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impensable

Ainsi, la discussion autour des idées d’ "être" et de "non-être", qui commence avec la philosophie antique, se poursuit aujourd’hui sous une forme moderne. Dans l’Antiquité, "ce qui n’est pas" ne désigne pas seulement ce qui n’existe pas ; cette caractérisation renvoie toujours à une difficulté de la pensée. N’est pas ce à quoi on ne peut penser, ce qui se soustrait à l’entendement pensant, ce qui ne se laisse pas saisir et déterminer à l’aide de concepts. C’est dans ce sens, je crois, qu’il faut comprendre la question antique de l’être et du non-être. En ce sens, ce qui est variable et en devenir, entre autres donc la matière, apparaissait aux yeux d’une certaine psychologie comme quelque chose qui "n’est pas", une simple privatio des Idées. Face à cela, Aristote a posé, esquivant le conflit, le concept central de "ce qui est potentiellement" et l’a appliqué à l’hylé. L’hylé n’est certes pas "actu", elle est une privatio de la forme […], mais elle est "potentia" et n’es pas qu’une simple privatio. Cela marqua le début de différenciations importantes dans la pensée scientifique. Les autres propos d’Aristote au sujet de la matière (il s’en tint totalement à la conception de la matière comme quelque chose de passif et réceptif) ne sont pratiquement d’aucune utilité pour la physique et de nombreuses confusions chez Aristote me semblent venir du fait qu’il était écrasé par Platon, qui lui était largement supérieur en tant que penseur. Il ne parvint pas à mener à bien son projet de définir le possible et ses tentatives restèrent au stade d’ébauches.

Auteur: Pauli Wolfgang

Info: Lettre à C. G. Jung du 27 février 1953

[ historique ]

 

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philosophie

Je l’ai fait précéder de la question de savoir si le penseur gnostique voulait vraiment être Dieu ou si l’assurance de sa volonté n’était pas elle aussi une duperie. Le "Chant nocturne" [de Nietzsche] semble admettre la duperie – le penseur ne veut pas être Dieu, il lui faut l’être pour des raisons rebelles à tout examen. Face à cette seconde assurance, dépassant la première, surgit la question : devons-nous l’accepter ? Devons-nous considérer comme achevé le jeu des duperies ? Je ne le crois pas. Poursuivons le jeu et demandons-nous si le "Chant nocturne" ne serait pas lui aussi un masque. Gardons en mémoire que Nietzsche avoue connaître son exclusion et en souffrir ; retournons son aveu contre lui et posons la question suivante : celui qui perçoit sa situation comme un désordre irrémédiable de l’âme doit-il vraiment faire de nécessité vertu en érigeant cette condition en une image rectrice humaine ? Ses manques justifient-ils qu’il se livre à des danses dionysiaques en portant des masques ? Demandons-nous, avec la brutalité à laquelle l’époque nous contraint, si nous ne voulons pas en être les victimes, s’il n’eût pas plutôt eu l’obligation de se taire ? Et si sa plainte était plus qu’un masque, si elle était sincère, s’il souffrait de son état, ne se tairait-il pas ? Or Nietzsche ne se tait pas du tout ; et son éloquence est la preuve contraignante que sa plainte se situait seulement dans le domaine de sa compréhension empathique mais que, se dressant contre Dieu, il ne la laissait pas toucher au cœur de son existence, la preuve qu’elle n’était pas sincère, qu’elle était un masque. 

Auteur: Voegelin Eric

Info: Dans "Science, politique et gnose", trad. de l'allemand par Marc de Launay, Bayard, Paris, 2004, pages 45-46

[ pose de circonstance ] [ romantisme ] [ critique ]

 

