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organisation sociétale

LE MAGISTRAT. - Comment pourrez-vous donc mettre fin à tant de désordre dans notre pays ?

LYSISTRATA. - Fort aisément.

LE MAGISTRAT. - De quelle manière ? dis-moi.

LYSISTRATA. - Par exemple, quand notre fil est embrouillé, nous le prenons ainsi et le tirons de nos fuseaux de côté et d'autre. Il en sera autant de cette guerre ; nous la débrouillerons, pourvu qu'on nous laisse faire, en envoyant des ambassadeurs de différents côtés.

LE MAGISTRAT. - Ainsi donc, pauvres folles, vous pensez terminer les affaires les plus critiques avec de la laine, du fil et des fuseaux !

LYSISTRATA. - Oui ; si vous aviez le moindre bon sens, vous prendriez, en politique, exemple sur notre manière de travailler la laine.

LE MAGISTRAT. - Comment cela ? Voyons.

LYSISTRATA. - De même que nous lavons la laine pour en séparer le suint, il fallait d'abord expulser de la ville à coups de verges les pervers, et séparer la lie ; puis ceux qui se tiennent et s'agglomèrent ensemble pour s'emparer des charges, les diviser et leur fendre la tête ; ensuite jeter tout pêle-mêle dans une corbeille pour le bien commun, et carder indistinctement étrangers domiciliés, hôtes, amis, débiteurs du trésor ; quant aux villes peuplées de colons de ce pays, les regarder chacune séparément comme autant de pelotons posés devant nous, puis, prenant leur fil à toutes, le tirer jusqu'ici et n'en faite qu'un seul, pour former de tout cela une grosse pelote et en tisser un manteau pour le peuple.

Auteur: Aristophane

Info: Lysistrata

[ métaphore filée ] [ tissu soclal ]

 

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mouvement idéologique

Monsieur le docteur,

Je ne peux pas faire ce que vous souhaitez. Ma réticence à intéresser le public à ma personnalité est insurmontable et les circonstances critiques actuelles ne me semblent pas du tout y inciter. Qui veut influencer le grand nombre doit avoir quelque chose de retentissant et d’enthousiaste à lui dire et cela, mon jugement réservé sur le sionisme ne le permet pas. J’ai assurément les meilleurs sentiments de sympathie pour des efforts librement consentis, je suis fier de notre université de Jérusalem et je me réjouis de la prospérité des établissements de nos colons. Mais, d’un autre côté, je ne crois pas que la Palestine puisse jamais devenir un État juif ni que le monde chrétien, comme le monde islamique, puissent un jour être prêts à confier leurs lieux saints à la garde des Juifs. Il m’aurait semblé plus avisé de fonder une patrie juive sur un sol historiquement non chargé ; certes, je sais que, pour un dessein aussi rationnel, jamais on n’aurait pu susciter l’exaltation des masses ni la coopération des riches. Je concède aussi, avec regret, que le fanatisme peu réaliste de nos compatriotes porte sa part de responsabilité dans l’éveil de la méfiance des Arabes. Je ne peux éprouver la moindre sympathie pour une piété mal interprétée qui fait d’un morceau de mur d’Hérode une relique nationale et, à cause d’elle, défie les sentiments des habitants du pays.

Jugez vous-même si, avec un point de vue aussi critique, je suis la personne qu’il faut pour jouer le rôle de consolateur d’un peuple ébranlé par un espoir injustifié.

Auteur: Freud Sigmund

Info: Lettre à Chaim Koffler, 26 février 1930

[ opinion ] [ scepticisme ] [ judaïsme ]

 

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Gaule

La France de Voltaire et de Bossuet, la France de Pascal et de Rabelais, de Diderot et de Bloy, de Molière et de Maistre, d’Aragon et de Claudel, de Proust et de Céline, aura été ce théâtre unique d’une désunion incessante, ou d’une cohabitation tenace et intenable, dont la dialectique sans arrêt renouvelée aura aussi imprimé sa marque dans les vies individuelles. C’est cette base dissolvante, différenciante et conflictuelle, aussi indispensable et structurante pour un peuple que des parents sexuellement différenciés pour leurs enfants, qui aura empêché quoi qu’on en dise, tous les "absolus" de s’y implanter durablement (c’est aussi là que s’originait la souveraineté, et là qu’existaient les conditions de possibilité de la politique). La France aura été le tombeau de Dieu comme celui des divinités idéologiques de substitution qui ont voulu y prendre racine.

