Citation
Catégorie
Tag – étiquette
Auteur
Info



nb max de mots
nb min de mots
trier par
Dictionnaire analogique intriqué pour extraits. Recherche mots ou phrases tous azimuts. Aussi outil de précision sémantique et de réflexion communautaire. Voir la rubrique mode d'emploi. Jetez un oeil à la colonne "chaînes". ATTENTION, faire une REINITIALISATION après  une recherche complexe. Et utilisez le nuage de corrélats !!!!..... Lire la suite >>
Résultat(s): 1887
Temps de recherche: 0.0489s

femme fatale

C'est elle qui a fait arrêter Jean Moulin Elle s'appelait Lydie Bastien. Devenue en 1943 la maîtresse de René Hardy, elle fut à l'origine de la trahison fatale au chef de la Résistance. Le journaliste Pierre Péan élucide un mystère vieux de cinquante ans C'était l' "énigme de Caluire", le "mystère de la chambre jaune" de l'histoire de la Résistance: qui a trahi Jean Moulin?

Depuis cinquante ans, cette question ne cesse d'alimenter des polémiques plus ou moins sérieuses, la volonté de comprendre et de rendre justice au héros martyr se mêlant à la fascination pour le mystère entourant ce fait divers parfait - unité de temps et de lieu - où se sont croisées la petite et la grande histoire. Ce 21 juin 1943 se réunissent dans la proche banlieue lyonnaise quelques cadres militaires de la résistance de zone Sud. Ils répondent à la convocation urgente de Jean Moulin après l'arrestation à Paris par les Allemands du général Delestraint, responsable de l'Armée secrète. Sous la conduite de Klaus Barbie, les hommes de la Gestapo font irruption et arrêtent le chef du tout récent Conseil national de la Résistance et six de ses camarades. René Hardy, qui représente le mouvement Combat, bien qu'il n'ait pas été convoqué, est le seul à prendre la fuite, dans des conditions telles qu'il sera immédiatement accusé du désastre, mais acquitté, faute de preuves, lors de son procès, en janvier 1947. Roger Wybot, patron de la DST, découvrira peu après que Hardy a menti à la justice et à ses camarades: il avait été arrêté par Barbie puis relâché quelques jours avant Caluire! René Hardy affronte donc un second procès en mai 1950, mais obtient à nouveau l'acquittement au bénéfice du doute. Avec un tel suspect blanchi deux fois par la justice, l' "affaire de Caluire" n'a cessé, dès lors, de s'amplifier, au travers d'articles, de procès et de livres dont la volonté de dénigrer l'épopée résistante n'était pas toujours absente. L'énigme est enfin levée aujourd'hui grâce à Pierre Péan: René Hardy est bien au coeur de la trahison, mais pas comme acteur principal. Il fut un jouet aux mains d'une femme - Lydie Bastien, sa maîtresse d'alors - à laquelle il était pitoyablement soumis et qui, elle, travaillait pour les Allemands! Elle est responsable non seulement de l'arrestation de Jean Moulin, mais aussi de celle du général Delestraint: les deux patrons - politique et militaire - de la Résistance intérieure doivent donc tous deux leur chute, à quelques jours d'intervalle, à une beauté de 20 ans, jamais inquiétée et morte récemment à Paris, en 1994. Après la sortie, à la fin de l'année dernière, de sa biographie Vies et morts de Jean Moulin, dans laquelle il s'interrogeait sur le rôle exact de ce personnage mystérieux, Pierre Péan fut contacté par Victor Conté, l'exécuteur testamentaire de Lydie Bastien: elle l'avait chargé de faire savoir, après sa mort, la vérité sur son rôle, à condition de trouver de "bonnes oreilles". A partir des confidences recueillies par Victor Conté, Pierre Péan a entrepris une enquête sur la vie de cette femme fascinante, dénuée de toute morale, et qu'il a, s'efforçant de rester poli, baptisée "la Diabolique de Caluire". Une "âme onduleuse et glaciale de reptile" Selon ces aveux d'outre-tombe, Lydie Bastien était en fait l'amante de Harry Stengritt, adjoint de Klaus Barbie et responsable à Lyon de la collecte des renseignements auprès de sources françaises. Chargée de séduire René Hardy, personnage important de l'Armée secrète en tant que patron de Résistance-Fer, elle l'aborde dans un café où il a ses habitudes et parvient à ses fins avec une rapidité foudroyante. Le résistant succombe au point de déraisonner: en violation de toutes les consignes de sécurité, il met Lydie Bastien dans le secret de ses activités moins de dix jours après leur rencontre! Elle apprend rapidement l'existence de "Max", ainsi que les violents conflits qui l'opposent au mouvement Combat d'Henri Frenay. Elle récupère le message du rendez-vous avec le général Delestraint, qu'elle transmet à Barbie, et organise le voyage au cours duquel René Hardy sera secrètement arrêté puis relâché après avoir accepté le marché proposé par Barbie. Lydie Bastien sera grassement payée en bijoux par Barbie pour sa réussite. Elle semble n'avoir jamais agi que par intérêt, comme l'atteste le récit de sa vie reconstituée par Pierre Péan. Elle s'investit dans le truquage des deux procès de René Hardy, non par affection pour l'ancien résistant, qu'elle a laissé tomber depuis longtemps - elle a même monnayé à la presse à scandale les lettres d'amour qu'il lui avait envoyées! - mais parce que leurs sorts sont liés. Sa jeunesse durant - elle n'a que 22 ans en 1945 - elle passera d'un homme à l'autre, avec un penchant exclusif pour les riches ou les influents. Parmi eux, Ernest de Gengenbach, prêtre défroqué devenu écrivain surréaliste, a satisfait tous ses caprices, l'introduisant dans les milieux littéraires parisiens et convainquant même Olivier Messiaen de donner un récital uniquement pour elle. Il livrera son expérience d'amant torturé par cette "luciférienne" dans un livre, L'Expérience démoniaque, publié en 1949 aux Editions de Minuit. Il y décrit une "beauté fatale" cachant une "âme onduleuse et glaciale de reptile", passionnée d'occultisme, de spiritisme, abjurant dans le blasphème et un nietzschéisme de série B un passage douloureux dans un pensionnat religieux. Elle dit vouloir se "libérer du joug du Bien et du Mal": "Les hommes ne sont que des pions d'échiquier, marionnettes à manoeuvrer." Prêtresse pour illuminés et intermédiaire en affaires Sa collection de "marionnettes" sera très éclectique. Un riche magnat - qu'elle appelait "le vieux" - arrêté pour collaboration économique. Un escroc pour esprits crédules, Maha Chohan, chef de la Fraternité blanche universelle, qui se prétend descendant de Gengis Khan et prince de l'Agartha, royaume souterrain du Tibet. Accusé d'être un "imposteur", le mage sera interdit de séjour en France en 1950 et la police le soupçonne d'être un ancien nazi passé au service de l'Est. Puis Samuel Ogus, richissime homme d'affaires qui fait de l'import- export avec les pays de l'Est, très lié aux milieux financiers du PCF. Il se suicidera en 1955. Lydie Bastien part alors pour Bombay, où elle se fiance à un maharaja et crée le Conseil international pour la recherche sur la nature de l'homme, dont elle parvient à faire inaugurer le centre new-yorkais par Eleanor Roosevelt. Installée ensuite aux Etats-Unis, elle signe, sous le nom d'Ananda Devi, des articles sur l'hypnotisme et le yoga, thèmes qui la rapprochent d'Aldous Huxley, avec lequel elle travaille sur les "expériences de la conscience". A la suite d'une affaire ennuyeuse - l'un des paumés qui l'entourent se jette par sa fenêtre - elle revient à Paris, où elle fonde le Centre culturel de l'Inde, sous le patronage d'André Maurois. Mais elle ajoute à son hobby de prêtresse pour illuminés des activités plus concrètes: un bar-discothèque à Montparnasse, Le Boucanier, qui lui sert surtout de lieu de rendez-vous pour sa nouvelle spécialité occulte: "intermédiaire" pour affaires en tout genre en Afrique. Elle a créé à cette fin la Panafrican Trade and Investment Corporation (Patic), basée à Monrovia: une officine de corruption pour obtenir des marchés en faveur d'entreprises occidentales. L'enquête de Pierre Péan sur cette aventurière exceptionnelle donne raison à Henri Frenay, qui voyait en l'affaire Hardy "l'épisode le plus douloureux de la Résistance française" et qui avait émis l'hypothèse que Lydie Bastien fût un "agent allemand". Elle permet aussi de comprendre l'une des dernières confidences de René Hardy, peu avant sa mort: "Les femmes et les putains furent mon problème: savoir les distinguer, c'est une épreuve, quoi qu'on en dise, fort difficile."

Auteur: Internet

Info: Par Eric Conan, publié le 03/06/1999 sur le site de l'Express

[ pouvoir féminin ] [ machiavélisme ] [ influence occulte ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

bio-mathématiques

C’est confirmé : vous êtes constitué de cristaux liquides

Une équipe de chercheurs a réussi à prouver l’existence d’une double symétrie dans les tissus organiques, qui permet de les appréhender comme des cristaux liquides. Cette découverte pourrait faire émerger une nouvelle façon d’étudier le fonctionnement du vivant, à la frontière de la biologie et de la mécanique des fluides.

Dans une étude parue dans le prestigieux journal Nature et repérée par Quanta Magazine, des chercheurs ont montré que les tissus épithéliaux, qui constituent la peau et les enveloppes des organes internes, ne sont pas que des amas de cellules réparties de façon aléatoire. Ils présentent en fait deux niveaux de symétrie bien définis qui leur donnent des propriétés fascinantes; fonctionnellement, on peut désormais les décrire comme des cristaux liquides. Une découverte qui pourrait avoir des retombées potentiellement très importantes en médecine.

Ces travaux tournent entièrement autour de la notion de cristal liquide. Comme leur nom l’indique, il s’agit de fluides; techniquement, ils peuvent donc s’écouler comme de l’eau – mais avec une différence importante. Contrairement aux liquides classiques, où les atomes se déplacent les uns par rapport aux autres de façon complètement chaotique, les constituants d’un cristal liquide présentent tout de même un certain degré d’organisation.

Il ne s’agit pas d’une vraie structure cristalline comme on en trouve dans presque tous les minéraux, par exemple. Les cristaux liquides ne sont pas arrangés selon un motif précis qui se répète dans l’espace. En revanche, ils ont tendance à s’aligner dans une direction bien spécifique lorsqu’ils sont soumis à certains facteurs, comme une température ou un champ électrique.

C’est cette directionnalité, appelée anisotropie, qui est à l’origine des propriétés des cristaux liquides. Par exemple, ceux qui sont utilisés dans les écrans LCD (pour Liquid Crystal Display) réfractent la lumière différemment en fonction de leur orientation. Cela permet d’afficher différentes couleurs en contrôlant localement l’orientation du matériau grâce à de petites impulsions électriques.

