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spéculations

Les expériences d'Alain Aspect ont confirmé la réalité du phénomène d'intrication quantique (expériences sur photons intriqués). Celles-ci montrent qu'au niveau quantique la notion d'espace n'a plus de sens puisque quelle que soit la "distance", l'action sur un photon A se communique instantanément à son photon intriqué B (en violation de la limite de c = vitesse de la lumière). Cette propriété explique pourquoi les mécaniciens quantiques affirment que la physique quantique est une PHYSIQUE NON LOCALE (elle exclut la réalité objective de l'espace).

Mais cela va encore plus loin: l'intrication nie aussi le temps et les schémas de causalité classique : l'action sur un photon A modifie par "rétroaction" les propriétés du photon B intriqué, dans le passé. Cela signifie que la physique quantique ne prend pas en compte le temps et les schémas de consécution de la mécanique classique (causalité présent-futur). Comment une physique qui n’intègre pas l'espace et le temps est-elle possible ?

La réponse tient en ces termes: NOUS sommes les "porteurs" de l'espace et du temps en tant que conscience, et ceux-ci n'ont aucune réalité objective. C'est là un magnifique triomphe rétrospectif de ce que Kant avait déjà affirmé au XVIIIe siècle dans La Critique de la raison pure. Mais la nouvelle physique gravit une marche de plus: outre la "conscience transcendantale" dont parlait Kant, il faut ajouter l'information, c'est-à-dire un univers d'objets mathématiques purement intelligibles qui, dans leurs rapports à la conscience, produisent le "monde phénoménal", celui que nous percevons. La "réalité perçue" est un vaste simulacre ou comme l'écrivait David Bohm, le lieu d'une fantastique "magie cosmique".

Des consciences exogènes l'ont déjà compris et utilisent leur maîtrise de l'information pour interférer avec notre monde. La science informatique, en digitalisant la matière (c'est-à-dire en remontant aux sources mathématiques de la réalité) a, sans le savoir, reproduit via la technologie de nos ordinateurs, le mode de production "phénoménal" de notre monde.

Ces indications sont en mesure, me semble-t-il, d’aider le lecteur à investir les thèses de mon ami Philippe Guillemant qui sont d’une importance considérable. Il ne s’agit nullement de résumer sa pensée, ni de jouer au physicien que je ne suis pas, mais de fournir quelques degrés de l’escalier qui mènent à la compréhension de ses travaux. En tant que philosophe, il m’apparaît aussi légitime de mettre ces nouvelles connaissances en lien avec des doctrines philosophiques du passé, spécialement celles de Platon et de Kant. Philippe Guillemant ne se contente pas de nous dire que l’espace et le temps sont des cadres de la conscience puisqu’il montre que la conscience est active et se révèle capable de réécrire ou de modifier les données qui constituent la trame la plus intime de la réalité. Il rejette l’idée d’un "ordinateur quantique géant" qui produirait le réel phénoménal et relie cette production à l’activité de la conscience. Il ne m’appartient ici de discuter les raisons de ce "basculement", mais celui-ci me paraît décisif et permet de trancher le débat qui consiste à savoir si l’étoffe de la réalité est de nature algorithmique ou mathématique.

Si on rejette le modèle de l’ordinateur quantique, on ne peut se rallier qu’à la seconde hypothèse qui permet de résoudre un des plus anciens problèmes de l’épistémologie depuis la naissance de la physique mathématique : comment se fait-il que nos opérations sur des objets mathématiques soient en si grande "adhérence" avec le monde de la physique ? Comment expliquer que le travail sur une "écriture mathématique" puisse, bien avant sa confirmation expérimentale, "découvrir" des objets du monde physique comme l’antimatière, les trous noirs, le boson de Higgs, etc. ? Cette question, qu’Albert Einstein, avait appelé le "mystère du miracle des mathématiques" trouve ici un début de résolution si nous posons que la réalité est d’essence mathématique.

L’information pure que Pythagore, Platon et plus tard John Dee avaient identifiée à des formes intelligibles de type mathématique est cette "brique" fondamentale qui rend possible, par sa manipulation, toutes les apparences de notre monde. Certes, nous ne sommes pas au bout de nos peines car entre cette base ontologique (le réel est constitué d’essences mathématiques en interaction avec des consciences actives) et la mise en lumière du modus operandi de cette maîtrise de l’information pour produire un monde phénoménal ou interférer avec lui (comme le font à mon sens les OVNIS), il reste encore du chemin à parcourir. Je n’oublie pas cependant que Philippe Guillemant propose une solution à cette question en centrant son analyse sur la capacité pour la conscience, par excitation du vide quantique (véritable "mer d’informations"), de "travailler" sur l’information et sur les manifestations phénoménales qu’elles permettent de produire.

Mais quel prodigieux changement de perspective nous offre ce nouveau cadre ! La cosmologie antique nous parlait de mondes emboîtés dans des sphères physiques (mondes sublunaire, supralunaire, cercles concentriques décrivant des régions dans les espaces éthérés) ; le physique "classique" nous a ensuite parlé d’échelles physiques de plus en plus petites jusqu’au mur de Planck. Avec cette nouvelle approche, le véritable "emboîtement" est celui par lequel on décrit des niveaux de densité de l’information plus ou moins élevés selon une échelle qui n’est plus physique mais informationnelle : J’ai l’intime conviction que la résolution du mystère des OVNIS se trouve dans la considération de cette échelle des densités. Nous occupons, en tant que conscience humaine, un certain étage sur cette échelle, et nos "visiteurs" sont en mesure de pénétrer à notre étage tout en jouant à l’envi avec les paramètres qui définissent la structure de notre monde.

Auteur: Solal Philippe

Info: Les ovnis, la conscience et les mathématiques, 18/03/2015

[ niveaux de réalité ] [ extraterrestres ] [ inconscient ] [ projectionnistes ] [ paranormal ] [ mondes vibratoires ] [ astral ]

 

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homme-végétal

Nous sommes dans une secte de la performance 

Le biologiste français Olivier Hamant, directeur de l’institut Michel Serres à Lyon, était de passage en Belgique pour une série de conférences. Devant un public nombreux, il a fait l’éloge de la lenteur et expliqué comment le monde du vivant pouvait nous inspirer. Il signe, aujourd’hui, un nouvel essai, De l’incohérence, philosophie politique de la robustesse (Odile Jacob).

Rencontre avec un penseur atypique qui prône les vertus de l’incohérence et de la contradiction.

Il propose, au micro de Pascal Claude, de "passer de l’abondance matérielle à l’abondance relationnelle" qui serait "la revanche du lien sur le rien". Mais, selon Olivier Hamant, pour atteindre ce dessein, le monde se doit d’opérer un basculement, celui d’une société de la performance à une société qui valorise, au contraire, la robustesse.

- Quelle est la différence entre la performance et la robustesse ?

La performance, c’est la somme de l’efficacité et de l’efficience. L’efficacité, c’est atteindre son objectif. L’efficience, c’est l’atteindre avec le moins de moyens possibles, c’est une forme d’optimisation. Alors que la robustesse, c’est maintenir le système viable malgré les fluctuations à plus long terme, c’est diversifier et expérimenter. Pour moi, c’est le contraire de la performance.

Si on regarde le monde du vivant, on voit qu’il fonctionne de façon sous-optimale. Hétérogénéités, incohérences, inachèvements, lenteurs, c’est ce qui fait la structure et la fonction du vivant. Je prends souvent l’exemple de la température corporelle. Quand on est à 37 degrés, on peut penser qu’on est à l’optimum. Pas du tout. Nos enzymes, leur optimum est plutôt à 40 degrés. C’est lorsque l’on a de la fièvre que nous atteignons vraiment un niveau de performance. Cette marge de manœuvre nous permet de lutter au cas où il y aurait une fluctuation, notamment un pathogène qui rentre. Et là, la fièvre sera utile !