Du moins jusqu’à ce qu’elle se convertisse aux "valeurs du Nord", c’est-à-dire à la rationalité protestante et marchande, par définition incompatible avec les attitudes interrogatives ou critiques, avec la duplicité, la contradiction, le flou, la diversité, les faux-semblants et toute la comédie irresponsable des alentendus jamais résolus. Il n’y a pas d’autre Europe possible que l’Europe du Nord. Bernanos, bien avant la dernière guerre, avait qualifié l’entreprise hiltérienne de "seconde Réforme allemande". La troisième, porteuse de messages hygiéniques autant qu’incritiquables, triomphe en douceur et rien ne l’arrêtera. Le terrible ordre européen ne pouvait se faire qu’au prix de l’effacement de la "latinité" et par la victoire des impératifs archangéliques d’authenticité, de vertu, de positivité et de transparence que la civilisation lutérienne contient en elle et que répercutent désormais à jet continu les sacro-saintes recommandations de Bruxelles.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 3", Les Belles Lettres, Paris, 2002, pages 236-237

[ éloge ] [ esprit frondeur ] [ normalisation ] [ peuples-religions ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

ressources humaines

L'économie du marché du travail intervient ici de manière particulièrement destructrice. Un patron pourrait choisir soit de recycler un homme de cinquante ans pour qu'il se mettent à jour, soit de recruter un brillant jeune de vingt-cinq ans déjà prêt à foncer. Il est beaucoup moins cher de recruter le brillant jeune homme : moins cher parce que l'employé plus âgé aura une base salariale plus élevée et parce que les programmes de recyclage du personnel sont eux-mêmes des opérations coûteuses.

Ce processus de remplacement comporte un aspect social. Les employés plus âgés sont généralement plus autonomes et critiques à l'égard de leurs patrons que les plus jeunes. Dans les programmes de recyclage, les employés plus âgés se conduisent comme d'autres étudiants mûrs, jugeant la valeur de la compétence proposée et la façon dont elle est enseignée à la lumière de ce qu'ils ont eux-mêmes vécu. Le travailleur expérimenté complique le sens de ce qu'il apprend en jugeant sa valeur en fonction de son passé. Le jeune Turc, en revanche, est un stéréotype que viennent démentir maintes études de jeunes travailleurs eux-mêmes : manquant d'expérience et de statut dans une entreprise, ils ont tendance à se conduire prudemment, et s'ils n'aiment pas les conditions qui leur sont faites sur leur lieu de travail, ils sont enclins à partir plutôt qu'à résister. Cette porte leur reste ouverte parce que, étant jeunes, leur bagage familial et social est moins encombrant. Dans les entreprises, l'âge fait donc une différence importante entre ce que l'économiste Albert Hirschman appelle la "défection" (exit) et la "prise de parole" (voice). Quand ils sont mécontents, les jeunes travailleurs, plus souples, privilégient la défection ; plus critiques, les plus âgés expriment leurs insatisfactions.

Auteur: Sennett Richard

Info: La culture du nouveau capitalisme, p 83

[ travailleurs seniors ] [ employés juniors ]

 
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homme-végétal

Ce matin-là de 1966, après avoir travaillé durant plusieurs heures sur le polygraphe, Cleve Backster décide de faire une pause et d'arroser les plantes de son bureau.

Étant un individu curieux, il se demande si en accrochant les électrodes à l'une des plantes il pourrait déterminer la rapidité à laquelle l'eau se déplace dans la tige. le résultat l'étonna, la résistance électrique de la feuille du Dracaena s'accrut au lieu de diminuer, et le diagramme afficha un tracé à la baisse, tout le contraire de ce à quoi il s'attendait. Chez un humain, cette chute du tracé indique de la fatigue ou de l'ennui.

