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hommes-femmes

Il savait qu’Ursule lui était revenue. Il savait que sa propre vie reposait en elle. Mais il aurait préféré mourir que d’accepter l’amour qu’elle lui offrait. L’ancienne façon d’aimer lui semblait un terrible lien, une sorte d’enrôlement forcé. Ce que l’amour était pour lui, il ne le savait pas, mais l’idée de l’amour, du mariage, des enfants, d’une vie vécue côte à côte, dans l’horrible intimité de la satisfaction domestique et conjugale avait pour lui un côté répugnant. Il voulait quelque chose de plus épuré, de plus libre, de plus frais pour ainsi dire. L’intimité ardente et étroite entre l’homme et la femme le dégoûtait. La façon dont ils fermaient leurs portes, ces gens mariés, et s’enfermaient dans leur alliance exclusive, même par amour, le choquait. 

C’était toute une communauté entièrement composée de couples méfiants, enfermés comme dans une île dans leurs maisons ou leurs chambres particulières, et n’admettant aucune vie plus large, aucun avenir, aucune relation désintéressée : un kaléidoscope de couples, désunis, séparatistes, des entités dépourvues de signification, de couples mariés !

Car il détestait le concubinage plus encore que le mariage ; une liaison, c’était un autre genre d’accouplement réactionnaire par rapport au mariage légal. Et la réaction était beaucoup plus ennuyeuse que l’action.

[…] Il croyait au mariage intersexuel. Mais, au-dessus, il désirait une union plus haute dans laquelle l’homme et la femme conserveraient la liberté de l’autre, se faisant équilibre l’un à l’autre comme les deux pôles d’une même force, comme deux anges ou deux démons.

Il désirait tellement être libre, non sous la contrainte d’un besoin quelconque d’unité, ou la torture d’un désir insatisfait. Le désir et l’aspiration trouveraient leur objet sans toute cette torture, de même que dans un pays où l’eau est abondante, on ne sent jamais la soif que l’on étanche sans y penser.

Il désirait être avec Ursule aussi libre qu’avec lui-même, solitaire, clarifié, froid et en même temps équilibré, polarisé avec elle. Il détestait jusqu’à la folie l’amour qui dévore, qui empoigne, qui mélange les êtres.

Auteur: Lawrence David Herbert

Info: Femmes amoureuses, traduit de l’anglais par Maurice Rancès et Georges Limbour, éditions Gallimard, 1949, pages 281-282

[ réinvention ] [ transcendant ] [ idéal ]

 

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couple

"Pourquoi me détestes-tu Bruce ?

Pourquoi me laisses-tu seule nuit et jour ?

Qu’est-ce que j’ai fait ? – Mmh ? dit-il. Non. Rien. Je lis ici,

Et je vais écouter les nouvelles à minuit. – Les nouvelles,

Répondit-elle,

Sales et sanglantes et qu’est-ce que ça peut faire ?

Je peux rester ici ?" Elle lui sourit et s’assit sur le lit,

Sur le matelas nu. Il dit "Euh... Écoute, Fawn.

Comme tu dis : sang, mensonges et saleté, imbécilités et pourritures,

C’est les nouvelles.

Et si l’on regarde dans nos cœurs... hein ? ... la même soupe infernale.

Tout ce qui est bon est mutilé ; toute chose mauvaise

A de larges mains, un cœur solide et des ailes de faucon. Bon,

Je ne comprends pas ça et j’ai besoin de l’étudier." Fawn le fixa,

Ressentant un mépris extraordinaire

Derrière son regard calme et son doux masque ovale,

Et dit "Que lisais-tu, mon chéri ? – Quoi ? dit-il, Un livre.

Je l’ai eu à la fac, je ne l’ai jamais lu."

Il alluma la radio et dit "Un professeur allemand

Qui pense que cette esclave sanglante et torturée appelée Histoire

A des habitudes bien réglées. Des vagues, tu vois, de longues vagues, des vagues distinctes de civilisation

Qui vont et viennent comme la mer ; et avec la même sorte de ...vie,

arts, politiques, et ainsi de suite

A la même intensité pour chaque vague, tu peux le prévoir.