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helvète

Il y a plusieurs décennies cette idée de "bâtir l'édifice" était vue comme un sentiment noble, altruiste, communautaire. Elle était le moteur d'un politicien de milice, responsable, intégré dans la population, avec une bienveillance naturelle et un bon sens acquis sur le terrain.
Aujourd'hui la Suisse même si elle s'en éloigne, reste une société assez proche de ce mode de fonctionnement. A la différence que les penseurs ou les dirigeants sont toujours plus formatés par l'extérieur, c'est à dire par des pensées issues de biotopes qui n'ont pas grand-chose à voir avec le nôtre. On ne fonctionne/raisonne pas la même chose dans le désert de l'Oklaoma, Le Matto Grosso, une ile océanienne ou en habitant une vallée alpine. Dans cet ordre d'idées l'assujettissement mental de certains politiques romands au "conceptuellement correct" de la France et ahurissant. Il suffit de voir comment Mme Lyon a réagi lorsqu'un pauvre prof inconscient fit une bêtise devant l'entrée d'un camp de concentration...
Démontrez moi que l'humain mondial est devenu sage, raisonnable et tutti quanti.... et j'entrerai en matière pour une pensée mondialiste dominante. Mais ça ne marche pas encore comme ça. Et puis, de toutes façons, l'homme a besoin, pour sa survie, de désordres et de remises en causes. Surtout au niveau local !
Notre planète, géographiquement morcelée et tourmentée, devra encore continuer de fonctionner ainsi, avec cette ouverture au possible que présentent toutes ses différences. Ainsi la Suisse n'a pas de motifs particuliers de changer. Nulle raison de perdre de vue ce qui a fait nos valeurs. Organisation, travail, efficacité, économie, écologie... et ouverture sur le monde.
Charité bien ordonnée... comme dirait l'autre.

Auteur: Mg

Info: 28 juillet 2013

[ de l'Europe et du monde ]

 

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sagesse

Loin de vous cette triste philosophie qui vous prêche le matérialisme et l’athéisme comme des doctrines nouvelles destinées à régénérer le monde : elles tuent, il est vrai, mais elles ne régénèrent point. N’écoutez pas ces esprits superficiels qui se donnent comme de profonds penseurs parce qu’après Voltaire ils ont découvert des difficultés dans le christianisme : vous, mesurez vos progrès en philosophie par ceux de la tendre vénération que vous ressentirez pour la religion de l’Évangile. Soyez aussi très persuadés qu’en France la démocratie traversera toujours la liberté, qu’elle mène tout droit au désordre, et par le désordre à la dictature. Ne demandez donc qu’une liberté modérée, et attachez-vous-y de toutes les puissances de votre âme. Ne fléchissez pas le genou devant la fortune, mais accoutumez-vous à vous incliner devant la loi. Entretenez en vous le noble sentiment du respect. Sachez admirer : ayez le culte des grands hommes et des grandes choses. Repoussez cette littérature énervante, tour à tour grossière et raffinée, qui se complaît dans la peinture des misères de la nature humaine, qui caresse toutes nos faiblesses, qui fait la cour aux sens et à l’imagination, au lieu de parler à l’âme et d’élever la pensée. Défendez-vous de la maladie de votre siècle, ce goût fatal de la vie commode, incompatible avec toute ambition généreuse. Quelque carrière que vous embrassiez, proposez-vous un but élevé, et mettez à son service une constance inébranlable. Sursum corda, tenez en haut votre cœur, voilà toute la philosophie, celle que nous avons retenue de toutes nos études, que nous avons enseignée à vos devanciers, et que nous vous laissons comme notre dernier mot, notre suprême leçon.

Auteur: Cousin Victor

Info: Du vrai, du beau et du bien, 1869

[ conseils ] [ élévation spirituelle ] [ influences inspirantes ]

 

