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raisonnements

Tous les biais cognitifs simples dans une seule infographie.
Le cerveau humain est capable de choses incroyables, mais il est aussi souvent extrêmement imparfait.
La science a montré que nous avons tendance à faire toutes sortes d'erreurs mentales, appelées "contraintes cognitives", qui peuvent affecter notre pensée et nos actions. Ces biais, comme le souligne Jeff Desjardinsde Visual Capitalist, peuvent nous amener à extrapoler des informations provenant de mauvaises sources, à chercher à confirmer les croyances existantes ou à ne pas nous souvenir d'événements comme ils se sont réellement passés!
Tout ceci fait bien sûr partie de l'être humain, mais ces biais cognitifs peuvent également avoir un effet profond sur nos efforts, nos investissements et notre vie en général. Pour cette raison, cette infographie de DesignHacks.co est particulièrement pratique. Elle montre et regroupe les 188 biais de confirmation connus existants.
QU'EST-CE QU'UN BIAS COGNITIF?
Les humains ont tendance à penser de certaines manières qui peuvent conduire à des écarts systématiques d'une prise de jugement rationnel.
Ces tendances proviennent habituellement de :
- Raccourcis de traitement de l'information
- Capacité de traitement limitée du cerveau
- Motivations émotionnelles et morales
- Distorsions dans le stockage et la récupération des souvenirs
- Influence sociale
Les biais cognitifs ont été étudiés durant des décennies par des universitaires dans les domaines de la science cognitive, de la psychologie sociale et de l'économie comportementale, mais ils sont particulièrement pertinents dans le monde de l'information. Ils influencent la façon dont nous pensons et agissons, et de tels raccourcis mentaux irrationnels peuvent conduire vers toutes sortes de problèmes dans l'entrepreneuriat, l'investissement ou la gestion.
EXEMPLES DE BIAS COGNITIFS
Voici quatre exemples de la façon dont ces types de biais peuvent affecter les gens dans le monde des affaires:
- Biais de familiarité: un investisseur met son argent dans "ce qu'il connait", plutôt que de rechercher les avantages évidents d'une diversification de portefeuille. Juste parce qu'un certain type d'industrie ou de sécurité est familier n'en fait pas une sélection logique.
- Le biais de l'auto-attribution: un entrepreneur attribue excessivement le succès de sa société à lui-même, plutôt qu'à d'autres facteurs (équipe, chance, tendances de l'industrie). Quand les choses ne vont pas, il blâme ces facteurs externes pour avoir stoppé sa progression.
- Ancrage de partialité : un employé lors d'une négociation de salaire dépend trop du premier chiffre mentionné dans les négociations plutôt qu'examiner de façon rationnelle une gamme d'options.
- Le biais de survie: l'esprit d'entreprise semble facile, car il y a tant d'entrepreneurs prospères. C'est pourtant bien un biais cognitif: les entrepreneurs prospères sont les meilleurs, ceux qui ont survécu, alors que les millions qui ont échoué sont parti pour faire d'autres choses.

Auteur: Internet

Info: Zero Hedge, 29 sept 2017

[ réflexion ] [ réfléchir ]

 

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biopouvoir

On juge ainsi des progrès d’une civilisation à son seul respect de la vie comme valeur absolue. [...] On accuse la société, lorsqu’elle tue en pleine préméditation, de vengeance barbare, digne du Moyen Âge. C’est lui faire beaucoup d’honneur. Car la vengeance est encore une réciprocité mortelle. Elle n’est ni "primitive" ni "pur mouvement de nature", rien n’est plus faux. Elle est une forme très élaborée d’obligation et de réciprocité, une forme symbolique. Rien à voir avec notre mort abstraite, sous-produit d’une instance morale et bureaucratique à la fois (notre peine capitale, nos camps de concentration) – mort comptable, mort statistique, qui, elle, a tout à voir avec le système de l’économie politique. Elle en a la même abstraction, qui n’est jamais celle de la vengeance ou du meurtre, ou du spectacle sacrificiel. Judiciaire, concentrationnaire, ethnocidaire : telle est la mort que nous avons produite, celle que notre culture a mise au point. Aujourd’hui, tout a changé, et rien n’a changé : sous le signe des valeurs de vie et de tolérance, c’est le même système d’extermination, mais en douceur, qui régit la vie quotidienne – et celui-là n’a même plus besoin de la mort pour réaliser ses objectifs.