En ce moment

Nous sommes au creux de la vague." Fawn l’entendit vaguement

à travers les grésillements

Et le bavardage de l’animateur radio quand l’heure changea,

Et, naturellement, n’y comprit rien ni ne s’y intéressa,

Mais elle vit son excitation.

          Il y avait désormais trois courants parallèles

D’action humaine dans cette haute caverne

Au toit de bardeaux tutoyant les étoiles nébuleuses.

Auteur: Jeffers Robinson

Info: Dans "Mara ou Tu peux en vouloir au soleil", Préface, trad. de l’anglais (États-Unis) par Cédric Barnaud, éditions Unes, 2022, pages 44-45

[ incompréhension ] [ incompatible ] [ solitude ]

 

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révélation

On sait que [saint] Augustin est platonicien, on sait qu’il affirme même que les platoniciens ont connu toute la doctrine qu’expose le Prologue de S. Jean, hormis l’Incarnation du Verbe en Jésus-Christ. Mais on sait moins que S. Augustin a fréquenté des cercles platoniciens, dont nous pensons qu’ils étaient une émanation directe du centre spirituel de l’Académie, et donc qu’il fut initié à la tradition vivante de l’enseignement du Maître. Il faisait partie, en effet, à Milan, d’un cercle néo-platonicien qui ne comportait pas seulement des chrétiens. D’autre part, par l’intermédiaire de S. Ambroise, qui fut disciple d’Origène, lui-même disciple de S. Clément, S. Augustin a reçu l’influence d’une tradition théologique existant au sein de l’Église catholique et qui représentait une gnose de type alexandrin [Contra Academicos, III, 17]. Augustin a d’ailleurs conscience du caractère ésotérique du platonisme : "ces enseignements et d’autres de même sorte, me paraissent avoir été, autant que possible, conservés au sein des successeurs de Platon et gardés comme des mystères" [Lettre à Dioscore, Epist. CXVIII]. Or, le christianisme vient précisément mettre fin à l’ésotérisme platonicien en enseignant au grand jour ce qui se transmettait en secret : "Lorsque, provoquant émerveillement et perturbation, le Nom du Christ se répandit parmi les royaumes terrestres, les Platoniciens commencèrent à sortir de l’ombre pour publier et révéler les conceptions de Platon" [Cité de Dieu, VII, 9]. 

Toutefois, la philosophie de Platon n’est, pour Augustin, qu’une formulation historiquement et culturellement la mieux adaptée, de la Vérité universelle [...]. Et c’est pourquoi S. Augustin peut déclarer, au terme de sa vie : "En elle-même, la chose que nous appelons aujourd’hui religion chrétienne, existait aussi chez les Anciens, et n’a pas manqué au genre humain depuis son origine, jusqu’à ce que le Christ vienne en la chair, et c’est pourquoi la religion, qui existait déjà, commença de s’appeler chrétienne". Soulignons-le, cette déclaration se trouve dans un ouvrage où S. Augustin passe en revue ses écrits afin de les corriger et de revenir sur les points qu’il estime devoir rétracter. Elle n’en a que plus de force.

Auteur: Borella Jean

Info: "Situation du catholicisme aujourd'hui", éditions L'Harmattan, Paris, 2023, pages 67-68

[ performativité rétroactive ] [ atemporalité ]

 

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science-fiction

Ayant compris ses limitations, autant sensorielles que conceptuelles, décidé à voir au-delà d'horizons qui semblaient véritablement indépassables, l'être humain décida de créer une entité qui viendrait lui parler de lui "vu de l'extérieur". Une sorte d'être-cerveau externe.

