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jungle

Ce qui m'étonnait le plus était l'infini mimétisme de la nature vierge. Ici rien ne répondait à son aspect ; il se créait un monde d'apparences qui cachait la réalité, qui remettait en question beaucoup de vérités. Les caïmans à l’affût dans les bas fonds de la forêt inondée, immobiles, la gueule prête, ressemblaient à des troncs pourris, recouverts d'anatifes ; les lianes avaient l'air de reptiles, les serpents de lianes, quand leur peaux n'avaient pas des nervures de bois précieux, des ocelles d'ailes de phalènes, des écailles d'ananas ou des anneaux de corail ; les plantes aquatiques formaient le tissus serré d'un tapis touffus, cachaient l'eau qui coulait en dessous, prenaient l'aspect d'une végétation de terre ferme ; les écorces tombées prenaient tout à coup une consistance de laurier en saumure ; les champignons étaient des coulées de cuivre, des saupoudrages de souffre, près de l'aspect trompeur d'un caméléon un peu trop branche, un peu trop lapis-lazuli, un peut trop plomb strié d'un jaune intense, lequel simulait à présent des éclaboussures de soleil tombées à travers des feuilles qui ne laissaient jamais passer le soleil tout entier. La forêt vierge était le domaine du mensonge, du piège, du faux semblant ; tout était travesti, stratagème, jeu d'apparences, métamorphoses. Domaine du lézard concombre, de la châtaigne hérisson, de la chrysalide mille-pattes, de la larve à corps de carotte, du poisson-torpille, qui foudroyait du fond de la vase visqueuse.

Auteur: Carpentier Alejo

Info: Le partage des eaux, pp 222 et 223

[ masques ] [ littérature ] [ reflets ]

 

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passivité

Contre ce monde insaisissable et fantasmagorique où ce qui est noir aujourd’hui peut être blanc demain et où le temps qu’il faisait la veille peut être modifié par décret, il n’y a à vrai dire que deux remparts. Le premier est qu’on a beau s’acharner à nier la vérité, la vérité n’en continue pas moins d’exister, dans votre dos pour ainsi dire, et qu’il vous est par conséquent impossible de la violer sans nuire à l’efficacité militaire. La seconde, c’est qu’aussi longtemps qu’il demeurera sur cette terre des régions non conquises, la tradition libérale pourra continuer de vivre. Que le fascisme, ou l’association des fascismes divers, conquière le monde entier, et ces deux remparts s’écrouleront. Nous sous-estimons, en Angleterre, ce genre de danger, nos traditions et notre sécurité passée nous ayant inculqué la croyance sentimentale que tout finit toujours par s’arranger et que ce que l’on craint le plus n’arrive jamais pour de bon. Nourris pendant des siècles d’une littérature où le bon droit triomphe invariablement au dernier chapitre, nous sommes presque instinctivement convaincus qu’à long terme le mal va toujours de lui-même à sa perte. Le pacifisme, par exemple, repose largement sur cette idée. Ne résistez pas au mal, il se détruira tout seul, d’une façon ou d’une autre. Mais pourquoi se détruirait-il ? Quelles preuves avons-nous qu’il le fasse jamais ? Et quel exemple y a-t-il d’un État industrialisé moderne qui se soit effondré sans l’intervention armée d’une puissance extérieure ?

Auteur: Orwell George

Info: Dans "Pourquoi j'écris ?", trad. de l'anglais par Marc Chénetier, éditions Gallimard, 2022, pages 27-28

[ croyance réconfortante ] [ zen hypocrite ] [ optimisme ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