Du tissu biologique au cristal liquide

Mais les cristaux liquides n’existent pas seulement dans des objets électroniques. Ils sont aussi omniprésents dans la nature ! Par exemple, la double couche de lipides qui constitue la membrane de nos cellules peut être assimilée à un cristal liquide. Et il ne s’agit pas que d’une anecdote scientifique ; cette organisation est très importante pour maintenir à la fois l’intégrité structurelle et la flexibilité de ces briques fondamentales. En d’autres termes, la dynamique des cristaux liquides est tout simplement essentielle à la vie telle qu’on la connaît.

Pour cette raison, des chercheurs essaient d’explorer plus profondément le rôle biologique des cristaux liquides. Plus spécifiquement, cela fait quelques années que des chercheurs essaient de montrer que les tissus, ces ensembles de cellules organisées de façon à remplir une mission bien précise, peuvent aussi répondre à cette définition.

Vu de l’extérieur, l’intérêt de ces travaux est loin d’être évident. Mais il ne s’agit pas seulement d’un casse-tête très abstrait ; c’est une question qui regorge d’implications pratiques très concrètes. Car si l’on parvient à prouver que les tissus peuvent effectivement être assimilés à des cristaux liquides, cela débloquerait immédiatement un nouveau champ de recherche particulièrement vaste et fascinant. Les outils mathématiques que les physiciens utilisent pour prédire le comportement des cristaux pourraient soudainement être appliqués à la biologie cellulaire, avec des retombées considérables pour la recherche fondamentale et la médecine clinique.

Mais jusqu’à présent, personne n’a réussi à le prouver. Tous ces efforts se sont heurtés au même mur mathématique — ou plus précisément géométrique ; les théoriciens et les expérimentateurs ne sont jamais parvenus à se mettre d’accord sur la symétrie intrinsèque des tissus biologiques. Regrettable, sachant qu’il s’agit de LA caractéristique déterminante d’un cristal liquide.

Les deux concepts enfin réconciliés

Selon Quanta Magazine, certains chercheurs ont réussi à montrer grâce à des simulations informatiques que les groupes de cellules pouvaient présenter une symétrie dite " hexatique ". C’est ce que l’on appelle une symétrie d’ordre six, où les éléments sont arrangés par groupe de six. Mais lors des expériences en laboratoire, elles semblent plutôt adopter une symétrie dite " nématique* ". Pour reprendre l’analogie de Quanta, selon ce modèle, les cellules se comportent comme un fluide composé de particules en forme de barres, un peu comme des allumettes qui s’alignent spontanément dans leur boîte. Il s’agit alors d’une symétrie d’ordre deux. 

C’est là qu’interviennent les auteurs de ces travaux, affiliés à l’université néerlandaise de Leiden. Ils ont suggéré qu’il serait possible d’établir un lien solide entre les tissus biologiques et le modèle des cristaux liquides, à une condition : il faudrait prouver que les tissus présentent les deux symétries à la fois, à des échelles différentes. Plus spécifiquement, les cellules devraient être disposées selon une symétrie d’ordre deux à grande échelle, avec une symétrie d’ordre six cachée à l’intérieur de ce motif qui apparaît lorsque l’on zoome davantage.

L’équipe de recherche a donc commencé par cultiver des couches très fines de tissus dont les contours ont été mis en évidence grâce à un marqueur. Mais pas question d’analyser leur forme à l’œil nu ; la relation qu’ils cherchaient à établir devait impérativement être ancrée dans des données objectives, et pas seulement sur une impression visuelle. Selon Quanta, ils ont donc eu recours à un objet mathématique appelé tenseur de forme grâce auquel ils ont pu décrire mathématiquement la forme et l’orientation de chaque unité.

Grâce à cet outil analytique, ils ont pu observer expérimentalement cette fameuse double symétrie. À grande échelle, dans des groupes de quelques cellules, ils ont observé la symétrie nématique qui avait déjà été documentée auparavant. Et en regardant de plus près, c’est une symétrie hexatique qui ressortait — exactement comme dans les simulations informatiques. " C’était assez incroyable à quel point les données expérimentales et les simulations concordaient ", explique Julia Eckert, co-autrice de ces travaux citée par Quanta.

Une nouvelle manière d’appréhender le fonctionnement du vivant

C’est la première fois qu’une preuve solide de cette relation est établie, et il s’agit incontestablement d’un grand succès expérimental. On sait désormais que certains tissus peuvent être appréhendés comme des cristaux liquides. Et cette découverte pourrait ouvrir la voie à un tout nouveau champ de recherche en biologie.

Au niveau fonctionnel, les implications concrètes de cette relation ne sont pas encore parfaitement claires. Mais la bonne nouvelle, c’est qu’il sera désormais possible d’utiliser des équations de mécanique des fluides qui sont traditionnellement réservées aux cristaux liquides pour étudier la dynamique des cellules.

Et cette nouvelle façon de considérer les tissus pourrait avoir des implications profondes en médecine. Par exemple, cela permettra d’étudier la façon dont certaines cellules migrent à travers les tissus. Ces observations pourraient révéler des mécanismes importants sur les premières étapes du développement des organismes, sur la propagation des cellules cancéreuses qui génère des métastases, et ainsi de suite.

Mais il y a encore une autre perspective encore plus enthousiasmante qui se profile à l’horizon. Il est encore trop tôt pour l’affirmer, mais il est possible que cette découverte représente une petite révolution dans notre manière de comprendre la vie.

En conclusion de l’article de Quanta, un des auteurs de l’étude résume cette idée en expliquant l’une des notions les plus importantes de toute la biologie. On sait depuis belle lurette que l’architecture d’un tissu est à l’origine d’un certain nombre de forces qui définissent directement ses fonctions physiologiques. Dans ce contexte, cette double symétrie pourrait donc être une des clés de voûte de la complexité du vivant, et servir de base à des tas de mécanismes encore inconnus à ce jour ! Il conviendra donc de suivre attentivement les retombées de ces travaux, car ils sont susceptibles de transformer profondément la biophysique et la médecine.

 

Auteur: Internet

Info: Antoine Gautherie, 12 décembre 2023. *Se dit de l'état mésomorphe, plus voisin de l'état liquide que de l'état cristallisé, dans lequel les molécules, de forme allongée, peuvent se déplacer librement mais restent parallèles entre elles, formant ainsi un liquide biréfringent.

[ double dualité ] [ tétravalence ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

question

La pensée est-elle contenue dans le langage?

Suite de notre série d’été: selon les scientifiques, les mots suggèrent toujours plus que la pensée qui les a fait naître.

" Me promenant en ville, l’autre jour, j’ai entendu tout à coup un miaulement plaintif au-dessus de moi. J’ai levé les yeux. Sur le bord du toit se trouvait un petit chat. "

Il suffit de lire (ou d’écouter) ce début d’histoire pour " voir " aussitôt la scène: le toit, le petit chat, le promeneur qui le regarde. A quoi ressemble ce chat? Peu importe qu’il soit blanc ou noir, le mot renvoie à ce que tout le monde connaît: un animal à quatre pattes, une queue, des oreilles pointues, des yeux ronds, qui miaule (et parfois ronronne).

Mais sans l’existence d’un mot ­général qui désigne tous les types de chats – roux, noirs, blancs, tigrés, assis ou debout, gros ou maigrelets… –, aurait-on une idée générale de l’espèce " chat "? Notre monde mental ne serait-il pas dispersé en une myriade d’impressions, de situations, d’objets tous différents? Deux conceptions s’opposent à ce propos.

La plupart des philosophes, psychologues et linguistes, au début du XXe siècle, partagent cette idée: le langage étant le propre de l’homme, c’est lui qui donne accès à la pensée. Sans langage, il n’y aurait pas de pensée construite: nous vivrions dans un monde chaotique et brouillé fait d’impressions, de sensations, d’images fugitives.

C’est ce que pensait Ferdinand de Saussure, le père de la linguis­tique contemporaine, qui affirmait dans son Cours de linguistique générale (1916): " Philosophes et linguistes se sont toujours accordés à reconnaître que sans le secours des signes nous serions incapables de distinguer deux idées d’une façon claire et constante. Prise en elle-même, la pensée est comme une nébuleuse où rien n’est nécessairement délimité. " Et il ajoutait: " Il n’y a pas d’idées préétablies, et rien n’est distinct avant l’apparition de la langue. " Vers la même époque, le philosophe du langage Ludwig Witt­genstein était parvenu à la même conclusion: " Les limites de mon langage signifient les limites de mon monde ", écrit-il dans le Tractacus (1921). Un peu plus tard, dans Pensée et Langage (1933), le psychologue russe Lev S. Vygotski le dira à sa manière: " La pensée n’est pas seulement exprimée par les mots: elle vient à l’existence à travers les mots. "

Si le langage produit la pensée, cette théorie a de nombreuses conséquences. D’abord que la linguis­tique tient une place centrale dans la connaissance du psychisme humain et que décrypter les lois du langage revient à décrypter les lois de la pensée. Sans le mot " chat ", on ne percevrait que des cas particuliers: des chats roux, blancs ou tigrés, sans jamais comprendre qu’ils appartiennent à une même catégorie générale. Le langage donne accès à cette abstraction, déverrouille la pensée.

Mais est-on vraiment sûr que, sans l’existence du mot " chat ", notre pensée serait à ce point diffuse et inconsistante, que, privé du mot, l’on ne pourrait pas distinguer un chat d’un chien? Les recherches en psychologie cognitive, menée depuis les années 1980, allaient démontrer que les nourrissons disposent, bien avant l’apparition du langage, d’une vision du monde plus ordonnée qu’on ne le croyait jusque-là.

Ces recherches ont donné du poids aux linguistiques cognitives, apparues dans les années 1970, qui ont introduit une véritable révolution copernicienne dans la façon d’envisager les relations entre langage et pensée. Les linguistiques cognitives soutiennent en effet que les éléments constitutifs du langage – la grammaire et le lexique – dépendent de schémas mentaux préexistants. Pour le dire vite: ce n’est pas le langage qui structure la pensée, c’est la pensée qui façonne le langage. L’idée du chat précède le mot, et même un aphasique, qui a perdu l’usage du langage, n’en reconnaît pas moins l’animal.

Les conséquences de cette approche allaient être fondamentales. Tout d’abord la linguistique perdait son rôle central pour comprendre le psychisme humain. Et la psy­chologie cognitive, qui se propose de comprendre les états mentaux, devait prendre sa place.

