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extraterrestre

Depuis un siècle la physique quantique nous démontre à sa façon nos limites d'êtres incarnés. Le principe d'incertitude d'Heisenberg est l'un des murs sur lesquel science physique et esprit rationnel humain, viennent buter.

Mais nos limites scientifiques, conceptuelles, rationnelles, en ce qui concerne le controle et la compréhension du monde physique en un début de 3e millénaire ou tout semble possible, peuvent être décrites de bien d'autres manières : vitesse de la lumière, controle de l'anti matière, mystère toujours plus profond du fonctionnement de l'ADN, incapacité à nous auto controler en tant qu'espèce...  

Il y a aussi cette limitation tenace, celle créée par les représentations créées et forgées dans l'acier trempé des habitudes rationnelles, donc des "évidences" que notre race fait émerger à mesure de son évolution. Une idée sous-tendue par ce constat d'Aimé Michel : "Les systèmes de pensée sont en réalité des systèmes pour EVITER de penser".

Nous voilà en orbite.

Pour revenir à la physique quantique, beaucoup ont l'impression, à son étude, que notre monde vu au niveau de sa réalité atomique apparait en fait comme "projeté", c'est à dire comme s'il était tout autant émis "de l'intérieur", via notre cerveau, que proposé par la réalité de l'environnement extérieur.

M'est venue ce matin une analogie devant ce paradoxe qui fait voir le monde autant comme une grande pensée que comme une réalité plus ou moins stable. Nous serions dans une symphonie multidimentionnelle et le physicien tenterait d'arrêter la musique et l'orchestre pour ne s'occuper que d'une note précise, d'un timbre, dans une registre particulier, etc. Mais l'observateur aurait beau connaitre le compositeur, sa vie, l'histoire de la musique, les règles du solfège, les fréquences et autres, cette note isolée, congelée, si l'on peut dire, ne voudrait plus rien dire.

Prenez une photo et agrandissez-là jusqu'à ne plus distinguer qu'un pixel, c'est la même chose.

"... La forme n'est qu'un instantané pris sur une transition." a dit Bergson.

Que nous manque-t'il ?

- Une humilité réelle qui consisterait à nous occuper plutôt de notre rôle "non central" dans la nature ?

- Une véritable psyché collective où tous les avis seraient égaux ?

- Une pensée scientifique plus féminine, moins orientée "par et vers" le pouvoir ?

- Un retour vers un monde plus onirique, plus poétique, plus ouvert que l'univers rationnel que nous nous sommes construit ?... et qui ressemble toujours plus à un cul-de-sac ?

- Un élargissement de nos sens, par des moyens à trouver... Un peu comme ces observateurs qui utilisent des caméras infrarouges ou pour observer des ovnis que nous ne voyons pas à l'oeil nu.

Mais assez. Il est temps de sortir le chien. Qui trépigne devant la porte depuis qu'il m'a senti réveillé. La forêt nous attend.

Auteur: Mg

Info: 16 octobre 2012

[ quête ] [ spéculations ] [ questions ]

 

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théorie du tout

Notre réalité est pure information. Information géométrique. L'information étant le sens, sous forme de symbolisme. 

D'où la question, quel type d'information pour exprimer un langage géométrique ?

Information implique signification. Mais que veut dire signification ?

C'est une comparaison, c'est à dire la perception de quelque chose relativement à quelque chose d'autre. Ainsi, pour pouvoir exister une chose doit être perçue, ou mesurée, par quelque forme de conscience. 

Einstein a montré que passé et futur existent simultanément dans un objet géométrique ; de fait tous les temps existent conjointement (les mathématiques le montrent de plein de manières). Donc : passé et futur s'influençant sans cesse, tout est toujours dans l'instant présent. Alors, si chaque moment influence et co-crée chaque autre moment dans quelque sens que ce soit, la réalité ne peut qu'être un massif  réseau neuronal qui sillonne l'espace et le temps.

Réseau doté d'une spécificité étonnante. Il serait son propre créateur.

Parallèlement, comme l'a démontré la mécanique quantique, le futur n'est pas prédéterminé. Conséquemment existe le libre-arbitre.

Comment marche le libre-arbitre ? La physique quantique montre que la réalité n'existe que lorsqu'elle est observée. Wheeler déclara en son temps que la réalité est constitué d'informations, elles-mêmes créées par l'observation. Frank Wilczec ajouta ensuite que la physique quantique reste obscure et sujette à débat. Et qu'elle le restera tant qu'on aura pas défini, au sein du formalisme quantique, un observateur, entité moderne dont les conditions et/ou contours correspondent à une caricature reconnaissable de la conscience consciente. C'est à dire une entité, pas nécessairement terrestre, capable d'observer et mesurer.

Mais comment pourrait être cette entité ? Je suis, nous sommes... tous conscient, mais qu'est-.ce que cela veut dire ?

On sait juste que la conscience est liée de manière proche à  la science physique mais personne ne sait dire ce qu'elle hors de l'idée qu'elle joue un rôle central dans l'existence du réel.

Est-elle juste l'émergence d'une boucle de rétroaction de causalité ? Heisenberg développa en son temps les maths matricielles, arrivant à la conclusion que la réalité est pixelliseé en nano unités tridimensionnelles insécables, de la taille la plus petite dans l'échelle de Planck. Chacune (nommée tétrahedron, c'est à dire un polyèdre composé de quatre faces triangulaires) fonctionnant comme nos pixels sur les écrans TV.

Hélas ce qui précède n'apporte aucune preuve que cet espace, le notre, soit un tel ensemble uniforme, homogène, fluide, etc.  Malgré tout, mathématiquement, tout converge vers la consolidation de cette idée d'une pixellisation de la réalité.

Du coup quel code géométrique sera-t'il à même de modéliser cette réalité pixellisée ?

Les recherches au CERN ou ailleurs  sur la physique des particules conduisent toutes vers ce que les physiciens nomment "transformation de symétrie de jauge", chacune menant vers une notion de forme, géomètrique donc.

Mais ici apparait une forme, et pas n'importe laquelle. Il s'agit d'un modèle géométrique à 8 dimensions, plus précisément un crystal 8 D (Rappelons que crystal signifie motif périodique), modèle qu'on pourra se représenter tel un "treillis à 8  dimensions" (E8 lattice), structure 8 D qui présente 240 noeuds, ou points tournants (vertex-vertices), que nous nommons gosset polytope.

Lorsque ce gosset polytope est projeté en 4 dimensions il se métamorphose en deux formes identiques de tailles différentes, dont le ratio est précisément 0,618, c'est à dire celui du nombre d'or, constante fondamentale de la nature qui apparait à toutes les échelles de l'univers connu (par exemple il détermine le moment précis ou un trou noir passe de positif à négatif en étant partie de l'équation qui précise la limite inférieure de son entropie). Il se rapporte aussi à la gravité de la boucle quantique.

Ainsi ce ratio de Fibonnaci unifie les limites inférieures et supérieures (cosmiques - quantique) de la préhension du réel par les scientifiques, physiciens pour grande partie.

Et, si on revient aux maths matricielles qui fonctionnent à partir d'eigen values (Valeur propre, vecteur propre et espace propre) indiquées comme triviales (1,2 ou 0) ou non triviales (pour les nombres plus complexes.) on arrive à la partie intéressante : les deux plus grandes probabilités d'eigenvalues non triviales qui apparaissent dans une matrice binaire sont :

-  le golden ratio  et

-1 sur (over) le nombre d'or.

Tel est le lien très profond qui unit mécanique quantique et cosmologie. Ce ratio, qui est apparu dans un grand nombre d'observations, a cependant toujours été appréhendé par les scientifiques comme un truc d'amateurs. Et maintenant on constate, une fois de plus, que ce nombre d'or apparait vraiment partout.

Pour terminer résumons ici les sept indices que nous donne la nature pour contruire cette théorie du tout (emergence theory)

information

indéterminisme

boucle de causalité

conscience

pixellisation

cristal E 8  (à 8 dimensions)

nombre d'or

Auteur: Anonyme

Info: Youtube - Quantum Gravity Research, What Is Reality? Official Film. https://www.youtube.com/watch?v=w0ztlIAYTCU

[ sciences ] [ septénaire ] [ miroir anthropocentrique ] [ monde humain consensuel ] [ atemporalité ] [ programme de langlands ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

métadonnées à valeur ajoutée MVA

"Ils profitent de notre pauvreté" : derrière le boom des intelligences artificielles génératives, le travail caché des petites mains de l'IA 

(Photo : 
Une masse d'hommes et de femmes invisibles, partout dans le monde, analysent des quantités colossales de données pour améliorer, caratériser et contextualiser les intelligences artificielles. )

La création d'algorithmes tels que ChatGPT ou Midjourney nécessite des quantités colossales de données, analysées par des humains. Des "annotateurs" indispensables mais souvent précaires, faiblement rémunérés et maintenus dans l'ombre.