Car le même objectif qui s’inscrit dans le monopole de la violence institutionnelle et de la mort se réalise aussi bien dans la survie forcée, dans le forcing de la vie pour la vie (reins artificiels, réanimation intensive des enfants mal formés, agonies prolongées à tout prix, greffes d’organes, etc.). [...] Cette "thérapeutique héroïque" se caractérise par des coûts croissants et des "avantages décroissants" : on fabrique des survivants improductifs. Si la Sécurité sociale peut encore s’analyser comme "réparatrice de force de travail au profit du capital", cet argument est ici sans valeur. Si bien que le système se retrouve ici devant la même contradiction que pour la peine de mort : il surenchérit sur la préservation de la vie comme valeur parce que ce système de valeurs est essentiel à l’équilibre stratégique de l’ensemble – mais cette surenchère déséquilibre économiquement l’ensemble. Que faire ? Un choix économique s’impose, où on voit se profiler l’euthanasie comme doctrine et pratique semi-officielle. [...] L’euthanasie est déjà là partout, et l’ambiguïté d’en faire une revendication humaniste (même chose pour la "liberté" de l’avortement) est éclatante : elle s’inscrit dans la logique à moyen ou long terme du système. tout ceci va dans le sens d’un élargissement du contrôle social. Car, derrière toute les contradictions apparentes, l’objectif est sûr : assurer le contrôle sur toute l’étendue de la vie et de la mort. [...] et l’interdiction de mourir est la forme caricaturale, mais logique, du progrès de la tolérance – l’essentiel est que la décision leur échappe, et que jamais ils ne soient libres de leur vie et de leur mort, mais qu’ils meurent et vivent sous visa social. C’est même encore trop qu’ils restent livrés au hasard biologique de la mort, car c’est encore une espèce de liberté.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: Dans "L'échange symbolique et la mort", éditions Gallimard, 1976, pages 283 à 285

[ gestion rationalisée ] [ humanisme prétexte ] [ santé ] [ acharnement thérapeutique ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

développement durable

Lutter contre le nucléaire, la création d’un centre commercial, d’une rocade ou de tout autre grand projet nuisible en multipliant les comités de défense locaux, cela nous paraît une stratégie essentielle de l’écologie politique. Mais marcher vaguement "pour le climat", à l’instar des manifestations médiatiques qui se développent actuellement dans les métropoles, cela a-t-il un sens ?

Curieuse époque en effet où certains marchent, nagent, rament, pédalent, tricotent… "pour le climat" comme d’autres font des processions pour faire tomber la pluie. On pourrait néanmoins trouver sympathiques ces happenings s’il s’y tenait des propos d’un quelconque intérêt. Mais qu’y entend-on ? "Bouffe ma chatte, pas la planète", "Si y’a plus de terre, y’a plus de bière", "Pas d’climat pas d’chocolat"… Dans le même esprit, les militants d’Extinction Rebellion avaient accroché en mai dernier, sur le palais de la Bourse de Bordeaux, une banderole géante qui clamait : "Chirac, reviens !" (Pour reprendre les essais nucléaires ? Buter quelques Canaques de plus ?) Leur prétendu second degré masque mal leur indigence politique. Comme le reconnaît ingénument Greta Thunberg, l’égérie de Youth for Climate : "Mais je ne parle jamais de politique, tout ce que je dis, c’est que nous devons écouter la science. […] Nous n’avons pas l’éducation qu’il faut pour nous permettre de formuler des demandes, il faut laisser cela aux scientifiques." Quand on sait que ces mouvements sont financés par des fonds abondés par des multinationales et des multimillionnaires (le Climate Emergency Fund entre autres) pour promouvoir l’imposture de la transition énergétique (à l’échelle industrielle, les énergies renouvelables ne se substituent pas aux énergies fossiles, mais les requièrent et s’y ajoutent) et relancer une croissance verte avec le Green New Deal, on comprend mieux ce qui est en jeu et le "sens" de ces manifestations.