onirisme

Je rêvais que je dormais. Naturellement, je ne me laissais pas prendre, sachant que j'étais éveillé, jusqu'au moment où, me réveillant, je me rappelai que je dormais. Naturellement, je ne me laissais pas prendre, sachant que j'étais éveillé, jusqu'au moment où, m'endormant, je me rappelai que je venais de me réveiller d'un sommeil où je rêvais que je dormais. Naturellement, je ne me laissais pas prendre, sachant que j'étais éveillé, jusqu'au moment où, me réveillant, je me rappelai que je dormais. Naturellement, je ne me laissais pas prendre, jusqu'au moment où, m'endormant, je me rappelai que je venais de me réveiller d'un sommeil où je rêvais que je dormais. Naturellement, je en me laissais pas prendre, jusqu'au moment où, perdant toute foi, je me mis à me mordre les doigts de rage, me demandant malgré la souffrance grandissante si je me mordais réellement les doigts ou si seulement je rêvais que je me mordais les doigts de ne pas avoir si j'étais éveillé ou endormi et rêvant que j'étais désespéré de ne pas savoir si je dormais, ou si seulement je... et me demandant si... Et ainsi d'insomnies en inutiles sommeils, je poursuis sans m'abandonner jamais un repos qui n'est pas un repos, dans un éveil n'est pas un éveil, indéfiniment au guet, sans pouvoir franchir la passerelle quoique mettant le pied sur mille, dans une nuit aveugle et longue comme un siècle, dans une nuit qui coule sans montrer de fin.

Auteur: Michaux Henri

Info: Face aux verrous

[ littérature ] [ poésie ] [ absurde ]

 

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éloge

La traduction d’Eugène Onéguine, c’est, oui, de loin, de loin, de loin, la chose la plus importante que j’aie faite de ma vie – et je ne dis pas que l’intégrale de Dostoïevski, ce n’est rien du tout… Et je ne peux pas expliquer pourquoi, parce que, soit on comprend, soit on ne comprend pas. Je le dis souvent : une fois qu’on est entré dans Onéguine, qu’on a, non pas "compris" (il n’y a rien à comprendre, pas de sens caché, rien – tout est à la surface), mais "senti", alors, vraiment, votre vie change, et vous vivez dans ce sourire, ce sourire d’une tristesse infinie, mais dont émane une lumière étonnante : quelque chose d’intime (je veux dire que ça parle à chacun de nous différemment, selon sa vie, son enfance, ses propres souvenirs) et de totalement universel. Et, je le redis, léger. Et je repense, une fois encore, à cette phrase d’Alexandre Blok, en 1921, avant de se laisser mourir : "Notre mémoire conserve depuis l’enfance un nom joyeux : Pouchkine. Ce nom, ce son emplit de nombreux jours de notre vie. Les sombres noms des empereurs, des chefs de guerre, des inventeurs d’armes de destruction, des bourreaux et des martyrs de la vie. Et, à côté d’eux, ce nom léger : Pouchkine."

Cette légèreté-là, c’est ce qui fait que j’aime si fort la langue russe, et la Russie (et que je suis tellement blessé par son histoire).

Auteur: Markowicz André

Info: Partages

[ écrivain-sur-écrivain ] [ humus linguistique ] [ patrie idiomatique ] [ littérature ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

songe

Mon père rêva que la Mort lui était apparue, telle qu'on la dépeint d'habitude, et qu'elle l'avait touché de son trait. Eh bien, il s'en retourna alors chez lui, et quand il arriva toute sa famille, sauf moi, était debout. Il raconta son rêve à ma mère. Mais il était en bonne santé et de bonne humeur et il y avait un bol de punch et mon père fit un compte rendu détaillé et long de son voyage : qu'il avait placé Frank sous les ordres d'un capitaine qui avait de la religion, etc. A la fin, il alla se coucher, se sentant très bien et en grande forme. Peu après qu'il se fut couché, il se plaignit d'une douleur au ventre, ce qui lui arrivait, à cause des gaz et ma mère lui donna un peu d'eau à la menthe. Après une pause, il dit : "Je me sens beaucoup mieux maintenant, chère!" et il se recoucha. Moins d'une minute plus tard, ma mère entendit un bruit dans sa gorge et elle lui parla, mais il ne répondit pas et elle lui parla en vain. Son cri me réveilla et je dis "Papa est mort" - j'ignorais tout du retour de mon père, mais je savais qu'il était attendu. Comme j'en suis venu à penser à sa mort, je ne sais, mais c'est ainsi. Il était mort. Certains disent que c'était la goutte dans le coeur - probablement, c'était une crise d'apoplexie.

Auteur: Coleridge Samuel Taylor

Info: lettre du 16 oct 1797

[ prémonition ] [ littérature ]

 

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texte-image

Dans la Revue Blanche, pour illustrer un article de Paul Adam "L’assaut malicieux", qui expliquant avec une certaine compassion le cas néo-grec d’Oscar Wilde, Lautrec en a donné un croquis à la plume. Debout, de profil, sanglé dans sa redingote, la main gauche tenant un papier, l’esthète est en attitude de combat devant la cour. … Ce portrait est une chose des plus mordantes et fixe bien l’être étrange qu’était Wilde.