"Des descriptions graphiques de viol, d'inceste, de nécrophilie... C'était ça tous les jours."  En 2021, Mophat Okinyi doit relire chaque jour plusieurs centaines de textes fournis à l'entreprise de traitement de données Sama par un client inconnu, pour entraîner un modèle d'intelligence artificielle (IA). L'objectif : préciser au logiciel ce qui pose problème dans ces textes, pour qu'il ne le reproduise pas.

Un travail rémunéré 21 000 shillings kenyans par mois (environ 150 euros) pour les employés du bas de l'échelle dont Mophat contrôlait l'activité. Cela a laissé chez lui des traces à vie. "Encore aujourd'hui, ça affecte mes relations avec ma famille, mes proches", explique l'analyste qualité kenyan. La mission qu'il décrit rappelle l'horreur à laquelle sont souvent confrontés les modérateurs des réseaux sociaux et répondait en fait, comme il le découvrira plus tard, à une commande de la start-up à la pointe de l'IA à l'origine de ChatGPT : OpenAI.

Le cas de Mophat Okinyi, extrême sous certains aspects, n'est pas non plus un exemple isolé, car derrière les grands discours de révolution technique se cache une masse de travailleurs invisibles dont les rangs se comptent en centaines de millions, selon des estimations. "On n'est pas du tout en train de créer des programmes qui se passent de l'humain, résume Antonio Casilli, professeur à l'Institut polytechnique de Paris. L'IA demande une quantité de travail humain énorme et absolument indispensable, dans toute la chaîne de production".

La majorité de cette masse humaine est très loin des grands patrons ou des ingénieurs renommés. Elle est constituée d'une armada de travailleurs anonymes éclatée à travers le monde, du Venezuela à Madagascar en passant par des camps de réfugiés au Liban et des prisons finlandaises. Des petites mains qui construisent le futur clic après clic, souvent dans un secret et une précarité bien gardés.

Cliquer encore et encore

Le prix de cette modernité ? Aux Philippines, entre 1,50 et 3 dollars par "tâche". C'est ce que la plateforme de travailleurs indépendants Remotasks verse en moyenne à Eduardo* pour placer, clic par clic, pixel par pixel, les contours qui délimitent sur une image un panneau de signalisation. Puis un véhicule. Puis un buisson. Une "tâche" qui lui prend en général une heure ou moins et qu'il répète inlassablement, huit heures par jour, six jours par semaine. Ces images serviront ensuite à entraîner des algorithmes d'analyse vidéo, par exemple pour les voitures autonomes ou la surveillance algorithmique. "C'est un travail intéressant", assure à franceinfo le jeune Philippin, qui travaille sur la plateforme depuis un peu plus de trois ans. Tout le monde ne sera pas du même avis, mais sans lui, l'appareil photo de votre smartphone aurait beaucoup de mal à identifier un visage, et la conduite semi-autonome de Tesla serait encore un rêve de science-fiction. Et vous-même y avez déjà contribué.

Que ce soit en laissant un "j'aime" sur Facebook ou en identifiant les images contenant une voiture dans un test captcha, vos retours participent à entraîner des algorithmes gratuitement depuis des années. Mais pour créer les IA qui ont bluffé le monde ces derniers mois, comme ChatGPT ou Midjourney, il faut des milliards d'exemples. Des données qui doivent souvent être "annotées", autrement dit accompagnées de commentaires, pour que la machine reproduise les catégories d'analyse de l'humain : faire comprendre que "ce tas de pixels est un enfant", que "cette phrase est fausse" ou que "cet élément évoque des comportements illégaux et ne doit pas être reproduit".

Et l'entraînement ne s'arrête jamais. "C'est un peu comme des athlètes, compare Antonio Casilli. Il faut constamment les entraîner, les adapter, les vérifier". Il s'agit d'évaluer les réponses, en soumettant aux IA des exemples toujours plus précis ou adaptés au nouveau contexte culturel. Autant de tâches qu'il est actuellement impossible d'automatiser.

"Ce n'est pas suffisant, mais c'est déjà quelque chose"

Astro* est l'un de ces nouveaux "entraîneurs d'IA". L'entrepreneur originaire de Tanzanie, qui a récemment terminé ses études de linguistique en France, réalise des tâches en indépendant à temps partiel via la plateforme Appen. "Il faut parfois isoler un visage dans une photo, dire si une image devrait apparaître dans la rubrique Souvenirs de Google Photos, si un texte est factuel ou non, créer des questions/réponses de culture générale...", explique-t-il à franceinfo. Il doit pour cela suivre des règles souvent très détaillées ("Cinquante pages à apprendre par cœur !"), au point d'en devenir parfois obscures. A la clé : 16 dollars de l'heure sur ses projets actuels. "Plus tu travailles, plus tu gagnes", explique l'indépendant. Mais encore faut-il être sélectionné pour participer au projet.

A l'autre bout du spectre, des entreprises embauchent des annotateurs en interne, notamment pour des tâches qui nécessitent une expertise précise. Mais pour nombre d'entre elles, la solution la plus rentable est souvent la sous-traitance : à des entreprises dans d'autres pays qui embauchent des annotateurs localement, comme Sama, ou encore à des plateformes comme Remotasks, Appen ou Toloka, qui transfèrent les missions à des travailleurs indépendants payés à la "micro-tâche".

"Ces travailleurs sont souvent recrutés dans des pays à faibles revenus, et géopolitiquement instables." Antonio Casilli, professeur à l'Institut polytechnique de Paris

A ces critères, Antonio Casilli ajoute des taux d'éducation et d'équipement informatique importants, l'existence d'une industrie de centres d'appels ou des relations fortes avec une ancienne puissance coloniale. Plusieurs noms de pays reviennent souvent : les Philippines, Madagascar, le Kenya, le Venezuela, le Pakistan…

Dans ces pays, un tel travail représente souvent un filet de sécurité précieux. "Ce n'est pas une source de travail fixe ou suffisante, mais c'est au moins quelque chose, résume Maria*. La crise économique au Venezuela a forcé beaucoup d'entre nous à quitter le marché du travail", raconte à franceinfo l'ingénieure industrielle, qui s'est lancée sur Remotasks à la faveur du confinement, en 2020. Après avoir suivi une formation, elle travaille aujourd'hui trois jours par semaine sur la plateforme, à raison de 10 heures par jour.

Pour quel salaire ? "Les tâches de catégorisation données par Remotasks au Venezuela peuvent prendre seulement quelques minutes et être payées 11 centimes de dollar, détaille Maria. D'autres beaucoup plus complexes peuvent durer huit heures ou plus, comme l'annotation de vidéos ou de données lidar, et être payées 10 dollars." Mais tout dépend du pays et de la difficulté de la tâche. Un "eldorado" relatif qui attire, y compris parfois des mineurs qui mentent sur leur âge pour rejoindre ces plateformes de micro-tâches, raconte le site spécialisé Wired. 

Précarité et dépendance

Mais ces espoirs ne suffisent pas à en faire un emploi de rêve. Même si une tâche peut être payée correctement par rapport au marché local, les travailleurs du clic déplorent souvent la différence de traitements entre les pays. "Les entreprises profitent de notre pauvreté", estime Andry*, annotateur à Madagascar, pour qui "un agent en Inde ou au Maroc sera mieux payé que nous". Le mode de calcul des rémunérations n'est jamais précisément expliqué.

"Il y a clairement une forme de néo-colonialisme."

Antonio Casilli, professeur à l'Institut polytechnique de Paris

Pour gagner des sommes correctes, les indépendants doivent être disponibles à toute heure du jour et de la nuit et s'adapter à des projets aux durées variables. "Sur Appen, les tâches arrivent à l'heure américaine, donc vers 21 heures en France", explique par exemple Astro*. "Sur une autre plateforme, j'ai reçu une tâche vendredi vers 19 heures, j'ai travaillé 45 heures sur le week-end, j'ai gagné 1 200 euros", résume Astro, qui dit apprécier le travail de nuit. 

Ce que certains voient comme une "opportunité professionnelle" peut aussi se transformer en piège. En Chine, des établissements promettent à leurs étudiants une formation en "IA" ou en "Big data", mais les forcent à annoter des images toute la journée pour un salaire inférieur au minimum légal, raconte le média Rest of World. Cette pratique n'est pas spécifique à la Chine, assure Antonio Casilli, qui cite également l'exemple de Madagascar.