Parmi toutes les catastrophes en cours ou quasi achevées après deux siècles de capitalisme industriel : catastrophes écologique, culturelle, esthétique, intellectuelle, sociale, morale, politique, démographique… – sans parler de l’effondrement financier et économique qui peut nous tomber dessus à tout instant –, la catastrophe climatique est la seule à bénéficier d’un tel battage médiatique et à faire sortir tant de gens dans la rue. C’est surtout l’une des seules pour lesquelles l’ingénierie et l’industrie prétendent encore apporter des remèdes. Des remèdes technologiques bien sûr, comme si l’on pouvait soigner le mal par le mal : pulvériser des particules de soufre dans la haute atmosphère, séquestrer le carbone dans les sols, alcaliniser et fertiliser les océans avec du sulfate de fer, capter directement le CO2 de l’air pour le stocker, lancer un parasol spatial, ensemencer des nuages marins… nos savants fous ne manquent pas d’idées folles, et légitiment en passant l’énergie nucléaire, qu’ils osent nous vendre comme une "énergie propre".

Ces mises en scène d’un catastrophisme d’État sous couvert d’"état d’urgence climatique" sont-elles autre chose qu’une vaste propagande pour "l’adaptation à de nouvelles formes de survie en milieu extrême" (1) ? Avec pour corollaire une gestion totalitaire des populations, puisque "la préservation du taux d’oxygène nécessaire à la vie ne pourra être assurée qu’en sacrifiant cet autre fluide vital : la liberté (2)", comme le redoutait déjà Bernard Charbonneau il y a quarante ans.

Leur nombre élevé procure aux manifestants qui tournent en rond "pour le climat" un sentiment de puissance bien illusoire. Pour Günther Anders, "seuls travaillent à l’aide de happenings ceux qui n’ont pas de pouvoir, ceux qui n’ont pas réellement la possibilité de changer ou de détruire effectivement l’institution qu’ils combattent. Les happenings sont tous sans exception des manifestations de détresse ou de substitution et parfois même des actes de désespoir à l’aide desquels ceux qui n’ont pas de pouvoir peuvent exposer leurs revendications (3)". Les Gilets jaunes, même s’ils manifestent eux aussi leur impuissance, ont su créer des lieux de rencontre et de débat où l’on parle de politique, de démocratie directe en particulier. Ce pourrait être un premier pas vers une contre-société libre, égale et fraternelle, à condition de construire dès à présent des contre-institutions libertaires.

Car l’extinction de la vie sur terre continuera tant que nous n’aurons pas repris notre souveraineté à la toute-puissante technocratie.

Auteur: Les Amis de Bartleby

Info: Tribune parue dans la Décroissance n°165, pages 30-31, consultable sur https://lesamisdebartleby.wordpress.com/2019/12/11/une-tribune-dans-la-decroissance/. Notes : 1. René Riesel, Jaime Semprun, Catastrophisme, administration du désastre et soumission durable, EDN. 2. Bernard Charbonneau, Le Feu vert, Parangon. 3. Günther Anders, L’Obsolescence de l’homme, t. 2, Fario.

