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déclaration d'amour

Depuis mercredi, je ne t’ai pas écrit. Je n’ai pas cessé d’avoir le cœur serré comme dans un étau. J’ai voulu faire ce qu’il fallait pour me débarrasser de cette idée fixe que j’avais. Rien n’y a fait. J’ai passé deux jours entiers couché, à lire vaguement et à fumer, pas rasé, et sans volonté – le seul signe que je t’ai donné de tout ça, c’est ma lettre de mercredi. Je pensais qu’aujourd’hui je recevrais ta réponse à cette lettre. Je me disais : "Elle répondra. Elle trouvera des mots qui dénoueront cette chose si affreusement serrée en moi."  Mais tu ne m’as pas écrit.

Je ne crois pas que je t’enverrai cette lettre. On n’a pas idée d’écrire avec le cœur que j’ai. Mais je ne peux m’empêcher de te dire que depuis plus d’une semaine, je suis dans une sorte de répugnant malheur à cause de toi et parce que tu n’es pas venue. Oh ! ma petite Maria, je crois vraiment que tu n’as pas compris. Tu n’as pas compris que je t’aimais profondément, avec toute ma force, toute mon intelligence et tout mon cœur. Tu ne m’as pas connu auparavant et c’est pourquoi sans doute tu ne pouvais pas comprendre. Tu m’as pourtant parlé un jour de mon cynisme et il y avait du vrai. Mais où est parti tout cela ?

Auteur: Camus Albert

Info: Correspondance (1944-1959) : à Maria Casarès, 17 juillet 1944. Camus a quitté la capitale, ne se sentant plus en sécurité du à ses activités au journal "Combat", il écrit cette lettre depuis Verdelot et signe ses lettres "Michel"

[ passion ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

déception

J’ai continué à écrire non parce que je me trouvais bon mais parce que les autres me paraissaient si mauvais, y compris Shakespeare, tous ces gars. Le formalisme guindé, comme l’impression de mâcher du carton. J’étais un peu paumé quand j’avais 16, 17, 18 ans, alors je suis allé à la bibliothèque et il n’y avait rien à lire. J’ai parcouru tous les rayons, tous les livres. Ensuite je suis retourné dans la rue et j’ai vu le premier visage, les immeubles, les bagnoles, tout ce qui avait été dit dans les livres n’avait rien à voir avec ce qui se trouvait sous mes yeux, c’était une imitation, une farce. Personne pour me venir en aide. Hegel, Kant… Un branleur du nom d’André Gide… Des noms, des noms, et des baudruches. Keats, quel sac à merde. Rien à sauver. J’ai commencé à voir quelque chose en Sherwood Anderson. Il a failli me montrer la voie, il était stupide et maladroit, mais il te laissait combler les vides. Impardonnable. Faulkner était aussi bidon qu’un tas de cire. Hemingway a démarré très fort, puis il a commencé à se tripoter la nouille et s’est transformé en cette grosse machine qui te pétait à la gueule. Céline a écrit un livre immortel qui m’a fait rire pendant des jours et des nuits (Voyage), ensuite il a viré vieille mémère en colère.

Auteur: Bukowski Charles

Info: Dans "Sur l'écriture", lettre à David Evanier, fin 1972

[ vacheries ] [ littérature ] [ fiction-réalité ] [ écrivains ] [ éloges ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

saturation

Elle commença à me parler des petites annonces et des journaux dans lesquels on pourrait insérer des avis pour vendre notre miel. Mais j’avais quant à moi à peine la force de l’écouter. Je n’étais pas vraiment fatigué, mais j’étais fatigué de toutes ces choses, de cet affairement incessant et infatigable – tout ça pour rien du tout. Car qu’est-ce que c’est après tout que vendre du miel par correspondance ? Ce n’est rien du tout, les gens le mangent, et puis c’est déjà fini, comme des bulles de savon, du néant chatoyant, rempli avec un peu d’air et inondé de lumière. La bulle éclate et il ne reste rien, tout ça n’est qu’illusion et magie noire ! Ah mais va-t’en donc ! Vas-tu t’arrêter de parler, ne cause donc pas tant que ça ! Laisse-moi en paix ! Pourquoi tu te fatigues ? […] Oui, si maintenant j’avais un schnaps, alors je pourrais à nouveau t’écouter avec attention. […] C’est parce que tu t’es installée dans ma vie que je ne peux pas faire ce qui me plaît dans la mienne. Non, non, bien sûr, c’est pas ce que je voulais dire, je l’aime bien quand même, la Magda, mais ce serait drôlement chic de sa part si elle pouvait pour un temps mettre les voiles et sortir complètement de ma vie – Oh la vache, quel ennui, quelle perpétuelle jacasseuse !