Traité comme un sujet de fresque, ce gros homme, gras, bouffi, blafard, est de face, et tient au premier plan, en buste, toute la mise en page, avec, au loin, dans la brume, la Tour de Westminster et la Tamise. Il respire la suffisance, l’arrogance.

La tache blanche des chairs, du plastron de la chemise et la filasse des cheveux, se détachant sur le noir et les violets du col et du smoking, avaient fait la joie de Lautrec. Si l’on n’a point regardé le faciès à bajoues, le dessin de la bouche petite, ronde et sensuelle, les yeux aigus sous les boursouflures et les poches, le nez d’oiseau de proie, les cheveux collés à plat et séparés par une raie au milieu de la tête, on ne peut nullement comprendre "l’Esthète" rempli de génie à ses heures, maintenant une des gloires de la littérature anglaise, qui fut en même temps tout orgueil et cabotinisme et peut-être un parfait incompréhensif des choses d’art dont il parlait si bien.

Auteur: Joyant Maurice

Info: Henri De Toulouse-Lautrec 1864 -1901

[ personnage ]

 
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littérature

Aux yeux de la postérité, Cervantès incarne le génie littéraire d'une nation: un destin qu'il partage avec Dante, Goethe et Shakespeare, mais qui, dans son cas, s'assortit d'un curieux privilège, celui d'être le seul écrivain espagnol à avoir atteint une renommée pleinement universelle. Cette renommée, il la doit assurément à Don Quichotte. Mais, si le destin de l'ingénieux hidalgo a projeté celui-ci bien au-delà du récit de ses aventures, le mythe qu'il incarne désormais est d'abord lié à l'avènement d'une forme cardinale de la fiction en prose, que l'on appelle aujourd'hui le roman moderne. Cervantès est réputé en être le créateur: réputation fondée si l'on prend la mesure exacte de sa contribution, mais qui, comme il se doit, ne lui a pas été accordée de son vivant par ses lecteurs. S'ils ont ri aux exploits de Don Quichotte, leurs préférences sont allées davantage à La Galathée ou au Persiles, que nous ne lisons plus guère aujourd'hui, ou encore aux Nouvelles exemplaires, que nous continuons de lire, mais d'un autre oeil. La modernité de Cervantès n'est donc pas le signe distinctif d'un "système" de pensée qui, comme on l'a cru naguère, exprimerait les tensions d'un âge de crise à travers un questionnement des valeurs établies. Elle tient plutôt à la vertu d'une écriture, transparente et néanmoins ambiguë, grâce à laquelle son oeuvre, inscrite au départ dans le climat culturel d'une époque aujourd'hui révolue, a débordé, au fil de ses réceptions successives, le dessein qui l'avait engendrée.

Auteur: Encyclopædia Universalis

Info: Extrait, CD-ROM version 3, 1997

[ historique ] [ éloge ]

 

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littérature

La gazelle est en mer.
Dieu sait comment, mais elle est là.
Immobile sur les lames bleues des vagues, dans une attitude royale, comme tout en haut d'une dune.
Elle se tourne pour regarder Farid, ses cornes, luisantes, annelés, ne bougent pas.
C'est un animal courageux et fier, elle a des pattes fines, des muscles nerveux et une bande noire sur son dos qui frémit quand le danger approche.
C'est la plus belle décoration du désert.
Elle a une ouïe qui perce le silence, des yeux merveilleux; des cornées transparentes et ces fameuses pupilles brillantes qui voient les aigles dans le ciel, les lycaons cachés dans les buissons.
Pendant la période de sécheresse estivale, quand tous les animaux quittent les régions désertiques et les steppes brûlées, la gazelle reste fidèle aux lieux qui sont les siens, et souvent sa chair nourrit les grands carnivores qui mourraient s'il en était autrement.
Elle court d'une manière un peu comique, presque sans toucher le sable.
Elle laisse un sillage de traces, aussi petites et rondes que des pièces de monnaie.
Elle est très rapide, elle doit l'être si elle veut survivre.
De temps en temps, elle s'arrête et elle regarde derrière elle, comme le font les enfants, et cette curiosité peut lui être fatale.
Saisie à la gorge, la gazelle ne se débat pas.
Elle se laisse entraîner et mettre à mort.
Les poètes arabes ont chanté pour elle, ils ont élevé son regard innocent au sommet de la beauté du monde.