[ greenwashing ] [ gesticulations collapsologiques ] [ brassage d'air ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

humanité

Notre sort passé et futur sont déterminé par six axes-clés et treize personnages qui les mirent à jour et qui en furent l’incarnation. Par ordre chronologique : Confucius, Socrate, Aristote, Paul de Tarse, Machiavel, Shakespeare, Hegel, Victor Hugo, Nietzsche, Freud, Mao, Taubes et Xi Jinping et de six axes-clés :

1° la déchirure qui traverse le sujet humain, entre ce qu’il entend faire et les tâches et les entraves que lui imposent d’une part la reproduction de l’espèce, et d’autre part son propre instinct de survie, qui s’assimile à vivre suffisamment longtemps pour s’être acquitté de ses devoirs envers la reproduction de l’espèce,

2° la Raison comme guide du comportement, petite voix intérieure autonome par rapport aux exigences des dieux que nous nous sommes inventés,

3° le devenir inéluctable, moteur constitutif de l’Histoire, mêlant les grandes forces naturelles et les actes des hommes dont ils imaginent qu’ils sont le produit de leur volonté, alors qu’ils viennent de beaucoup plus loin,

4° la capacité individuelle à infléchir le cours de l’Histoire,

5° le parcours global du genre humain qu’est l’Histoire, résultant des effets collectifs et spécifiques de l’extraordinaire éventail des particularités individuelles que l’on observe chez ses représentants, soit ce que l’on peut caractériser comme la Raison dans l’Histoire,

6° la possibilité de coordonner les comportements humains grâce à des injonctions : des rites, de la morale, des lois.

Confucius a dit que nous ne pouvons vivre ensemble sur cette Terre – vivants et morts alliés et confondus – que si le Ciel et elle vivent en bonne entente ; les hommes doivent s’intégrer dans la communauté et la communauté doit y pourvoir ; la connaissance est la voie royale vers le bonheur.

Socrate nous a appris que nous disposons d’un pouvoir supérieur à celui de ces dieux dont nous ne savons rien, c’est la voix intérieure appelée la Raison ; grâce à elle nous pouvons contrer leurs édits.

Aristote a décrit le mécanisme de la Raison ; nous l’appelons aujourd’hui la logique ; Hegel dira, à la suite de Kant, qu’Aristote a expliqué comment fonctionne la Raison "une fois pour toutes".

Paul de Tarse (Saint Paul) a mis le doigt sur la présence de deux volontés distinctes et contradictoires causant en nous une déchirure ; il fut le premier à dire que nous, humains, sommes tous les mêmes, et que l’amour, la réciprocité positive, est la valeur suprême nous permettant de vivre ensemble et heureux.

Machiavel nous a montré ce qu’un être humain peut accomplir seul pour changer le cours de l’Histoire.

Shakespeare a brossé le portrait de qui nous sommes vraiment dans nos comportements et nos motivations, en-deçà et au-delà des récits que nous aimons narrer à propos de nous-mêmes.

Pour définir la personne que nous sommes, dit Hegel, nos prédispositions ne sont rien sans les circonstances qui la feront advenir ; il y a de la Raison dans l’Histoire et la ruse à laquelle elle recourt est de venir aux hommes à leur corps défendant ; Hegel a encore dit que les seuls vrais révolutionnaires – ils sont très peu nombreux – sont ceux qui changèrent le cadre de la loi.

Victor Hugo nous a fait comprendre l’exploit accompli par Shakespeare ; il prouve quant à lui qu’ont pleinement compris le message de Paul de Tarse ceux qui, comme eux, l’on attend le moins.

Nietzsche nous révèle que l’essence du destin humain est tragédie ; une manière de hausser les épaules devant la tragédie fut la sienne : s’anesthésier ; Nietzsche a traduit Paul de Tarse de telle manière que Freud n’eut plus qu’à compléter celui-ci.

Freud a démontré que nous sommes davantage inconscients que conscients ; il nous a fait découvrir aussi que nous devenons à proprement parler humains quand notre conscience prend au sérieux ce que notre inconscient a à dire.

