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perdu

On devrait enfin cesser de se laisser abuser par les mots. Le peuple peut bien croire, à la rigueur, que la connaissance va au fond des choses, mais le philosophe lui doit se dire : "Si j'analyse le processus qu'exprime la préposition "je pense", j'obtiens toute une série d'affirmations téméraires qu'il est difficile, peut-être impossible de fonder; par exemple que c'est moi qui pense, qu'il faut qu'il y ait quelque chose qui pense, que la pensée est le résultat de l'activité d'un être conçu comme cause, qu'il y a un "je", enfin que ce qu'il faut entendre par pensée, est une donnée bien établie. Que je sais ce qu'est penser.

Auteur: Nietzsche Friedrich

Info: Par-delà le bien et le mal

[ plus rien à quoi se raccrocher ]

 

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sélectivité

On tient non seulement à être compris lorsque l'on écrit, mais certainement aussi à ne pas l'être. Ce n'est nullement encore une objection contre un livre que quelqu'un le trouve incompréhensible : peut-être cela faisait-il partie des intentions de l'auteur de ne pas être compris par "n'importe qui". Tout esprit distingué qui a un goût distingué choisit ainsi ses auditeurs lorsqu'il veut se communiquer; en les choisissant il se gare contre les "autres". Toutes les règles subtiles d'un style ont là leur origine : elles éloignent en même temps, elles créent la distance, elles défendent "l'entrée", la compréhension, - tandis qu’elles ouvrent les oreilles de ceux qui nous sont parents par l’oreille.

Auteur: Nietzsche Friedrich

Info: Le gai savoir (1882) , traduction d’Henri Albert (1901)

[ écrivain-lecteur ] [ répulsif ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

songe

Une méprise au sujet du rêve.
Dans le rêve, l'homme, aux époques de civilisation informe et rudimentaire, croyait apprendre à connaître un second monde réel ; là est l'origine de toute métaphysique. Sans le rêve, on n'aurait pas trouvé l'occasion de couper le monde en deux. La division en âme et corps se rattache aussi à la plus ancienne conception du rêve, de même que la croyance à un simulacre corporel de l'âme, partant l'origine de toute croyance aux esprits, et vraisemblablement aussi de la croyance aux dieux. "Le mort continue à vivre ; car il apparaît aux vivants dans le rêve" : c'est ainsi qu'on raisonna jadis, durant beaucoup de milliers d'années.

Auteur: Nietzsche Friedrich

Info: Humain, trop humain, 1878-1879, Oeuvres I, Robert Laffont, Bouquins 1990 <5 p.444>

 

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fanatique

Une conviction est la croyance d'être, sur un point quelconque de la connaissance, en possession de la vérité absolue. Cette croyance suppose donc qu'il y a des vérités absolues ; en même temps, que l'on a trouvé les méthodes parfaites pour y parvenir ; enfin que tout homme qui a des convictions applique ces méthodes parfaites. Ces trois conditions montrent tout de suite que l'homme à convictions n'est pas l'homme de la pensée scientifique ; il est devant nous à l'âge de l'innocence théorique, il est un enfant, quelle que soit sa taille. Mais des siècles entiers ont vécu dans ces idées naïves, et c'est d'eux qu'ont jailli les plus puissantes sources de force de l'humanité.

Auteur: Nietzsche Friedrich

Info: Humain, trop humain, 1878-1879, Oeuvres I, Robert Laffont, Bouquins 1990 <630 p.687>

 

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folie

F. N - Savez-vous qui je suis ?
J'ai été Bouddha chez les hindous, Dionysos en Grèce !
Alexandre et César sont mes incarnations, de même que le poète Shakespeare ! J'ai aussi été Voltaire et Napoléon, et peut-être aussi Richard Wagner...
(les badauds): AH AH !
F. N - Ne riez-pas ! sinon j'appelle Bismarck qui va vous faire fusiller !
En vérité, je vous le dis, j'arrive en Dionysos vainqueur et je vais transformer la terre en jour de fête !
(la police) Venez avec moi, monsieur, soyez gentil... venez avec moi.
F.N - Les cieux se réjouissent que je sois là...
A vous, je peux le dire, j'ai aussi été pendu sur la croix...

Auteur: Nietzsche Friedrich

Info: Nietzsche de Michel Onfray, pp 107-108. Turin, janvier 1889, la scène du cheval !