"L'IA ne peut pas être éthique si elle est entraînée de façon immorale"

A qui profite ce travail souvent ingrat, parfois à la frontière de l'éthique ? Difficile de le savoir : l'industrie baigne dans un épais voile de secret, et comme dans le cas de Mophat Okinyi, les annotateurs indépendants savent rarement à qui sont destinées les données qu'ils traitent. "Je sais que le client est au Japon, mais c'est tout. On ne nous a rien dit sur eux", note Eduardo* à propos d'une de ses missions d'annotation, fournie par Remotasks aux Philippines.

"Les entreprises d'IA expliquent que si elles étaient pleinement transparentes sur leurs besoins en données, cela pourrait donner des indices sur leurs projets en cours et influencer les réponses des contributeurs", résume Antonio Casilli d'un ton sceptique. "Elles veulent échapper à leurs responsabilités", assène Mophat Okinyi, qui ne savait pas que son travail servirait à OpenAI avant la fin anticipée du contrat, à la demande de Sama, en mars 2022. 

"Si les annotateurs savaient qu'ils travaillent pour une entreprise qui génère des centaines de millions de dollars comme OpenAI, ils n'accepteraient pas des salaires si bas." Mophat Okinyi, ex-analyste qualité chez Sama

Ce travail peut-il être organisé de manière à satisfaire tout le monde, géants de la tech comme travailleurs du clic ? "Il faut plus de transparence, les entreprises basées à San Francisco doivent prendre leurs responsabilités", réclame Mophat Okinyi. Il s'est associé à 150 travailleurs du secteur de l'annotation et de la modération des plateformes pour créer l'Union des modérateurs de contenus du Kenya, qui devrait être autorisée "dans les deux mois", et a cofondé l'ONG Techworker Community Africa pour militer en faveur de meilleurs pratiques. "L'IA ne peut pas être éthique si elle est entraînée de façon immorale, en exploitant des gens en difficulté économique et sur des données volées", assène-t-il.

"Beaucoup de gens ne savent pas qu'il y a de l'humain derrière l'IA. Il faudrait que ce soit plus connu, et mieux payé." Astro, annotateur de données

Pour Antonio Casilli, il faut commencer par oublier l'idée que l'IA est seulement une prouesse d'ingénieurs ou d'entrepreneurs. " Nous sommes tous en quelque sorte les producteurs de ces IA, parce que ce sont nos données qui servent à les entraîner, mais nous ne sommes pas reconnus comme tels. Tant qu'on continuera à penser que l'IA est seulement l'affaire de Sam Altman, on aura un problème."

* Les prénoms suivis d'un astérisque ont été modifiés.

Auteur: Internet

Info: Francetvinfo.fr - Luc Chagnon, 9 avril 2024

[ texte-image ] [ homme-machine ] [ données intelligentes ] [ enrichies ] [ nord-sud ] [ domination économique ] [ data augmenté ] [ bases sémantiques ] [ post-colonialisme ]

 