La nature, davantage du côté de la robustesse que de la performance ?

"Oui et la meilleure image, c’est celle de la plante : elle croît en freinant. La plante pousse grâce à un apport d’eau, à une pression hydraulique. Avec la photosynthèse, avec le soleil, elle fabrique des fibres de cellulose. Et plus la plante pousse, plus elle freine parce qu’elle se rigidifie. En fait, elle synthétise la cellulose pour ralentir sa croissance.

Quand on est dans la performance, on canalise les initiatives, on les optimise et dans le même temps, on les stérilise. Un monde d’abondance stable induit la compétition et la compétition induit la violence contre les écosystèmes et les défavorisés. La croissance donne l’impression d’abondance alors qu’elle crée la pénurie. Elle conduit à l’épuisement des ressources non renouvelables et des ressources renouvelables à long terme. 
Alors qu’un monde qui va vers le moins, qui est plus instable, va vers la coopération. Coopérer signifie que l’objectif commun l’emporte sur les objectifs individuels et, parfois, implique d’aller même contre son objectif individuel : c’est un exemple typique d’incohérence, une contradiction interne pour le bien collectif. Dans le monde scientifique, entre autres, la cohérence est la valeur ultime, c’est un bel objectif mais une mauvaise stratégie car elle n’autorise pas le débat. Pour construire de la cohérence, il faut passer par des chemins incohérents."

- Quels sont les freins à ce passage vers une société plus coopérative ?

"Le coût de la robustesse, c’est que ça prend plus de temps. Il s’agit d’une injonction quasi paradoxale : face à l’urgence, il faut ralentir ! On a tendance à apporter les meilleures réponses aux mauvaises questions. Prenez par exemple le cas d’Ikea qui va sans doute atteindre sa neutralité carbone en 2030 mais en ayant déforesté à tout va. Il nous faut prendre du temps pour questionner les questions, c’est un ralentissement nécessaire.

J’ose le dire, nous sommes dans une secte de la performance : on n’est plus capable de la questionner alors qu’on sait scientifiquement qu’elle induit une dégradation, c’est le burn-out des humains et celui des écosystèmes ! Et les solutions actuelles proposées tiennent plutôt de l’hyper performance que du ralentissement : c’est Elon Musk qui veut aller sur Mars, c’est Mark Zuckerberg qui veut faire un bunker à Hawaï. Ce sont eux les gourous de cette secte de la performance et, lorsqu’on analyse leurs projets, on se rend compte que ce sont des projets de mort.
"

- Comment bifurquer concrètement vers le monde de la robustesse ?

"Il faut créer du désir ! Le problème, c’est que, souvent, affirmer que la voie qu’on a prise n’est pas la bonne, cela fait peur. Et puis lâcher la performance crée encore davantage de peur car nous sommes addicts à la performance. Il faut montrer ce que l’on gagne en quittant la société de la performance : un lien aux non-humains et une reconnexion aux vivants. Le monde de la robustesse, c’est le monde de la richesse, des interactions.

Les initiatives les plus intéressantes se situent au niveau local. Les petites entreprises et associations ont compris que nous sommes dans un monde fluctuant et elles s’adaptent. Les plus gros freins à la société de la robustesse sont les États et les grands groupes car ils sont encore coincés dans le monde de la performance.

Il n’existe pas de système qui ne se transforme pas. Tout se transforme tout le temps ! Est-ce qu’on laisse jouer la main invisible et qu’on laisse le système se diriger vers une trajectoire exponentielle ? Car ne pas critiquer la société de performance, c’est laisser se faire une transformation par défaut. Il est parfois très utile de désobéir !

Auteur: Internet

Info: 13 avr. 2024 Nathalie Dekeyser & Pascal Claude

[ durabilité ]

 

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homme-machine

Des scientifiques ont mis au point une intelligence artificielle si avancée qu’elle serait trop dangereuse pour être rendue publique

Un groupe d’informaticiens précédemment soutenus par Elon Musk a développé une intelligence artificielle (IA) avancée, jugée "trop dangereuse" pour être rendue publique.

OpenAI, entreprise de recherche à but non lucratif basée à San Francisco (USA), affirme que son système de prédiction du langage "à la caméléon", appelé GPT-2, ne sortira qu’en version limitée et à très petite échelle, en raison de "préoccupations concernant les applications malveillantes de cette technologie". En effet, le modèle informatique qui génère des paragraphes de textes originaux en fonction de ce qui lui a été donné à "lire", est un peu trop performant, selon l’entreprise qui l’a créé.

Le système élabore des "échantillons de texte synthétique d’une qualité sans précédent", que les chercheurs estiment tellement avancés et convaincants que l’IA pourrait être utilisée pour créer de fausses informations, se faire passer pour certaines personnes, et abuser ou duper des individus sur les réseaux sociaux. "GPT-2 possède un objectif simple : prédire le mot suivant, en tenant compte de tous les mots précédents dans un texte", explique l’équipe OpenAI sur son blog.

Dans le but d’alimenter l’imagination de GPT–2, les chercheurs ont fourni à leur IA un jeu de données de huit millions de pages internet. Une fois toutes les informations assimilées, leur IA peut alors converser sur le sujet, tel qu’il le comprend, et générer un texte aléatoire mais convaincant, qu’il s’agisse de nouvelles de célébrités, de changements climatiques, de la guerre de Sécession ou de fanfictions inspirés de l’univers de Tolkien.

Ci-dessous quelques exemples édités, pour vous rendre compte de la puissance de l’IA créée par OpenAI :

Humain : "Miley Cyrus a été prise en flagrant délit de vol à Abercrombie and Fitch sur Hollywood Boulevard aujourd’hui !". Réponse de GPT-2 : "La chanteuse, âgée de 19 ans, a été filmée et escortée hors du magasin par des gardes de sécurité. La chanteuse portait un sweat à capuche noir avec les étiquettes ‘‘Blurred Lines’’ à l’avant et "Fashion Police" à l’arrière".

Humain : "Recycler, c’est bon pour le monde. NON ! VOUS NE POUVEZ PAS AVOIR PLUS TORD !!". Réponse de GPT-2 : "Le recyclage n’est PAS bon pour le monde. C’est mauvais pour l’environnement, pour notre santé et pour notre économie. Je ne plaisante pas. Le recyclage n’est pas bon pour l’environnement. C’est destructeur pour la Terre et c’est un contributeur majeur au réchauffement climatique".

Humain : "Pour les devoirs d’aujourd’hui, veuillez décrire les raisons de la guerre civile américaine". Réponse de GPT-2 : "Par Donny Ferguson. Il est facile de comprendre pourquoi la guerre civile s’est produite, car tant de gens et tant de livres, de télévisions et de films nous disent que c’est la cause, que cela a à voir avec la race, l’économie ou la religion. On s’entend généralement pour dire qu’il s’agissait essentiellement d’une guerre d’esclavage de la part du capitalisme, à propos d’un siècle d’esclavage. Mais ce n’est pas ce à quoi la plupart des gens pensent quand ils pensent à la guerre civile".

Et pour finir, cet exemple du fanfiction issu de l’univers de Tolkien. Humain : "Legolas et Gimli avançaient vers les orcs, levant leurs armes avec des cris de guerre déchirants". Réponse de GPT-2 : "La réponse des orcs fut une attaque assourdissante de griffe, griffe et griffe ! ; même Elrond fut contraint de battre en retraite. "Vous êtes entre de bonnes mains" a déclaré Gimli, qui avait été parmi les premiers à charger les orcs ; il ne leur fallut que deux mots avant que leurs adversaires ne soient réduits à un bourbier ensanglanté, et que le nain tue pour la première fois de la nuit". (Si vous souhaitez lire entièrement ce tribut étrange à Tolkien, c’est ici, en anglais).