Ainsi, pour comprendre le sens du mot " chat ", il faut d’abord comprendre le contenu de la pensée auquel le mot réfère. Pour la psychologue Eleanor Rosch (une référence essentielle pour les linguistiques cognitives), l’idée de " chat " se présente sous la forme d’une image mentale typique appelée " prototype ", correspondant à un modèle mental courant: l’animal au poil soyeux, yeux ronds, moustache, qui miaule, etc. La représentation visuelle tient une place centrale dans ce modèle mental: ce sont d’ailleurs dans les livres d’images que les enfants découvrent aujourd’hui ce qu’est une vache, un cochon ou un dinosaure.

Georges Lakoff, élève dissident de Noam Chomsky et tenant de la sémantique cognitive, soutiendra que les mots prennent sens à partir des schémas mentaux sur lesquels ils sont greffés. Voilà d’ailleurs comment s’expliquent les métaphores. Si je dis d’un homme qu’il est un " gros matou ", personne ne va le prendre pour un chat, chacun comprend que je fais appel à des cara­ctéristiques sous-jacentes des gros chats domestiques: placides, indolents, doux. Ce sont ces traits sous-jacents qui forment la trame des mots et leur donnent sens.

Ronald W. Langacker  a appliqué les mêmes principes à la grammaire. Les structures de la grammaire ne reposent pas sur les lois internes au langage, mais dérivent de catégories mentales plus pro­fondes, notamment des représen­tations spatiales. Ainsi, dans beaucoup de langues, l’expression du temps (futur, passé) est décrite en termes d’espace: on dit " après"-demain ou "avant"-hier, comme on dit que le temps est " long " ou " court ".

Ces approches psychologiques du langage ont donc renversé le rapport entre langage et pensée.

Une des conséquences majeures est que le langage n’est pas le seul " propre de l’homme "; il n’est qu’un dérivé de la capacité à produire des représentations mentales, précisément des images mentales organisées en catégories. Au moment même où les linguistiques cogni­tives prenaient de l’importante, un autre courant de pensée, la prag­matique (à ne pas confondre avec le pragmatisme, un courant philosophique américain) allait proposer une autre version des relations entre langage et pensée.

Revenons à notre chat perdu. En utilisant le mot " chat ", nul ne sait exactement quelle image l’auteur de l’histoire a vraiment en tête: quelle est pour lui sa couleur, sa taille ou sa position exacte? Le mot a la capacité de déclencher des représentations, mais il ne peut les contenir intégralement. C’est sa force et ses limites.

Selon l’approche de la pragmat­ique, le langage n’est ni le créateur de la pensée (comme le pensait Saussure) ni son reflet (comme le soutiennent les linguistiques cognitives) : il est un médiateur qui déclenche des représentations. C’est un peu comme une étiquette sur une porte qui indique ce qui se trouve à l’intérieur (chambre 23, WC…) mais ne dit rien sur la couleur des murs, la forme du lit ou la position des toilettes.

Cela a d’importantes conséquences sur la façon d’envisager les relations entre langage et pensée. Le mot ne contient pas l’idée, il ne la reflète pas non plus, mais il l’induit. Quand on communique, on ne fait qu’induire une représentation. Le procédé est économique car il n’oblige pas à tout dire: le " toit " sur lequel est perché le chat renvoie ­implicitement au toit d’une maison et non à un toit de voiture, tout le monde le comprend sans qu’il soit besoin de le dire. Tous les mots comportent de l’implicite, qu’il s’agit de décoder.

En un sens, le langage, comme outil de communication, est réducteur par rapport à la pensée qu’il représente. Mais en même temps, les mots suggèrent toujours plus que la pensée qui les a fait naître, déclenchant chez ceux qui l’écoutent une infinité de représentations possibles. 

Auteur: Internet

Info: https://www.letemps.ch/ - Jean-François Fortier août 2013

[ signifiants symboles ] [ manifestations codées ] [ tiercités ] [ contextualisation générale ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

modes vibratoires

Considérons que l'univers dans lequel on vit serait une tapisserie, le fil utilisé serait donc de l'epsilon. Marc, j'espère ne pas galvauder le terme, sinon, toutes mes excuses...

Pour le contexte : j’ai commencé à vivre des expériences pas normales quand j’étais petite, je faisais du sport de compétition, version hardcore. Pendant une journée d’entraînement où je répétais la même suite de mouvement "jusqu’à ce que ça rentre", donc des centaines de fois à la suite, je m’étais retrouvée dans un état peut-être d’épuisement, mais surtout à 2 endroits à la fois, avec une conscience très accrue dans l’un et l’autre. Un énorme kif. J’étais à la fois dans la salle de gymnastique, et à la fois dans un espace noir non identifié. Je me sentais investie et entourée d’une énergie folle, et extrêmement lucide, et dans ma perception cet espace noir était moi, sur un autre plan.

Puis évidemment, comme c’était très intrigant et agréable, j’ai cherché à retrouver cet état, et compris au bout d’un certain temps et quelques étapes dont je vous fais grâce que c’était d’abord le mental qu’il fallait écarter et mettre en sourdine.

Être présente et consciente sur plusieurs plans en même temps, c’est devenu LA chose qui vaut la peine d’investiguer pour moi (Ça m’a été présenté plus tard comme une sorte de mission de vie), et c’est le point de départ d’expériences diverses et variées, suivant les plans. Avec le temps, ça s’est étoffé, affiné, notamment dans le sens ou j'ai appris à distinguer différentes "trames", soit composition de l'espace dans lequel on se trouve.

A préciser que la seule corde d’argent que j’ai vu, c’est celle de mon grand-père qui était mourant, et que j’accompagnais depuis "l’espace noir".  La mienne, jamais vue, c’est pour ça qu’en lisant Marc, je me dis que je navigue par le biais de cette matière epsilon, sauf que... pas seulement si je me repère à ses autres descriptions. 

Alors dans le désordre, une tentative de classement de plusieurs densités, de la plus basse à la plus haute vibration, ou du plus collant au plus magnifique. Je n’ai jamais pris la peine d’élaborer un vocabulaire, vu que je n'ai jamais discuté de ces choses-là en-dehors de ce groupe, vous me pardonnerez des formulations peut-être nébuleuses :

1. Bas étages : c’est lourd, des sortes de cavernes dans une gamme de couleurs moches et ternes, jaune/brun/orange plus qu’opaque. Tout est lent, lourd et sans joie. J’y ai suivi (de loin) mon grand-père qui est parti dans cette zone après son décès.

2. Plan physique : Qu’est-ce qui se passe maintenant et ici à X distance : perso, je n’aime pas tellement faire ça, peu agréable, pas très rapide par rapport à d’autres sphères et collant pour reprendre le terme de Marc (moi je m’étais dit encombré/dense).

3. Plan "esprit" : En restant ici et maintenant, mais en se branchant sur quelqu’un, les infos/sensations/historique des causes et ressentis/préoccupations arrivent sous forme de scène dans laquelle on est plongé, c’est très rapide, parfois juste un flash et très complet à la fois. Pas de contrainte de temps. Là, il y a moins de colle, un petit peu moins de densité, mais on reste dans la trame epsilon. Les informations sont justes, pour autant qu'on ne cherche pas à les interpréter (ce qui est trèèèès difficile), pour celles que j'ai pu vérifier.

Variante : Une fois, un monsieur âgé est tombé de son vélo à quelques mètres de moi dans la rue, une équipe médicale tentait de le réanimer. Je perçois tout d’un coup, toujours à travers ce que j'appelle espace noir, une forme-énergie qui s’approche de moi, c’est lui. Il me demande de lui indiquer ce qu’il doit faire et me dit  (sans emploi de langage, mais par image-ressenti-intentions instantané) qu’il aimerait bien revoir une ancienne amie. Je lui répond sur le même mode "pas de problème, vas-y, tu es libre d’y aller, c’est par là" et il disparaît. Ce type tellement doux m’a bcp touché, et j’ai parfaitement en mémoire la teinte émotionnelle fine et complexe que j’ai vu de lui. Tout ça s’est déroulé en moins d’une seconde. Dans l'espace normal, le Monsieur est décédé.

4. Contact avec des entités : Depuis l’espace noir, j’ai une vraie copine qui n'est pas toujours là, mais m'accompagne depuis que je suis née. Entre autres: Elle m’a fait visiter sa vie à elle, a pris les devants pour m’aider une fois quand je me suis retrouvée dans une situation potentiellement dévastatrice de ma vie ici, m’a demandée de l’assister pour - aider une femme à mourir mieux que prévu (une accusée de sorcellerie dans le nord de l’Italie, à priori il y a quelques centaines d’années, qui se faisait trucider par tout un village)-. Je sais que cette entité est réelle, je suis bien moins sûre de la femme du village italien. Cette partie-là, me semble-t-il est "traduite" par moi, donc au minimum du minimum : déformée.

5. Vortex : Depuis l’espace noir, un vortex vertigineux ultra rapide m’emmène. C’est à partir de là que je ne pense pas rester dans l’epsilon : Il y a comme un voile qui disparaît, la composition de l'espace change complètement, tout ce qui se passe à partir de là est bien plus intense, réel et vivant que ma vie ici. Une fois, j’ai vu un gros mur brun à franchir, et j’ai pu le passer. Je suis arrivée dans un espace incroyablement intense et vivant, d’une autre trame, bien plus réelle, forte, vibrante, pas le même espace, peu descriptible. Il y avait une présence qui m’attendait. Je suis tombée sur une sorte d’insecte géant qui voulait communiquer avec moi. Seulement cette "personne" ne me semblait pas hostile mais pas du tout avenante ni chaleureuse non plus. En fait, d’une froideur et d’une puissance qui m’a foutu une peur panique et m’a ramenée de suite dans mon lit. Je me suis copieusement traitée d’idiote après coup… 

La plus belle expérience c’est quand le vortex ultra rapide (qui se fout royalement du temps et de l’espace) m’a ramené à ma source, ma famille. On est un groupe de conscience qui est un, tout en étant une population entière. Je ressens un bonheur inégalable, je suis enfin à la maison. Tout est baigné d'amour, de couleurs invraisemblables. Je revis le moment antédéluvien où il a été décidé que moi et d’autres se détachaient du Un pour aller expérimenter. Ce qui s’est passé là est intraduisible : Une émulation variée, commune et instantanée, un amour complet, plusieurs "assertions" mais toutes en un, puis le départ, clair, évident, mais sans rien qui peut ressembler à de la communication ou des sentiments humains. De plus, pour reprendre l'image d'une tapisserie, ben... y a plus de tapisserie, on est dans l'atelier de tissage.

6. Inclassables/Mix : Le Higher Self, qui prend la forme qu’il veut. Mon état énergétique quand je me sens sur plusieurs plans à la fois. Là, je n'arrive vraiment pas à décrire. La rencontre avec moi vivant ailleurs (autre espace-temps, autre univers, mais traduit avec ce que je suis capable d’assimiler). J’ai raconté ça dans mon premier post. Je ne sais toujours pas comment caler celle-là, mais en tout cas, il y a un mix des genres.