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homme-animal

La conscience du Dauphin
Bien entendu, les modèles du monde ne manqueront pas de différer selon le degré où les systèmes sensoriels périphériques diffèrent.
Le travail du cerveau est en effet, au moins en partie, de construire une réalité cohérente à partir de données sensorielles spécifiques, réalité qui constitue d’ailleurs la seule connue par celui qui l’expérimente au détriment de toutes les autres.
Dans le cas du dauphin, le système nerveux est celui d’un herbivore retourné à la mer, il y a quelques millions d’années, et ne diffère donc pas fondamentalement de celui de n’importe quel autre grand mammifère.
Le monde physique en revanche, au sein duquel il évolue, nous poserait à nous, humains, d’impossibles défis. C’est pourquoi les cétacés ont développé tout à la fois des formes physiques mieux adaptées au milieu marin mais surtout tout un outillage sensoriel susceptible des les aider à survivre dans un monde humide, froid et obscur, où règnent de fortes pressions.
Faire l’expérience d’une telle subjectivité est par définition une tâche impossible. Même entre époux, entre amis, entre enfants et parents, cette connaissance ne peut s’acquérir que par le biais maladroit du discours mais jamais nous ne pourrons accéder au "goût du monde" d’une autre espèce que la nôtre.
Il se fait heureusement que nos organes sensoriels et nos structures cérébrales sont des outils communs à tous les êtres humains, ce qui nous permet de fonder l’illusion d’un univers de formes stables et tangibles, dont l’existence fait l’unanimité mais que nous sommes les seuls à percevoir comme telles.
En revanche, nous sommes génétiquement incapables de nous figurer un monde filtré par d’autres sens que les nôtres, de la même manière qu’il nous est impossible de visualiser un cube en quatre dimensions ou simplement le monde des abeilles….
"Pouvez-vous imaginer l’expérience que représente le fait d’être sans cesse corrélé à une boussole solaire ?" nous demande le neurologue H.Jerison à ce propos "L’information consiste en la triangulation des objets externes relativement à un observateur (le je) et au soleil comme point de référence. Si cette réaction devait être représentée en terme de perception, on pourrait dire que l’abeille ou la fourmi ressent de manière constante l’existence des points cardinaux au sein d’un monde tridimensionnel de type euclidien. Si notre système sensoriel était celui des hyménoptères, c’est cela la seule réalité que nous pourrions percevoir.
L’intégration de deux points de référence, le soi et le soleil, plutôt qu’un seul soi unitaire en tant qu’origine et centre d’un monde périphérique, doit certainement mener à d’autres perspectives sur les dimensions fondamentales de la réalité. Il est intéressant d’imaginer les catégories additionnelles que Kant aurait pu reconnaître en tant qu’à priori si nous avions été équipés d’un tel système de navigation!"
Les expériences de Louis Herman nous apprennent que les dauphins partagent tout de même les mêmes dimensions que nous : le haut, le bas, la gauche la droite, devant, derrière, tout cela existe chez eux mais il semble qu’ils ignorent la nuance entre les adjectifs "grand" et "petit" et qu’ils construisent leurs phrases selon un mode syntaxique particulier. Ces expériences, profondément anthropocentristes, n’offrent qu’un pâle reflet d’un monde mental autrement plus riche et foisonnant en liberté, comme le montre avec bien plus d’éclat le très étrange langage delphinien mis à jour par le chercheur russe Vladimir Markov, mais elles sont à tout le moins significatives de la nature d’une conscience "autre" qui ne s’appuie pas sur nos paramètres.
Les sens et l’Umwelt
Imaginons un instant ce que pourrait être "l’Umwelt" d’un dauphin.
Au centre d’un réseau d’informations sensorielles qu’il ré-organise sans cesse en tant qu’images du monde, pulse un noyau de conscience conscient de lui-même.
La vision
Le monde visuel du dauphin peut être comparé à celui des espèces-proies, non prédatrices, comme le lapin ou le chevreuil, en ce sens que les champs visuels de ses yeux latéraux couvrent ensemble 360° mais qu’ils ne se chevauchent pas ou très peu.
L’absence de fibres non-croisées dans le chiasma optique suggère une plus large indépendance dans le contrôle des yeux et dans l’usage de l’information qu’ils fournissent, par rapport à ce que l’on observe chez les autres mammifères. Chacun des yeux est capable de mouvements propres, indépendants de ceux de l’autre œil et une certaine focalisation frontale peut donc être obtenue.
On peine cependant à imaginer un monde dans lequel le Soi se trouve ainsi de manière constante au centre d’un champ visuel circulaire de 360°.
Le nôtre, comme on le sait, se réduit à un cône de 120°.
Notre Soi se place juste derrière le front et les yeux, en vis-à-vis de l’objet focalisé par notre regard binoculaire et dans la ligne de fuite du cône, c’est-à-dire à peu près sur la glande pinéale. On comprend mieux dès lors la fausse intuition de René Descartes.
Incapables de distinguer le vert du rouge, les yeux des dauphins n’en sont pas moins d’une sensibilité extrême à l’instar des yeux de chat, percent l’obscurité et peuvent, d’une simple torsion de la rétine, adapter leur vision aux fonds marins ou à l’air libre. Par contre, le sens du relief leur est impossible, puisqu’ils ne sont pas binoculaires.
La "quasi-olfaction"
Le goût et l’odorat sont absents en tant que tels, remplacés par la "quasi-olfaction" qui consiste à filtrer une certaine quantité d’eau au travers de l’évent et à en goûter le parfum. Un tel sens est fondamental : le dauphin s’en sert pour repérer les femelles en rut autant que pour sentir les fèces de son groupe, nuage diffus de couleur foncée expulsé de manière régulière et qui donne à l’ensemble social une "odeur" propre.
Le toucher et le sens proprioceptif
Quiconque a jamais caressé la peau satinée d’un tursiops sait à quel point ce tissu est sensible, doux et fragile. Le sens du toucher joue lui aussi un rôle essentiel dans la vie de ces mammifères nus, qui n’aiment rien tant que de rester collés les uns contre les autres et d’échanger les caresses les plus voluptueuses.
Au niveau plus profond du sens proprioceptif, la différence avec nos perceptions s’accroît cependant encore davantage : "L’Umwelt des dauphins se fonde comme tout autre sur les caractéristiques de leur environnement" déclare Jerison, "et cet univers mental représente très certainement une adaptation cognitive optimale aux exigences environnementales du monde aquatique. A cet égard, l’un des traits principaux de cet univers marin – considéré depuis notre point de vue – est notamment l’absence d’une plate-forme stable tel que les mammifères l’éprouvent en se tenant sur la terre ferme".
Ce point est important, car le sol sur lequel nous nous tenons, le rôle essentiel de la gravité dans les adaptations anatomiques de la plupart des mammifères occupe une place centrale au plan biologique mais ne sont que rarement notées au niveau de la conscience vigile. Notre intuition s’épuise en revanche lorsque nous tentons d’imaginer les adaptations perceptuelles chez certaines espèces dont les données sensorielles sont profondément différentes des nôtres, et cela d’autant plus que nous ne sommes même pas conscients de notre propre spécificité sensorielle. Les informations relatives aux forces gravitationnelles qui s’exercent sur nos corps jouent également un rôle-clé chez le dauphin, mais d’une autre manière.
Celui-ci s’oriente en effet en "s’informant" régulièrement de la position de son corps par rapport aux fonds marins, à la surface de l’eau ou à la place du soleil au moment de l’observation.
Bien que les dauphins ne disposent d’aucun sol référentiel en guise de plate-forme fixe, mais qu’ils possèdent en revanche un degré de liberté dans les trois dimensions plus important que le nôtre, le sens de l’orientation spatiale est certainement fondamental pour eux. On peut imaginer ce que les cétacés ressentent en pensant à ces appareils d’entraînement destinés aux astronautes afin de les préparer à l’apesanteur.
Ces instruments sont de gigantesques balançoires, disposant de six degrés de liberté et permettant aux candidats pour l’espace de contrôler au mieux les diverses rotations possibles de leur axe corporel aussi bien que les mouvements de propulsion linéaire.
Si nous étions dauphins, nous nous trouverions dans un monde un peu semblable à celui d’un vol spatial à gravité zéro. Il est intéressant de noter à ce propos que l’expérience de l’apesanteur a crée chez les astronautes divers problèmes liés à cet environnement, telles que nausées, vertiges, migraines, etc. mais qu’elles n’ont cependant jamais altéré leur perception "juste" des choses.
Rappelons aussi, sans nous y étendre, à quel point la gestuelle constitue un mode de communication privilégié chez les dauphins : les degrés de liberté dont leur corps dispose leur a permis d’élaborer un véritable vocabulaire d’attitudes : ventre en l’air, en oblique, corps groupés par faisceaux, rostre au sol, caudale haute, inclinée, etc., le tout agrémenté ou non d’émissions de bulles et de vocalisations.
L’audition
Mais de tous les sens dont dispose le dauphin, c’est certainement l’audition qui est le plus développé et qui atteint des capacités discriminatoires sans aucun équivalent connu. Ce système sensoriel s’est transformé au cours des millénaires en écholocation, tout à la fois outil de connaissance (le monde externe "vu" par le son) et moyen de communication (le monde interne transmis par le langage). Cette convergence fonctionnelle ne manque pas d’entraîner des conséquences étonnantes !
D’après Harry J. Jerison : "Si le spectre auditif des dauphins est plus large que le nôtre de plusieurs octaves dans les fréquences les plus élevées, la caractéristique principale de ce système auditif est bien évidemment l’écholocation. Celle-ci pourrait contribuer à conférer au monde des dauphins une dimension inhabituelle, dépassant largement les perceptions élémentaires relatives aux événements survenant à distance. En tant qu’adaptation sensori-motrice, l’écholocation partage en effet certaines caractéristiques similaires à celles du langage humain".
Rappelons brièvement en quoi consiste cette vision acoustique d’un type inusité. Le dauphin émet en permanence – dès lors qu’il se déplace et cherche sa route activement – une série de "sons explosés" extrêmement brefs (moins d’une seconde d’émission continue). Ces "clicks" ne sont pas des sons purs mais des "bruits", d’inextricables petits paquets d’ondes situés sur des fréquences de 120 à 130 Khz et d’une puissance frisant parfois les 220 décibels. Ils retentissent sous l’eau comme une grêle de minuscules coups secs et nets enchaînés l’un à l’autre en de courtes séquences.
Les clicks sont émis sous forme d’un large faisceau, qui balaie par intermittence le sol sablonneux à la façon d’un projecteur. On peut donc dire que la nuit ou sous une certaine profondeur, le dauphin ne voit que lorsqu’il éclaire le paysage de ses éclairs sonores. Les informations reçues, assez grossières, concernent l’aspect du fond marin ou une masse importante, bateau ou autre cétacé.
Supposons à présent qu’un poisson soit repéré dans ce champ de vision "stroboscopique". Puisqu’il fait nuit, l’œil ne peut confirmer l’image en mode visuel.
Lorsque la chasse commence, le dauphin resserre alors le rayon de son biosonar et le dédouble en deux faisceaux.
Plus précis, mieux ciblés les trains de click bombardent le poisson sous tous ses angles et peuvent même pénétrer dans son corps en renvoyant l’image de ses organes internes.
Les deux trains de clicks sont produits presque simultanément, l’un à 20° à gauche de la ligne du rostre et l’autre à 20° sur la droite. Les deux rayons se chevauchent au point focal (0°) et fournissent une "visiaudition" de type, cette fois, binoculaire.
Un intervalle de 80 millièmes de seconde sépare l’émission de chacun des faisceaux, de sorte qu’en calculant le léger retard d’un écho par rapport à l’autre, le dauphin peut estimer la profondeur de champ et la distance qui le sépare de chaque élément de l’objet observé.
Se rapprochant de sa proie à toute vitesse, le dauphin n’a de cesse que de conserver le contact avec elle et multiplie la fréquence et l’intensité de ses trains de clicks, comme pour maintenir le "projecteur" allumé presque en continu.
Les ondes à haute fréquence ont une portée plus courte mais fournissent en revanche une bien meilleure définition des détails. En nageant, le dauphin opère un mouvement de balayage avec la tête avant d’obtenir une image complète de sa cible, que ses organes visuels conforteront par ailleurs.
S’il veut obtenir davantage de détails encore sur son contenu, le dauphin la bombardera alors sa cible à bout portant, d’un faisceau de clicks aussi fin et précis qu’un rayon laser.
Celui-ci pénètre la matière et en estime la densité avec une incroyable précision : la nature d’un métal (zinc plutôt que cuivre) ou des variations de l’épaisseur d’un tube de l’ordre d’un millième de millimètres sont alors parfaitement perçus par cette échographie biologique.
Une telle "vision acoustique" nous sera à tout jamais inimaginable, comme la couleur rouge l’est pour l’aveugle. Néanmoins, au prix d’une comparaison grossière, on peut mettre en parallèle la pluie d’échos que perçoivent les cétacés avec les pixels que l’œil humain perçoit sur un écran de télévision. Les pixels dessinent très rapidement une image en se succédant l’un à l’autre et laissent sur la rétine du téléspectateur une série de rémanences qui figurent le mouvement et les formes. Une scène visuelle est ainsi décodée à partir d’une séquence de taches ultra rapides surgissant sur l’écran. De la même manière, une expérience éidétique similaire est sans doute générée par les données discrètes de l’écholocation (clicks).
L’information pourrait être alors parfaitement comparable à celle que l’on obtient grâce au bombardement de photons dans le système visuel, à ceci près qu’elle parviendrait par un autre canal, en l’occurrence le canal auditif.

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homme-animal

CAPACITÉS COGNITIVES DU DAUPHIN

Au-delà de leur physiologie cérébrale, les dauphins font preuve de capacités extrêmement rares dans le domaine animal. Comme les humains, les dauphins peuvent imiter, aussi bien sur le mode gestuel que sur le mode vocal, ce qui est soi est déjà exceptionnel. Si certains oiseaux peuvent imiter la voix, ils n’imitent pas les attitudes. Les singes, de leur côté, imitent les gestes et non les mots. Le dauphin est capable des deux. Les dauphins chassent les poissons et se nourrissent d’invertébrés, mais ils usent pour ce faire de techniques complexes et variables, acquises durant l’enfance grâce à l’éducation. L’usage des outils ne leur est pas inconnu : un exemple frappant de cette capacité est la façon dont deux dauphins captifs s’y sont pris pour extraire une murène cachée dans le creux d’un rocher à l’intérieur de leur bassin. L’un d’eux a d’abord attrapé un petit poisson scorpion très épineux, qui passait dans le secteur, et l’ayant saisi dans son rostre, s’en est servi comme d’un outil pour extraire la murène de sa cachette. S’exprimant à propos de leur intelligence, le Dr Louis M.Herman, Directeur du Kewalo Basin Marine Mammal Laboratory de l’Université d’Hawaii, note que les dauphins gardent en mémoire des événements totalement arbitraires, sans le moindre rapport avec leur environnement naturel et sans aucune incidence biologique quant à leur existence.