[ déclic ] [ basculement ]

 

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obsession

Mais la pensée est une chose et l'action en est une autre, et une autre encore l'image de l'action. Entre elles ne passe pas la roue de la causalité.
Une image fit blêmir cet homme. Il était à la hauteur de son action quand il la fit : mais une fois qu'il l'eut faite il ne put en supporter l'image.
Il ne cessait désormais de se voir comme l'homme d'une seule action. Ceci, je le nomme folie : l'exception chez lui, est devenue son être, elle s'est muée en son essence.
La ligne tracée hypnotise la foule ; le méfait qu'il a commis a hypnotisé sa pauvre raison - Ceci je le nomme la folie après l'action...

Auteur: Nietzsche Friedrich

Info: Ainsi parlait Zarathoustra, p 53

[ psychose ] [ idée fixe ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

beaux-arts

La musique se distingue de tous les autres arts par le fait qu'elle n'est pas une copie du phénomène, ou plus exactement de l'objectivité adéquate de la volonté, mais qu'elle est la copie directe de la volonté elle-même, et qu'elle se présente donc comme la métaphysique de tout ce qui est physique dans le monde, et comme la chose-en-soi de tout phénomène. Nous pourrions donc tout aussi bien appeler le monde musique incarnée que volonté incarnée ; voilà pourquoi la musique fait apparaître chaque image, et même chaque scène de la vie réelle et du monde, avec une signification plus élevée, certainement d'autant plus élevée, que sa mélodie est analogue à l'esprit intérieur du phénomène en question.

Auteur: Nietzsche Friedrich

Info: La naissance de la tragédie

[ modélisation sonore ] [ image-son ] [ correspondance ] [ opéra ] [ pré-cinéma ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

langage

Le rythme, cette puissance qui ordonnance à nouveau tous les atomes de la phrase, qui enjoint de choisir les mots et colore à neuf la pensée, la rendant plus obscure, plus étrange, plus lointaine ...? car on avait remarqué qu'un vers se retient mieux qu'une phrase de prose ; on pensait également, grâce au tic-tac rythmique, se faire entendre de plus loin ...? Mais surtout : on voulait se donner le bénéfice de contrainte élémentaire, de cet effet d'attaque brusquée que la musique révèle à l'homme : le rythme est une contrainte ; il engendre une irrésistible envie de céder, de faire écho ; ce ne sont pas seulement les pieds qui suivent la cadence de la mesure, l'âme aussi.

Auteur: Nietzsche Friedrich

Info: Le gai savoir, Gallimard, Collection Folio essais n°17, 1985, p.118

[ cadence ]

 

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rapports humains

Un homme qui aspire à de grandes choses considère tous ceux qu’il rencontre sur sa route soit comme moyen, soit comme cause de retard et comme obstacle –soit encore comme des haltes momentanées. La bonté de haute marque envers les autres hommes, qui est le propre de cet homme, ne devient possible que quand il est arrivé à sa propre hauteur et qu’il commence à dominer. Une certaine impatience et la conscience d’avoir été toujours condamné à la comédie –car la guerre même n’est qu’une comédie et une cachette, car tous les moyens ne servent qu’à cacher le but- lui gâchent toutes ses relations : ce genre d’homme connaît la solitude et ce qu’elle a de plus empoisonné.

Auteur: Nietzsche Friedrich

Info: Par-delà le bien et le mal

[ calcul ] [ ambition ] [ isolement ] [ égoïsme ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

rumination

Ne pas pouvoir prendre longtemps au sérieux ses ennemis, ses malheurs et jusqu'à ses méfaits - c'est le signe caractéristique des natures pleines et fortes, en qui se trouve en surabondance la force plastique et régénératrice, qui permet de guérir et même d'oublier. (Un bon exemple dans ce genre, pris dans le monde moderne, c'est Mirabeau, qui n'avait pas la mémoire des insultes, des infamies que l'on commettait à son égard ; et qui ne pouvait pas pardonner, uniquement parce qu'il - oubliait). Un tel homme, en une seule secousse, se débarrasse de beaucoup de vermine qui chez d'autres s'installe à demeure ; c'est ici seulement qu'est possible le véritable "amour pour ses ennemis", à supposer qu'il soit possible sur terre.

Auteur: Nietzsche Friedrich

Info: La généalogie de la morale, 1887, Oeuvres II, Robert Laffont, Bouquins 1990 Première dissertation 11, p.789

[ insouciance ] [ débonnaire ]

 

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