaires, ni même à l'égard des crimes louables des lanceurs d'alerte du genre de ceux attribués à Chelsea Manning, Julian Assange et Edward Snowden. Une telle impunité sélective semble être le prix que les démocraties impériales paient pour éviter la guerre civile dans le pays, et préférable à une unité obtenue par des formes autoritaires de gouvernement.
Pour cette seule raison, l'approche moralement régressive d'Obama de la responsabilité est politiquement compréhensible et prudente. L'Amérique est polarisée, et la partie la plus frustrée et la plus en colère des citoyens embrasse la culture de l'arme à feu et reste probablement ardemment en faveur de la sorte de militarisme et de ferveur patriotique qui avait été si fortement mise en avant pendant la présidence Bush.
Des pensées dans ce sens m'ont conduit à une série de réflexions plus larges. Les erreurs que font les Philippines, certes épouvantables en termes de droits humains, sont au moins principalement confinées dans les limites territoriales du pays et font des victimes parmi leurs propres citoyens. A titre de comparaison, les erreurs de politique étrangère commises par les États-Unis font des victimes principalement chez les autres, bien qu'ils en fassent souvent payer le prix, en même temps, aux Américains les plus marginaux et les plus vulnérables. Comme société, beaucoup regrettent les effets de la guerre au Vietnam ou de la guerre d'Irak sur la sérénité et l'estime de soi de la société américaine, mais en tant qu'Américains, nous ne faisons que rarement, sinon jamais, une pause pour déplorer les immenses pertes infligées à l'expérience sociétale qu'ont vécue ceux qui vivent sur ces lointains champs de bataille de l'ambition géopolitique. Ces sociétés victimes sont les récepteurs passifs de cette expérience destructrice, et possèdent rarement la capacité ou même la volonté politique de riposter. Telle est l'asymétrie des relations impériales.
On estime qu'entre 1,6 et 3,8 millions de Vietnamiens sont morts pendant la guerre du Vietnam en comparaison des 58 000 Américains. Des proportions similaires sont présentes dans les guerres d'Afghanistan et d'Irak, même sans considérer les perturbations et les destructions endurées. En Irak, depuis 2003, on estime qu'entre 600 000 et 1 millions d'Irakiens ont été tués et que plus de 2 millions ont été déplacés dans le pays, et que 500 000 Irakiens sont encore réfugiés en raison de la guerre, tandis que les États-Unis ont perdu quelque chose comme 4 500 membres de leur personnel combattant. Les statistiques du champ de bataille ne doivent pas nous aveugler sur le caractère absolu de chaque décès du point de vue de leurs proches, mais elles révèlent une dimension centrale de la distribution des coûts humains relatifs de la guerre entre un gouvernement qui intervient et la société cible. Ce calcul de la mort au combat commence à raconter l'histoire de la dévastation d'une société étrangère : les dangers résiduels qui peuvent se matérialiser dans la mort et des blessures mutilantes longtemps après que les armes se sont tues, à cause des munitions létales non explosées qui tapissent le pays pour des générations, la contamination du sol par l'agent Orange et les ogives contenant de l'uranium appauvri, sans oublier les traumatismes et les nombreux rappels quotidiens de souvenirs de guerre sous la forme des paysages dévastés et des sites culturels détruits laissés en héritage.
Selon presque tous les points de vue éthiques, il semblerait qu'une certaine conception de la responsabilité internationale devrait restreindre l'usage de la force dans des situations autres que celles autorisées par le droit international. Mais ce n'est pas la manière dont le monde fonctionne. Les erreurs et les actes répréhensibles qui se produisent dans une guerre étrangère lointaine sont rarement reconnus, ils ne sont jamais punis et jamais aucune compensation n'est offerte. Paradoxalement, seuls les dirigeants de ces territoires sont tenus de rendre des comptes (par exemple Saddam Hussein, Slobodan Milosevic et Mouammar Kadhafi). Le gouvernement des États-Unis, et plus précisément le Pentagone, a pour principe de dire au monde qu'il ne recueille aucune donnée sur les victimes civiles associées à ses opérations militaires internationales. En partie, il y a une attitude de déni, qui minimise les épreuves infligées aux pays étrangers et, pour une autre partie, il y a le baume d'une insistance officielle sous-jacente que les États-Unis font tous les efforts possibles pour éviter les victimes civiles. Dans le contexte des attaques de drones, Washington soutient avec insistance qu'il y a peu de victimes civiles, mesurées par le nombre de décès, mais n'admet jamais qu'il y a un nombre bien plus important de civils qui vivent ensuite dans la terreur intense et permanente d'être visés ou involontairement frappés à mort par un missile errant [pas errant pour tout le monde, malheureusement, NdT].
Compte tenu des structures étatiques et impériales de l'ordre mondial, il n'est pas surprenant que si peu d'attention soit portée à ces questions. Les erreurs d'un État impérial mondial ont des répercussions matérielles bien au-delà de leurs frontières, tandis que les erreurs d'un État normal résonnent à l'intérieur du pays comme dans une chambre d'écho. Les torts de ceux qui agissent pour l'État impérial mondial sont protégés des regards par l'impunité de fait liée à leur force, tandis que les torts de ceux qui agissent pour un État normal sont de de plus en plus sujets à des procédures judiciaires internationales. Lorsque c'est arrivé après la Deuxième Guerre mondiale, cela s'est appelé justice des vainqueurs ; lorsque cela arrive aujourd'hui, en particulier avec la jurisprudence borgne de la légalité libérale, c'est expliqué en référence à la prudence et au réalisme, à la nécessité d'être pragmatique, de faire ce qu'il est possible, d'accepter les limites, d'accorder un procès équitable à ceux qui sont accusés, de dissuader certaines tendances aux dérives dangereuses.
Cela ne changera pas jusqu'à ce que l'une de ces deux choses se produise : soit la mise en place d'une instance mondiale pour interpréter et appliquer le droit pénal [ce tribunal existe, le TPI, mais les US ont obtenu une dérogation pour eux-mêmes (sic!), NdT], soit une modification considérable de la conscience politique des États impériaux mondiaux par l'internalisation d'un ethos de responsabilité envers les sociétés étrangères et leurs habitants. Cette description des progrès nécessaires du droit et de la justice devrait nous faire prendre conscience à quel point de telles attentes restent utopiques.
Actuellement, il n'y a qu'un seul et unique État impérial mondial, les États-Unis d'Amérique. Certains suggèrent que les prouesses économiques de la Chine créent un centre rival de pouvoir et d'influence, qui pourrait être reconnu comme un second État impérial mondial. Cela semble erroné. La Chine peut être plus résiliente et elle est certainement moins militariste dans sa conception de la sécurité et de la poursuite de ses intérêts, mais elle n'est pas mondiale, ni ne mène de guerres lointaines. De plus, la langue, la monnaie et la culture chinoises ne jouissent pas de la portée mondiale de l'anglais, du dollar américain et du capitalisme franchisé. Indubitablement, la Chine est actuellement l'État le plus important dans le monde, mais sa réalité est en accord avec les idées du Traité de Wesphalie relatives à la souveraineté territoriale, tandis que les États-Unis opèrent mondialement dans toutes les régions pour consolider leur statut d'unique État impérial mondial. En effet, le premier État de ce type dans l'histoire du monde.