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lire

Chez lui, la lecture avait même pris une place qu'il n'avait jamais accordée à un être humain. Pourquoi perdre son temps dans de vains et quotidiens bavardages quand on peut entrer en communion avec les meilleurs, les plus excitants penseurs de toutes les époques ? Pourquoi peupler sa vie d'êtres médiocres, attachants certes, mais faibles raisonneurs, quand on a le choix de rendre visite à Platon, Sénèque et Proust ? Le culte de ce que le monde appelait communément la réalité, la matière solide de l'existence, lui était étranger. L'air triomphant avec lequel ses contemporains se jetaient dans le combat du quotidien le faisait sourire. Il n'avait jamais compris ce qu'il pouvait y avoir d'héroïque à affronter la surface plane et lisse de la condition humaine dans sa plus banale expression. Enfant, ses parents lui avaient souvent reproché de fuir la réalité comme s'ils avaient décelé quelque couardise dans son comportement qui consistait à s'acquitter le plus vite possible des tâches incontournables de tous les jours afin de pouvoir retourner à ses livres et à sa rêverie. Il s'étaient sentis blessés de l'ennui qu'il affichait ouvertement face à cette dimension de la vie qui était leur unique territoire. [...] Au lieu de fuir, il était en marche vers quelque chose. Mais comment aurait-il pu décrire ce vaste univers de la pensée dans lequel il s'était aventuré à quelqu'un qui n'avait jamais ouvert un livre de sa vie avec plaisir, qui ne savait pas ce que c'était. [...] Kouros s'était alors très vite habitué à voler du temps. Il lisait dans les toilettes où personne ne le dérangeait. il lisait dans la nature prétextant d'autres besognes pour pouvoir s'éloigner.

Auteur: Henrichs Bertina

Info: La joueuse d'échecs

[ motivation ] [ élitisme ] [ cloître littéraire ]

 

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esthétique

Les cultures musulmanes et bouddhiques doutent moins de l'équivalence  Beau - Vrai - Bien  parce qu’elles n’ont pas posé cette trinité conceptuelle. Ou pour mieux dire, parce qu’elles n’ont pas fait du Beau un concept. Elles ne l’ont pas abstrait. J’ai été frappé, à cet égard, par un exemple que je ne cite pas dans mon livre, mais que je peux donner ici, même s’il ne concerne pas directement le mot " Beau ". Il s’agit de la traduction arabe d’un mot important s’il en est dans la philosophie grecque puis occidentale, le mot οὐσία (ousia, devenu essentia en latin, puis essence en français). Or ce même mot d’οὐσία fut traduit en arabe par jawhar : littéralement " joyau ", " pierre précieuse ". C’est magnifique, et révélateur : d’une certaine manière la langue arabe répudie l’abstraction philosophique, au profit d’une approche poétique du monde. S’agissant du Beau lui-même, la pensée des mystiques musulmans affirme que Dieu est beau, ce qui signifie immédiatement que le Bien et le Vrai sont Beaux. On n’a pas à distinguer ce qui est un en Dieu.

Du côté de l’Extrême-Orient, je me suis appuyé sur les réflexions de François Jullien, qui affirme que l’association beauté-bonté n’est qu’un " piège platonicien " dans lequel les penseurs chinois ou japonais d’aujourd’hui se croient tenus de tomber, alors que leur propre tradition ne joue pas avec ces Idées. Mais c’est surtout ma lecture des grands romanciers japonais qui m’a suggéré la toute-puissance muette de la Beauté, en deçà ou au-delà de tout concept qui permettrait de l’articuler au Bien ou au Vrai. Bien sûr, tout cela devrait être nuancé de mille manières, mais on ne peut nier, il me semble, que la trinité conceptuelle Beau-Bien-Vrai demeure propre à l’Occident. 

Auteur: Barilier ​​​​​​​Étienne

Info: A propos de son livre : Réenchanter le monde. L’Europe et la beauté (PUF)

[ religions ] [ nord-sud ] [ étymologie ] [ évidente harmonie ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

psychologie analytique

J’ai une grande admiration pour Jung, pour le penseur et pour l’homme qu’il était. Je l’ai rencontré en août 1950 aux Conférences Eranos d’Ascona. Après une demi-heure de conversation, j’avais l’impression d’écouter un sage chinois ou un vieux paysan de l’Europe orientale, encore enraciné dans la Terre-Mère et cependant tout proche du Ciel. J’étais fasciné par l’admirable simplicité de sa présence, par la spontanéité, l’érudition et l’humour de sa conversation. Il avait, à l’époque, soixante-quinze ans. Je l’ai revu ensuite presque tous les ans, à Ascona ou à Zurich ; la dernière fois, un an avant sa mort, en 1960. Et à chaque rencontre j’étais profondément impressionné par la plénitude, et je dirais la "sagesse" de sa vie.