Mao a fait se rencontrer l’Occident et l’Orient en rapprochant leurs concepts jusque-là étrangers les uns aux autres.

De nous, Occidentaux, Taubes a tout compris : que chacun d’entre nous est un messie en puissance, héraut et annonciateur d’une Apocalypse.

Xi Jinping a désormais toutes les cartes en main.

Auteur: Jorion Paul

Info: 13 mai 2018, résumé-argument de vente pour son bouquin DÉFENSE ET ILLUSTRATION DU GENRE HUMAIN

[ historique ] [ christianisme ]

 

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psychanalyse

Ce serait une erreur de croire que l'inconscient est quelque chose d'inoffensif, à propos de quoi on pourrait, par exemple, organiser des petits jeux de société, ou qu'on pourrait à la légère utiliser à des essais thérapeutiques. Assurément, l'inconscient n'est pas dangereux en toutes circonstances ni chez tout le monde. Mais, dès qu'il existe une névrose, celle-ci est un signal d'alarme qui indique qu'il s'est produit dans l'inconscient une accumulation toute particulière d'énergie, formant une sorte de charge susceptible d'exploser. C'est pourquoi, dès lors, des précautions s'imposent. On ignore totalement ce qu'on est susceptible de déclencher quand on commence à analyser les rêves d'un sujet. Il se peut qu'on mette ainsi en mouvement quelque chose d'intérieur, d'invisible; très probablement il s'agit de quelque chose qui, de toute façon se serait tôt ou tard frayé une issue au-dehors... mais il est possible aussi que cela ne se serait jamais produit. On creuse, en quelque sorte, dans l'espoir de trouver un puits artésien, et l'on risque de tomber sur un volcan. Dès que des symptômes névrotiques existent, la plus grande réserve est de mise, et l'on ne doit avancer qu'avec prudence. Mais les cas névrotiques ne sont pas à beaucoup près les plus dangereux. On peut rencontrer des sujets dont l'apparence est des plus normales, qui ne présentent aucun symptôme névrotique particulier eux-mêmes parfois médecins ou éducateurs qui font même étalage de leur "normalité" qui sont des modèles de bonne éducation, qui ont dans la vie des opinions et des habitudes des plus normales, et dont la normalité n'en est pas moins une compensation artificielle pour une psychose latente et cachée. Les intéressés eux-mêmes ne soupçonnent en rien leur état. L'intuition vague qu'ils en ont ne s'exprime peut-être indirectement que par l'attrait particulier que leur inspirent la psychologie et la psychiatrie, domaines qui les captivent comme la lumière attire les papillons. Or, du fait que la technique de l'analyse active l'inconscient et l'aide à s'exprimer, elle détruit, en pareil cas, la compensation salutaire qui s'était installée, et l'inconscient fait irruption sous forme d'imaginations irrépressibles, d'onirisme, donnant lieu à des états d'excitation qui, dans certaines circonstances, aboutissent à une aliénation mentale durable, à moins qu'elle n'ait poussé auparavant au suicide. Ces psychoses latentes, hélas! ne sont pas tellement rares. Quiconque s'occupe d'analyse de l'inconscient est exposé au danger de tomber sur des cas de cette nature, même s'il dispose d'une grande expérience et de beaucoup d'habileté. Abstraction faite de ces cas, il est d'ailleurs possible que le praticien, par maladresse, par des erreurs de conception, par des interprétations arbitraires, fasse échouer des cas qui ne comportaient pas nécessairement un dénouement fâcheux. Cela n'est pas, il est vrai, l'apanage exclusif de l'analyse de l'inconscient, mais marque de son sceau toute intervention médicale si elle est manquée. L'affirmation gratuite que l'analyse rend les gens fous est naturellement aussi stupide