Auteur: Falk Richard

Info: 30 mars 2015, Source zcomm.org

[ USA ] [ géopolitique ]

 

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exobiologie

Les doutes grandissent quant à l’approche biosignature de la chasse aux extraterrestres

Les controverses récentes sont de mauvais augure pour les efforts visant à détecter la vie sur d’autres planètes en analysant les gaz présents dans leur atmosphère.

En 2020, des scientifiques ont détecté un gaz appelé phosphine dans l’atmosphère d’une planète rocheuse de la taille de la Terre. Sachant qu'il est impossible de produire de la phosphine autrement que par des processus biologiques, "les scientifiques affirment que quelque chose de vivant est la seule explication de l'origine de ce produit chimique", a rapporté le New York Times . En ce qui concerne les " gaz biosignatures ", la phosphine semblait être un coup de circuit.

Jusqu'à ce que ce ne soit plus le cas.

La planète était Vénus, et l’affirmation concernant une potentielle biosignature dans le ciel vénusien est toujours embourbée dans la controverse, même des années plus tard. Les scientifiques ne peuvent pas s'entendre sur la présence de phosphine là-bas, et encore moins sur la question de savoir si cela constituerait une preuve solide de l'existence d'une biosphère extraterrestre sur notre planète jumelle.

Ce qui s’est avéré difficile pour Vénus ne le sera que pour les exoplanètes situées à plusieurs années-lumière.