Son œuvre, il m’est difficile de la juger. Je ne l’ai pas lue entièrement et je n’ai pas l’expérience de la psychanalyse, freudienne ou jungienne. Jung s’intéressait au yoga et au chamanisme. L’intérêt pour l’alchimie est un autre de nos points communs. Vous savez que j’étais encore au lycée quand je me suis intéressé à l’alchimie et je crois bien avoir écrit mon premier livre sur l’alchimie indienne avant que Jung ait publié quelque chose dans ce domaine, mais quand je l’ai rencontré il avait écrit Psychologie et Alchimie. Nos voies, en somme, sont parallèles. Pour Jung l’alchimie est une image, ou un modèle, de l’individuation. Je ne sais pas exactement ce que je dois à Jung, j’ai lu bon nombre de ses livres, et notamment Psychologie du transfert ; j’ai eu de longues conversations avec lui à Eranos. Il croyait en une sorte d’unité fondamentale de l’inconscient collectif, et moi je considère également qu’il y a une unité fondamentale des expériences religieuses.

Auteur: Eliade Mircea

Info: (Entretiens avec Claude-Henri Rocquet) – L’épreuve du labyrinthe (Belfond)

[ témoignage ] [ éloge ] [ consensualité ]

 
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pensée édulcorée

J'appelle "chichi" le refus de voir les choses telles qu'elles sont et telles qu'elles ne sont pas. J'appelle "blabla" les discours philosophiques chichiteux qui nous invitent à ne pas voir les choses comme elles sont et à les voir autrement qu'elles sont. J'appelle "gnangnan" le blabla moral qui découle du chichi. Il y a une forme de gnangnan que je nomme le "riquiqui". Ainsi, parmi les tenants du riquiqui, il y a les "nietzschéens de gauche", c’est-à-dire ceux qui n’assument pas l’aspect qui leur semble déplaisant dans les élucubrations du penseur moustachu et, même, qui vont jusqu’à biffer purement et simplement ses apologies de l’esclavage, de la guerre, de l’inégalité des races, de la supériorité des hommes sur les femmes ou de l’Islam sur le Judaïsme. Les nietzschéens de gauche sont des nietzschéens honteux. À présent, quand je laisse traîner mes oreilles, j’entends un autre type de riquiqui s’exprimer à travers les propos de certains schopenhaueriens tout aussi honteux qui nient quant à eux, ou minimisent, le pessimisme de celui que Cioran appelait le Patron. Ah! Le pessimisme! Comme cela est inconvenant quand on professe la philosophie! Alors on vend du Schopenhauer universitairement correct, allégé, fadasse, dilué dans la moraline. Je m'attendais à ce que Machiavel subît le même sort. C'est fait. À en croire des têtes plates plus connues sous le nom de professeurs d'université, Machiavel n'a pas eu pour dessein de prodiguer aux princes des conseils pour exercer le pouvoir tantôt par la ruse, tantôt par la force, voire la cruauté, mais des maximes de "sagesse politique" afin qu'ils jettent les bases d'un État de droit. Machiavel démocrate, Schopenhauer optimiste, Nietzsche progressiste. La plus grande violence faite à un philosophe n'est pas d'interdire son œuvre, mais de riquiquïser sa pensée.

Auteur: Schiffter Frédéric

Info: Publication facebook du 31 mai 2022

[ politiquement correct ] [ trahison ] [ adaptation idéologique ]