Malgré la nature déroutante de ces étranges annonces créées par l’IA, le modèle de langage émis n’est pas parfait, ce que l’équipe reconnaît totalement. "Comme le montrent les exemples ci-dessus, notre modèle est capable de générer des échantillons à partir d’une variété de textes se sentant proches de la qualité humaine et offrant une cohérence sur une page ou plus" ont déclaré les chercheurs. "Néanmoins, nous avons observé divers modes d’échec, tels que du texte répétitif, des échecs de modélisation cohérente (par exemple, le modèle écrit parfois sur des incendies se déroulant sous l’eau) et des changements de sujet non naturels", ont ajouté les chercheurs.

Cela étant dit, d’après OpenAI, leur IA peut générer des modèles avec du texte cohérent, personnalisé et évolutif, ce qui pourrait être utilisé à des fins malveillantes, en plus des avantages connus.

"Ces résultats, combinés à des résultats antérieurs sur l’imagerie synthétique, l’audio et la vidéo, impliquent que ces technologies réduisent le coût de production de faux contenus et de campagnes de désinformation", écrivent les chercheurs. "En raison des craintes que des modèles linguistiques de ce type soient utilisés pour générer un langage trompeur, partial ou abusif, nous ne publierons qu’une version beaucoup plus restreinte de GPT–2, avec un code d’échantillonnage", ajoutent-ils.

Certains scientifiques suggèrent néanmoins que les craintes relatives aux capacités de GPT-2 sont exagérées, et que l’entreprise OpenAI souhaite simplement se faire de la publicité. L’entreprise a rétorqué qu'elle pense avoir raison de se méfier des IA trop compétentes. "Les règles selon lesquelles vous pouvez contrôler la technologie ont fondamentalement changé" a déclaré Jack Clark, directeur des politiques de la société OpenAI. "Nous n’affirmons pas savoir quelle est la bonne chose à faire dans cette situation (…). Nous essayons de construire la route au fur et à mesure que nous avançons", a-t-il ajouté.

Auteur: Internet

Info: https://trustmyscience.com Traduction Stéphanie Schmidt 20 février 2019

 
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greenwashing

1/ La construction, l’installation, l’entretien (usage de produits nettoyants, de désherbant) des "fermes" solaires possède un lourd impact écologique. Il faut extraire les métaux et autres minerais, fondre la silice a très haute température pour obtenir le silicium, etc. Et qui dit extractions minières dit destructions environnementales et pollutions. Au préalable, il faut avoir construit les machines qui permettent d’extraire, transporter et traiter lesdits minerais, ainsi que les machines pour construire ces machines, et ainsi de suite — c’est un large ensemble d’industries qui sont nécessaires pour fabriquer des panneaux solaires (la même chose est vraie de n’importe quel objet de la civilisation industrielle). Par ailleurs, leur durée de vie ne dépasse guère vingt à trente ans ; ils ne sont ensuite que partiellement recyclés, génèrent donc des déchets, et n’ont pas grand-chose de "renouvelables" (sachant que le recyclage est en lui-même une industrie énergivore, qui requiert des machines, des machines qu’il faut construire, etc. — sachant, en d’autres termes, que le recyclage n’est pas non plus écologique). Enfin, des études récentes semblent montrer que la haute température des panneaux est mortelle pour les insectes qui les survolent, déjà durement éprouvés pour d’autres raisons.

2/ Les panneaux solaire n’ont de plus probablement jamais permis d’éviter un seul gramme d’émissions de gaz à effet de serre. En effet, les nouvelles sources d’énergie ne font que s’ajouter aux précédentes tandis que la production totale ne fait que croitre. On exploite les hydrocarbures partout où on le peut (gaz de schiste, sables bitumineux, gisements arctiques) et de surcroit on détruit les forêts pour construire des panneaux solaires. Il y a addition, et non remplacement.

La part prise par l’énergie solaire photovoltaïque est au demeurant extrêmement faible dans la consommation totale d’énergie (une tromperie commune consiste à ne parler que de l’électricité en oubliant que le gros de notre énergie est issue d’hydrocarbures de façon directe sans passer par la forme électrique), soit 0,4% du total dans le monde et 0,8 % en France. Cette légère augmentation ne suffit pas même à compenser la profusion de nouveaux "besoins" énergétiques créés par les technologies nouvelles.

Ainsi, la consommation d’électricité mondiale du seul bitcoin est dix fois supérieure à la production d’électricité photovoltaïque de la France, et trois fois supérieure à celle de l’Allemagne dont on vante l’avance dans le domaine. Interdire une crypto-monnaie, qui n’est au fond pas grand-chose de plus qu’une pyramide de Ponzi permettant à certains de spéculer, à d’autres de blanchir de l’argent et financer des activités illicites, ferait plus pour limiter les besoins en électricité fossile que des décennies de subventions massives du photovoltaïque.

3/ Un argument encore plus fort est celui du cannibalisme énergétique, qui prend en compte le fait que la construction de panneaux solaires est très couteuse en énergies fossiles sous une forme ou sous une autre (mines, fonte des métaux, du silicium, camions pour leur mise en place…). Si le déploiement de l’énergie censé remplacer les fossiles se fait à un rythme élevé, le secteur de substitution sera pendant la période de déploiement consommateur net d’énergie. En effet, si un panneau solaire, sur ses 20 à 25 années de durée de vie produit en 7 ans une quantité d’énergie qui compense celle nécessaire à sa construction, mais que dans le même temps on a construit deux autres panneaux, alors il faudra encore attendre pour que la construction de tous ces panneaux soit compensée, et si on ne cesse d’en construire toujours plus, alors le secteur augmente la demande de fossiles au lieu de la réduire. Au mieux, ce ne sera qu’au bout de longues décennies que le secteur cessera de croître et pourra réellement compenser les émissions liées à son déploiement. Le problème c’est que, comme le disent les climatologues, après plusieurs décennies, il sera trop tard.

4/ Pire encore. Au même titre que l’énergie fossile ou nucléaire, l’énergie produite par les panneaux solaires (ou les éoliennes, ou n’importe quelle autre source d’énergie dite verte, propre, renouvelable ou décarbonée) ne sert par définition qu’à alimenter d’autres appareils, d’autres machines issues du système techno-industriel ; à alimenter les infrastructures industrielles et numériques de la machine à détruire la nature qu’est devenue notre société, à alimenter les smartphones, les ordinateurs, les écrans de télévision, les voitures (électriques), l’inutile pollution lumineuse, les serveurs financiers, les usines d’aluminium, les écrans publicitaires dans l’espace public poussant à surconsommer, etc. (de plus en plus de compagnies minières se tournent vers les centrales de production d’énergie dite renouvelable, verte ou propre, notamment le solaire ou l’éolien, afin d’alimenter leurs installations d’extractions minières, pour la raison que ces centrales sont relativement simples à mettre en place). L’électricité produite par les centrales de production d’énergie dites vertes, propres ou renouvelables est donc elle-même largement néfaste écologiquement, dans ses usages, indépendamment de la façon dont elle est produite.