Recherches sur le langage des dauphins

Beaucoup d’humains trouvent intrigante l’idée de communiquer avec d’autres espèces. A cet égard, le dauphin constitue un sujet attractif, particulièrement dans le domaine du langage animal, du fait de ses capacités cognitives et de son haut degré de socialisation. Dès le début des années soixante, c’est le neurologue John Lilly qui, le premier, s’est intéressé aux vocalisations des cétacés. Les recherches de Lilly se poursuivirent durant toute une décennie, tout en devenant de moins en moins conventionnelles. Le savant alla même jusqu’à tester les effets du L.S.D. sur les émissions sonores des dauphins et dut finalement interrompre ses recherches en 1969, lorsque cinq de ses dauphins se suicidèrent en moins de deux semaines. Malheureusement, nombre de découvertes ou de déclarations de John Lilly sont franchement peu crédibles et ont jeté le discrédit sur l’ensemble des recherches dans le domaine du langage animal. De ce fait, ces recherches sont aujourd’hui rigoureusement contrôlées et très méticuleuses, de sorte que les assertions des scientifiques impliquées dans ce secteur restent désormais extrêmement réservées.

Louis Herman est sans doute l’un des plus importants chercheurs à mener des études sur la communication et les capacités cognitives des dauphins. Son instrument de travail privilégié est la création de langues artificielles, c’est-à-dire de langages simples crées pour l’expérience, permettant d’entamer des échanges avec les dauphins. Louis Herman a surtout concentré ses travaux sur le phénomène de la "compréhension" du langage bien plus que sur la "production" de langage, arguant que la compréhension est le premier signe d’une compétence linguistique chez les jeunes enfants et qu’elle peut être testée de façon rigoureuse. En outre, la structure grammaticale qui fonde les langages enseignés s’inspire le plus souvent de celle de l’anglais. Certains chercheurs ont noté qu’il aurait été mieux venu de s’inspirer davantage de langues à tons ou à flexions, comme le chinois, dont la logique aurait parue plus familière aux cétacés. Dans les travaux d’Herman, on a appris à deux dauphins, respectivement nommés Akeakamai (Ake) et Phoenix, deux langues artificielles. Phoenix a reçu l’enseignement d’un langage acoustique produit par un générateur de sons électroniques. Akeakamai, en revanche, a du apprendre un langage gestuel (version simplifiée du langage des sourds-muets), c’est-à-dire visuel. Les signaux de ces langues artificiels représentent des objets, des modificateurs d’objet (proche, loin, gros, petit, etc.) ou encore des actions. Ni les gestes ni les sons ne sont sensés représenter de façon analogique les objets ou les termes relationnels auxquels ils se réfèrent. Ces langages utilisent également une syntaxe, c’est-à-dire des règles de grammaire simples, ce qui signifie que l’ordre des mots influe sur le sens de la phrase. Phoenix a appris une grammaire classique, enchaînant les termes de gauche à droite (sujet-verbe-complément) alors que la grammaire enseignée à Ake allait dans l’autre sens et exigeait de sa part qu’elle voit l’ensemble du message avant d’en comprendre le sens correctement. Par exemple, dans le langage gestuel de Ake, la séquence des signaux PIPE-SURFBOARD-FETCH ("tuyau – planche à surf – apporter") indiquait l’ordre d’amener la planche de surf jusqu’au tuyau, alors que SURFBOARD-PIPE-FETCH ("planche-tuyau- rapporter") signifiait qu’il fallait, au contraire, amener le tuyau jusqu’ à la planche de surf. Phoenix et Ake ont ainsi appris environ 50 mots, lesquels, permutés l’un avec l’autre au sein de séquences courtes, leur permirent bientôt de se servir couramment de plus de mille phrases, chacune produisant une réponse neuve et non apprise.

Compte tenu de l’influence possible de la position dans l’espace des expérimentateurs sur l’expérimentation, les lieux d’apprentissage et les entraîneurs se voyaient changés de session en session. Dans le même temps, des observateurs "aveugles", qui ne connaissaient pas les ordres et ne voyaient pas les entraîneurs, notaient simplement le comportement des dauphins, afin de vérifier ensuite qu’il correspondait bien aux commandes annoncées. Les entraîneurs allaient jusqu’à porter des cagoules noires, afin de ne révéler aucune expression ou intention faciale et se tenaient immobiles, à l’exception des mains. Les dauphins se montrèrent capables de reconnaître les signaux du langage gestuels aussi bien lorsqu’il étaient filmés puis rediffusés sur un écran vidéo que lorsque ces mêmes signes étaient exécutés à l’air libre par l’entraîneur. Même le fait de ne montrer que des mains pâles sur un fond noir ou des taches de lumière blanche reproduisant la dynamique des mains, a largement suffi aux dauphins pour comprendre le message ! Il semble donc que les dauphins répondent davantage aux symboles abstraits du langage qu’à tout autre élément de la communication.

Par ailleurs, si les dauphins exécutent aisément les ordres qu’on leur donne par cette voie gestuelle, ils peuvent également répondre de façon correcte à la question de savoir si un objet précis est présent ou absent, en pressant le levier approprié (le clair pour PRESENT, le sombre pour ABSENT). Ceci démontre évidement leur faculté de "déplacement mental", qui consiste à manipuler l’image d’objets qui ne se trouvent pas dans les environs. Des expériences additionnelles ont conduit à préciser comment le dauphin conçoit l’étiquetage des objets, comment il les qualifie de son point de vue mental. "Nous avons constaté" nous apprend Louis Herman, "qu’au regard du dauphin, le signe CERCEAU n’est pas seulement le cerceau précis utilisé dans le cadre de cette expérience précise, c’est plutôt TOUT OBJET DE GRANDE TAILLE PERCE D’UN GRAND TROU AU MILIEU. Un seul concept général associe donc pour le dauphin les cerceaux ronds, carrés, grands et petits, flottants ou immergés, que l’on utilise généralement lors de la plupart des expériences". Parmi les choses que le Dr Herman estime n’avoir pu enseigner aux dauphins, il y a le concept du "non" en tant que modificateur logique. L’ordre de "sauter au-dessus d’une non-balle" indique en principe que le dauphin doit sauter au-dessus de n’importe quoi, sauf d’une balle ! Mais cela n’est pas compris, pas plus, affirme toujours Herman, que le concept de "grand" ou de "petit".

Communication naturelle chez les dauphins

On sait que les dauphins émettent de nombreux sifflements, de nature très diverse. La fonction de la plupart d’entre eux demeure toujours inconnue mais on peut affirmer aujourd’hui que la moitié d’entre eux au moins constitue des "signatures sifflées". Un tel signal se module dans une fourchette de 5 à 20 kilohertz et dure moins d’une seconde. Il se distingue des autres sifflements - et de la signature de tous les autres dauphins – par ses contours particuliers et ses variations de fréquences émises sur un temps donné, ainsi que le montrent les sonogrammes. Les jeunes développent leur propre signature sifflée entre l’âge de deux mois et d’un an. Ces sifflements resteront inchangés douze ans au moins et le plus souvent pour la durée entière de la vie de l’animal. Par ailleurs, au-delà de leur seule fonction nominative, certains des sifflements du dauphin apparaissent comme de fidèles reproductions de ceux de leurs compagnons et servent manifestement à interpeller les autres par leur nom. Lorsqu’ils sont encore très jeunes, les enfants mâles élaborent leur propre signature sifflée, qui ressemble fort à celle de leur mère. En revanche, les jeunes femelles doivent modifier les leurs, précisément pour se distinguer de leur mère.

Ces différences reflètent sans doute celles qui existent dans les modes de vie des femelles et des mâles. Puisque les filles élèvent leur propre enfant au sein du groupe maternel, un sifflement distinct est donc indispensable pour pouvoir distinguer la maman de la grand mère. La signature sifflée masculine, presque identique à celle de la mère, permet tout au contraire d’éviter l’inceste et la consanguinité. Le psychologue James Ralston et l’informaticien Humphrey Williams ont découvert que la signature sifflée pouvait véhiculer bien plus que la simple identité du dauphin qui l’émet. En comparant les sonogrammes des signatures sifflées durant les activités normales et lors de situations stressantes, ils découvrirent que la signature sifflée, tout en conservant sa configuration générale, pouvait changer en termes de tonalité et de durée et transmettre ainsi des informations sur l’état émotionnel de l’animal. Les modifications causé par cet état émotionnel sur les intonations de la signature varient en outre selon les individus. Les dauphins semblent donc utiliser les sifflement pour maintenir le contact lorsqu’ils se retrouvent entre eux ou lorsqu’ils rencontrent d’autres groupes, mais aussi, sans doute, pour coordonner leur activités collectives. Par exemple, des sifflements sont fréquemment entendus lorsque le groupe entier change de direction ou d’activité.