 
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mutation symbolique

Bien des penseurs du début du XXe siècle, qu’ils soient économistes, psychanalystes ou biologistes, intègrent le désir comme une composante essentielle de leur anthropologie. Pour cette nouvelle génération d’intellectuels, l’envie et l’émulation relèvent d’instincts sociaux parfaitement fonctionnels et non pas de déviations pécheresses. Les économistes libéraux, héritiers de Mandeville, pensent les passions, l’insatisfaction et l’appétit de jouissance comme des stimulants économiques bien utiles à l’enrichissement général. Pour les évolutionnistes, l’animalité de l’homme explique sa nature pulsionnelle et invalide la doctrine du contentement. La société humaine ne suit pas un ordre providentiel et immuable, mais est traversée par le désir, la compétition et le mouvement, nécessaires à l’adaptation. L’insatisfaction et l’envie permettent à l’humanité de progresser en tant qu’espèce. La légitimation des pulsions humaines par l’argument de l’animalité ouvre la voie à la diffusion d’une vulgate freudienne, particulièrement vivace après guerre. Les médias diffusent et popularisent alors de multiples concepts freudiens : l’inconscient et le subconscient, le refoulement, l’instinct sexuel, la fixation, le complexe d’infériorité… La vulgate freudienne donne un vocabulaire, mais également une légitimité "scientifique" à la mentalité de consommation naissante. Les comportements, qu’ils soient moraux ou immoraux, scandaleux ou vertueux, ne seraient en réalité que l’expression de la nature pulsionnelle de l’homme. Sans que nous le sachions, l’instinct sexuel déterminerait nos comportements, y compris les plus anodins. Des mécanismes cachés expliqueraient notre égoïsme. Au-delà de l’ontologie, la vulgate freudienne entérine les notions de subjectivité et de personnalité – dont on a vu qu’elles étaient essentielles à la nouvelle mentalité –, en présentant chaque individu comme pourvu d’une intériorité, d’un soi profond (inner self), qu’il conviendrait d’explorer et de laisser s’exprimer. Refouler ce soi "réel", ce serait risquer de sombrer dans la maladie mentale. Le reconnaître, au contraire, permettrait de s’accomplir en tant qu’individu.

Auteur: Galluzzo Anthony

Info: Dans "La fabrique du consommateur", éd. La découverte, Paris, 2020

[ discours ] [ armes conceptuelles ] [ critique ] [ consumérisme justifié ]

 

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mésinterprétation

Pour être honnête, même les nazis n’ont pas réussi à délirer autant à propos de Nietzsche que Heidegger. Lisez son cours sur Nietzsche en deux volumes : tout y est faux de bout en bout. Dès le début, Heidegger explique qu’il ne va pas parler de ce que Nietzsche a écrit, mais de ce qu’il n’a pas écrit. Voilà comment il justifie cette méthodologie pour le moins curieuse : "Si notre connaissance se limitait à ce qui fut publié par Nietzsche même, nous ne pourrions jamais apprendre ce que Nietzsche savait déjà, ce qu’il préparait et ne cessait de mûrir, mais qu’il retint." Avec ces prémisses, Heidegger explique que l’éternel retour est une découverte essentielle, majeure, montrant que Nietzsche est un penseur de l’Être, de ce qui perdure et revient au-delà du défilé des événements, et qu’il serait donc heideggérien avant la lettre. Le plus curieux, c’est que les philosophes français de l’après-guerre, Derrida et Deleuze en tête, aient pris cette lecture au sérieux. Je ne sais pourquoi, dans l’université française, s’est propagé le mythe selon lequel Heidegger serait le grand philosophe du XXe siècle. C’est d’autant plus incompréhensible que ces dithyrambes sur Heidegger ont commencé juste après l’Occupation, preuve que nous ne sommes pas trop rancuniers.

La réalité, c’est que Nietzsche est le penseur le plus anti-heideggérien qui soit : pour lui, l’éphémère est plus important que l’éternel, le devenir a plus de valeur que l’Être, la surface est la véritable profondeur. Moi, j’admire Nietzsche parce qu’il a su prendre sur ses frêles épaules deux millénaires de philosophie idéaliste, et qu’il les a renversés. Je ne m’explique toujours pas comment il a eu la force de mener à bien un tel combat, alors qu’il avait une santé fragile et une trajectoire rien de moins que précaire. Mais c’est l’exploit de Nietzsche.

Auteur: Rosset Clément

Info: Entretien

[ détournement ] [ résumé ] [ critique ] [ vacherie ] [ éloge ]

 
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