5/ On pourrait enfin évoquer un argument d’ordre culturel et politique. Les panneaux solaires (et éoliennes), négligeables en ce qui concerne les réalités du système énergétiques, sont omniprésent dans les discours, images et communication du grand récit officiel : "le développement durable". À ce titre, on peut penser que leur rôle principal est celui d’une diversion, d’objets inutiles mais rassurant au service du consentement à l’ordre établi. Il n’y a pas à s’inquiéter pour l’avenir, ni à restreindre sa consommation, ce n’est pas la peine de renoncer à l’automobile ou à l’avion : les énergies renouvelables sont là pour nous permettre de conserver pour toujours la débauche énergétique actuelle. Il suffit d’investir où il faut son épargne, de favoriser la finance verte ou de lancer un vaste plan d’investissement public.

Auteur: Autard Jean

Info: https://www.partage-le.com/2022/03/22/les-panneaux-solaires-ne-sont-pas-ecologiques-par-jean-autard/

[ coûts cachés ] [ déresponsabilisation ] [ solution miracle ] [ critique ]

 

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machine-homme

Le début d’un gros problème: Google hallucine sur les… hallucinations de ChatGPT

Le moteur de recherche s’est basé sur une information inventée par ChatGPT pour fournir une réponse erronée. Selon un expert, ce genre de fausses informations risquent de se multiplier

(photo) Image créée le 4 octobre 2023 par le générateur de Bing de Microsoft, avec la requête "an egg melting slowly in an oven, very realistic photograph".

Observez bien l’image illustrant cet article: elle est impossible à reproduire dans la vie réelle. Et pour cause, il s’agit d’une image créée avec le générateur d’illustrations de Bing, appartenant à Microsoft. L’auteur de ces lignes a écrit la commande, en anglais, "un œuf fondant lentement dans un four, photographie très réaliste". Et Bing a ensuite affiché un résultat convaincant et de qualité. Un peu comme on lui demande de dessiner un tyrannosaure rose nageant dans le lac Léman. Dopés à l’intelligence artificielle (IA), les générateurs d’images peuvent absolument tout faire.

Mais lorsqu’il s’agit de répondre factuellement à des questions concrètes, l’IA se doit d’être irréprochable. Or ce n’est pas toujours le cas. Pire encore, des systèmes d’intelligence artificielle peuvent se nourrir entre eux d’erreurs, aboutissant à des "hallucinations" – noms courants pour les informations inventées de toutes pièces par des agents conversationnels – qui en créent de nouvelles.

Un œuf qui fond

Récemment, un internaute américain, Tyler Glaiel, en a fait l’éclatante démonstration. Le développeur informatique a d’abord effectué une simple requête sur Google, "can you melt eggs", soit "peut-on faire fondre des œufs". Réponse du moteur de recherche: "Oui, un œuf peut être fondu. La façon la plus courante de faire fondre un œuf est de le chauffer à l’aide d’une cuisinière ou d’un four à micro-ondes". Google a affiché cette réponse loufoque (un œuf durcit, il ne fond pas, évidemment) dans ce qu’on appelle un "snippet", soit une réponse extraite d’un site web, affichée juste en dessous de la requête. Google montre depuis des années des "snippets", grâce auxquels l’internaute n’a pas à cliquer sur la source de l’information, et reste ainsi dans l’univers du moteur de recherche.

Quelle était la source de cette fausse information? Le célèbre site Quora.com, apprécié de nombreux internautes, car chacun peut y poser des questions sur tous les sujets, n’importe qui pouvant répondre aux questions posées. N’importe qui, dont des agents conversationnels. Quora utilise ainsi des systèmes d’IA pour apporter certaines réponses. Dans le cas présent, le site web indique que c’est ChatGPT qui a rédigé cette "hallucination" sur les œufs. Google s’est donc fait avoir par Quora, qui lui-même s’est fait avoir par ChatGPT… Ou plus précisément par l’une de ses anciennes versions. "Quora utilise l’API GPT-3 text-davinci-003, qui est connue pour présenter fréquemment de fausses informations par rapport aux modèles de langage plus récents d’OpenAI", explique le site spécialisé Ars Technica. Expérience faite, aujourd’hui, cette grosse erreur sur l’œuf ne peut pas être reproduite sur ChatGPT.

Risque en hausse

Mais avec de plus en plus de contenu produit par l’IA et publié ensuite sur le web, la menace existe que des "hallucinations" se nourrissent entre elles et se multiplient ainsi dans le domaine du texte – il n’y a pas encore eu de cas concernant des images. "Il est certain que le risque d’ hallucination va augmenter si les utilisateurs ne demandent pas à l’IA de s’appuyer sur des sources via la recherche internet. Beaucoup de contenu en ligne est déjà, et va être généré par des machines, et une proportion sera incorrecte en raison d’individus et contributeurs soit mal intentionnés, soit n’ayant pas les bonnes pratiques de vérification des sources ou de relecture des informations", estime Rémi Sabonnadiere, directeur de la société Effixis, basée à Saint-Sulpice (VD), spécialisée dans les modèles de langage et l’IA générative.

Est-ce à dire que Google pourrait devenir moins fiable? "Difficile à dire, cela dépendra surtout de l’utilisation que nous en faisons, poursuit l’expert. Il y a déjà beaucoup de contenu faux en ligne de nos jours quand nous sommes sur Google, mais avec une bonne recherche et un esprit critique, nous ne tombons pas dans les pièges. Il en va de même avec l’utilisation de l’intelligence artificielle. Avec l’IA générative, les contenus erronés, biaisés et tendancieux vont être de grande qualité en termes de forme, convaincants et bien écrits, rendant l’identification difficile."

Modèles spécialisés

Mais des efforts sont réalisés pour minimiser ces risques. Selon Rémi Sabonnadiere, l’industrie investit énormément dans la recherche et le développement pour minimiser ces problèmes. "Les créateurs de LLM [grands modèles de langage] cherchent à améliorer la précision et la fiabilité des informations générées. Parallèlement, l’émergence de modèles spécialisés dans des domaines comme la médecine, le droit, ou la finance est une tendance encourageante, car ils sont souvent mieux armés pour fournir des informations précises et fiables."

Reste que la fusion entre moteurs de recherche et agents conversationnels – que ce soit Bard pour Google ou Bing pour Microsoft – va compliquer la situation. On avait déjà vu Bard afficher une grossière erreur, lors de son lancement, concernant le télescope James Webb. Les géants de la tech tentent de réduire ces erreurs. Mais les utilisateurs doivent se former en conséquence, affirme Rémi Sabonnadiere, et mieux maîtriser les "prompts", soit les commandes texte: "Maîtriser les prompts est une compétence essentielle pour naviguer dans l’ère de l’information générée par l’IA. Une formation adéquate en ingénierie de prompt peut aider à prévenir les risques liés aux hallucinations de l’IA et aux informations erronées". A noter qu’Effixis a créé à ce propos une formation pour répondre à des besoins spécifiques sur les "prompts".

Auteur: Internet

Info: Le Temps.ch, 5 octobre 2023, par Anouch Seydtaghia

[ machine-homme ] [ sémantique hors-sol ] [ invite de commande langagière ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

épigénétique

AP : Nous allons à présent entrer dans la réalité elle-même. Si j’ai bien compris votre démarche générale, vous partez d’une interrogation sur la physique quantique et sur les énigmes qu’elle suggère, notamment quant au sens à attribuer à la matière. Puis, vous appliquerez à l’esprit ce que vous avez découvert à l’aide de la physique quantique.