Finalement pour résumer : les deux derniers items font passer tout le reste et tout ce qu’on peut vivre sur Terre pour un théatre de marionnettes en papier mâché, avec des fils même pas transparents. Cela dit, je n’ai jamais vu mon corps astral, ni ma corde d’argent… et c’est là que je ne comprends pas si je vis la même chose que vous, voyageurs, ou si je déconne carrément…

Auteur: Anonyme

Info: Sur : Explorateurs du réel, groupe FB de Marc Auburn, début 2021

[ moi supérieur ] [ astral ] [ éthérique ] [ niveaux de conscience ] [ témoignage ] [ gardien du seuil ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

corps-esprit

Lourdement handicapé, Stephen Hawking, auteur d’"Une brève histoire du temps" est le héros d’un film. L’anthropologue des sciences Hélène Mialet dévoile le système d’une personnalité fascinante.

Au-delà de ses contributions importantes sur la connaissance des trous noirs, l’exceptionnalité de l’homme réside aussi dans sa condition physique. Atteint de sclérose latérale amyotrophique, une dégénérescence des neurones moteurs, il est paralysé depuis des dizaines d’années. Ne pouvant plus parler, il communique par l’intermédiaire d’un ordinateur équipé d’un logiciel de synthèse vocale qu’il dirigeait au départ avec son doigt, plus récemment par une contraction de la joue. Grâce à ce système, il a écrit Une Brève Histoire du temps, ouvrage de référence vendu à près de dix millions d’exemplaires. A 73 ans, Stephen Hawking, élevé au statut d’icône du génie scientifique, continue d’écrire et de donner des conférences. Comment? C’est la question posée par Madame Mialet, philosophe et anthropologue des sciences, professeure invitée à l’Université de Californie à Davis, aux Etats-Unis, qui a côtoyé ce scientifique hors du commun. Elle a passé dix ans à l’interviewer, l’observer, à rencontrer ses proches et ses collègues.

Samedi Culturel: Qui est Stephen Hawking?

HM Difficile de répondre, parce qu’il est une icône. On imagine que Stephen Hawking, lourdement handicapé, est capable, seul, de produire de la science. Il incarne le mythe de notre modernité, qui trouve son origine dans l’interprétation de la pensée de Descartes, selon laquelle on n’a pas besoin d’un corps pour penser et qu’il suffit d’avoir un esprit. Stephen Hawking renchérit lui-même en disant: "Pour faire de la physique, un esprit suffit." J’ai pris ça au mot et en tant qu’ethnographe, j’ai passé des années à le suivre, à étudier sa façon de travailler, à interviewer ses étudiants et ses collègues. Il est devenu en quelque sorte ma tribu! J’ai reconstruit le réseau de compétences qui l’entoure et mis en évidence un collectif complexe. La question posée dans mon livre est plutôt: où est Stephen Hawking dans ce collectif?

SC : Est-ce que l’esprit brillant de Stephen Hawking suffit seul à faire de la science?

HM : Non, je ne pense pas. Parce qu’il ne peut pas bouger ni manipuler des objets. Il ne peut parler que par l’intermédiaire d’une voix de synthèse générée par un ordinateur. Il doit tout déléguer aux machines et aux individus. Ses proches ont appris à communiquer avec lui plus rapidement en lui posant des questions auxquelles il répond par oui ou non. Le type de vocabulaire engrangé dans son ordinateur est organisé, et le logiciel complète systématiquement ses phrases en reconnaissant ses motifs d’expression. Les gens aussi finissent ses phrases, ce qu’il n’aime pas d’ailleurs, et mettent en action ses énoncés. Contrairement à ce que l’on croit, tout n’est pas dans sa tête mais aussi à l’extérieur. Ses étudiants organisés autour de lui mènent les projets de recherche, font les calculs. En bout de course il est l’auteur principal et ceux qui l’ont aidé disparaissent du processus.

SC : Stephen Hawking est-il différent d’autres scientifiques?

HM : Non, son corps étendu au collectif lui permet de faire de la science comme tout chercheur à son niveau. Les chefs de laboratoire aussi lancent des pistes de recherche à d’autres qui font les expériences. Stephen Hawking est singulier car il est très collectivisé, et non parce qu’il serait coupé du monde social et matériel.

SC : Comment a-t-il réagi à la lecture de votre livre?

HM : Je le lui ai envoyé mais je n’ai pas eu de retour. Sa secrétaire m’a dit qu’il avait trouvé bizarre la couverture choisie par l’éditeur de la version anglaise [l’image montre une statue en marbre de lui dans son fauteuil flottant au milieu des étoiles]. Je suis assez d’accord, car cette illustration retombe dans le mythe du personnage.

SC : Comment se passaientvos rencontres?

HM : Ça m’a pris deux ans pour avoir accès à lui. Mon premier entretien, en 1998, a été très déstabilisant car toute l’interaction passait par l’ordinateur. Je n’arrivais pas à lire son langage corporel. Je posais mes questions, il répondait en tapant, et sa voix synthétique parlait souvent avec un décalage temporel. Nos deux regards étaient dirigés vers l’écran. Parfois, ses assistants s’occupaient de lui, ce qui troublait l’interaction. Un moment, la machine s’est arrêtée de fonctionner. En fait, quand on est très proche de lui, on ne sait plus où il est. Alors que quand on s’en éloigne, à travers les médias et les films, on perçoit Stephen Hawking, le génie, c’est-à-dire un individu doté de qualités stables, d’histoires reproduites sur sa personne et ses découvertes scientifiques.

SC : L’avez-vous revu par la suite?

HM : Oui, à la conférence sur la théorie des cordes à Berlin, en 1999. Nous avons dansé avec lui dans un night-club! Son attaché de presse avait passé plusieurs semaines à Berlin pour sélectionner le plus accessible. Quand nous sommes arrivés dans le night-club, il est allé au milieu de la piste et tout le monde a dansé autour de lui. Plus tard, à la fin de mon séjour à Cambridge, en 2007, il m’a invité plusieurs fois à souper à l’université ou chez lui. Il avait envie de parler plus intimement de sa façon de penser et de travailler.

SC : Comment pense Stephen Hawking?

HM : A cette question, il a répondu: "En images" Selon ses étudiants, il résout des problèmes en les mémorisant. Il a développé une façon de penser de manière visuelle en manipulant des diagrammes que ces étudiants dessinent sous ses yeux. Ils écrivent aussi, sous ses yeux, les démonstrations des équations à résoudre, et lui dit si elles sont justes ou pas. Mes observations montrent que même le travail intellectuel le plus abstrait nécessite l’usage du corps, dans le cas de Stephen Hawking, de ses yeux qui regardent les autres travailler et du corps des autres qui dessinent les diagrammes. C’est un va-et-vient constant.

SC : Quelle relation entretient-il avec son entourage?

HM : Il a beaucoup d’humour, ce qui lui permet d’établir un lien rapide avec les gens. Il fait preuve d’une grande force de caractère et exerce aussi un certain contrôle sur son entourage. Ses assistants les plus proches, qui s’occupent de la logistique, des voyages, restent rarement plus d’un an car ils sont épuisés de répondre jour et nuit à ses besoins. Et il maîtrise beaucoup son image auprès des journalistes.

SC : Il n’a jamais voulu changer l’accent américain de sa voix synthétique. Pourquoi?

HM : Beaucoup de compagnies anglaises ont voulu lui rendre son accent anglais. Il a résisté et n’a pas accepté car il disait que sa voix américaine était devenue sa voix. Des logiciels plus récents lui permettraient de communiquer plus vite mais il ne veut pas les changer car il s’y est habitué.

SC : En quoi Stephen Hawking est-il exceptionnel?

HM : Pour ses travaux scientifiques sur les trous noirs, évidemment, notamment ceux des années 1970, qui étaient des découvertes fondamentales. Mais pour moi, cet homme est exceptionnel car il devient un exemple par sa condition inhabituelle. Sa situation de handicap et de dépendance rend visible ce que l’on ne voit pas autrement, comme ce qu’il faut pour être une star, un chef de laboratoire, mais aussi ce qui est nécessaire pour penser visuellement ou pour qu’une conversation soit fluide.

A Cambridge, des archives sont en cours de construction avec les articles sur Stephen Hawking et ses propres articles. Elles posent la question de l’archivage d’un auteur à l’ère du digital. Pour lui, tout passe par la machine depuis longtemps, et il décide lui-même de ce qu’il veut garder ou non. Nous devenons tous dépendants de nos tablettes et ordinateurs, mais lui l’a été avant tout le monde. Il a utilisé des programmes qu’on utilise tous maintenant, comme ceux qui complètent ses mots et ses phrases. Stephen Hawking est un pionnier du post-humanisme. 

Auteur: Mialet Hélène

Info: Sur Le Temps.ch, 16 janvier 2015. A propos de : A la recherche de Stephen Hawking, de H M, 2014, Ed. Odile Jacob, 168 p.

[ starification ] [ scientifique vedette ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