Auteur: Fallada Hans

Info: Dans "Le buveur"

[ emprisonnement ] [ inanité ] [ couple ] [ emmerdeuse volubile ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

insomnie

Je retournai dans ma chambre, refermai les portes et me couchai en sermonnant : "Il faut que je dorme. Il faut tout oublier jusqu’à demain. Il faut que je dorme." J’éteignis la lumière. Je fermai les yeux et, m’appliquant à ne penser à rien, m’efforçai de m’endormir. La lutte pour le sommeil est déjà quelque chose d’effrayant. On n’a pas de prises. La seule volonté de dormir vous tient éveillé. Je ne pensais à rien, mais il y avait pourtant en moi la volonté de dormir qui à mon insu me tenait éveillé. Je me retournais sans cesse. De temps en temps, à travers l’obscurité, venait à moi de très loin le tintement d’une horloge. Tout était noir. Je n’avais déjà plus de volonté. Pourtant, je ne dormais pas. Combien de temps s’écoula ainsi ? Je ne le sais pas. J’avais complètement perdu la notion du temps. J’étais absolument comme si je dormais, pourtant une conscience suffisante faisait que je savais que j’étais éveillé. A la longue, après m’être retourné je ne sais combien de fois, mon engourdissement se fit plus grand. Une joie minuscule m’envahit. J’allais perdre toute notion des choses lorsque, insensiblement, j’eus la sensation que mon cerveau grossissait, grossissait, que mon corps était de plomb, que tout mon être se gonflait et que, à mesure qu’il gonflait, je pouvais de moins en moins remuer afin de reprendre mon aspect habituel.

Auteur: Bove Emmanuel Bobovnikoff Dugast Vallois

Info: Journal écrit en hiver, Flammarion, 1983, pages 106-107

[ sensations ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

médecine amérindienne

Voici ce que Aigle Bleu nous raconte :

"Un jour en Gaspésie, je me suis blessé le visage sur un clou rouillé. Je n’y ai pas prêté attention plus qu’il ne faut car ce n’était pas une grosse blessure, mais après une demi-heure j’ai senti vibrer la blessure d’une grande pulsation. J’avais une rougeur de la grosseur d’une mandarine autour de la blessure. Quinze minutes plus tard, toute la moitié du visage était bouffi de cette rougeur. J’avais déjà entendu parler du tétanos, d’empoisonnement transmissible par le métal rouillé, je savais donc que cela pouvait être dangereux. Il m’était impossible de me déplacer, j’étais seul, je suis donc allé dans la forêt et j’ai lancé une prière aux végétaux, je leur ai demandé de m’aider… Tout à coup, j’ai entendu une plante, je la voyais dans mon esprit… Elle me disait de mastiquer ses feuilles et ensuite de les mettre sur ma blessure. Je me suis dirigé vers les buissons.J’ai vu une petite plante identique à ce que je voyais intérieurement. Je n’avais jamais vu une telle plante et d’ailleurs je n’en ai jamais revue depuis.

J’ai donc mastiqué ces feuilles, et je les ai mis sur ma blessure. Graduellement je voyais la rougeur se dissiper. Une heure plus tard, la rougeur a complètement disparu et j’étais guéri. Le lendemain je n’avais plus de blessure et le tout était déjà cicatrisé."

Auteur: Internet

Info: Rapporté par l'herboriste Laurence Lebrun

[ télépathie ] [ végétaux ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

formatage éditorial

- Venons-en à votre dernier livre, "Déchristianisation de la littérature". Vous parlez de "post-littérature". Qu’entendez-vous par là ?