Pour ce faire l'Homme recensa et modélisa les paramètres de sensations les plus pointus des autres êtres vivants : flair et audition des chiens, mesure interne de la marée chez la moule, absorption de l'eau des végétaux, scan tridimensionnel des objets par fréquences sonores des dauphins, non ego de la fourmi, etc... Toutes ces facultés furent ensuite implémentées dans quelques milliers de robots interdépendants et self apprenants qu'on laissa se développer ensemble en milieu fermé pendant quelques années. Cela s'appelait le projet "Zlouti". On supposait avec raison qu'une entité collective autonome en émergerait.

Comme espéré ces machines auto réparatrices évolutives et altruistes formèrent rapidement une sorte de gestalt indépendant et autosuffisant. Une entité dont l'intelligence semblait sans limites... étrange... nouvelle. Les jours passant les observateurs la voyaient ressentir et palper avec délectation la réalité qui s'offrait à elle. De mille façons.

Enfin, après cinq ans, et d'innombrables vérifications, on laissa l'extraordinaire avatar cybernétique venir à la rencontre de l'être humain. Le Zlouti allait enfin nous donner des nouvelles sur nous-mêmes. Comment allions-nous être perçus, scannés, analysés... Quelle serait l'image qu'il donnerait de nous ?

C'était un mardi matin. Les ingénieurs, fébrilement installés devant leurs écrans de réception, reçurent la première communication du Zlouti. Un message synthétisé sous forme orale par d'innombrables filtres sensoriels, eux-mêmes réduits en équations et signes sémiotiquement peaufinés via de subtils algorithmes qu'un méta cerveau ramenait à l'expression la plus simple et la plus communicable possible. Cette première réaction, la plus attendue, tomba à 11 heures 26 sous forme d'une courte phrase de 5 mots :

- C'est quoi cette merde ?!

Il faudra beaucoup de temps pour que le Zlouti, égrégore informatisé perspectiviste multi tâches, qui, dans l'immense sagesse de ses facultés démultipliées, pensait être d'un grand pessimisme, réalise l'étendue de son optimisme d'alors.

Auteur: Mg

Info: 14 nov. 2012

[ dépassement ] [ intelligence ] [ artificielle ] [ humour misanthrope ] [ homme-par-machine ] [ regard extérieur ] [ auto-dénigrement ]

 
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étymologie

Quant à l’adjectif esôterikos, il semble apparaître d’abord dans les milieux aristotéliciens au Ier siècle après Jésus-Christ. L’une des premières attestations s’en trouve en effet dans un ouvrage assez caustique de Lucien de Samosate intitulé Philosophes à vendre (vers 166). A qui veut acheter un esclave, Lucien conseille d’en choisir un qui soit disciple d’Aristote ; ainsi, dit-il, on en aura deux pour le prix d’un : "un vu de l’extérieur, un autre vu de l’intérieur [...] souviens-toi de donner au premier le nom d’exotérique, au deuxième celui d’ésotérique". L’Ecole aristotélicienne en effet suivant peut-être les indications de son fondateur, distinguait dans les écrits du maître, deux sortes de textes : des ouvrages largement publiés (et aujourd’hui perdus) qu’elle qualifiait d’exotériques, et des traités beaucoup plus difficiles et peu diffusés en dehors de l’Ecole (les seuls qui nous soient parvenus) qu’elle appelait acroamatiques (ce qui signifie : relatifs à un enseignement oral). [...] [Le texte de Lucien] témoigne en outre d’un changement de terminologie : ce n’est plus acroamatique mais ésotérique qui est opposé à exotérique. Tout se passe comme si cet adjectif, qu’Aristote emploie au sens très profane d’ "extérieur" ou de "public", avait fini par susciter son double inversé. [...] Trente ans plus tard, le terme s’est imposé, comme le prouve Clément d’Alexandrie qui fournit, sous la forme d’un adjectif substantivé au neutre pluriel (ta esôterika, "les (livres) ésotériques"), la première attestation d’esôterikos, pris en un sens noble, et désignant la classe des écrits qu’Aristote réservait aux savants. Le terme, désormais acquis, ne connaîtra cependant jamais qu’une diffusion restreinte et quasi technique.