psychosomatique

Le jumeau maléfique de l'effet placebo fait des ravages, selon l'essayiste états-unien Stewart Justman, pourfendeur du diagnostic qui rend malade Comme les héros des feuilletons télévisés, l’effet placebo a un jumeau maléfique: il s’appelle "nocebo". Le placebo, rappelons-le, est ce phénomène troublant qui veut qu’un bonbon lambda avalé en croyant prendre un médicament authentique peut apporter les mêmes bienfaits que le vrai remède, grâce à la suggestion. Le nocebo fonctionne sur le même mécanisme, mais avec l’effet inverse: il fait du mal. Dites-moi que j’ai ingurgité une denrée avariée, mes boyaux se tordront. Magique? Pas vraiment: le cerveau ayant pour tâche de gérer les fonctions du corps, il n’est pas étonnant que l’information qu’il absorbe infléchisse le processus. Dans The Nocebo Effect*, Stewart Justman, essayiste états-unien partageant son œuvre entre l’histoire de la littérature et la médecine (avec des passerelles fréquentes entre les deux), évoque les ravages du nocebo dans des territoires médicaux aussi différents que l’anorexie, le syndrome de fatigue chronique, la dépression, le trouble dissociatif de l’identité, l’hyperactivité, les cancers du sein et de la prostate. Parfois, le mal est un effet direct de l’imagination, aiguillée par la propagande pharmaceutique ou par les campagnes de prévention: "Une fois mises sur le marché, des idées sur telle ou telle maladie sont en mesure de susciter la maladie elle-même", constate Justman: un diagnostic peut déployer son potentiel nocif en "semant des suggestions dans l’esprit du patient". Est-ce fréquent? La question est apparemment très peu étudiée, en partie car il est éthiquement difficile de mener des expériences consistant à créer des problèmes chez les sujets. Des indications sur le "jumeau maléfique" se nichent toutefois dans les études sur l’effet placebo. Dans une étude troublante, publiée dans l’International Journal of Clinical Practice en 1998, l’Anglais A. F. Cooper découvrait par exemple, avec un groupe de patients souffrant de polyarthrite rhumatoïde, que ceux à qui l’on administrait une brève leçon de choses sur la maladie se portaient moins bien que ceux qu’on se bornait à soigner, sans rien leur dire. Il apparaît que, aussi longtemps que les habitants de Hong Kong n’étaient pas au courant de l’existence de l’anorexie en Occident, ce trouble ne se manifestait pas parmi eux, mais une fois que la notion a atteint la presse et la conscience du public dans les années 1990, le phénomène a explosé Dans d’autres cas, c’est le dépistage à grande échelle qui fait des dégâts, débouchant sur des traitements qui se révèlent plus nuisibles – voire plus meurtriers – que le mal qu’ils sont censés soigner. Les mises en garde viennent du champ médical lui-même, qui s’inquiète des effets pervers de la traque systématique aux cancers du sein et de la prostate: on y revient plus loin. Qu’il agisse directement sur l’individu via la suggestion ou qu’il déploie ses conséquences à travers une prise en charge médico-sociale, l’effet nocebo résulte d’un phénomène de "surdiagnostic": Overdiagnosis and Its Costs ("Le surdiagnostic et ses coûts") est le sous-titre du livre de Stewart Justman. Morphine et neurasthénie Comment ça marche? Le rapport de cause à effet semble s’afficher parfois de manière évidente. "Il apparaît que, aussi longtemps que les habitants de Hong Kong n’étaient pas au courant de l’existence de l’anorexie en Occident, ce trouble ne se manifestait pas parmi eux, mais une fois que la notion a atteint la presse et la conscience du public dans les années 1990, le phénomène a explosé", comme si "les personnes atteintes façonnaient inconsciemment leurs symptômes selon le modèle fourni par les médias". Il en va d’une manière semblable pour la neurasthénie, syndrome à la mode au cours de la Belle Epoque, "qui s’épanouit auprès des couches aisées, jusqu’à sa disparition au début du vingtième siècle". Identifié par le neurologue états-unien George Beard en 1869, le trouble était défini comme "une maladie englobante, dont le symptôme clé était une fatigue mentale et musculaire", mais dont les manifestations possibles remplissaient une liste de 70 entrées. "L’existence brève et spectaculaire de la neurasthénie témoigne de la manière dont une appellation a le pouvoir d’organiser et de mobiliser des symptômes", relève Justman. Certains maux paraissent ainsi atteindre les corps par une contagion socio-culturelle. Placebo et nocebo montrent que l’acte médical, loin d’être une simple interaction physique, est en réalité une "procédure sociale" à part entière: "Des expériences montrent que même un médicament aussi puissant que la morphine produit un effet plus important lorsqu’il est administré ouvertement, dans le cadre d’un rituel médical, que lorsqu’on le donne aux patients à leur insu." Exemple saisissant de la production d’un syndrome via le cérémoniel thérapeutique: le trouble dit "de la personnalité multiple", qui n’émerge le plus souvent qu’au moment où le soignant demande au patient de nommer ses alters egos. Sommeil et désarroi Faut-il parler de maladies imaginaires, de troubles socialement manufaturés à partir de néant? Dans le cas des symptômes de dépression, Justman suggère plutôt qu’il s’agit souvent d’états inhérents à la normalité de l’existence, qui se retrouvent médicalisés, c’est-à-dire transformés en pathologies. C’est "le désarroi commun et passager, produit par la vie elle-même, qui se résoudrait spontanément si on ne faisait rien"; ce sont "des constantes de la condition humaine", ou en tout cas "des difficultés qui se rattachent à la nature même de la civilisation". Le DSM-5, dernière édition du catalogue états-unien (et international) des troubles psychiques et de leurs symptômes, "intègre, à contrecœur, l’argument selon lequel ce qu’on appelle dépression peut être en fait une réponse justifiée à la vie elle-même". On pourrait, bien sûr, retourner la question: faut-il accepter le désarroi ordinaire en tant que composante inévitable de la normalité, ou peut-on aspirer à s’en débarrasser? Comme les sociologues Allan V. Horwitz et Jerome C. Wakefield Stewart, auteurs de Tristesse ou dépression? Comment la psychiatrie a médicalisé nos tristesses (2007), Justman défend l’existence de la mélancolie dans l’expérience humaine. D’autres cultivent le rêve utopiste de l’éradication de tout chagrin. Le problème, c’est que la médicalisation du malheur ordinaire aurait plutôt tendance à accroître la portée de ce dernier. "Ironiquement, un des effets du surdiagnostic de la dépression est que les antidépresseurs en vogue perturbent le sommeil", note Justman. Or, "un des facteurs de guérison les plus importants dans nos vies réside dans notre capacité de sombrer chaque soir dans l’endormissement réparateur"… La conscience est surestimée Y a-t-il donc un équilibre, un "bon" seuil de médicalisation à ne pas dépasser? La question est particulièrement lancinante dans le cas des cancers du sein et de la prostate. Dans les deux cas, le dépistage massif conduit à détecter et à traiter une quantité de cancers "dormants" ou "indolents" qui seraient inoffensifs et avec lesquels on vivrait sans problème. Le sein: selon une étude publiée en 2013 dans le British Medical Journal par le chirurgien Michael Baum, pour chaque décès évité par la mammographie on peut s’attendre à un chiffre de un à trois décès supplémentaires liés aux soins donnés aux femmes dépistées pour des cancers inoffensifs. La prostate: selon une étude européenne de 2009-2012, le dépistage réduit la mortalité engendrée par ce cancer, mais on compte 33 hommes rendus impuissants ou incontinents par une intervention non nécessaire pour chaque homme sauvé… Que faire? Eliminer les dépistages, plus nuisibles que bénéfiques comme le suggèrent plusieurs chercheurs? Brûler le DSM, véritable machine à surdiagnostiquer (et dénoncé en tant que tel par Robert Spitzer et Allen Frances, deux responsables successifs de la task force qui en coordonne la rédaction)? Arrêter net les campagnes d’information, sources majeures d’effets nocebo? Dans son élan, Justman jette peut-être quelques bébés avec l’eau du bain (notamment dans le domaine du traumatisme psychique). On retiendra néanmoins son éloge paradoxal de l’inconscience: nous vivons sous l’emprise d’un "culte de la conscientisation", mais "la conscience est surestimée". Notre cerveau fait son travail de gestion de la vie dans le silence des processus inconscients, où il n’est sans doute pas anodin de trop le déranger. Il travaille à notre insu, par habitude. Il est vrai que l’habitude a mauvaise presse. Et pourtant – la philosophie confucéenne et taoïste en avait l’intuition, les neurosciences le savent aujourd’hui –, "l’habitude est hautement opérationnelle, même dans des faits d’excellence".

Auteur: Ulmi Nic

Info: in le temps online du 15.9.2015 sous Effet nocebo: le patient qui en savait trop, *The Nocebo Effect. Overdiagnosis and Its Cost, par Stewart Justman, Palgrave Macmillan, 272 p

[ grégaire ] [ influençabilité ] [ corps-esprit ]

 

Commentaires: 0

interactions

L'épigénétique, l'hérédité au-delà de l'ADN
Des mécanismes ne modifiant pas notre patrimoine génétique jouent un rôle fondamental dans le développement de l'embryon. Ils pourraient expliquer comment l'environnement induit des changements stables de caractères, voire des maladies, éventuellement héritables sur plusieurs générations.

L'épigénétique, c'est d'abord cette idée que tout n'est pas inscrit dans la séquence d'ADN du génome. "C'est un concept qui dément en partie la "fatalité" des gènes", relève Michel Morange, professeur de biologie à l'ENS. Plus précisément, "l'épigénétique est l'étude des changements d'activité des gènes - donc des changements de caractères - qui sont transmis au fil des divisions cellulaires ou des générations sans faire appel à des mutations de l'ADN", explique Vincent Colot, spécialiste de l'épigénétique des végétaux à l'Institut de biologie de l'Ecole normale supérieure (ENS-CNRS-Inserm, Paris).

Est-ce la fin de l'ère du "tout-ADN", qui a connu son apogée vers l'an 2000 avec les grandes manoeuvres du séquençage du génome humain ? "L'organisme reste construit à partir de ses gènes, même si l'activité de ceux-ci peut être modulée", tempère Michel Morange.

Mais le séquençage des génomes l'a révélé avec éclat : la connaissance seule de la séquence de l'ADN ne suffit pas à expliquer comment les gènes fonctionnent. C'était pourtant prévisible : si cette connaissance suffisait, comment expliquer que malgré leur génome identique, les différents types de cellules d'un individu développent des caractères aussi différents que ceux d'un neurone, d'une cellule du foie, des muscles ou de la peau ?

L'épigénétique répond en partie à cette interrogation - mais elle en soulève de nombreuses autres. "Le cadre classique de l'épigénétique, c'est le développement de l'embryon et la différenciation des cellules de l'organisme", indique Vincent Colot. Mais ses enjeux concernent également la médecine et la santé publique... et les théories sur l'évolution. Elle jette le soupçon sur l'environnement, qui pourrait moduler l'activité de certains de nos gènes pour modifier nos caractères, voire induire certaines maladies qui pourraient être transmis(es) à la descendance.

La première question, cependant, est celle de la définition de ce fascinant concept. Un certain flou persiste, même chez les scientifiques. "Ces ambiguïtés tiennent au fait que le terme a été introduit à plusieurs reprises dans l'histoire de la biologie, avec à chaque fois un sens différent", raconte Michel Morange, qui est aussi historien des sciences. Précurseur absolu, Aristote invente le terme "épigenèse" - de épi-, "au-dessus de", et genèse, "génération" - vers 350 avant notre ère.

"Observant des embryons de poulet, Aristote découvre que les formes ne préexistent pas dans le germe, mais sont, au contraire, progressivement façonnées au cours du développement embryonnaire", rapporte Edith Heard, qui dirige une équipe (Institut Curie-Inserm-CNRS) sur l'épigénétique du développement des mammifères. Une vision admirablement prémonitoire, qui ne se verra confirmée qu'avec l'invention du microscope à la fin du XVIIe siècle.

Quant au mot "épigénétique", il apparaît en 1942 : on le doit au généticien anglais Conrad Waddington, qui s'attache à comprendre le rôle des gènes dans le développement. Comment s'opère le passage du génotype (l'ensemble des gènes) au phénotype (l'ensemble des caractères d'un individu) ? A l'époque, on ignorait que l'ADN est le support de l'hérédité. Mais les liens entre génotype et phénotype se précisent peu à peu, à mesure qu'on découvre la structure des gènes et leur mode de régulation. Une étape décisive est franchie avec les travaux de François Jacob, Jacques Monod et André Lwoff, Prix Nobel en 1965 : ils montrent l'importance d'un facteur de l'environnement (la présence d'un sucre, le lactose) dans le contrôle de l'expression d'un gène et la détermination d'un caractère (la capacité de la bactérie E. coli à utiliser le lactose comme source d'énergie).