- C’est une littérature asservie à un modèle romanesque international, tout comme il y a un hamburger ou un kebab international. Un roman à dominante anglo-saxonne, dépourvu de style, même de langue, formaté pour sa version filmique, un lectorat "cool", forcément politiquement correct. Le roman étant devenu le genre hégémonique, tout ce qui n’en relève pas n’appartient plus, commercialement, à ce qu’on appelle encore la littérature. Il me semblait intéressant de trouver un terme un peu plus percutant pour désigner cette production qui est au-delà du postmoderne même : la post-littérature, comme il y a une post-histoire. On me l’a reproché, bien sûr. Dans "Langue fantôme", je nommais quelques grandes têtes molles, comme Le Clézio, en montrant notamment que la phrase de ce prix Nobel était du spaghetti tiédasse. On s’en est servi pour me faire payer ce que j’avais déjà dit, en 2010, dans "l’Enfer du roman", à savoir qu’il n’y a presque plus de littérature en France, et que ce qui se publie relève en général de la fausse monnaie. Je devenais un traître ; s’en est suivi ce que vous savez : idéologisation de mes remarques, tribune d’Annie Ernaux dans le Monde, accompagnée d’une pétition signée d’une centaine de noms, démission du comité de lecture de Gallimard, opprobre, mort sociale, etc.

Auteur: Millet Richard

Info: Entretien accordé à Artpress, 2018.

[ lecture fast-food ] [ consumérisme fédérateur ] [ dictature de la moyenne ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

émerveillement

Pour la première fois je mangeais à la cantine.

J’ai bientôt onze ans et je pousse un plateau le long de deux rails en métal. Il fallait faire vite, choisir entre la peste et le choléra, pressée par les grands. Sous mes yeux s'étalaient les splendeurs de la nourriture industrielle. Enfin la France s'exprimait dans mon assiette : cordons bleus, carottes râpées, hachis Parmentier, concombre à la crème, céleri rémoulade. Tous ces mets exotiques étaient pour moi synonymes de modernité et de liberté. Salé, acide, tiède. Je jubilais de faire mon entrée dans le monde grâce à la cuisine du réfectoire. […] Je rencontrais des jeunes filles fraîches et françaises qui pourraient me faire sortir de mon territoire hispanique moyenâgeux entouré de barbelés. La première à me tendre la main portait le prénom prometteur de Flavie. En me liant à elle, je tournais le dos aux autres comme moi, les filles du rez-de-chaussée, espagnoles, portugaises et yougos. Je devenais un peu française.

Rêvant de m'appeler Sophie ou Julie, je tenais parfaitement mon rôle de jeune fille modèle devant les parents des copines qui m'invitaient à dîner, à dormir. Je jouais au singe savant. Oh, qu'elle est cultivée pour une fille de femme de ménage ! […] J’avais grandi comme une souris de laboratoire en captivité, j'avais enfin trouvé la sortie du labyrinthe que mes parents avaient construit autour de moi.

Auteur: Larrea Maria

Info: Les gens de Bilbao naissent où ils veulent, pp 75-76

[ enfantin ] [ adolescent ] [ libération ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

isolement

J’étais alors seul la plupart du temps, la vie conjugale et la vie dans les bois n’ayant pas fait bon ménage. Outre ma propre personne, je disposais de quatre chiens, de deux traîneaux, d’un harnais et de raquettes, de quelques livres et j’avais ma passion pour cette région. J’étais bien décidé à apprendre tout ce que je pouvais afin de me préparer à une longue vie dans les bois.
Pendant un temps, je posai mes pièges le long de la Tanana et sur les anciens chemins jouxtant Richardson et Tenderfoot, pas trop loin de chez moi. Sur le moment, j’en fus pour mes peines, malgré toutes ces expéditions et toutes ces recherches, tous ces regards perplexes scrutant la neige. Malgré tout, j’en tirai une leçon. J’appris à lire une piste animale, l’empreinte laissée sur la neige par la patte, l’aile ou la queue. D’une certaine façon, étrange et intuitive, c’était comme si je m’initiais à une langue étrangère où le moindre détail, le moindre accent avait une signification particulière. Cette langue m’amenait pas à pas dans un monde que j’avais, me semblait-il, connu naguère avant de l’oublier – un monde rempli d’ombres, hanté par les visions encore à moitié présentes du passé. J’y trouvais mes marques, plus ou moins certain – même si j’étais seul, loin de tout ce qui avait entouré mon enfance – que j’étais là où je devais être, à faire ce que je devais faire.