De son côté, Peter Tyack (Woods Hole Oceanographic Institute) a travaillé aux côtés de David Staelin, professeur d’ingénierie électronique au M.I.T., afin de développer un logiciel d’ordinateur capable de détecter les "matrices sonores" et les signaux répétitifs parmi le concert de couinements, piaulements et autres miaulements émis par les dauphins. Une recherche similaire est menée par l’Université de Singapore (Dolphin Study Group). Avec de tels outils, les chercheurs espèrent en apprendre davantage sur la fonction précise des sifflements.

Dauphins sociaux

Les observations menées sur des individus sauvages aussi bien qu’en captivité révèlent un très haut degré d’ordre social dans la société dauphin. Les femelles consacrent un an à leur grossesse et puis les trois années suivantes à élever leur enfant. Les jeunes s’éloignent en effet progressivement de leur mère dès leur troisième année, restant près d’elle jusqu’à six ou dix ans ! – et rejoignent alors un groupe mixte d’adolescents, au sein duquel ils demeurent plusieurs saisons. Parvenus à l’âge pleinement adulte, vers 15 ans en moyenne, les mâles ne reviennent plus que rarement au sein du "pod" natal. Cependant, à l’intérieur de ces groupes d’adolescents, des liens étroits se nouent entre garçons du même âge, qui peuvent persister la vie entière. Lorsque ces mâles vieillissent, ils ont tendance à s’associer à une bande de femelles afin d’y vivre une paisible retraite. Bien que les dauphins pratiquent bien volontiers la promiscuité sexuelle, les familles matriarcales constituent de fortes unités de base de la société dauphin. Lorsqu’une femelle donne naissance à son premier enfant, elle rejoint généralement le clan de sa propre mère et élève son delphineau en compagnie d’autres bébés, nés à la même saison. La naissance d’un nouveau-né donne d’ailleurs souvent lieu à des visites d’autres membres du groupe, mâles ou femelles, qui s’étaient séparés de leur mère depuis plusieurs années. Les chercheurs ont également observé des comportements de "baby-sitting", de vieilles femelles, des soeurs ou bien encore d’autres membres du groupe, voire même un ancien mâle prenant alors en charge la surveillance des petits. On a ainsi pu observer plusieurs dauphins en train de mettre en place une véritable "cour de récréation", les femelles se plaçant en U et les enfants jouant au milieu ! (D’après un texte du Dr Poorna Pal)

Moi, dauphin.

Mais qu’en est-il finalement de ce moi central au coeur de ce monde circulaire sans relief, sans couleurs constitué de pixels sonores ? C’est là que les difficultés deviennent insurmontables tant qu’un "contact" n’aura pas été vraiment établi par le dialogue car le "soi" lui-même, le "centre de la personne" est sans doute construit de façon profondément différente chez l’homme et chez le dauphin. H.Jerison parle carrément d’une "conscience collective". Les mouvements de groupe parfaitement coordonnés et quasi-simultanés, à l’image des bancs de poissons ou des troupeaux de gnous, que l’on observe régulièrement chez eux, suppose à l’évidence une pensée "homogène" au groupe, brusquement transformé en une "personne plurielle". On peut imaginer ce sentiment lors d’un concert de rock ou d’une manifestation, lorsqu’une foule entière se tend vers un même but mais ces attitudes-là sont grossières, globales, peu nuancées. Toute autre est la mise à l’unisson de deux, trois, cinq (les "gangs" de juvéniles mâles associés pour la vie) ou même de plusieurs centaines de dauphins ensemble (de formidables "lignes de front" pour la pêche, qui s’étendent sur des kilomètres) et là, bien sûr, nous avons un comportement qui traduit un contenu mental totalement inconnu de nous. On sait que lorsqu’un dauphin voit, tout le monde l’entend. En d’autres termes chaque fois qu’un membre du groupe focalise son faisceau de clicks sur une cible quelconque, l’écho lui revient mais également à tous ceux qui l’entourent. Imaginons que de la même manière, vous regardiez un beau paysage. La personne qui vous tournerait le dos et se tiendrait à l’arrière derrière vous pourrait le percevoir alors aussi bien que vous le faites. Cette vision commune, qui peut faire croire à de la télépathie, n’est pas sans conséquence sur le contenu mental de chaque dauphin du groupe, capable de fusionner son esprit à ceux des autres quand la nécessité s’en fait sentir. Ceci explique sans doute la formidable capacité d’empathie des dauphins mais aussi leur fidélité "jusqu’à la mort" quand il s’agit de suivre un compagnon qui s’échoue. Chez eux, on ne se sépare pas plus d’un ami en détresse qu’on ne se coupe le bras quand il est coincé dans une portière de métro ! En d’autres circonstances, bien sûr, le dauphin voyage seul et il "rassemble" alors sa conscience en un soi individualisé, qui porte un nom, fait des choix et s’intègre dans une lignée. Il en serait de même pour l’homme si les mots pouvaient faire surgir directement les images qu’ils désignent dans notre cerveau, sans passer par le filtre d’une symbolisation intermédiaire. Si quelqu’un me raconte sa journée, je dois d’abord déchiffrer ses mots, les traduire en image et ensuite me les "représenter". Notre système visuel étant indépendant de notre système auditif, un processus de transformation préalable est nécessaire à la prise de conscience du message. Au contraire, chez le dauphin, le système auditif est à la fois un moyen de communication et un moyen de cognition "constructiviste" (analyse sensorielle de l’environnement). La symbolisation n’est donc pas nécessaire aux transferts d’images, ce qui n’empêche nullement qu’elle puisse exister au niveau des concepts abstraits. Quant à cette conscience fusion-fission, cet "ego fluctuant à géométrie variable", ils préparent tout naturellement le dauphin à s’ouvrir à d’autres consciences que la sienne. D’où sans doute, son besoin de nous sonder, de nous comprendre et de nous "faire" comprendre. Un dauphin aime partager son cerveau avec d’autres, tandis que l’homme vit le plus souvent enfermé dans son crâne. Ces êtres-là ont décidément beaucoup à nous apprendre...

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question

Réel ou imaginaire ? Comment votre cerveau fait la différence.

De nouvelles expériences montrent que le cerveau fait la distinction entre les images mentales perçues et imaginées en vérifiant si elles franchissent un "seuil de réalité".

(image - Nous confondons rarement les images qui traversent notre imagination avec des perceptions de la réalité, bien que les mêmes zones du cerveau traitent ces deux types d'images).

S'agit-il de la vraie vie ? S'agit-il d'un fantasme ?

Ce ne sont pas seulement les paroles de la chanson "Bohemian Rhapsody" de Queen. Ce sont aussi les questions auxquelles le cerveau doit constamment répondre lorsqu'il traite des flux de signaux visuels provenant des yeux et des images purement mentales issues de l'imagination. Des études de scintigraphie cérébrale ont montré à plusieurs reprises que le fait de voir quelque chose et de l'imaginer suscite des schémas d'activité neuronale très similaires. Pourtant, pour la plupart d'entre nous, les expériences subjectives qu'elles produisent sont très différentes.

"Je peux regarder par la fenêtre en ce moment même et, si je le veux, imaginer une licorne marchant dans la rue", explique Thomas Naselaris, professeur associé à l'université du Minnesota. La rue semblerait réelle et la licorne ne le serait pas. "C'est très clair pour moi", a-t-il ajouté. Le fait de savoir que les licornes sont mythiques n'entre guère en ligne de compte : Un simple cheval blanc imaginaire semblerait tout aussi irréel.

Alors pourquoi ne sommes-nous pas constamment en train d'halluciner ?" s'interroge Nadine Dijkstra, chercheuse postdoctorale à l'University College de Londres. Une étude qu'elle a dirigée, récemment publiée dans Nature Communications, apporte une réponse intrigante : Le cerveau évalue les images qu'il traite en fonction d'un "seuil de réalité". Si le signal passe le seuil, le cerveau pense qu'il est réel ; s'il ne le passe pas, le cerveau pense qu'il est imaginé.

Ce système fonctionne bien la plupart du temps, car les signaux imaginaires sont généralement faibles. Mais si un signal imaginé est suffisamment fort pour franchir le seuil, le cerveau le prend pour la réalité.

