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couvent

Il ne fait pas encore jour. De ma cellule j’entends des voix, et les ritournelles séculaires, offrandes à un ciel latin et banal. Plus tôt dans la nuit, des pas se précipitaient vers l’Eglise. Les matines ! Et pourtant Dieu lui-même assisterait-il à sa propre célébration que je ne descendrais point dans un froid pareil ! Mais, de toute manière, il doit exister, sinon ces sacrifices de créatures de chair, secouant leur paresse pour l’adorer, seraient d’une telle insanité que la raison ne pourrait en supporter la pensée. Les preuves de la théologie sont futiles comparées à ce surmenage qui rend perplexe l’incroyant, et l’oblige à attribuer un sens et une utilité à tant d’efforts. A moins qu’il ne se résigne à une perspective esthétique sur ces insomnies voulues et qu’il ne voie dans la vanité de ces veilles l’aventures la plus gigantesque entreprise vers une Beauté de non-sens et d’effroi… La splendeur d’une prière qui ne s’adresse à personne !

Auteur: Cioran Emil Michel

Info: Dans "Précis de décomposition" in Œuvres, éditions Gallimard, 1995, page 703

[ athéisme ] [ absurdité ] [ témoin externe ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

vie quotidienne

Lorsqu’un homme a exercé la même profession pendant des années, il a perdu la notion du temps. Même si sa journée de travail se limite à huit heures de présence, elle ne s’achève pas quand la maîtrise siffle l’heure de la sortie. Il faut encore y ajouter la durée du trajet entre sa boîte et chez soi, sans oublier les longues minutes qu’on va devoir consacrer à manger, à se laver, à s’acheter de nouveaux vêtements, ou une voiture, à remplacer ses pneus, ou sa batterie, à payer ses impôts, à copuler, à recevoir des amis, à se soigner, à se remettre d’un accident, à faire sa lessive, à éviter de se faire voler, à s’inquiéter de la météo, à dormir, à faire des insomnies, et je laisse de côté toutes ces choses dont la décence nous interdit de parler, BREF l’être humain n’aura au bout du bout que TRES PEU DE TEMPS à se consacrer. Il arrive même que les heures supplémentaires le privent de quelques-unes de ces tâches de première nécessité, comme de baiser. Bordel de merde ! Et ce genre d’existence vous bouffe six jours de la semaine et, comme le dimanche, vous êtes censé fréquenter l’église ou manger en famille, parfois les deux, parlez d’un rêve éveillé !

Auteur: Bukowski Charles

Info: Dans "Un carnet taché de vin", page 212

[ salariat ] [ collectif-personnel ] [ routine ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

signes acoustiques

Il s’est d’abord agi d’un merle. La fenêtre de ma chambre était restée ouverte pour la première fois depuis des mois, comme un signe de victoire sur l’hiver. Son chant m’a réveillée à l’aube. Il chantait de tout son cœur, de toutes ses forces, de tout son talent de merle. Un autre lui a répondu un peu plus loin, sans doute d’une cheminée des environs. Je n’ai pu me rendormir. Ce merle chantait, dirait le philosophe Étienne Souriau, avec l’enthousiasme de son corps, comme peuvent le faire les animaux totalement pris par le jeu et par les simulations du faire semblant. Mais ce n’est pas cet enthousiasme qui m’a tenue éveillée, ni ce qu’un biologiste grognon aurait pu appeler une bruyante réussite de l’évolution. C’est l’attention soutenue de ce merle à faire varier chaque série de notes. J’ai été capturée, dès le second ou le troisième appel, par ce qui devint un roman audiophonique dont j’appelais chaque épisode mélodique avec un “et encore ?” muet. Chaque séquence différait de la précédente, chacune s’inventait sous la forme d’un contrepoint inédit.

Ma fenêtre est restée, à partir de ce jour, chaque nuit ouverte. À chacune des insomnies qui ont suivi ce premier matin, j’ai renoué avec la même joie, la même surprise, la même attente qui m’empêchait de retrouver (ou même de souhaiter retrouver) le sommeil. L’oiseau chantait. Mais jamais chant, en même temps, ne m’a semblé si proche de la parole.

Auteur: Despret Vinciane

Info: Habiter en oiseau

[ turdus merula ] [ communication sonore ] [ homme-animal ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

onirisme

Je rêvais que je dormais. Naturellement, je ne me laissais pas prendre, sachant que j'étais éveillé, jusqu'au moment où, me réveillant, je me rappelai que je dormais. Naturellement, je ne me laissais pas prendre, sachant que j'étais éveillé, jusqu'au moment où, m'endormant, je me rappelai que je venais de me réveiller d'un sommeil où je rêvais que je dormais. Naturellement, je ne me laissais pas prendre, sachant que j'étais éveillé, jusqu'au moment où, me réveillant, je me rappelai que je dormais. Naturellement, je ne me laissais pas prendre, jusqu'au moment où, m'endormant, je me rappelai que je venais de me réveiller d'un sommeil où je rêvais que je dormais. Naturellement, je en me laissais pas prendre, jusqu'au moment où, perdant toute foi, je me mis à me mordre les doigts de rage, me demandant malgré la souffrance grandissante si je me mordais réellement les doigts ou si seulement je rêvais que je me mordais les doigts de ne pas avoir si j'étais éveillé ou endormi et rêvant que j'étais désespéré de ne pas savoir si je dormais, ou si seulement je... et me demandant si... Et ainsi d'insomnies en inutiles sommeils, je poursuis sans m'abandonner jamais un repos qui n'est pas un repos, dans un éveil n'est pas un éveil, indéfiniment au guet, sans pouvoir franchir la passerelle quoique mettant le pied sur mille, dans une nuit aveugle et longue comme un siècle, dans une nuit qui coule sans montrer de fin.

Auteur: Michaux Henri

Info: Face aux verrous

[ littérature ] [ poésie ] [ absurde ]

 

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homme-animal

Il s’est d’abord agi d’un merle. La fenêtre de ma chambre était restée ouverte pour la première fois depuis des mois, comme un signe de victoire sur l’hiver. Son chant m’a réveillée à l’aube. Il chantait de tout son cœur, de toutes ses forces, de tout son talent de merle. Un autre lui a répondu un peu plus loin, sans doute d’une cheminée des environs. Je n’ai pu me rendormir. Ce merle chantait, dirait le philosophe Étienne Souriau, avec l’enthousiasme de son corps, comme peuvent le faire les animaux totalement pris par le jeu et par les simulations du faire semblant. Mais ce n’est pas cet enthousiasme qui m’a tenue éveillée, ni ce qu’un biologiste grognon aurait pu appeler une bruyante réussite de l’évolution. C’est l’attention soutenue de ce merle à faire varier chaque série de notes. J’ai été capturée, dès le second ou le troisième appel, par ce qui devint un roman audiophonique dont j’appelais chaque épisode mélodique avec un “et encore ?” muet. Chaque séquence différait de la précédente, chacune s’inventait sous la forme d’un contrepoint inédit.

Ma fenêtre est restée, à partir de ce jour, chaque nuit ouverte. À chacune des insomnies qui ont suivi ce premier matin, j’ai renoué avec la même joie, la même surprise, la même attente qui m’empêchait de retrouver (ou même de souhaiter retrouver) le sommeil. L’oiseau chantait. Mais jamais chant, en même temps, ne m’a semblé si proche de la parole. 

Auteur: Despret Vinciane

Info: Habiter en oiseau

[ richesse vocale ]

 

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Ajouté à la BD par miguel