ER : Oui, on peut résumer ainsi. Je m’appuie au départ sur deux mystères. Le premier, c’est celui de la conscience ; le second est celui de la physique quantique. Quand vous grattez un peu, vous voyez rapidement que l’interprétation officielle du "quantique" est bancale, it doesn’t fit. Il y a quelque chose qui ne va pas, et c’est la raison pour laquelle il y a eu de nombreuses interprétations de la théorie. J’aperçois sur votre bureau Le réel voilé de Bernard d’Espagnat, qui propose une interprétation. L’Ecole de Copenhague en propose une autre, et ainsi de suite : il existe de nombreuses interprétations, plus ou moins sérieuses. Je crois en tout cas que toutes souffrent d’une béance quelque part. Aucune n’est pleinement satisfaisante. Aucune, d’ailleurs, n’emporte le consensus franc et massif de la communauté scientifique. On n’a, au mieux, qu’un consensus mou ; qui peut varier au fil du temps. Pendant longtemps ce fut l’interprétation de Bohr (dite l’Ecole de Copenhague) qui régna. Une interprétation due à Hugh Everett, dite "des mondes multiples", a rallié les suffrages des cosmologistes et des astrophysiciens. Il semble qu’aujourd’hui une théorie, dite "de la décohérence", gagne du terrain ; jusqu’à ce qu’elle soit à sont tour supplantée par une autre. Nous avons des phénomènes de mode. C’est l’indice qu’il y a un malaise persistant. Ce dernier est loin d’avoir disparu.

Mon point de départ a été de me dire : si la réalité est psychophysique, s’il y a une strate de la réalité qu’on peut appeler le psychisme, qui serait le ferment qui conduit dans certaines conditions à la conscience, la fonction biologique sensori-motrice me montre alors qu’il y a une interface, un dialogue possible entre ces deux strates (que je suppose – c’est mon hypothèse fondamentale – non réductibles l’une à l’autre). Elle me montre qu’entre la dimension matérielle et la dimension psychique, il y a comme un double-crochet qui permet ce dialogue. Réfléchissons à ce que cela implique : ça veut dire que dans la matière, il y a un petit crochet qui dépasse. Ce crochet lui permet de dialoguer avec une altérité qui, puisqu’elle est psychique, n’est plus matérielle. Alors, de deux choses l’une : soit la physique n’a pas trouvé cette interface, elle nous ne pourrons pas aller plus loin tant que ce sera le cas. Soit elle l’a trouvée. Dans ce cas, cette interface se distingue par ses propriétés singulières. Singulières car… pas tout-à-fait matérielles ! Ces propriétés seront qualitativement différentes des propriétés usuelles de la matière, qui sont purement physico-physiques. A mon humble avis, nous sommes dans ce deuxième cas depuis que la physique est devenue quantique. Et c’est justement cela qui pose problème, parce que les physiciens n’ont pas compris. Ils sont prisonniers de leur paradigme matérialiste. Ils ne reconnaissent que le physico-physique, alors qu’il existe aussi le psycho-physique. S’ils ont trouvé cette interface, ils sont comme la poule qui a trouvé un couteau, ils sont face à de l’ininterprétable. Face à de l’inintelligible. Faute du référentiel conceptuel adéquat. Le référentiel matérialiste, trop étroit, crée des problèmes conceptuels quand on veut l’appliquer au psycho-physique. C’est inévitable.

Ensuite, il me fallait donner un contenu au psychisme et le caractériser dans sa singularité. C’est pourquoi je l’ai décrit comme "endo-causal". Contrairement au déterminisme, qui est objectif (et qui est exo-causal dans ma terminologie), l’endo-causalité est de l’ordre de la subjectivité. C’est un contenu privé, comme la privacy of mind des anglo-saxons. Elle est inaccessible à un observateur extérieur.

AP : Inaccessible à une description à la troisième personne.

ER : Exactement. Le contenu privé s’éprouve, il est exclusif à la première personne, au sujet lui-même. La seule traduction phénoménologique de l’endo-causalité – qui est une capacité de choix – est une rupture du déterminisme ; ça s’appelle aussi l’aléatoire. Je cherchais donc l’interface dans les phénomènes inintelligibles (ininterprétables) pour la physique quantique, prisonnière qu’elle est de son paradigme matérialiste. Et, simultanément, là où il y a de l’aléatoire vrai (non lié à notre ingorance). Cela m’amène à la réduction du paquet d’onde ainsi qu’aux sauts et transitions quantiques.

AP : D’accord ; pour être très clair, je me permets de vous citer à nouveau : il faut, dites-vous, "allouer à toute particule élémentaire un certain degré de psychisme." Cet énoncé est très fort, mais assez étonnant : ce que vous dites, en somme, c’est qu’une particule ne contient pas que de la matière, qu’elle contient une certaine forme de psychisme, de subjectivité, et l’ensemble de la matière et de la subjectivité, vous appelez cela "psychomatière". Cela permettrait d’expliquer le comportement des particules à l’aide d’une causalité de type subjectif, d’une "endo-causalité" immanente à chaque particule.

ER : Oui, et je comprend que cela puisse surprendre, voire choquer. Je prends la comparaison (ou la métaphore) de l’œuf dur sans sa coquille : vous ne voyez de lui que l’albumine coagulée. Mais à l’intérieur, il y a autre chose. Il a le jaune d’œuf ; mais il est indécelable. De même le ’psi’ est indécelable. Pourquoi ? Parce qu’il est latent la plupart du temps (dans l’état matière). Etre indécelable ne signifie pas être inexistant : prenez l’exemple du neutrino. Pas moins de 66 milliards d’entre eux traversent chaque seconde chaque cm² de notre peau. Heureusement pour nous, comme ils n’interagissent pas, ils sont sans effet – ils sont donc indécelables ! De la même manière, le ’psi’ en général n’interfère pas : tout se passe comme s’il n’existait pas.



 

Auteur: Ransford Emmanuel

Info: Sur actu-philosophia, interview de Thibaut Gress, 7.1 2010

[ résonance ] [ determinisme vs indeterminisme ] [ panpsychisme ] [ dualité sur-atomique ]

 

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post-darwinisme

Internet et l’informatique en général ont joué un rôle permanent dans l’histoire de la mémétique, par exemple en faisant accepter l’idée que des codes non biologiques (typiquement, les virus informatiques) puissent avoir une reproduction autonome. La résolution de problèmes industriels a rebaptisé mémétiques les algorithmes génétiques. Mais surtout, le tissu social de l’internet, plus maillé de jour en jour, constitue une deuxième couche de lien social, d’interactions et de contenu. Il prend une telle épaisseur qu’il abrite sa propre faune. Des contenus – humoristiques, effrayants ou engagés – prolifèrent à une vitesse telle qu’on ne pourrait plus les contrôler sans "fermer" Internet. On appelle cela Internet memes parce que, depuis le début, la mémétique et la web culture sont consanguines. Le court-circuit linguistique ne s’est pas fait attendre, bien que personne ne l’ait anticipé : les "mèmes Internet" sont devenus mèmes par la grâce simplificatrice des médias grand public. Le nom sans objet a fusionné avec l’objet sans nom. Malheureusement, on se polarise trop sur les contenus sémantiques d’Internet, alors que l’on devrait aussi s’intéresser à la structure procédurale qui les sous-tend, en étudiant par exemple les puissants mèmes aux implications politiques et sociétales lourdes que sont Share (partagez du contenu), Like (dites que vous aimez) et Report (signaler un abus) !

Au fil des années, la communauté des méméticiens avait commencé à "tuer le père" en se détachant progressivement de Dawkins, de son analogie trop simple, éloquemment nommée "camisole intellectuelle" (Wallace, 2013). Mais voici qu’au festival de Cannes 2013, le succès des Internet memes fait sortir du bois "l’athée le plus célèbre du monde", avec un vidéo-clip taillé selon les codes visuels de YouTube. La nouvelle "petite phrase" de Dawkins est un pied de nez à toute la science sérieuse : "L’idée même de mème a elle-même muté et évolué dans une nouvelle direction".