Auteur: Haines John Meade

Info: Vingt-cinq ans de solitude : Mémoires du Grand Nord

[ chasse ] [ nature ]

 

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émotion médiatique

-Vous avez vu pour ces cinquante petites filles brûlées vives dans cet orphelinat de Boston ?
-Oui.
-Horrible hein ?
-Je suppose que oui.
-Vous supposez ?
-Oui.
-Vous n’êtes pas sûr ?
-Si j’avais été là, je pense que j’en aurais eu des cauchemars pour le restant de ma vie. Mais quand on lit ça dans le journal, ce n’est pas pareil.
-ça vous fait pas de la peine ces cinquante petites filles brûlées vives ? Elles étaient aux fenêtres et elles hurlaient.
-Je suppose que c’était horrible. Mais vous comprenez, c’était juste le titre d’un journal, une histoire de journal. Ça ne m’a pas frappé. J’ai tourné la page.
-Vous voulez dire que ça ne vous fait rien ?
-Pas grand-chose.
Il est demeuré un moment sans rien dire et a bu une gorgée de bière. Puis il a hurlé :
-HÉ ! Y A UN MEC QUI DIT QUE CA LUI FAIT RIEN QUAND ON PARLE DE CES CINQUANTE PETITES ORPHELINES BRÛLÉES VIVES A BOSTON !
Tout le monde m’a regardé. J’ai contemplé le bout de ma cigarette. Il y a eu un long silence. Puis la femme à la perruque rousse a dit :
-Si j’étais un homme, je lui ferais remonter la rue à coups de pompe dans le cul.
-ET IL CROIT PAS EN DIEU NON PLUS, a repris le type à côté de moi. IL DÉTESTE LE BASE-BALL. IL ADORE LA CORRIDA, ET IL AIME VOIR DES PETITES ORPHELINES PÉRIR DANS LES FLAMMES !

Auteur: Bukowski Charles

Info: "Une bière au bar du coin" dans "Je t'aime Albert" pages 235-236

[ lynchage public ] [ faits divers ]

 

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idiomes musiques

Au commencement était le verbe nous disent les anciens. Pour moi, celui du commencement fut roumain. Le médecin et ceux qui avaient veillé sur ma difficile naissance parlaient le roumain. Chez moi, on parlait roumain, je passais la majeure partie de mon temps avec Maria, la jolie fille de paysans qui s’occupait de moi et m’adorait en roumain. Ce n’était, certes, pas la seule phonétique de mon environnement. Dans la Bucovine d’avant la dernière guerre mondiale, on parlait l’allemand, le yiddish, l’ukrainien, le polonais et un étrange mélange de slave, caractéristique des Ruthènes. La grande guerre fratricide entre le yiddish, la langue de l’exil, plébéienne, laïque, et l’hébreu sacré, élitiste, connut, ne l’oublions pas, son heure dramatique à la Conférence de Czernowitz en 1908, quand la victoire solennelle du yiddish (" les Juifs sont un seul peuple, leurs langues est le yiddish") ne pouvait laisser augurer la suprématie spectaculaire et définitive que la création de l’État d’Israël allait assurer quatre décennies plus tard à la langue hébraïque. Lorsque mon grand-père demanda si j’avais des ongles, afin d’évaluer les chances du nouveau-né, je suppose qu’il le fit en yiddish, bien qu’il sût l’hébreu, parlât couramment le roumain, et que dans sa librairie on vendît essentiellement des livres roumains.

À 5 ans, déporté en Transnistrie avec toute la population juive de Bucovine, je ne connaissais que le roumain. Lors de mon premier exode au-delà du Dniestr, la langue roumaine subit l’exil en même temps que moi.

Auteur: Manea Norman

Info: La cinquième impossibilité, p. 45, première page du texte "La langue exilée", 2002

[ judaïsme ] [ enfance ]

 

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