Poussant plus loin son investigation, Cleve Backster alla chercher des allumettes pour brûler la feuille placée sous électrode. Au moment même où il émit cette intention, le stylo enregistreur du polygraphe s'est brusquement déplacé jusqu'en haut de la feuille de papier graphique. Aucun mot n'avait pourtant été prononcé, juste cette intention de le faire…

Pour Cleve Backster cette excitation spectaculaire représenta une observation de grande valeur, car, en retirant sa menace par le simple fait de ranger les allumettes dans le tiroir, le tracé redevint calme…

Sa curiosité, qui a ouvert une porte immense sur le mystère, l'a amené à poursuivre ses recherches sur la communication du vivant pendant quarante ans malgré les critiques du monde scientifique qui rejeta, voire ridiculisa, ses résultats.

Cleve Backster a pourtant étudié cette "perception primaire" des plantes sur un plan rigoureusement scientifique en démontrant, par des expériences reproductibles, que tout le règne du vivant, que ce soit l'homme, une plante, une bactérie, un animal, était relié à l'univers, d'une façon intime et immédiate, par cette "énergie pensive". Malgré cela les scientifiques ont continué de balayer du revers de la main la fonction psi des plantes.

Auteur: Internet

Info: critique de "L'intelligence émotionnelle des plantes" de Cleve Backster, sur le blog de Florinette

[ télépathie ] [ parapsychologie ]

 
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lectures

La vérité est que tout le monde aime regarder de haut certaines personnes. Si vos auteurs favoris sont des écrivains d'avant-garde qui donnent dans le sanskrit et l'allemand, vous pourrez regarder à peu près tout le monde de haut. Si vos préférés sont tous les livres du Club de lecture d'Oprah, vous pourrez au moins mépriser les lecteurs de romans policiers. Les lecteurs en quête de mystère sont des lecteurs de science-fiction. La science-fiction peut mépriser la fantaisie. Et les lecteurs de fantaisie ont leur propre snobisme. Mais je prends les paris que dans cent ans, les gens disserterons beaucoup plus sur Harry Potter que sur John Updike. Regardez, Charles Dickens a écrit de la fiction populaire. Shakespeare a écrit de la fiction populaire - jusqu'à ce qu'il écrive ses sonnets, désespéré de montrer aux littéraires de son époque qu'il était un véritable artiste. Edgar Allan Poe s'est empêtré dans sa vie parce que personne ne se rendait compte de son  génie. Le cœur du problème est de savoir comment nous voulons définir la "littérature". La racine latine signifie simplement "lettres". Ces lettres sont soit livrées - elles sont en contact avec un public - soit  pas. Pour certains, ce public est constitué de quelques milliers de professeurs d'université et de quelques critiques. Pour d'autres, il s'agira de vingt millions de femmes en manque de romantisme dans leur vie. Ces liens se créent parce que les livres réussissent à communiquer quelque chose de réel sur l'expérience humaine. Bien sûr, il y a des livres trash qui réussissent vraiment bien, mais c'est parce que l'humanité à des facettes trash. Ce que les gens apprécient dans leurs livres - et donc ce qu'ils considèrent comme de la littérature - vous en dit vraiment plus sur eux que sur le livre.

Auteur: Weeks Brent

Info:

[ miroirs ] [ révélatrices ] [ élitisme ]

 