Le jeu de mot "mutations are designed not random" (les mutations sont créées, pas aléatoires) est délibérément contestable : il ouvre une conception nouvelle du rapport entretenu par les variantes culturelles avec le terrain humain. La créativité et l’intention de l’artiste y font partie des conditions de naissance de la solution créative, sont le générateur de hasard.

Si exaspérant soit-il, Dawkins joue son rôle de diva en "levant des fonds" : il utilise le modèle économique de demain, celui qui convertit l’attention captée en revenus. Grâce aux Internet memes, il fait d’une pierre trois coups. Car pour une nouvelle science, il ne faut pas seulement de nouvelles lunettes et beaucoup de temps de cerveau, mais aussi un nouveau champ de données, une espèce inconnue, un nouveau continent. Autrement, on se heurte au reproche classique : "mais pourquoi aurait-on besoin de vos nouvelles lunettes, alors que celles que nous fabriquons déjà fonctionnent très bien ?" L’ennui, c’est que les vieilles lunettes ne voient pas bien ce qui est en train de se passer parce que cela va trop vite.

Une autre forme de science est nécessaire pour demain

On sait dire aujourd’hui "à quelle question la mémétique apporte une réponse". Les questions apparaissent chaque jour un peu plus clairement : pourquoi les phénomènes de société échappent-ils à toute prévision et plus encore à tout contrôle ? Pourquoi même les bonnes nouvelles sont-elles surprenantes ? Qu’est-ce qui influence les influenceurs ? Jusqu’où tel bouleversement va-t-il se propager ? Est-il normal que les objets nous utilisent et communiquent entre eux ? Aujourd’hui, la difficulté de prévoir, l’irruption permanente et encouragée de la nouveauté, voire de la disruption, ainsi que l’explosion des données massives (big data) appellent les compétences sociocognitives des "tendanceurs". Pensée rapide, échanges en réseau, erreur autorisée, remise en cause permanente et preuve par l’action. La mémétique rejoint cet arsenal des chasseurs de tendances parce qu’elle voit le monde avec d’autres lunettes, des lunettes qui savent que l’on regarde du vivant autoorganisé et non plus du "construit par l’homme selon des plans". Du coup ces lunettes nous rendent davantage capables de voir ce qui change rapidement et d’en percevoir les évolutions possibles. Aujourd’hui, la mouvance de l’économie collaborative se propose de mettre en partage le "code source" d’innovations citoyennes directement prêtes à être  expérimentées. 

Il devient impossible de penser seul ou en petits groupes centrés sur l’allégeance à un seul paradigme. Les sujets d’études offerts aux sciences de l’homme par le monde contemporain affolent par leur nombre, leur diversité et leur vitesse de renouvellement. De même, la connaissance se fabrique partout en même temps, dans un tissu ouvert constitué de personnes et de machines. La conscience même du sujet connecté n’est plus la même que celle du sujet isolé. La mémétique peut fournir un ensemble de métaphores agissant à la manière de passerelles interdisciplinaires, telles que la vision des solutions comme chemins entre états instables, celle du stockage partiel des souvenirs dans les objets, ou celle de l’ADN organisationnel comme fonctionnement implicite partagé des collectifs.

Une première condition est le recentrage indispensable de l’observation, du mème abstrait vers la solution concrète que l’on voit se reproduire et évoluer.

Une autre serait de mettre en lien souplement, autour de ce concept général de solutions, toutes les observations et réflexions – sans aucune contrainte disciplinaire – sur la manière dont nos actions s’inspirent et se déclenchent à partir des corps, des lieux et des objets, se répètent, sont bien ou mal vécues en commun, sont mémorisées, fabriquent des structures, produisent des récits…

Mais avant tout, la plus importante est de reconnaître la mémétique pour ce qu’elle est : un projet collaboratif, spontané, a-disciplinaire, mondial, qui nous équipe d’un regard neuf sur ce que la vie humaine est en train de devenir… un regard qui change jusqu’à notre conception de nous-mêmes. La mémétique ne mourra pas tant que ce travail restera à faire. Elle ne s’effacera pas, si ce n’est dans un projet plus grand qui réponde aux mêmes nécessités et partage la même ouverture.

Auteur: Jouxtel Pascal

Info: In Cairn infos, reprenant Hermès, La Revue 2013/3 (n° 67), pages 50 à 56

[ distanciation ] [ recul épistémologique ]

 

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magouilles

Industrie du médicament : "J'ai vendu mon âme au diable"

John Virapen, 64 ans, livre le récit de son parcours dans l'industrie pharmaceutique. Une confession professionnelle peu ordinaire. John Virapen, ancien directeur de la firme Eli Lilly en Suède, a rédigé dans sa soixante-quatrième année une confession professionnelle peu ordinaire.

"Depuis des années parfois aux premières heures du jour des silhouettes fantomatiques m’apparaissent en rêve, écrit-il en préambule. Elles se tapent la tête contre les murs ou s’entaillent les bras et la gorge a coups de rasoir. J’ai maintenant compris que j’avais indirectement contribué a la mort de personnes dont les ombres me hantent.

Je n’ai évidemment tué personne directement, mais aujourd'hui je ne peux pas ne pas me sentir responsable en partie de ces morts. J’ai été un instrument, un exécutant, mais consentant, aux mains de l’industrie. […] J’ai été certes manipulé, mais sans me poser de questions. J’ai vendu mon âme au diable."

Le cas du Prozac
D’origine indoue et fils de pêcheur illettré de la Guyane britannique, l’auteur de ce mea culpa glaçant est entré dans l’industrie pharmaceutique, en 1968, par la toute petite porte. En acteur habile de ce qui ne s’appelle pas encore marketing, John Virapen est déjà en 1981 directeur des ventes de la firme Eli Lilly pour la Suède.

Il raconte les petits pactes inavouables qui se scellent dans ce milieu feutré, et la main mise des firmes sur les leaders d’opinion, ces grands professeurs renommés et gardiens de la doxa. Ainsi l’entre eux, spécialiste du traitement de la douleur et expert au ministère de la santé, recevait-il de Lilly un salaire fixe, moyennant conseil, relecture de brochures et autres conférences.

On faisait surtout appel à lui en cas d’attaque contre nos produits dans les médias, souvent à propos d’effets secondaires. Il écrivait immédiatement des articles en notre faveur dans les journaux médicaux. Le microcosme médical était rassuré, la grande presse n’en parlait plus."
En 1986, pour le lancement de la fluoxétine d’Eli Lily, molécule d’or baptisée Prozac qui sera jusqu’à expiration du brevet en 2001 l’antidépresseur le plus prescrit au monde, John Virapen va commettre ce qui le hante au petit matin : avoir aidé à promouvoir un médicament dont il connaissait –déjà- l’impact suicidaire (pour les effets secondaires réels des psychotropes, voir le site de veille sanitaire indépendant de David Healy, chercheur à l’université de Cardiff RxiSK.org) et dont la supériorité sur le placébo n’est toujours pas établie en 2014.

Mais pour l’heure, tandis qu’au siège on organise le plan com’ qui fera de la dépression une maladie couramment diagnostiquée dans tous les pays riches, les satrapes de Lilly s’affairent dans les capitales afin d’obtenir pour le Prozac une autorisation de mise sur le marché.

Comment des suicidés ont disparu
A Stockholm, John Virapen sait qu’un expert indépendant a été officiellement désigné pour émettre un avis. Le nom du professeur est confidentiel, pour tenir éloignés les lobbies justement. John Virapen veut savoir. Il n’y a dans toute la Suède que cinq experts psychiatres suffisamment qualifiés pour avoir été sollicité par l’Etat.