Le concept d'épigénétique tombe ensuite en relative déshérence, pour renaître dans les années 1980 avec son sens moderne. "Un chercheur australien, Robin Holliday, observe dans des cellules en culture des changements de caractères qui sont transmis au fil des divisions cellulaires, relate Vincent Colot. Mais ces changements semblaient trop fréquents pour pouvoir être causés par des mutations de l'ADN." Holliday découvre le rôle, dans cette transmission, de certaines modifications de l'ADN qui n'affectent pas la séquence des "nucléotides", ces lettres qui écrivent le message des gènes.

Plus largement, on sait aujourd'hui que les gènes peuvent être "allumés" ou "éteints" par plusieurs types de modifications chimiques qui ne changent pas la séquence de l'ADN : des méthylations de l'ADN, mais aussi des changements des histones, ces protéines sur lesquelles s'enroule l'ADN pour former la chromatine. Toutes ces modifications constituent autant de "marques épigénétiques". Elles jalonnent le génome en des sites précis, modulant l'activité des gènes localisés sur ces sites.

Quelle est la stabilité de ces marques épigénétiques ? La question est centrale. Certaines sont très transitoires, comme les marques qui régulent les gènes liés aux rythmes du jour et de la nuit. "Au moins 15 % de nos gènes sont régulés d'une façon circadienne : leur activité oscille sur un rythme de 24 heures. Il s'agit de gènes qui gouvernent notre métabolisme, assurant par exemple l'utilisation des sucres ou des acides gras", indique Paolo Sassone-Corsi, qui travaille au sein d'une unité Inserm délocalisée, dirigée par Emiliana Borrelli à l'université de Californie (Irvine). "Pour réguler tant de gènes d'une façon harmonieuse, il faut une logique commune. Elle se fonde sur des processus épigénétiques qui impliquent des modifications des histones."

D'autres marques ont une remarquable pérennité. "Chez un individu multicellulaire, elles peuvent être acquises très tôt lors du développement, sous l'effet d'un signal inducteur, rapporte Vincent Colot. Elles sont ensuite transmises au fil des divisions cellulaires jusque chez l'adulte - bien longtemps après la disparition du signal inducteur." Les marques les plus stables sont ainsi les garantes de "l'identité" des cellules, la vie durant. Comme si, sur la partition d'orchestre de l'ADN du génome - commune à toutes les cellules de l'organisme -, chaque instrument - chaque type de cellule - ne jouait que la partie lui correspondant, n'activant que les gènes "tagués" par ces marques.

Un des plus beaux exemples de contrôle épigénétique chez les mammifères est "l'inactivation du chromosome X". "Ce processus a lieu chez toutes les femelles de mammifères, qui portent deux exemplaires du chromosome X, explique Edith Heard. L'inactivation d'un des deux exemplaires du X, au cours du développement précoce, permet de compenser le déséquilibre existant avec les mâles, porteurs d'un seul exemplaire du X."

Si l'inactivation du X est déficiente, l'embryon femelle meurt très précocement. Cette inactivation est déclenchée très tôt dans le développement de l'embryon, "dès le stade "4 cellules" chez la souris et un plus tard pour l'espèce humaine, puis elle est stabilisée par des processus épigénétiques tout au long de la vie", poursuit Edith Heard. Par ailleurs, son équipe vient de publier un article dans Nature mis en ligne le 11 avril, montrant que les chromosomes s'organisent en "domaines", à l'intérieur desquels les gènes peuvent être régulés de façon concertée, et sur lesquels s'ajoutent des marques épigénétiques.

Les enjeux sont aussi médicaux. Certaines "épimutations", ou variations de l'état épigénétique normal, seraient en cause dans diverses maladies humaines et dans le vieillissement. Ces épimutations se produisent par accident, mais aussi sous l'effet de facteurs environnementaux. Le rôle de ces facteurs est très activement étudié dans le développement de maladies chroniques comme le diabète de type 2, l'obésité ou les cancers, dont la prévalence explose à travers le monde.

Les perspectives sont également thérapeutiques, avec de premières applications qui voient le jour. "Les variations épigénétiques sont finalement assez plastiques. Elles peuvent être effacées par des traitements chimiques, ce qui ouvre d'immenses perspectives thérapeutiques. Cet espoir s'est déjà concrétisé par le développement de premières "épidrogues" pour traiter certains cancers", annonce Edith Heard.

Le dernier défi de l'épigénétique, et non des moindres, renvoie aux théories de l'évolution. "Alors que le génome est très figé, l'épigénome est bien plus dynamique", estime Jonathan Weitzman, directeur du Centre épigénétique et destin cellulaire (université Paris-Diderot-CNRS). "L'épigénome pourrait permettre aux individus d'explorer rapidement une adaptation à une modification de l'environnement, sans pour autant graver ce changement adaptatif dans le génome", postule le chercheur. L'environnement jouerait-il un rôle dans la genèse de ces variations adaptatives, comme le croyait Lamarck ? Reste à le démontrer. Epigénétique ou non, le destin est espiègle : le laboratoire qu'anime Jonathan Weitzman n'a-t-il pas été aléatoirement implanté... dans le bâtiment Lamarck ? Internet,

Auteur: Internet

Info: Rosier Florence, https://www.lemonde.fr/sciences/ 13 avril 2012

[ interférences ] [ mutation acquise ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

femmes-hommes

L'esprit pourrait affecter les machines selon les sexes
Pendant 26 ans, des conversations étranges ont eu lieu dans un laboratoire du sous-sol de l'université de Princeton. On utilise des ordinateurs au rendement aléatoire et les expériences font se concentrer des participants sur le contrôle d'une ou de plusieurs machines. Après plusieurs million d'épreuves on peut détecter de petits signes "statistiquement significatifs" comme quoi les esprits semblent pouvoir agir sur les machines. Cependant les chercheurs font attention à ne pas annoncer que les esprits ont cet effet ou qu'ils connaissent la nature de cette communication.
Les services secrets, la défense et les agences de l'espace ont également montré de l'intérêt pour cette recherche. Le premier support que les chercheurs ont employé était un bruit aléatoire à haute fréquence. Les chercheurs ont branché des circuits au dispositif pour traduire ce bruit en code binaire. Chaque participant, après un protocole pré-enregistré, devait développer une intention dans son esprit pour faire que le générateur ait plus ou moins de zéros. Les effets furent faibles mais mesurables. Depuis les mêmes résultats se sont reproduits avec d'autres expériences, telles qu'en impliquant un pendule relié à un mécanisme commandé par ordinateur. Quand la machine libère le pendule pour qu'il se balance, les participants se concentrent sur modifier le taux avec lequel le pendule ralentit. D'autres expériences impliquent une machine à tambour que les participants essayent de commander et une machine de cascade mécanique dans laquelle un dispositif laisse tomber des milliers de petites boules noires de polystyrène, le but est que ces boules tombent dans une rangée de fentes. Les participants essayent alors de les diriger pour les faire tomber d'un côté de ou de l'autre. Au final les participants ont pu "diriger " un bit sur 10.000 issus des données mesurées dans tous les essais. Ce qui pourrait sembler petit, mais le doyen Radin, scientifique à l'institut des sciences de Noetic et ancien chercheur aux laboratoires Bell et de AT&T, dit que c'était prévisible. Radin compare l'état actuel de cette recherche avec celui où les scientifiques commencèrent à étudier l'électricité statique et ne surent pas, au début, que les niveaux d'humidité pouvaient affecter la quantité de l'électricité statique produite.
Les chercheurs ne comprennent pas grand-chose sur ce phénomène, mais ils savent que les résultats ne sont pas affectés par la distance ou le temps. Les participants, par exemple, peuvent avoir le même impact sur une machine de l'extérieur de la salle ou d'ailleurs dans le pays. Ils peuvent également avoir le même effet s'ils ont une intention avant qu'elle soit allumée ou même s'ils lisent un livre ou écoutent la musique tandis alors que la machine fonctionne. Les conditions environnementales - telles que la température ambiante - n'importent pas, mais l'humeur et l'attitude des gens qui contrôlent l'appareil oui. Cela aide, si par exemple le participant croit qu'il peut affecter la machine. Jahn dit que la résonance avec la machine est un autre facteur important. Il la compare à ce qui se produit quand un grand musicien semble faire un avec son violon. Le sexe importe aussi. Les hommes tendent à obtenir des résultats assortis à leurs intentions, bien que le degré de l'effet soit souvent petit. Les femmes tendent à obtenir un plus grand effet, mais pas nécessairement celui qu'elles prévoient. Par exemple, elles voudraient diriger des boules dans la machine aléatoire de cascade pour une chute vers la gauche, mais elles tombent plutôt vers la droite. Les résultats qui sont également plus grands si un mâle et une femelle travaillent ensemble, les couple de même sexe ne produisent aucun résultat significatif. Les couple de sexe opposé qui sont impliqué de manière romantique donnent de bien meilleurs résultats - souvent sept fois plus grands que quand les mêmes individus sont examinés seuls.
Brenda Dunne, psychologue développementaliste et directrice du laboratoire dit que dans ces cas les résultats reflètent souvent le styles des deux modèles de sexes. Les effets sont plus grands, en accord avec ce que seule la femelle tendrait à produire, et plus ciblés, en accord avec ce que seul le mâle produirait.
"C'est presque comme si il y avait deux modèles ou deux variables et qu'elles étaient complémentaires" dit Dunne." le modèle masculin est associé à l'intention, le modèle féminin est plus associé à la résonance."
Que signifie tout ceci ? Personne ne le sait. Radin et Jahn indiquent que ce n'est pas parce qu'il y a une corrélation entre l'intention du participant et les actions de la machine que cela signifie qu'un cause l'autre. " Il y a une inférence (qui les deux sont connexes) mais aucune évidence directe" dit Radin qui indique que le phénomène pourrait être semblable à l'indétermination d'Heisenberg dans lequel deux particules séparées l'une de l'autre semblent être reliées sans qu'on sache comment... sous quelle forme de communication.
"la différence est nous ne parlons pas en envoyant des signaux du cerveau à la machine par un circuit" dit Jahn au sujet de ces essais. "quoi qu'il se passe, se passe par un itinéraire que nous ne connaissons pas. Nous savons seulement quelque chose au sujet des conditions qui la favorisent.." Bien que les effets produits dans ces expériences soient faibles, ils ont toujours été répétés, cependant pas toujours de façon prévisible. Un participant peut avoir un effet un jour et répéter l'expérience le jour suivant sans résultats.
Le laboratoire a beaucoup de détracteurs qui pointent sur des défauts de la méthode et écartent ce travail le traitant de divertissement, comparant ses résultats aux automobilistes qui souhaitent qu'une lumière rouge passe au vert et pensent que le changement de lumière est causé par eux.
Stanley Jeffers, professeur de physique à l'université d'York à Toronto, a tenté des expériences semblables, mais il ne put pas répliquer les résultats. Les chercheurs de deux laboratoires allemands, fonctionnant en coopération avec Pegg, ne purent également pas répliquer ces résultats à l'aide du même équipement utilisé par Pegg.
"Si leurs annonces veulent être prises au sérieux par la science elles doivent être répliquées" dit Jeffers. "Si elles ne peuvent pas être répliquées, cela ne signifie pas qu'elles sont fausses, mais la science y perdra rapidement son intérêt."
Dunne, psychologue développementaliste dit que Pegg a répété ses propres expériences et a obtenu des résultats significatifs. Et ces méta-analyses - une douzaine - faites depuis les années 80 ont donné une base pour les résultats de Pegg dans les expériences faites par d'autres chercheurs. La Méta-analyse utilise de grands stocks de données à travers de beaucoup d'expériences et les combine statistiquement pour voir si les effets répètent la même combinaison. "Nous analysons les déviations statistiques par rapport à la chance au travers de cette batterie d'expériences" dit Jahn... "quand on fait assez de ces expériences, les effets analysés ont un poids statistique. Il n'y a aucun doute sur la validité de ces effets."
Radin, qui n'est pas affilié au Pegg, écarte les critiques qui disent que ce groupe ne pratique pas de science solide. "Ce domaine a reçu bien plus d'examen minutieux et critique que beaucoup d'autres, ordinaires... les personnes qui font ce genre de recherche sont bien conscientes du fait que leur recherche doit être faite au mieux. Le laboratoire de Pegg a pris les meilleurs principes de science rigoureuse et s'est appliqué a des questions extrêmement difficiles et a proposé quelques jolies réponses intéressantes."
Jahn pense que les critiques s'attendent à ce que les phénomènes suivent les règles habituelles de la cause et de l'effet. Au lieu de cela, il pense qu'ils appartiennent à la catégorie de ce que Karl Jung a appelé "des phénomènes acausal," qui incluent des choses comme la synchronicité. "Cela se joue par des règles plus compliquées, plus lunatiques, évasives... ... mais cela joue." dit Jahn
Jeffers est sceptique " cela ne peut se passer de deux manières - dire qu'on est des scientifiques honorables et avoir des affirmations pour un effet particulier dans des conditions contrôlées, et ensuite quand les résultats ne marchent pas, dire que les méthodes scientifiques rigoureuses ne s'appliquent pas." Mais Jahn dit que justement que puisque que les scientifiques ne peuvent pas expliquer ces phénomènes cela ne signifie pas qu'ils ne sont pas vrais. "si ces choses existent... je pense que notre société a le droit de demander à la science d'y faire attention et de fournir un certain outillage pour avoir affaire avec de manière constructive.