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vacherie

Il faut se rappeler que la plupart des critiques sont des hommes qui n'ont pas eu beaucoup de chance et qui, au moment où ils allaient désespérer, ont trouvé une petite place tranquille de gardien de cimetière. Dieu sait si les cimetières sont paisibles?: il n'en est pas de plus riant qu'une bibliothèque. Les morts sont là?: ils n'ont fait qu'écrire, ils sont lavés depuis longtemps du péché de vivre et d'ailleurs on ne connaît leur vie que par de petits cercueils qu'on range sur des planches, le long des murs, comme les urnes d'un columbarium. Le critique vit mal, sa femme ne l'apprécie pas comme il faudrait, ses fils sont ingrats, les fins de mois difficiles. Mais il lui est toujours possible d'entrer dans sa bibliothèque, de prendre un livre sur un rayon et de l'ouvrir. Il s'en échappe une légère odeur de cave et une opération étrange commence, qu'il a décidé de nommer la lecture. [...] C'est tout un monde désincarné qui l'entoure où les affections humaines, parce qu'elles ne touchent plus, sont passées au rang d'affections exemplaires, et pour tout dire, de valeurs. Aussi se persuade-t-il d'être entré en commerce avec un monde intelligible qui est comme la vérité de ses souffrances quotidiennes et leur raison d'être. [...] Et, pendant le temps qu'il lit, sa vie de tous les jours devient une apparence. [...] C'est une fête pour lui quand les auteurs contemporains lui font la grâce de mourir?: leurs livres, trop crus, trop vivants, trop pressants passent de l'autre bord, ils touchent de moins en moins et deviennent de plus en plus beaux?; [...] Quant aux écrivains qui s'obstinent à vivre, on leur demande seulement de ne pas trop remuer et de s'appliquer à ressembler dès maintenant aux morts qu'ils seront.

Auteur: Sartre Jean-Paul

Info: Qu'est-ce que la littérature ?

[ analyste ]

 

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écrivain-sur-éditeur

Je me fous énormément de ce que l'éditeur peut penser de mes livres. Il n'est pas même question de solliciter son avis.

Son goût est mauvais forcément - autrement il ne ferait pas ce métier de semi-épicier semi-maquereau. Que voulez-vous qu'il connaisse ce Jean-foutre ?

Je suis de l'avis de ce pauvre Élie Faure (juif) : Lorsqu'on demande au conservateur d'un musée d'exposer le meilleur de ses Rembrants, invariablement il choisit le plus mauvais, celui qui répond à ses goûts, à son goût de sale vieux con.

Kif des éditeurs, critiques, et toute cette clique.

Leurs avis sont peut-être utiles en effet aux auteurs merdeux dans leur genre dont ils feraient eux-mêmes à peu près les livres s'ils étaient un peu moins fainéants, mais là s'arrête la compétence des éditeurs, pour la bonne raison qu'il est impossible à un être humain d'excéder son aire psychique... il comprend tout ce qui tombe dans son rayon... tout ce qui le dépasse il l'excècre... ainsi du singe qui tend à massacrer tout ce qu'il ne comprend pas... et tout de suite ! Ainsi le critique, ainsi l'éditeur.

Ce que veut le con c'est un miroir pour son âme de con où il puisse s'admirer - d'où le cinéma et les romans d'immenses tirages - "miroirs pour les âmes du plus grand nombre de cons possibles".

Cette loi vaut aussi pour la psychologie, la graphologie etc...

Comment comprendre ce qui vous dépasse ? Impossible. Alors en avant pour le bla-bla-bla...!

Il y a moins de fous qu'on le pense écrivait Vauvernagues, il y a surtout des gens qui ne se comprennent pas. Pardi !

Quant à l'éditeur au surplus il est abruti par tout ce qu'il lit, qu'il se croit obligé de lire.

Auteur: Céline Louis-Ferdinand

Info: Lettre à Milton Hindus, 28/07/1947

[ vacheries ] [ stupides ] [ limites ] [ commerciaux ]