Bien que le cerveau soit très compétent pour évaluer les images dans notre esprit, il semble que "ce type de vérification de la réalité soit une lutte sérieuse", a déclaré Lars Muckli, professeur de neurosciences visuelles et cognitives à l'université de Glasgow. Les nouvelles découvertes soulèvent la question de savoir si des variations ou des altérations de ce système pourraient entraîner des hallucinations, des pensées envahissantes ou même des rêves.

"Ils ont fait un excellent travail, à mon avis, en prenant une question dont les philosophes débattent depuis des siècles et en définissant des modèles avec des résultats prévisibles et en les testant", a déclaré M. Naselaris.

Quand les perceptions et l'imagination se mélangent

L'étude de Dijkstra sur les images imaginées est née dans les premiers jours de la pandémie de Covid-19, lorsque les quarantaines et les fermetures d'usines ont interrompu son programme de travail. S'ennuyant, elle a commencé à parcourir la littérature scientifique sur l'imagination, puis a passé des heures à éplucher des documents pour trouver des comptes rendus historiques sur la façon dont les scientifiques ont testé un concept aussi abstrait. C'est ainsi qu'elle est tombée sur une étude réalisée en 1910 par la psychologue Mary Cheves West Perky.

Perky a demandé à des participants d'imaginer des fruits en regardant un mur vide. Pendant qu'ils le faisaient, elle a secrètement projeté des images extrêmement faibles de ces fruits - si faibles qu'elles étaient à peine visibles - sur le mur et a demandé aux participants s'ils voyaient quelque chose. Aucun d'entre eux n'a cru voir quelque chose de réel, mais ils ont commenté la vivacité de leur image imaginaire. "Si je n'avais pas su que j'imaginais, j'aurais cru que c'était réel", a déclaré l'un des participants.

La conclusion de Perky était que lorsque notre perception d'une chose correspond à ce que nous savons que nous imaginons, nous supposons qu'elle est imaginaire. Ce phénomène a fini par être connu en psychologie sous le nom d'effet Perky. "C'est un grand classique", déclare Bence Nanay, professeur de psychologie philosophique à l'université d'Anvers. Il est devenu en quelque sorte "obligatoire, lorsqu'on écrit sur l'imagerie, de donner son avis sur l'expérience Perky".

Dans les années 1970, le chercheur en psychologie Sydney Joelson Segal a ravivé l'intérêt pour les travaux de Perky en actualisant et en modifiant l'expérience. Dans une étude de suivi, Segal a demandé aux participants d'imaginer quelque chose, comme la ligne d'horizon de la ville de New York, pendant qu'il projetait faiblement quelque chose d'autre sur le mur, par exemple une tomate. Ce que les participants voyaient était un mélange de l'image imaginée et de l'image réelle, comme la ligne d'horizon de la ville de New York au coucher du soleil. Les résultats obtenus par Segal suggèrent que la perception et l'imagination peuvent parfois "se mélanger littéralement", a déclaré Nanay.

Toutes les études visant à reproduire les résultats de Perky n'ont pas abouti. Certaines d'entre elles ont impliqué des essais répétés pour les participants, ce qui a brouillé les résultats : Une fois que les gens savent ce que vous essayez de tester, ils ont tendance à modifier leurs réponses en fonction de ce qu'ils pensent être correct, a déclaré Naselaris.

Sous la direction de Steve Fleming, expert en métacognition à l'University College London, Dijkstra a donc mis au point une version moderne de l'expérience qui permet d'éviter ce problème. Dans leur étude, les participants n'ont jamais eu l'occasion de modifier leurs réponses car ils n'ont été testés qu'une seule fois. Les travaux ont permis de modéliser et d'examiner l'effet Perky et deux autres hypothèses concurrentes sur la manière dont le cerveau distingue la réalité de l'imagination.

Quand imagination et perception se mélangent

L'étude de Dijkstra sur les images imaginées est née dans les premiers jours de la pandémie de Covid-19, lorsque les quarantaines et les fermetures d'usines ont interrompu son programme de travail. S'ennuyant, elle a commencé à consulter la littérature scientifique sur l'imagination, puis a passé des heures à éplucher les journaux pour trouver des comptes rendus historiques sur la façon dont les scientifiques ont testé un concept aussi abstrait. C'est ainsi qu'elle est tombée sur une étude réalisée en 1910 par la psychologue Mary Cheves West Perky.

Perky a demandé à des participants d'imaginer des fruits en regardant un mur vide. Pendant qu'ils le faisaient, elle a secrètement projeté des images extrêmement faibles de ces fruits - si faibles qu'elles étaient à peine visibles - sur le mur et a demandé aux participants s'ils voyaient quelque chose. Aucun d'entre eux n'a cru voir quelque chose de réel, mais ils ont commenté la vivacité de leur image imaginaire. "Si je n'avais pas su que j'imaginais, j'aurais cru que c'était réel", a déclaré l'un des participants.

La conclusion de Perky était que lorsque notre perception d'une chose correspond à ce que nous savons que nous imaginons, nous supposons qu'elle est imaginaire. Ce phénomène a fini par être connu en psychologie sous le nom d'effet Perky. "C'est un grand classique", déclare Bence Nanay, professeur de psychologie philosophique à l'université d'Anvers. Il est devenu en quelque sorte "obligatoire, lorsqu'on écrit sur l'imagerie, de donner son avis sur l'expérience Perky".

Dans les années 1970, le chercheur en psychologie Sydney Joelson Segal a ravivé l'intérêt pour les travaux de Perky en actualisant et en modifiant l'expérience. Dans une étude de suivi, Segal a demandé aux participants d'imaginer quelque chose, comme la ligne d'horizon de la ville de New York, pendant qu'il projetait faiblement quelque chose d'autre sur le mur, par exemple une tomate. Ce que les participants voyaient était un mélange de l'image imaginée et de l'image réelle, comme la ligne d'horizon de la ville de New York au coucher du soleil. Les résultats obtenus par Segal suggèrent que la perception et l'imagination peuvent parfois "se mélanger littéralement", a déclaré Nanay.

Toutes les études visant à reproduire les résultats de Perky n'ont pas abouti. Certaines d'entre elles ont impliqué des essais répétés pour les participants, ce qui a brouillé les résultats : Une fois que les gens savent ce que vous essayez de tester, ils ont tendance à modifier leurs réponses en fonction de ce qu'ils pensent être correct, a déclaré Naselaris.

Sous la direction de Steve Fleming, expert en métacognition à l'University College London, Dijkstra a donc mis au point une version moderne de l'expérience qui permet d'éviter ce problème. Dans leur étude, les participants n'ont jamais eu l'occasion de modifier leurs réponses car ils n'ont été testés qu'une seule fois. Les travaux ont permis de modéliser et d'examiner l'effet Perky et deux autres hypothèses concurrentes sur la manière dont le cerveau distingue la réalité de l'imagination.

Réseaux d'évaluation

L'une de ces hypothèses alternatives affirme que le cerveau utilise les mêmes réseaux pour la réalité et l'imagination, mais que les scanners cérébraux d'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) n'ont pas une résolution suffisamment élevée pour permettre aux neuroscientifiques de discerner les différences dans la manière dont les réseaux sont utilisés. L'une des études de Muckli, par exemple, suggère que dans le cortex visuel du cerveau, qui traite les images, les expériences imaginaires sont codées dans une couche plus superficielle que les expériences réelles.

Avec l'imagerie cérébrale fonctionnelle, "nous plissons les yeux", explique Muckli. Dans chaque équivalent d'un pixel d'un scanner cérébral, il y a environ 1 000 neurones, et nous ne pouvons pas voir ce que fait chacun d'entre eux.

L'autre hypothèse, suggérée par des études menées par Joel Pearson à l'université de Nouvelle-Galles du Sud, est que les mêmes voies cérébrales codent à la fois pour l'imagination et la perception, mais que l'imagination n'est qu'une forme plus faible de la perception.

Pendant le confinement de la pandémie, Dijkstra et Fleming ont recruté des participants pour une étude en ligne. Ils ont demandé à 400 participants de regarder une série d'images statiques et d'imaginer des lignes diagonales s'inclinant vers la droite ou vers la gauche. Entre chaque essai, ils devaient évaluer la vivacité de l'image sur une échelle de 1 à 5. Ce que les participants ne savaient pas, c'est qu'au cours du dernier essai, les chercheurs ont lentement augmenté l'intensité d'une faible image projetée de lignes diagonales - inclinées soit dans la direction que les participants devaient imaginer, soit dans la direction opposée. Les chercheurs ont ensuite demandé aux participants si ce qu'ils voyaient était réel ou imaginé.

Dijkstra s'attendait à trouver l'effet Perky, c'est-à-dire que lorsque l'image imaginée correspondait à l'image projetée, les participants considéreraient la projection comme le produit de leur imagination. Au lieu de cela, les participants étaient beaucoup plus enclins à penser que l'image était réellement présente.