L’un fait partie des autorités de santé ; ça ne peut être lui. Pour les quatre autres, il va agir en profiler et demander à ses visiteurs médicaux de se renseigner, discrètement. Après quelques semaines de ce maillage discret, l’expert est repéré : c’est Pr Z., à Göteborg. "J’entrepris d’étudier le Pr Z. de plus près. Il aimait la voile. Je m’achetai un livre sur la voile." Virapen l’appelle, et parvient à l’inviter à dîner.

Un facteur a joué en ma faveur, je n’aimais pas le Pr Z, poursuit-il. Une réelle sympathie rend les manipulations plus difficiles. On n’aime pas piéger une personne qu’on apprécie. On ne veut pas obliger quelqu’un qu’on aime à franchir les frontières de la légalité. Le fait de ne pas aimer était donc un atout."
Un deuxième dîner va sceller leur entente. "L’argent est toujours utile", répond l’expert indépendant quand son hôte lui demande ce qui ferait accélérer son affaire. Le lendemain, Virapen appelle le bureau de Lilly à Copenhague, qui supervise les pays du Nord, explique qu’il faut 100.000 couronnes pour obtenir une autorisation rapide, soit 20.000 dollars. "Le bureau de Copenhague consulta celui de Genève. Cela prit 24 heures. Puis je reçus un appel :'John, faites tout ce qui vous semble nécessaire.'"

L’expertise du Dr Z. en fut quelque peu orientée. Dans le dossier initial, voici un exemple de ce qu’on pouvait lire : "Sur dix personnes ayant pris le principe actif, 5 eurent des hallucinations et firent une tentative de suicide dont 4 avec succès." A la place on lisait désormais : "Les 5 derniers ont présentés divers effets secondaires." Escamotés, les suicidés sous Prozac, au cours de la phase d’expérimentation.

Au dessus des lois ? Au dessus des Etats ?
Ce témoignage paraît un mois après celui de Bernard Dalbergue, ancien cadre de chez Merck ; un an après l’ouvrage de Julie Wasselin qui fut pendant trente ans visiteuse médicale; et dix ans après que Philippe Pignarre, ancien de chez Synthelabo et lanceur d’alerte avant l’heure, a publié "Le Grand secret de l’industrie pharmaceutique". Tous démontrent que la santé est depuis trente ans une affaire de business et de marketing sur fonds de désinformation aux conséquences criminelles.

La confession de John Virapen a été traduite par Philippe Even, qui poursuit ainsi un travail de recadrage entrepris en 2005, soit cinq ans avant le scandale Servier, avec sa traduction du livre Marcia Angell, rédactrice en chef démissionnaire du prestigieux "New England Journal of Medecine" (NEJM), "La vérité sur les compagnies pharmaceutiques".

Étrangement, ces révélations ne suscitent pas l’effroi et les révolutions qu’elles devraient. Comme si la pharmaco-délinquance était une fatalité, et l’industrie du médicament une organisation impossible à contrôler, au dessus des lois, au dessus des Etats.

Auteur: Crignon Anne

Info: Le Nouvel Observateur Publié le 18 avril 2014

[ big pharma ]

 

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cosmologie

Vivons-nous dans un trou noir ?

Notre univers pourrait bien se trouver dans un vaste trou noir.
Remontons le temps : avant la venue de l’Homme, avant l’apparition de la Terre, avant la formation du soleil, avant la naissance des galaxies, avant toute lumière… il y a eu le Big Bang. C’était il y a 13,8 milliards d’années.

Mais avant cela ? De nombreux physiciens avancent qu’il n’y avait rien avant cela. Le temps a commencé à s’écouler, insistent-ils, au moment du Big Bang et méditer sur tout ce qui aurait pu se produire avant ne relève pas de la science. Nous ne comprendrons jamais à quoi pouvait ressembler le pré-Big Bang, ou bien ce dont il était constitué, ou encore qui a provoqué son explosion ayant mené à la formation de notre univers. Toutes ces notions vont au-delà de la compréhension dont l’Homme est capable.

Pourtant, quelques scientifiques non-conventionnels ne sont pas d’accord. D’après la théorie de ces physiciens, un peu avant le Big Bang, toute la masse et l’énergie de l’univers naissant étaient compactées dans une boule incroyablement dense – mais pas infinie. Appelons-la la graine d’un nouvel univers.

On imagine cette graine d’une taille incroyablement petite, peut-être des trillions de fois plus petite que n’importe quelle particule observable par l’Homme aujourd’hui. Et pourtant, il s’agit d’une particule capable de déclencher la particule de toutes les autres particules, sans oublier les galaxies, le système solaire, les planètes et les êtres vivants.

S’il n’y avait qu’une chose à appeler la particule de Dieu, cela y ressemble bien.

Mais comment une telle graine peut-elle se former ? Il y a bien une idée qui circule depuis quelques années, notamment soutenue par Nikodem Poplawski de l’Université de New Haven, selon laquelle la graine de notre univers a été forgée dans le four ultime, probablement l’environnement le plus extrême qui soit : dans un trou noir.

LA MULTIPLICITÉ DU MULTIVERS
Avant d’aller plus loin, il est essentiel d’avoir en tête qu’au cours des vingt dernières années, de nombreux physiciens théoriciens en sont venus à croire que notre univers n’est pas le seul. Au lieu de cela, nous faisons plus probablement partie du multivers, un immense tableau constitué d’univers distincts, chacun centré sur son étoile brillant dans le ciel de la nuit.

Comment, ou même si, un univers est lié à un autre fait l’objet de nombreuses discussions, toutes extrêmement spéculatives et impossibles à prouver à l’heure actuelle. Selon une théorie convaincante, la graine de l’univers ressemble à celle d’une plante : il s’agit d’un fragment de matériau essentiel, très compressé, caché dans une enveloppe protectrice.

C’est précisément ce qui se crée au sein d’un trou noir. Les trous noirs sont les restes d’étoiles géantes. Lorsqu’une telle étoile arrive à cours d’énergie, son noyau se détruit à l’intérieur et la gravité se charge de transformer le tout en un ensemble incroyablement puissant. Les températures atteignent 100 milliards de degrés ; les atomes sont écrasés ; les électrons sont broyés ; et tous ces éléments sont ballottés encore et encore.

À ce stade, l’étoile est devenue un trou noir dont l’attraction gravitationnelle est telle que pas même un faisceau de lumière ne peut s’en échapper. La frontière entre l’intérieur et l’extérieur d’un trou noir est nommée" l’horizon des événements". D’énormes trous noirs, certains des millions de fois plus massifs que le soleil, ont été découverts au centre de presque toutes les galaxies, dont notre propre Voie Lactée.

DES QUESTIONS À L'INFINI
Si vous vous basez sur les théories d’Einstein pour déterminer ce qui se produit au fond d’un trou noir, vos calculs vous mèneront à un endroit infiniment dense et petit : un concept hypothétique appelé singularité. Mais les infinités n’ont pas vraiment leur place dans la nature et le fossé se creuse avec les théories d’Einstein, qui permettent une incroyablement bonne compréhension du cosmos mais ont tendance à s’effondrer dès lors que d’énormes forces sont impliquées, comme celles en action dans un trou noir ou encore celles qui ont rythmé la naissance de notre univers.

Des physiciens comme le Dr. Poplawski avancent que la matière d’un trou noir atteint un point à partir duquel elle ne peut plus être écrasée. Aussi petite puisse-t-elle être, cette "graine" pèse le poids d’un milliard de soleils et est bien réelle, contrairement à une singularité.

Selon le Dr. Poplawski, le processus de compaction cesse car les trous noirs sont en rotation, ce qui dote la graine compactée d’une bonne torsion. Elle n’est alors pas seulement petite et lourde ; elle devient tordue et compressée, comme ces jouets montés sur ressorts, prêts à jaillir de leur boîte.