 
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involution

Plus la pénétration et l'approfondissement du nouvel esprit scientifique eurent de succès, plus ce dernier - il en est toujours ainsi du vainqueur - devint prisonnier du monde qu'il venait de conquérir. Au début de ce siècle encore, un auteur chrétien pouvait considérer l'esprit moderne en quelque sorte comme une deuxième incarnation du Logos. "La profonde compréhension de l'animation de la nature dans la peinture et la poésie modernes, dit Kalthoff, l'intuition vivante dont la science elle-même, dans la rigueur de ses travaux, ne veut pas non plus se passer davantage, permettent de voir aisément comment le Logos de la philosophie grecque, qui poussa le type ancien du chrétien à s'éloigner du monde, dépouille son caractère d'au-delà et fête une nouvelle incarnation." En trés peu de temps, on dut s'apercevoir qu'il ne s'agissait pas d'une nouvelle incarnation du Logos, mais bien plutôt d'un effondrement de l'anthropos ou du Noûs dans la Physis. Le monde avait non seulement perdu son caractère divin; il avait aussi perdu son caractère spirituel. En transposant le centre d'intérêt du monde intérieur au monde extérieur, la connaissance de la nature a infiniment grandi en comparaison de ce qu'elle était autrefois; mais la connaissance et l'expérience du monde intérieur ont diminué en proportion. L'intérêt religieux qui, normalement, devrait être le plus fort et par conséquent décisif, s'est détourné du monde intérieur et les figures du dogme sont, dans notre monde, des résidus étranges et incompréhensibles, livrés à toutes sortes de critiques. Même la psychologie moderne a grand-peine à revendiquer pour l'âme humaine un droit à l'existence et à faire admettre qu'elle soit une forme d'être doué de qualités que l'on peut étudier et par conséquent objet d'une science empirique; qu'elle ne dépend pas uniquement d'un extérieur, mais possède aussi un intérieur autonome et qu'elle ne représente pas uniquement un moi conscient, mais également une existence qu'on ne peut atteindre qu'indirectement.

Auteur: Jung Carl Gustav

Info: Métamorphose de l'âme et ses symboles

[ matérialisme ] [ régression ] [ rationalisme aveugle ]

 

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Ajouté à la BD par Neshouma

jazz

Souvent, je songeais que mon père était né de la musique - une mélodie entêtée qui prit la forme d'un homme. Il entendait de la musique partout, dans le grincement de ressorts rouillés du lit et le bourdonnement des mouches. Pour lui, les robinets qui goutent étaient remplis de rythmes, comme les clignotements irréguliers du néon déglingué derrière notre fenêtre. Certains secouaient la tête et le prenaient pour un dingo, mais je n'ai jamais cru cela. Il mettait les enregistrements d'Art Tatum, d'Arthur Rubenstein et d'autres, et s'exclamait les yeux étincelants : " Qu'est-ce que c'est bath ! De toute beauté ! " On écoutait parfois des disques toute la nuit. Quand il n'y avait pas de concerts à la régulière, Papa avait de courts engagements dans des bars d'hôtel, où son jeu exquis n'était pas souvent, et c'est le moins que l'on puisse dire, pas apprécié à sa juste valeur. C'était toujours les mêmes types qui posaient problème - un ivrogne de passage, sans la moindre oreille musicale, d'ordinaire flanqué d'une quelconque pute flasque de bar d'hôtel. Ils chancelaient jusqu'au piano, appuyés sur les touches, et disaient un truc du style : " Et la pédale douce, vieux ? " ou bien " Tu connais celui-ci ? " avant de se mettre à siffler un air mièvre en crachotant dans l'oreille de papa des sifflements faux et puants. Il prenait chaque fois son mal en patience, ne prononçant jamais le moindre mot, mais moi qui le connaissais, je voyais son esprit se flétrir juste derrière ses yeux. Quand je sentais sa blessure, je m'imaginais être l'Abominable Docteur Phibes, échafaudant des morts diaboliques pour ces critiques de comptoir de bar, ou bien je me transformais en Rodan, attrapant mes victimes par leur cou gras et rougeaud avec mes talons-rasoirs. Je les emportais à tire-d'aile vers un caveau souterrain, où, bourreau masqué, j'attendais, prête à mettre fin partout à la vie des imbéciles et des chahuteurs qui ne reconnaissaient pas la beauté quand ils l'entendaient.

Auteur: Albany Amy-Jo

Info: Low Down : jazz, came, et autres contes de la princesse Be-Bop

[ univers sonore ] [ papa ]

 

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