Pourtant, il y avait au moins un écho de l'effet Perky dans ces résultats : Les participants qui pensaient que l'image était là la voyaient plus clairement que les participants qui pensaient qu'il s'agissait de leur imagination.

Dans une deuxième expérience, Dijkstra et son équipe n'ont pas présenté d'image lors du dernier essai. Mais le résultat a été le même : les personnes qui considéraient que ce qu'elles voyaient était plus vivant étaient également plus susceptibles de le considérer comme réel.

Ces observations suggèrent que l'imagerie dans notre esprit et les images réelles perçues dans le monde se mélangent, a déclaré Mme Dijkstra. "Lorsque ce signal mixte est suffisamment fort ou vif, nous pensons qu'il reflète la réalité. Il est probable qu'il existe un seuil au-delà duquel les signaux visuels semblent réels au cerveau et en deçà duquel ils semblent imaginaires, pense-t-elle. Mais il pourrait également s'agir d'un continuum plus graduel.

Pour savoir ce qui se passe dans un cerveau qui tente de distinguer la réalité de l'imagination, les chercheurs ont réanalysé les scanners cérébraux d'une étude antérieure au cours de laquelle 35 participants avaient imaginé et perçu avec vivacité diverses images, allant de l'arrosoir au coq.

Conformément à d'autres études, ils ont constaté que les schémas d'activité dans le cortex visuel étaient très similaires dans les deux scénarios. "L'imagerie vive ressemble davantage à la perception, mais il est moins évident de savoir si la perception faible ressemble davantage à l'imagerie", a déclaré M. Dijkstra. Il y a des indices selon lesquels le fait de regarder une image faible pourrait produire un schéma similaire à celui de l'imagination, mais les différences n'étaient pas significatives et doivent être examinées de manière plus approfondie.

(image photo - Les scanners des fonctions cérébrales montrent que les images imaginées et perçues déclenchent des schémas d'activité similaires, mais que les signaux sont plus faibles pour les images imaginées (à gauche).

Ce qui est clair, c'est que le cerveau doit être capable de réguler avec précision la force d'une image mentale pour éviter la confusion entre l'imaginaire et la réalité. "Le cerveau doit faire preuve d'un grand sens de l'équilibre", explique M. Naselaris. "Dans un certain sens, il va interpréter l'imagerie mentale aussi littéralement que l'imagerie visuelle.

Les chercheurs ont découvert que l'intensité du signal pouvait être lue ou régulée dans le cortex frontal, qui analyse les émotions et les souvenirs (entre autres fonctions). Mais on ne sait pas encore exactement ce qui détermine la vivacité d'une image mentale ou la différence entre l'intensité du signal d'imagerie et le seuil de réalité. Il pourrait s'agir d'un neurotransmetteur, de modifications des connexions neuronales ou de quelque chose de totalement différent, a déclaré Naselaris.

Il pourrait même s'agir d'un sous-ensemble de neurones différent et non identifié qui fixe le seuil de réalité et détermine si un signal doit être dévié vers une voie pour les images imaginées ou une voie pour les images réellement perçues - une découverte qui relierait parfaitement la première et la troisième hypothèse, a déclaré Muckli.

Même si les résultats sont différents des siens, qui soutiennent la première hypothèse, Muckli apprécie leur raisonnement. Il s'agit d'un "article passionnant", a-t-il déclaré. C'est une "conclusion intrigante".

Selon Peter Tse, professeur de neurosciences cognitives au Dartmouth College, l'imagination est un processus qui va bien au-delà de la simple observation de quelques lignes sur un fond bruyant. L'imagination, dit-il, c'est la capacité de regarder ce qu'il y a dans votre placard et de décider ce que vous allez faire pour le dîner, ou (si vous êtes les frères Wright) de prendre une hélice, de la coller sur une aile et de l'imaginer en train de voler.

Les différences entre les résultats de Perky et ceux de Dijkstra pourraient être entièrement dues à des différences dans leurs procédures. Mais elles laissent également entrevoir une autre possibilité : nous pourrions percevoir le monde différemment de nos ancêtres.

L'étude de Mme Dijkstra ne portait pas sur la croyance en la réalité d'une image, mais plutôt sur le "sentiment" de la réalité. Les auteurs supposent qu'en raison de la banalisation des images projetées, des vidéos et autres représentations de la réalité au XXIe siècle, notre cerveau a peut-être appris à évaluer la réalité d'une manière légèrement différente qu'il y a un siècle.

Même si les participants à cette expérience "ne s'attendaient pas à voir quelque chose, ils s'y attendaient quand même plus que si vous étiez en 1910 et que vous n'aviez jamais vu de projecteur de votre vie", a déclaré M. Dijkstra. Le seuil de réalité est donc probablement beaucoup plus bas aujourd'hui que par le passé, de sorte qu'il faut peut-être une image imaginée beaucoup plus vive pour franchir le seuil et troubler le cerveau.

Une base pour les hallucinations

Ces résultats soulèvent la question de savoir si le mécanisme pourrait s'appliquer à un large éventail de conditions dans lesquelles la distinction entre l'imagination et la perception disparaît. M. Dijkstra suppose, par exemple, que lorsque les gens commencent à s'endormir et que la réalité commence à se confondre avec le monde des rêves, leur seuil de réalité pourrait s'abaisser. Dans des cas comme la schizophrénie, où il y a une "rupture générale de la réalité", il pourrait y avoir un problème d'étalonnage, a déclaré M. Dijkstra.

"Dans la psychose, il se peut que l'imagerie soit si bonne qu'elle atteigne le seuil, ou que le seuil soit décalé", a déclaré Karolina Lempert, professeur adjoint de psychologie à l'université Adelphi, qui n'a pas participé à l'étude. Certaines études ont montré que les personnes qui ont des hallucinations présentent une sorte d'hyperactivité sensorielle, ce qui suggère que le signal de l'image est augmenté. Mais des recherches supplémentaires sont nécessaires pour établir le mécanisme par lequel les hallucinations apparaissent, a-t-elle ajouté. "Après tout, la plupart des personnes qui font l'expérience d'images vivantes n'ont pas d'hallucinations.

Nanay pense qu'il serait intéressant d'étudier les seuils de réalité des personnes souffrant d'hyperphantasie, une imagination extrêmement vive qu'elles confondent souvent avec la réalité. De même, il existe des situations dans lesquelles les personnes souffrent d'expériences imaginées très fortes qu'elles savent ne pas être réelles, comme dans le cas d'hallucinations sous l'effet de drogues ou de rêves lucides. Dans des conditions telles que le syndrome de stress post-traumatique, les gens "commencent souvent à voir des choses qu'ils ne voulaient pas voir", et cela leur semble plus réel que cela ne devrait l'être, a déclaré M. Dijkstra.

Certains de ces problèmes peuvent être liés à des défaillances des mécanismes cérébraux qui aident normalement à faire ces distinctions. Dijkstra pense qu'il serait utile d'étudier les seuils de réalité des personnes atteintes d'aphantasie, l'incapacité d'imaginer consciemment des images mentales.

Les mécanismes par lesquels le cerveau distingue ce qui est réel de ce qui est imaginaire pourraient également être liés à la manière dont il distingue les images réelles des images factices (inauthentiques). Dans un monde où les simulations se rapprochent de la réalité, il sera de plus en plus difficile de faire la distinction entre les vraies et les fausses images, a déclaré M. Lempert. "Je pense que cette question est plus importante que jamais.

Mme Dijkstra et son équipe s'efforcent à présent d'adapter leur expérience pour qu'elle fonctionne dans un scanner cérébral. "Maintenant que le confinement est terminé, je veux à nouveau examiner des cerveaux", a-t-elle déclaré.

Elle espère enfin découvrir s'il est possible de manipuler ce système pour rendre l'imagination plus réelle. Par exemple, la réalité virtuelle et les implants neuronaux font actuellement l'objet de recherches pour des traitements médicaux, notamment pour aider les aveugles à retrouver la vue. La capacité de rendre les expériences plus ou moins réelles, dit-elle, pourrait être très importante pour ces applications.

Cela n'a rien d'extraordinaire, étant donné que la réalité est une construction du cerveau.

"Sous notre crâne, tout est inventé", explique Muckli. "Nous construisons entièrement le monde, dans sa richesse, ses détails, ses couleurs, ses sons, son contenu et son excitation. ... Il est créé par nos neurones".

Cela signifie que la réalité d'une personne sera différente de celle d'une autre, a déclaré M. Dijkstra : "La frontière entre l'imagination et la réalité n'est pas si solide.

Auteur: Internet

Info: https://www.quantamagazine.org/ Yasemin Saplakoglu, Staff Writer, May 24, 2023

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Ajouté à la BD par miguel