que l'idée du vulgaire qui prétend que le médecin aliéniste, à force de s'occuper de fous, doive le devenir à son tour. En dehors des risques inhérents au traitement, l'inconscient peut devenir dangereux par lui-même. Une des formes les plus fréquentes que revêtent les dangers qu'il fait encourir, c'est la détermination d'accidents. Un nombre d'accidents de toute nature, beaucoup plus considérable que le public ne le pense, répond à un conditionnement psychique; qu'il s'agisse de petits incidents comme de trébucher, de se cogner, de brûler les doigts, ou de grandes catastrophes, accidents d'automobiles ou chutes en montagne, tous ces accidents, petits ou grands, peuvent être motivés et causés psychologiquement et se trouvent parfois préparés depuis des semaines ou même des mois. J'ai examiné beaucoup de cas de ce genre et, bien souvent, j'ai constaté chez le sujet l'existence de rêves qui dénotaient, bien des semaines à l'avance, l'existence d'une tendance à s'endommager soi-même; tendance qui, bien entendu, s'exprimait la plupart du temps de façon symbolique. Tous les accidents qui arrivent soit disant par inattention devraient être examinés dans la perspective d'une détermination éventuelle de cette sorte. On sait bien que lorsque, pour une raison ou une autre, on est mal disposé, il vous arrive non seulement des anicroches plus ou moins sérieuses, mais aussi parfois des choses graves qui, si elles surviennent à un moment psychologiquement approprié, peuvent même mettre un terme à une existence. D'ailleurs la sagesse populaire le dit : "Un tel est mort au bon moment", sentiment inspiré par une intuition très juste de la causalité psychologique du cas. De façon analogue, des maladies physiques peuvent être engendrées et entretenues. Un fonctionnement défectueux de l'âme peut porter au corps de notables dommages, de même que réciproquement une affection physique peut entraîner une souffrance de l'âme. Car l'âme et le corps ne sont pas des éléments séparés; ils constituent, au contraire, une seule et même vie. Aussi y a-t-il rarement une maladie somatique qui, alors même qu'elle n'a pas été déterminée par des causes psychiques, n'entraîne des complications morales d'une nature quelconque, complications qui, à leur tour, retentissent sur l'affection organique. Mais ce serait une erreur de ne mettre en relief que le côté défavorable de l'inconscient. Dans tous les cas courants, l'inconscient ne devient défavorable et dangereux que parce que nous sommes en désaccord avec lui, donc en opposition avec des tendances majeures de nous-mêmes. L'attitude négative à l'adresse de l'inconscient, voire sa répudiation par le conscient, sont nuisibles dans la mesure où les dynamismes de l'inconscient sont identiques à l'énergie des instincts. Par conséquent, un manque de contact et de liens avec l'inconscient est synonyme de déracinement et d'instabilité instinctuelle. Mais si l'on réussit à établir cette fonction, que j'ai dite transcendante, la désunion avec soi-même cessera et le sujet pourra bénéficier des apports favorables de l'inconscient. Car dès que la dissociation entre les divers éléments de soi-même cesse, l'inconscient accorde - l'expérience le prouve abondamment - toute l'aide et tous les élans qu'une nature bienveillante et prodigue peut accorder aux hommes. De fait l’inconscient recèle des possibilités qui sont absolument incessibles au conscient ; car il dispose de tous les contenus psychiques subliminaux, de tout ce qui a été oublié ou négligé, et, en outre, de la sagesse conférée par l'expérience d'innombrables millénaires, sagesse déposée et confiée à ses structures archétypiques.