Quant au substantif "ésotérisme", tous les efforts pour en trouver des attestations remontant au XVIIIe siècle sont jusqu’ici demeurés vain. Dans l’état actuel des recherches, on peut admettre que le terme apparaît pour la première fois en 1828 sous la plume d’un historien français, Jacques Matter, dans son Histoire du gnosticisme et de son influence. C’est le socialiste mystique Pierre Leroux qui, vers 1840, en assurera la diffusion dans son célèbre ouvrage De l’Humanité pour qualifier la doctrine pythagoricienne.

Auteur: Borella Jean

Info: "Esotérisme guénonien et mystère chrétien", éditions l’Age d’Homme, Lausanne, 1997, pages 20-21

[ historique ]

 

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réflexion stéréotypée

[ Günther ] Anders montre que Heidegger a donné du Dasein une vision étroite marquée par une double omission – en bas et en haut en quelque sorte, ce qui correspond à ce qu’Anders appelle la mise hors-jeu du naturalisme (la nature) et du supranaturalisme (la culture). Or, c’est le défaut ontique de l’homme (c’est-à-dire son manque relatif de nature) qui est la condition de possibilité de production d’un supplément ontologique (la culture), laquelle le lance dans l’aventure historique avec des formations telles que la morale, le social, les lois, les institutions du droit. [...]

Il semble donc que Heidegger reste prisonnier du point de vue aristocratique grec, présent dès les présocratiques, seuls encore soucieux de l’Être selon Heidegger (Platon encore un peu – dans Le Sophiste -, Aristote presque plus, et encore moins la philosophie traditionnelle qui a délaissé l’Être pour ne s’intéresser qu’à l’Etant et notamment au premier d’entre eux, Dieu, de même qu’aux étants comme réserve calculable et exploitable d’énergie). Il manque en somme à cette élaboration une critique radicale des fondations de la philosophie qui ont laissé croire que son exercice impliquait la relégation du travail. Par conséquent, on peut dire que lui, Heidegger (et Hannah Arendt à sa suite), n’a fait que prolonger la métaphysique occidentale là même où il pensait s’en affranchir en la refondant (dans les années 1920), en la renversant (dans les années 1930-1945), en la remplaçant par une nouvelle pensée où l’art tient une place déterminante (après 1945). Faute de cette mise en question, il a raté l’analyse du cœur du délire occidental. Il eût fallu pour cela mettre en jeu, à la place de la notion culpabilisante (et crypto-chrétienne) d’inauthenticité, un concept comme celui, par exemple, d’aliénation (qui a une longue histoire depuis La Boétie et son Discours de la servitude volontaire) qui aurait permis d’analyser pourquoi la classe "vile" peut suivre des objectifs qui ne sont nullement les siens, mais ceux des classes nobles. Faute de cela, le malheur du monde paraît incomber à ceux qui en sont les premières victimes.

Auteur: Dufour Dany-Robert

Info: "Le délire occidental", éditions Les liens qui libèrent, 2014, pages 46 à 48

[ critique ] [ échec ] [ limites ]

 
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homéostatique

- Vous semblez également fasciné par le "principe de l'énergie libre" de Karl Friston. Pouvez-vous expliquer de manière simple ce qu'est ce principe et comment il peut nous aider à comprendre les esprits ?

- Je pense que l'articulation la plus simple du principe de l'énergie libre est la suivante : Pensons aux systèmes vivants - une cellule ou un organisme. Un système vivant se maintient comme séparé de son environnement. Par exemple, je ne me dissous pas simplement en bouillie sur le sol. C'est un processus actif : J'absorbe de l'énergie et je me maintiens en tant que système qui conserve ses frontières avec le monde.