Auteur: Zetter Kim

Info: Juillet 2005, Fortean Times

[ mâles-femelles ] [ vus-scientifiquement ] [ parapsychologie ] [ femmes-hommes ]

 

Commentaires: 0

nanomonde

Comment l’IA impacte la recherche sur la structure des protéines

Chaque être humain possède plus de 20 000 protéines. Par exemple l’hémoglobine qui s’occupe du transport de l’oxygène depuis les poumons vers les cellules de tout le corps, ou encore l’insuline qui indique à l’organisme la présence de sucre dans le sang.

Chaque protéine est formée d’une suite d’acides aminés, dont la séquence détermine son repliement et sa structure spatiale – un peu comme si un mot se repliait dans l’espace en fonction des enchaînements de lettres dont il est composé. Cette séquence et ce repliement (ou structure) de la protéine déterminent sa fonction biologique : leur étude est le domaine de la « biologie structurale ». Elle s’appuie sur différentes méthodes expérimentales complémentaires, qui ont permis des avancées considérables dans notre compréhension du monde du vivant ces dernières décennies, et permet notamment la conception de nouveaux médicaments.

Depuis les années 1970, on cherche à connaître les structures de protéines à partir de la seule connaissance de la séquence d’acides aminés (on dit « ab initio »). Ce n’est que très récemment, en 2020, que ceci est devenu possible de manière quasi systématique, avec l’essor de l’intelligence artificielle et en particulier d’AlphaFold, un système d’IA développé par une entreprise appartenant à Google.

Face à ces progrès de l’intelligence artificielle, quel est désormais le rôle des chercheurs en biologie structurale ?

Pour le comprendre, il faut savoir qu’un des défis de la biologie de demain est la "biologie intégrative", qui a pour objectif de comprendre les processus biologiques au niveau moléculaire dans leurs contextes à l’échelle de la cellule. Vu la complexité des processus biologiques, une approche pluridisciplinaire est indispensable. Elle s’appuie sur les techniques expérimentales, qui restent incontournables pour l’étude de la structure des protéines, leur dynamique et leurs interactions. De plus, chacune des techniques expérimentales peut bénéficier à sa manière des prédictions théoriques d’AlphaFold.

(Photo) Les structures de trois protéines de la bactérie Escherichia coli, déterminées par les trois méthodes expérimentales expliquées dans l’article, à l’Institut de Biologie Structurale de Grenoble. Beate Bersch, IBS, à partir d’une illustration de David Goodsell, Fourni par l'auteur

La cristallographie aux rayons X

La cristallographie est, à cette date, la technique la plus utilisée en biologie structurale. Elle a permis de recenser plus de 170 000 structures de protéines dans la "Protein Data Bank", avec plus de 10 000 repliements différents.

Pour utiliser la cristallographie à rayons X, il faut faire "cristalliser les protéines". On dit souvent que cette technique est limitée par la qualité de cristaux de protéines, qui est moindre pour les grosses protéines. Mais cette notion ne correspond pas toujours à la réalité : par exemple, la structure du ribosome, l’énorme machine moléculaire qui assemble les protéines, a été résolue à 2,8 angströms de résolution. Venkatraman Ramakrishnan, Thomas Steitz et Ada Yonath ont reçu le prix Nobel de chimie en 2009 pour ce travail.

Avec le développement récent du laser X à électron libre (XFEL), il est devenu possible d’étudier simultanément des milliers de microcristaux de protéines à température ambiante et à l’échelle de la femtoseconde (10-15 secondes, soit un millionième de milliardième de seconde, l’échelle de temps à laquelle ont lieu les réactions chimiques et le repliement des protéines). Cette technique permet d’imager les protéines avant qu’elles ne soient détruites. Elle est en train de révolutionner la "cristallographie cinétique", qui permet de voir les protéines "en action", ainsi que la recherche de médicaments.

Pour l’instant, l’apport d’AlphaFold à l’étude de la structure des protéines par cristallographie s’est concentré dans la génération de modèles de protéines assez précis pour appliquer la technique dite de "remplacement moléculaire" à la résolution des structures.

La spectroscopie par résonance magnétique nucléaire

Une autre méthode expérimentale pour étudier la structure des protéines est la "spectroscopie par résonance magnétique nucléaire". Alors que son alter ego d’imagerie médicale, l’IRM, regarde la distribution spatiale d’un seul signal, caractéristique des éléments chimiques dans les tissus biologiques observés, en spectroscopie par résonance magnétique nucléaire, c’est un ensemble de signaux provenant des atomes constituant la protéine qui est enregistré (ce qu’on appelle le "spectre").

Généralement, la détermination de la structure par résonance magnétique est limitée à des protéines de taille modeste. On calcule des modèles de molécules basés sur des paramètres structuraux (comme des distances interatomiques), provenant de l’analyse des spectres expérimentaux. On peut s’imaginer cela comme dans les débuts de la cartographie, où des distances entre des points de référence permettaient de dessiner des cartes en 2D. Pour faciliter l’interprétation des spectres qui contiennent beaucoup d’information, on peut utiliser des modèles obtenus par prédiction (plutôt qu’expérimentalement), comme avec AlphaFold.

En plus de la détermination structurale, la spectroscopie par résonance magnétique nucléaire apporte deux atouts majeurs. D’une part, en général, l’étude est effectuée avec un échantillon en solution aqueuse et il est possible d’observer les parties particulièrement flexibles des protéines, souvent invisibles avec les autres techniques. On peut même quantifier leur mouvement en termes d’amplitude et de fréquence, ce qui est extrêmement utile car la dynamique interne des protéines est aussi cruciale pour leur fonctionnement que leur structure.

D’autre part, la spectroscopie par résonance magnétique nucléaire permet de détecter aisément les interactions des protéines avec des petites molécules (ligands, inhibiteurs) ou d’autres protéines. Ceci permet d’identifier les sites d’interaction, information essentielle entre autres pour la conception rationnelle de molécules actives comme des médicaments.

Ces propriétés font de la spectroscopie par résonance magnétique nucléaire un outil extraordinaire pour la caractérisation fonctionnelle des protéines en complémentarité avec d’autres techniques expérimentales et l’IA.

La "cryomicroscopie électronique"

La cryomicroscopie électronique consiste à congeler ultrarapidement (environ -180 °C) un échantillon hydraté dans une fine couche de glace, qui sera traversée par les électrons. Les électrons transmis vont générer une image de l’échantillon, qui après analyse, permet d’accéder à des structures qui peuvent atteindre la résolution atomique. En comparaison, un microscope optique n’a un pouvoir résolutif que de quelques centaines de nanomètres, qui correspond à la longueur d’onde de la lumière utilisée ; seul un microscope utilisant une source possédant des longueurs d’onde suffisamment faibles (comme les électrons pour la microscopie électronique) possède un pouvoir résolutif théorique de l’ordre de l’angström. Le prix Nobel de Chimie 2017 a été décerné à Jacques Dubochet, Richard Henderson et Joachim Frank pour leurs contributions au développement de la cryomicroscopie électronique.

Avec de nombreux développements technologiques, dont celui des détecteurs à électrons directs, depuis le milieu des années 2010, cette technique est devenue essentielle en biologie structurale en amorçant une "révolution de la résolution". En effet, la cryomicroscopie électronique permet désormais d’obtenir des structures avec une résolution atomique, comme dans le cas de l’apoferritine – une protéine de l’intestin grêle qui contribue à l’absorption du fer – à 1,25 angström de résolution.

Son principal atout est de permettre de déterminer la structure d’objets de taille moyenne, au-delà de 50 000 Dalton (un Dalton correspond environ à la masse d’un atome d’hydrogène), comme l’hémoglobine de 64 000 Dalton, mais également d’objets de quelques milliards de daltons (comme le mimivirus, virus géant d’environ 0,5 micromètre).