Le télescope spatial James Webb (JWST) de la NASA, lancé en 2021, a déjà renvoyé des données sur la composition atmosphérique d'une exoplanète de taille moyenne baptisée K2-18 b que certains ont interprétée – de manière controversée – comme une preuve possible de la vie. Mais alors même que les espoirs de détection de biosignature montent en flèche, certains scientifiques commencent à se demander ouvertement si les gaz présents dans l’atmosphère d’une exoplanète constitueront un jour une preuve convaincante de l’existence d’extraterrestres.

De nombreux articles récents explorent les redoutables incertitudes liées à la détection de la biosignature des exoplanètes. L'un des principaux défis qu'ils identifient est ce que le philosophe des sciences Peter Vickers de l'Université de Durham appelle le problème des alternatives non conçues . En termes simples, comment les scientifiques peuvent-ils être sûrs d’avoir exclu toute explication non biologique possible de la présence d’un gaz – surtout tant que la géologie et la chimie des exoplanètes restent presque aussi mystérieuses que la vie extraterrestre ?

"De nouvelles idées sont constamment explorées, et il pourrait y avoir un mécanisme abiotique pour ce phénomène qui n'a tout simplement pas encore été conçu", a déclaré Vickers. "C'est le problème des alternatives inconçues en astrobiologie."

"C'est un peu l'éléphant dans la pièce", a déclaré l'astronome Daniel Angerhausen de l'École polytechnique fédérale de Zurich, qui est un scientifique du projet sur la mission LIFE, un télescope spatial proposé qui rechercherait des gaz de biosignature sur des planètes semblables à la Terre. exoplanètes.

Si ou quand les scientifiques détectent un gaz de biosignature putatif sur une planète lointaine, ils peuvent utiliser une formule appelée théorème de Bayes pour calculer les chances de vie là-bas sur la base de trois probabilités. Deux d’entre eux concernent la biologie. La première est la probabilité que la vie apparaisse sur cette planète, compte tenu de tout ce que l’on sait d’elle. La seconde est la probabilité que, si la vie existait, elle créerait la biosignature que nous observons. Les deux facteurs comportent d'importantes incertitudes, selon les astrobiologistes Cole Mathis de l'Arizona State University et Harrison Smith de l'Institut des sciences de la Terre et de la vie de l'Institut de technologie de Tokyo, qui ont exploré ce type de raisonnement dans un article l'automne dernier.

Le troisième facteur est la probabilité qu'une planète sans vie produise le signal observé – un défi tout aussi sérieux, réalisent maintenant les chercheurs, qui est mêlé au problème des alternatives abiotiques inconçues.

"C'est la probabilité que nous disons que vous ne pouvez pas remplir vos fonctions de manière responsable", a déclaré Vickers. "Cela pourrait presque aller de zéro à 1."

Prenons le cas de K2-18 b, une " mini-Neptune " de taille intermédiaire entre la Terre et Neptune. En 2023, les données du JWST ont révélé un signe statistiquement faible de sulfure de diméthyle (DMS) dans son atmosphère. Sur Terre, le DMS est produit par des organismes marins. Les chercheurs qui l’ont provisoirement détecté sur K2-18b ont interprété les autres gaz découverts dans son ciel comme signifiant que la planète est un " monde aquatique " avec un océan de surface habitable, confortant ainsi leur théorie selon laquelle le DMS proviendrait de la vie marine. Mais d'autres scientifiques interprètent les mêmes observations comme la preuve d'une composition planétaire gazeuse et inhospitalière ressemblant davantage à celle de Neptune.

Des alternatives inconcevables ont déjà contraint les astrobiologistes à plusieurs reprises à réviser leurs idées sur ce qui constitue une bonne biosignature. Lorsque la phosphine a été détectée sur Vénus , les scientifiques ne connaissaient aucun moyen de la produire sur un monde rocheux sans vie. Depuis lors, ils ont identifié plusieurs sources abiotiques possibles de gaz . Un scénario est que les volcans libèrent des composés chimiques appelés phosphures, qui pourraient réagir avec le dioxyde de soufre présent dans l'atmosphère de Vénus pour former de la phosphine – une explication plausible étant donné que les scientifiques ont trouvé des preuves d'un volcanisme actif sur notre planète jumelle. De même, l'oxygène était considéré comme un gaz biosignature jusqu'aux années 2010, lorsque des chercheurs, dont Victoria Meadows du laboratoire planétaire virtuel de l'Institut d'astrobiologie de la NASA, ont commencé à trouver des moyens permettant aux planètes rocheuses d' accumuler de l'oxygène sans biosphère. Par exemple, l’oxygène peut se former à partir du dioxyde de soufre, qui abonde sur des mondes aussi divers que Vénus et Europe.