Cela signifie que, parmi tous les états possibles de mon corps - toutes les combinaisons possibles de mes différents composants - je ne reste que dans un très, très petit sous-ensemble d'états "statistiquement attendus". La température de mon corps, par exemple, reste dans une très petite plage de températures, ce qui est l'une des raisons pour lesquelles je reste en vie. Comment est-ce que je fais cela ? Comment l'organisme fait-il cela ? Eh bien, il doit minimiser l'incertitude des états dans lesquels il se trouve. Je dois résister activement à la deuxième loi de la thermodynamique, pour ne pas me dissiper dans toutes sortes d'états.

Le principe de l'énergie libre n'est pas en soi une théorie sur la conscience, mais je pense qu'il est très pertinent car il permet de comprendre comment et pourquoi les cerveaux fonctionnent comme ils le font, et il renvoie à l'idée que la conscience et la vie sont très étroitement liées. Très brièvement, l'idée est que pour réguler des choses comme la température corporelle - et, plus généralement, pour maintenir le corps en vie - le cerveau utilise des modèles prédictifs, car pour contrôler une chose, il est très utile de pouvoir prédire comment elle va se comporter. L'argument que je développe dans mon livre est que toutes nos expériences conscientes découlent de ces modèles prédictifs qui ont leur origine dans cet impératif biologique fondamental de rester en vie.

Auteur: Anil Seth

Info: https://www.quantamagazine.org/, 30 sept 2021

[ survie ] [ monades ] [ peur source ]

 

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songes

Il est caractéristique des rêves que souvent le rêveur a l’impression qu’ils demandent à être interprétés. On n’est pratiquement jamais enclin à prendre note d’un rêve éveillé, ou à le raconter à autrui, ou à se demander : "qu’est-ce qu’il signifie ?" Mais les vrais rêves semblent avoir en eux quelque chose de troublant et d’un intérêt spécial, de sorte que nous voulons en avoir l’interprétation (on les a souvent regardés comme des messages). Il semble qu’il existe dans les images du rêve quelque chose qui a une certaine ressemblance avec les signes du langage [...]. Il y a à Moscou une cathédrale à cinq clochers. Sur chacun de ceux-ci, la configuration des spires est différente. On a la vive impression que ces formes et arrangements différents doivent signifier quelque chose. [...]. Quand nous interprétons des rêves, notre démarche n’est pas homogène. Il y a un travail d’interprétation qui, pour ainsi dire, appartient encore au rêve lui-même. Quand on examine un rêve, il est important d’examiner quels sont ses avatars, comment il change d’aspect lorsque, par exemple, il est mis en relation avec d’autres choses remémorées. Au moment du réveil, un rêve peut nous impressionner de diverses façons : on peut être terrifiés, angoissés, excités, etc. Si on se souvient alors de certains événements du jour précédent, et si on les met en relation avec ce qu’on a rêvé, on voit d’ores et déjà apparaître une différence, le rêve change d’aspect. Et si, en réfléchissant sur le rêve, nous sommes amenés à nous ressouvenir de certaines circonstances de notre prime jeunesse, le rêve prendra encore un autre aspect [...]. Nous pourrions dire d’un rêve une fois interprété qu’il s’insère dans un contexte où il cesse d’être troublant. En un sens, le rêveur rêve à nouveau son rêve dans un environnement tel que le rêve change d’aspect. C’est comme si on nous présentait un fragment de toile sur lequel un artiste aurait peint une main, une portion de visage et certaines autres formes dans un arrangement qui nous paraisse incongru et qui nous laisse perplexes.

Auteur: Wittgenstein Ludwig

Info: Leçons et conversations sur l'esthétique, la psychologie et la croyance religieuse

[ introspection ] [ herméneutique ]

 

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orientation professionnelle

Question : Je m'intéresse à tant de choses, et j'ai une peur terrible parce que ma mère ne cesse de me dire que je vais juste passer le reste de ma vie à explorer sans jamais rien faire. Mais je trouve vraiment difficile de fixer mes orientations et de dire : "Bon, est-ce que je veux faire ceci, ou est-ce que je dois essayer d'exploiter cela, ou est-ce que je dois m'échapper et faire complètement une chose ?".