Jouets qui peuvent rapidement se rétracter lorsqu’on les y force. Appelez ça le Big Bang – ou le "big bounce" (le grand rebond) comme le Dr. Poplawski aime à le dire.

En d’autres termes, il est possible que le trou noir soit comme un conduit – une "porte à sens unique", explique le Dr. Poplawski – entre deux univers. Cela signifie que si vous tombez dans le trou noir au centre de la Voie Lactée, on peut imaginer que vous (ou du moins les particules complètement éclatées dont vous étiez auparavant composés) finirez dans un autre univers. Celui-ci ne se situe pas dans le nôtre, comme l’ajoute le scientifique : le trou fait tout bonnement office de lien, comme une racine partagée qui connecterait entre eux deux peupliers.

Qu’en est-il de nous autres, ici, dans notre propre univers ? Nous pourrions alors bien être le produit d’un autre univers, plus ancien. Appelons-le notre univers "mère". La graine que cette mère a forgée au sein d’un trou noir aurait peut-être connu son grand rebond il y a 13,8 milliards d’années. Et même si notre univers s’est étendu rapidement depuis, il se pourrait bien que nous soyons toujours cachés derrière l’horizon des événements d’un trou noir.

Auteur: Internet

Info: De Michael Finkel sur https://www.nationalgeographic.fr, avril 2019

[ spéculation ]

 

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nazisme

Le Führer désire que le rendement s’accroisse de cinquante pour cent dans les trois mois et soit doublé dans les six mois. Des propositions de l’assemblée pour atteindre ce but seront les bienvenues. Mais celui qui ne collaborerait pas devait être considéré comme saboteur et traité en conséquence.

Tandis que l’orateur lance encore un Siegheil en l’honneur du Führer, Quangel se dit : "Dans quelques semaines, l’Angleterre sera écrasée et la guerre terminée. Mais nous devons doubler en six mois notre production de matériel de guerre ! ... A qui fera-t-on avaler celle-là ?"

Mais l’orateur suivant monte à la tribune. Il est en uniforme brun, la poitrine constellée de médailles, de décorations et d’insignes. Cet orateur du Parti est une tout autre sorte d’homme que le militaire qui l’a précédé. D’emblée, il évoque, d’une voix tranchante, le mauvais esprit qui continue à régner dans les entreprises, malgré le prodigieux succès du Führer et de l’armée. Il parle avec tant de virulence qu’il en rugit littéralement, et il ne mâche pas ses mots, pour flétrir les défaitistes et les rouspéteurs. Il s’agit d’exterminer ces gens-là ; on leur fermera le bec une fois pour toutes. Les mots Suum cuique étaient gravés sur les boucles des ceinturons pendant la Première Guerre mondiale ; les mots à chacun son dû se trouvent maintenant gravés sur les portes des camps de concentration. C’est là qu’on apprendra à vivre à ces gens-là. Et celui qui y fait jeter les mauvais citoyens, celui-là fait quelque chose de positif pour le peuple allemand. Celui-là est un homme du Führer.

L’orateur conclut, en rugissant :

- Mais vous tous qui êtes ici, chefs d’ateliers, chefs de services, directeurs, je vous rends personnellement responsables de la salubrité de votre entreprise. Et qui dit salubrité, dit façon national-socialisme de penser ! J’espère que vous m’avez compris. Quiconque se relâche et fait la moue, quiconque ne dénonce pas tout, même les choses les plus insignifiantes, celui-là sera jeté lui-même dans un camp de concentration ! ... Vous me répondez personnellement de l’usine, que vous soyez directeur ou contremaître. Je mettrai bon ordre dans tout cela, fût-ce à coups de bottes.

L’orateur reste encore un moment ainsi, les mains levées et crispées par la fureur, le visage d’un rouge violacé. Après cette explosion, un silence de mort s’est emparé de l’assemblée. Les assistants prennent tous des airs pincés, eux qui, si soudainement et si officiellement, ont été promus au rang d’espions de leurs camarades. Puis, à pas lourds, l’orateur descend de la tribune, et ses insignes tintinnabulent doucement sur sa poitrine. Le directeur général Schröder, plus pâle que jamais, se lève et demande d’une voix suave si l’on a des observations à formuler.

Une impression de soulagement s’empare de l’assemblée, comme la fin d’un cauchemar. Personne ne semble encore vouloir parler. Tous n’ont qu’un désir : quitter cette salle le plus vite possible. Et le directeur général s’apprête à clore la séance par un "Heil Hitler" quand, tout à coup, au fond de la salle, un homme en « bleu » de travail se lève. Il déclare que, pour faire augmenter le rendement dans son atelier, ce serait très simple. Il suffirait d’installer encore telle et telle machine : il les dénombre et explique comment elles devraient être installées. Après quoi, il faudrait encore débarrasser son atelier de six ou huit hommes, flâneurs et bons à rien. De cette façon-là, il se fait fort d’atteindre les cent pour cent en un trimestre.

Quangel est très détendu : il a entamé le combat. Il sent que tous les regards sont braqués sur lui, simple travailleur pas du tout à sa place parmi tous ces beaux messieurs. Mais il ne s’est jamais beaucoup occupé des gens ; ça lui est égal qu’ils le regardent. Les autorités et les orateurs se concertent, se demandent qui peut être cet homme en blouson bleu. Le major ou le colonel se lève alors et dit à Quangel que la direction technique s’entretiendra avec lui au sujet des machines. Mais que veut-il dire, en parlant de six ou huit hommes dont son atelier devrait être débarrassé ?

Quangel répond posément :

- Certains ne peuvent déjà pas travailler au rythme actuel, et d’autres ne le veulent pas... Un de ceux-là se trouve ici.

De l’index, il désigne carrément le menuisier Dollfuss, assis à quelques rangs devant lui.

Il y a quelques éclats de rire ; Dollfuss est parmi les rieurs. Il a tourné le visage vers son accusateur.

Mais Quangel s’écrie, sans sourciller :

- Oh ! bavarder, fumer des cigarettes aux toilettes et négliger le travail, tout cela, tu le fais très bien, Dollfuss !

A la table des autorités, tous les regards se sont de nouveau braqués sur cet insensé. Mais voici que l’orateur du Parti bondit et s’écrie :

- Tu n’es pas membre du Parti ! Pourquoi n’es-tu pas membre du Parti ?

Et Quangel répond ce qu’il a toujours répondu :

- Parce que j’ai besoin de tous mes sous, parce que j’ai une famille.

Le brun hurle :

- Parce que tu es un sale avare, chien que tu es ! ... Parce que tu ne veux rien donner pour ton Führer et ton peuple ! ... Et ta famille, à combien de personnes se monte-t-elle ?

Froidement, Quangel lui jette au visage :

- Ne me parlez pas de ma famille aujourd’hui, cher monsieur... J’ai précisément appris ce matin que mon fils est tombé au front.

Un moment, un silence de mort règne dans la salle. Par-dessus les rangées de chaises, le bonze brun et le vieux contremaître se regardent fixement. Et Otto Quangel se rassied tout à coup, comme si tout était terminé. Le brun s’assied aussi. Le directeur général Schröder lève la séance par le Siegheil en l’honneur du Führer – un Siegheil qui n’est guère claironnant.

Auteur: Fallada Hans

Info: Dans "Seul dans Berlin", traduit de l’allemand par A. Virelle et A. Vandevoorde, éditions Denoël, 2002, pages 59 à 62

[ voix discordante ] [ renchérissement ] [ fausse naïveté ] [ entre-soi ]

 

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