Auteur: Mazzantini Margaret

Info: La mer le matin

[ nature ]

 

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encoléré

La Bêtise publique me submerge. Depuis 1870, je suis devenu patriote. En voyant crever mon pays, je sens que je l'aimais. La Prusse peut démonter ses fusils. Pas n'est besoin d'elle pour nous faire mourir. La Bourgeoisie est tellement ahurie qu'elle n'a plus même l'instinct de se défendre. — Et ce qui lui succédera sera pire ! J'ai la tristesse qu'avaient les patriciens romains au IVème siècle. Je sens monter du fond du sol une irrémédiable Barbarie. — J'espère être crevé avant qu'elle n'ait tout emporté. Mais en attendant, ce n'est pas drôle. Jamais les intérêts de l'esprit n'ont moins compté. Jamais la haine de toute grandeur, le dédain du Beau, l'exécration de la littérature enfin n'a été si manifeste. J'ai toujours tâché de vivre dans une tour d'ivoire. Mais une marée de merde en bat les murs, à la faire crouler. [...] Je ne peux plus causer avec qui que ce soit sans me mettre en colère. Et tout ce que je lis de contemporain me fait bondir. Joli état ! — ce qui ne m'empêche pas de préparer un bouquin où je tâcherai de cracher ma bile. Je voudrais bien en causer avec vous. Je ne me laisse donc pas abattre, comme vous voyez. Si je ne travaillais pas, je n'aurais plus qu'à piquer une tête dans la rivière avec une pierre au cou. — 1870 a rendu beaucoup de gens fous, ou imbéciles, ou enragés. Je suis dans cette dernière catégorie. C'est là le vrai.

Auteur: Flaubert Gustave

Info: extrait d'une lettre adressée à Ivan Tourguéniev, 13 novembre 1872

[ guerre ] [ nationalisme ]

 

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Ajouté à la BD par Bandini

écrivain-sur-écrivains

Chère Marie mille mercis pour Miller. Il va vous être renvoyé - Très instructif. On prend soin de nous avertir en préface que ce n’est ni du Céline ni du Joyce - Peut-être... Mais c’est en tout cas du Zarathoustra, du Jean-Jacques, du "Petit chose", du Vallès, du Rimbaud, du Faulkner, du Passos, du Charles Louis Philippe, vraiment je ne connais rien de plus ressassé, archi pontifié, de moins original. C’est le débraillé conventionnel du Maupassant américain, l’épaté de Kansas City, pourri de littérature. J’oubliais Dostoiewsky ! Il y a vingt génies de ce genre en permanence à la Coupole (...) Un pays qui produit des bombes atomiques doit avoir des auteurs cataclomiques ! On en catapulte aux gogos - même catafouillis chez ce Steinbeck ressasseur de Don Quichotte, de Maupassant, en bafouilleux, morne, à la sauce russe, titubant, vaseux - Je vois de très beaux jours pour Cherbulliez, Feuillet, Goncourt plagiés quand ils auront été rendus confus, bégayeurs et motorisés par les hybrides à génie des officines de traduction - Quels rugissements d’extase quand on nous ramènera les "Contes de mon Moulin" morosifiés, érotisés, cacafouillis traduits par un génie d’Arkansas ! Le sous-préfet braguette ouverte ronflant sous un essaim d’abeilles qui lui décuplent la verge ? La chèvre de Monsieur Seguin baisée toute la nuit par le Loup périssant d’amour à l’aurore ? - Voilà des factures nouvelles ! A en bramer d’admiration ! Notre vieux cheval naturaliste peinturluré américain, harnaché zazou peut encore faire de drôles de recettes !

Auteur: Céline Louis-Ferdinand

Info: Lettre de Louis-Ferdinand Céline à sa secrétaire Marie Canavaggia en décembre 1946 dans Lettres à Marie Canavaggia: (1936-1960, Gallimard, 2007, 768 p.)

[ états-unis ] [ férocité critique ] [ élan pamphlétaire ] [ avis littéraire ]

 
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