Réponse : Un mot que je bannirais du dictionnaire est "évasion". Il suffit de l'enlever et tout ira bien. Parce que ce mot est inadéquat concernant quelqu'un qui désire s'éloigner d'un certain endroit pour grandir. Un évadé. Vous savez, en oubliant ce mot, ce sera plus facile. De plus, dans la fleur de l'âge, en début de notre vie ; il faut tout expérimenter, tout essayer..... On nous enseigne toutes sortes de dichotomies, et je n'ai appris que bien plus tard qu'elles pouvaient fonctionner en harmonie. Nous avons créé de fausses oppositions ; de fausses ambivalences, parfois très douloureuses - avec cette impression de devoir choisir. Mais je pense qu'à un moment donné, nous réalisons, parfois inconsciemment, que nous sommes vraiment adaptés à ce que nous entreprenons et si c'est ce que nous voulons faire.

On a le droit d'expérimenter sa vie. On fera des erreurs. Et elles ont raison aussi. Non, je pense que le modèle est trop rigide. Etre censé connaitre sa vocation au sortir d'une formation.... Votre orientation est fixée, et voilà que peut-être que dix ans plus tard vous découvrez que vous n'êtes plus professeur ou peintre. Cela peut arriver. C'est déjà arrivé.  Gauguin a décidé à un moment donné qu'il n'était plus banquier, qu'il était peintre. Il s'est donc éloigné de la banque. Je pense que nous avons le droit de changer de cap. Mais c'est la société qui continue à exiger que nous nous intégrions et que nous ne dérangions le mons possible les choses. Elle voudrait que l'on s'intègre tout de suite pour que les choses fonctionnent.

Auteur: Nin Anaïs

Info:

[ ouverture ]

 

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crépuscule

C'était souffrir assurément que d'être réduit à passer la nuit dans la rue, et c'est ce qui m'est arrivé plusieurs fois à Lyon. J'aimais mieux employer quelques sous qui me restaient à payer mon pain que mon gîte, parce qu'après tout je risquais moins de mourir de sommeil que de faim. Ce qu'il y a d'étonnant, c'est que, dans ce cruel état, je n'étais ni inquiet ni triste. Je n'avais pas le moindre souci sur l'avenir, et j'attendais les réponses que devait recevoir mademoiselle du Châtelet, couchant à la belle étoile, et dormant étendu par terre ou sur un banc, aussi tranquillement que sur un lit de roses. Je me souviens même d'avoir passé une nuit délicieuse hors de la ville, dans un chemin qui côtoyait le Rhône ou la Saône, car je ne me rappelle pas lequel des deux. Des jardins élevés en terrasse bordaient le chemin du côté opposé. Il avait fait très chaud ce jour-là ; la soirée était charmante ; la rosée humectait l'herbe flétrie ; point de vent, une nuit tranquille ; l'air était frais sans être froid ; le soleil, après son coucher, avait laissé dans le ciel des vapeurs rouges dont la réflexion rendait l'eau couleur de rose ; les arbres des terrasses étaient chargés de rossignols qui se répondaient de l'un à l'autre. Je me promenais dans une sorte d'extase, livrant mes sens et mon coeur à la jouissance de tout cela, et soupirant seulement un peu du regret d'en jouir seul. Absorbé dans ma douce rêverie, je prolongeai fort avant dans la nuit ma promenade, sans m'apercevoir que j'étais las. Je m'en aperçus enfin. Je me couchai voluptueusement sur la tablette d'une espèce de niche ou de fausse porte enfoncée dans un mur de terrasse ; le ciel de mon lit était formé par les têtes des arbres ; un rossignol était précisément au-dessus de moi : je m'endormis à son chant ; mon sommeil fut doux, mon réveil le fut davantage. Il était grand jour : mes yeux, en s'ouvrant, virent l'eau, la verdure, un paysage admirable.

Auteur: Rousseau Jean-Jacques

Info: Les Confessions, livre IV.

[ vagabondage ]

 

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