Malgré toutes les avancées technologiques précédemment évoquées, la cryomicroscopie ne permet pas toujours de résoudre à suffisamment haute résolution la structure de "complexes", constitués de plusieurs protéines. C’est ici qu’AlphaFold peut aider et permettre, en complémentarité avec la cryomicroscopie, de décrire les interactions au niveau atomique entre les différents constituants d’un complexe. Cette complémentarité donne une force nouvelle à la cryomicroscopie électronique pour son rôle à jouer demain en biologie structurale.

Les apports d’AlphaFold

AlphaFold permet de prédire la structure de protéines uniquement à partir de leur séquence avec la connaissance acquise par la biologie structurale expérimentale. Cette approche est révolutionnaire car les séquences de beaucoup de protéines sont connues à travers les efforts des séquençages des génomes, mais déterminer leurs structures expérimentalement nécessiterait des moyens humains et techniques colossaux.

À l’heure actuelle, ce type de programme représente donc un acteur supplémentaire de complémentarité, mais ne se substitue pas aux techniques expérimentales qui, comme nous l’avons vu, apportent aussi des informations complémentaires (dynamiques, interfaces), à des échelles différentes (des sites métalliques aux complexes multiprotéiques) et plus fiables, car expérimentalement vérifiées. Au-delà de la pure détermination structurale d’une protéine isolée, la complexité des systèmes biologiques nécessite souvent une approche pluridisciplinaire afin d’élucider mécanismes et fonctions de ces biomolécules fascinantes que sont les protéines.

Auteur: Internet

Info: Published: December 19, 2022 Beate Bersch, Emmanuelle Neumann, Juan Fontecilla, Université Grenoble Alpes (UGA)

[ gnose chimique ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

anthropomorphisme

Les plantes sont-elles frigides?

La plante évoque l'inertie. On dit "végéter" pour "stagner". Mais il y a quelques siècles encore, "végéter" signifiait le contraire. En latin, ce mot désigne la surabondance d'énergie qui pousse une plante à jaillir. Plus on la coupe, plus elle reverdit : la plante, c'est l'énergie sexuelle incarnée. Sur le plan étymologique en tout cas. Les termes latins dont le mot "végétal" dérive désignent à l'origine "force et croissance". Le mot silva (forêt) est attesté dès Cicéron dans le sens de "grande quantité" et d'"abondance de matière". Le mode d'être de la plante est celui d'une prolifération virtuellement infinie, en constante expansion. Quel plus beau modèle prendre pour l'humain que celui du lierre ou du lichen? A la différence des végétaux dont la vie se confond avec la croissance, la plupart des bêtes, une fois adultes atteignent leurs dimensions définitives, explique Dominique Brancher, ce qui explique peut-être pourquoi les plantes font si peur. Elles ne connaissent pas de limites. Elles ne respectent pas l'ordre. Est-ce la cause du stigmate qui les frappe en Occident ? Les plantes sont-elles victimes de spécisme, de sexisme ou de racisme?

Chercheuse à l'Université de Bâle, Dominique Brancher est l'auteure d'un livre qui entend rendre justice au règne végétal : on en a fait un règne dormant, voué à l'immobilité, à l'absence de pensée, de sentiments, de sensations... Quel dommage d'avoir ainsi perverti ce qui - à l'origine de notre culture - était considéré comme une forme de débordement vital. Trop vital. "Eclipsé par l'attention exclusive donnée au vaste débat sur la distinction entre l'animal et l'homme, [...] le végétal s'est vu relégué au rang de tiers-exclu", dit-elle, regrettant que le mot végéter soit devenu synonyme d'inertie. Mais pourquoi un tel revirement? Pour quelle raison notre culture a-t-elle ainsi châtré la plante? Dans un livre au titre explicite Quand l'esprit vient aux plantes (allusion ironique au poème de La Fontaine "Comment l'esprit vient aux filles"), Dominique Brancher retrace l'histoire de ce qu'elle désigne comme l'invention d'un sexisme anti-flore. Nous avons discriminé les végétaux comme l'ont été les femmes : en leur déniant tout désir. Comme l'ont été les "sauvages" : en leur déniant toute intelligence. Comme le sont encore les animaux : en les parquant dans des réserves. C'est pourquoi il faut lire son enquête sur la sexualité des plantes comme un révélateur de nos choix de vie.

Quand les plantes étaient humaines...

Aux origines présocratiques de notre culture, les cosmogonies imaginées par Thalès (né en 640 av. J.-C.), Héraclite (504 av. J.-C.) ou Empédocle (492 av. J.-C.) reposent sur un principe d'équation : nous sommes faits de la même matière que tout ce qui existe, fleur ou astres. Cette règle d'analogie poétique "dit la trame vitale qui tisse les êtres et confond leurs attributs et leurs formes. Les arbres "pondent" leurs fruits et les êtres humains se développent comme des plantes." Pour Empédocle, qui rédige sa théorie en vers fabuleux face au paysage volcanique de sa Sicile natale, il n'y a ni naissance ni mort. Tout chose se renouvelle sous l'effet d'une ardeur brûlante qui traverse la matière. "Toute chose pense", dit-il. Toute chose aime et hait. "Dans ses transmigrations, l'âme humaine épouse les métamorphoses de la matière car elle a "déjà été autrefois garçon et fille, buisson, oiseau ou poisson cheminant à la surface de l'eau" (Empédocle, VIII).". Dans cet univers foisonnant, les plantes ont du plaisir et souffrent comme les humains qui, eux-mêmes, viennent au monde mouillés par la rosée de leur larmes. Empédocle résume ainsi leur première apparition : "Or donc voici comment des hommes et des femmes trempés de pleurs, Feu, se séparant, fit jaillir les pousses dans la nuit" (Empédocle III, Les Origines).

Avec la "raison" vient l'inégalité

Mais cette vision-là du monde est trop poétique sans doute. Dès le 1er siècle avant J.-C., Nicolas de Damas écrit dans son ouvrage De Plantis : "Il faut rejeter ces idées grossières et nous mettre à dire la vérité". Platon (427 av. J.-C.), deux siècles avant lui, n'accorde aux plantes qu'une âme inférieure et en fait des animaux immobiles. Mais c'est Aristote (384 av. J.-C.) qui "réduit encore plus considérablement la dignité du végétal en lui laissant seulement une sorte d'âme (De Anima, A5, 411)". La classification qu'Aristote met en place devient le modèle dominant d'une pensée occidentale qui place l'homme au sommet de la hiérarchie. Dans ce nouvel ordre moral, "les plantes jouissent seulement d'une âme végétative", désormais privées d'entendement. Avec le christianisme, leur statut ne s'améliore pas, au contraire. "Selon l'agenda cloisonné de la Genèse, Dieu créa les plantes le troisième jour, les animaux le cinquième et l'homme le sixième". Dans l'échelle des êtres, le végétal est en bas. Deux attitudes prévalent à son égard. La première repousse les plantes du côté du péché. Le seconde, guère plus enviable, du côté du paradis. Dans les deux cas, la plante est vue comme une créature frigide.

La plante comme symbole du péché de gourmandise Bien qu'ils lui dénient toute capacité de percevoir et donc de jouir, les théologiens estiment en effet que la plante est gourmande. Ne passe-t-elle pas son temps à sucer la terre? Voilà pourquoi elle est au bas de cette Scala Naturae ("échelle de la nature") que de nombreux ouvrages du XVIe siècle décrivent en termes de menace : attention de ne pas tomber ! Chaque échelon figure un degré de déchéance. Quand l'homme commet le péché de luxure (sensualis), il est ravalé au rang d'animal. Quand il a trop d'appétit (vitalis), le voilà végétal. Quand il sombre dans la tristesse (acédie), il rétrograde en minéral. Le christianisme "est une religion qui déconsidère la vie organique au profit de la pensée rationnelle", rappelle Dominique Brancher. Aux yeux des chrétiens, l'homme ne peut prétendre à son statut supérieur qu'à la condition de ne rien avoir en commun avec la (vile) matière. Les bêtes qui forniquent, les rivières qui ondoient et les plantes qui têtent la glaise sans penser, avec une gloutonnerie "stupide et insensible" (Jean Pic de la Mirandole) sont des choses détestables, qui renvoient à la chute.

La plante comme symbole de l'asexualité

Mais il existe une autre attitude vis à vis des plantes : pour certains chrétiens, elles présentent cet avantage sur les animaux d'être "pures". Cela commence au XIIIe siècle, avec Innocent III : dans un texte intitulé De Contemptu mundi, le pape attribue aux plantes la "candeur de l'âme végétative". La plante n'est pas sexuée, dit-il (ignorant qu'il existe des espèces végétales où les mâles et les femelles sont distincts). "Dégagés des ardeurs charnelles qui abêtissent et abrutissent, les végétaux offrent ainsi la rédemption d'un nouvel Eden. Combien d'auteurs de la Contre-Réforme ne célèbrent-ils pas la pureté de la reproduction végétale?". Dominique Brancher cite par exemple Thomas Browne qui, dans les années 1630, déclare : "Je serais heureux, si nous pouvions procréer comme les arbres sans union et s'il existait un moyen de perpétuer le monde sans passer par le coït vulgaire et trivial. C'est l'acte le plus sot qu'un homme sage puisse commettre dans sa vie". Edifiant. La chercheuse enfonce le clou : "Aux yeux de la mystique flamande, la perfection végétale figure une complétude originelle que la Faute, en modifiant le corps physique des premiers hommes, a définitivement dérobé à l'humanité : "Au lieu d'hommes qu'ils devaient être, ils sont devenus des monstres divisés en deux sexes imparfaits, impuissants à produire leurs semblables seuls, comme se produisent les arbres et les plantes".

Savez-vous planter des choux?

Dans la tradition ouverte par Innocent III, tout un imaginaire puritain se cristallise aux XVIe et XVIe siècles autour des plantes. La botanique devient "une technique de maîtrise des instincts, explique Dominique Brancher. On en trouve les répercussions jusque chez Rousseau, "persuadé qu'à tout âge l'étude de la nature émousse le goût des amusements frivoles, prévient le tumulte des passions". "La campagne a toujours été considérée comme le séjour de l'innocence", renchérit Trembley. L'herborisation devient l'activité favorite des puritains. On associe le curé de campagne à un brave jardinier, expert en sirops pour la gorge. "La méconnaissance concertée de la sexualité des plantes, depuis Aristote jusqu'aux naturalistes de la Renaissance, entretient cette vision angélique." Heureusement, il existe à toute époque des empêcheurs de tourner en rond. Au XVIe siècle, en particulier, des voix dissidentes s'élèvent : non, la plante n'est pas sage. Nous ferions bien d'en prendre de la graine.

Auteur: Giard Agnes

Info: 4 janvier 2016

[ historique ] [ Grèce antique ]

 

Commentaires: 0