Aujourd’hui, les astrobiologistes ont largement abandonné l’idée selon laquelle un seul gaz pourrait constituer une biosignature. Au lieu de cela, ils se concentrent sur l’identification d’« ensembles », ou d’ensembles de gaz qui ne pourraient pas coexister sans vie. Si quelque chose peut être appelé la biosignature de référence actuelle, c’est bien la combinaison de l’oxygène et du méthane. Le méthane se dégrade rapidement dans les atmosphères riches en oxygène. Sur Terre, les deux gaz ne coexistent que parce que la biosphère les reconstitue continuellement.

Jusqu’à présent, les scientifiques n’ont pas réussi à trouver une explication abiotique aux biosignatures oxygène-méthane. Mais Vickers, Smith et Mathis doutent que cette paire particulière – ou peut-être n’importe quel mélange de gaz – soit un jour convaincante. "Il n'y a aucun moyen d'être certain que ce que nous observons est réellement une conséquence de la vie, par opposition à un processus géochimique inconnu", a déclaré Smith.

" JWST n'est pas un détecteur de vie. C'est un télescope qui peut nous dire quels gaz se trouvent dans l'atmosphère d'une planète ", a déclaré Mathis.

Sarah Rugheimer, astrobiologiste à l'Université York qui étudie les atmosphères des exoplanètes, est plus optimiste. Elle étudie activement d’autres explications abiotiques pour les biosignatures d’ensemble comme l’oxygène et le méthane. Pourtant, dit-elle, "  j’ouvrirais une bouteille de champagne – du champagne très cher – si nous voyions de l’oxygène, du méthane, de l’eau et du CO 2 " sur une exoplanète.

Bien sûr, verser un verre sur un résultat passionnant en privé est différent de dire au monde qu'il a trouvé des extraterrestres.

Rugheimer et les autres chercheurs qui ont parlé à Quanta pour cette histoire se demandent comment parler au mieux en public de l'incertitude entourant les biosignatures – et ils se demandent comment les fluctuations de l'opinion astrobiologique sur une détection donnée pourraient miner la confiance du public dans la science. Ils ne sont pas seuls dans leur inquiétude. Alors que la saga de la phosphine de Vénus approchait de son apogée en 2021, les administrateurs et les scientifiques de la NASA ont imploré la communauté de l'astrobiologie d'établir des normes fermes de certitude dans la détection des biosignatures. En 2022, des centaines d'astrobiologistes se sont réunis pour un atelier virtuel pour discuter de la question – bien qu'il n'existe toujours pas de norme officielle, ni même de définition, d'une biosignature. "Pour l'instant, je suis assez heureux que nous soyons tous d'accord, tout d'abord, sur le fait que c'est un petit problème", a déclaré Angerhausen.

La recherche avance malgré l’incertitude – comme elle le devrait, dit Vickers. Se retrouver dans des impasses et devoir faire marche arrière est naturel pour un domaine naissant comme l’astrobiologie. "C'est quelque chose que les gens devraient essayer de mieux comprendre comment fonctionne la science dans son ensemble", a déclaré Smith. "C'est OK de mettre à jour ce que nous savons." Et les affirmations audacieuses sur les biosignatures ont un moyen d’allumer un feu sous la pression des scientifiques pour les falsifier, disent Smith et Vickers – pour partir à la recherche d’alternatives inconçues.

"Nous ne savons toujours pas ce qui se passe sur Vénus, et bien sûr, cela semble désespéré", a déclaré l'astrochimiste Clara Sousa-Silva du Bard College, une experte en phosphine qui a contribué à la détection de Vénus. Pour elle, la prochaine étape est claire : " Pensons à nouveau à Vénus. " Les astronomes ont pratiquement ignoré Vénus pendant des décennies. La controverse sur la biosignature a déclenché de nouveaux efforts non seulement pour découvrir des sources abiotiques de phosphine jusque-là inconsidérées, mais également pour mieux comprendre notre planète sœur à part entière. (Au moins cinq missions vers Vénus sont prévues dans les décennies à venir.) "Je pense que c'est aussi une source d'espoir pour les exoplanètes."



Auteur: Internet

Info: https://www.quantamagazine.org/ - Elise Cuts, 19 mars 2024

[ xénobiologie ]

 

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