Auteur: Jung Carl Gustav

Info: Dans "Psychologie de l'inconscient", trad. Roland Cohen, Livre de Poche, Paris, 1993, pages 195-198

[ conciliation ] [ dialectique ] [ psychothérapie ]

 
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âme

Panpsychisme, l'esprit des pierres La plupart pense que tous les humains sont conscients, ainsi que beaucoup d'animaux. Certains, comme les grands singes, semblent même être timides comme nous. D'autres, comme les chiens et les chats, les porcs, manquent d'un sens de l'ego mais ils semblent éprouver les états intérieurs de plaisir, etc... Pour les créatures plus petites, comme des moustiques, nous ne sommes pas aussi sûrs et n'avons pas de scrupules pour les massacrer. Quant aux plantes, elles n'ont évidemment pas d'esprit, excepté dans des contes de fées. Et encore moins les choses non vivantes comme les tables et les pierres. Les Atomes Mentaux "Si l'évolution fonctionne en douceur, une certaines forme de conscience doit être présente à l'origine même des choses. On constate que les philosophes évolutionnistes commencent à en poser le principe. Chaque atome de la galaxie, supposent-ils, doit avoir eu un atome original de conscience lié avec lui. Les atomes mentaux... sont alors fondu en de plus grandes consciences : nous-mêmes et peut-être chez nos camarade-animaux." James William, Principes de Psychologie 1890 Tout paraît de bon sens. Mais le bon sens n'a pas toujours été un si bon guide pour comprendre le monde et sa partie la plus récalcitrante à notre compréhension à l'heure actuelle est bien la conscience elle-même. Comment les processus électrochimiques de notre cerveau, peuvent-ils exister et donner ce jeu en technicolor de la conscience, avec ses transports de joie, ses coups d'angoisse et autres moments de contentement doux alternant avec l'ennui ?... Voici peut-être une des dernières frontières des sciences. Elle nourrit les énergies intellectuelles de la communauté scientifique, les psychologues, philosophes, physiciens, informaticiens et aussi, de temps en temps, le Dalai Lama. Ceci amène certains à une hypothèse un peu folle. Peut-être, disent-ils, que l'esprit n'est pas limité aux cerveaux de quelques animaux. Peut-être est-il partout, présent dans chaque atome, des électrons et neutrinos jusqu'aux galaxies, sans exclure les choses de taille moyenne comme un verre de l'eau ou une plante en pot. Il n'aurait donc pas soudainement surgi quand quelques particules physiques sur une certaine planète se sont retrouvées, après évolution, dans la bonne configuration. Mais plutôt : il y a une conscience dans le cosmos depuis toujours. Cette doctrine que la substance du monde est fondamentalement esprit s'appelle panpsychisme. Il y a quelques décennies, le philosophe américain Thomas Nagel a montré que c'était une conséquence logique de quelques faits raisonnables. D'abord, nos cerveaux se composent de particules matérielles. Ensuite ces particules, dans certains arrangements, produisent des pensées et des sentiments subjectifs. Troisièmement, les propriétés physiques ne peuvent expliquer en elles-mêmes la subjectivité. (Comment l'ineffable expérience qui consiste à goûter une fraise pourrait-elle résulter en équations physiques ?) Nagel a donc théorisé que les propriétés d'un système complexe comme le cerveau ne surgissent pas simplement dans l'existence à partir de nulle part. Elles doivent dériver des propriétés des constituants de ce système. Ces constituants doivent par conséquent avoir eux-mêmes des propriétés subjectives - propriétés qui, dans les bonnes combinaisons, s'ajoutent jusqu'à donner nos pensées et sentiments intérieurs. Et comme les électrons, les protons et les neutrons constituant nos cerveaux ne sont pas différent de ceux qui constituent le reste du cosmos l'univers entier doit donc se composer d'infimes morceaux de conscience. Nagel n'est pas allé jusqu'au panpsychisme, mais aujourd'hui il peut constater quelque qui ressemble à une mode. Le philosophe australien David Chalmers et le physicien Roger Penrose d'Oxford ont parlé de lui. Dans le livre récent "La conscience et sa place dans la nature," le philosophe britannique Galen Strawson défend le panpsychisme contre de nombreuses critiques. Comment se pourrait-il, demandent les sceptiques, que des morceaux d'esprit poussière, avec des états mentaux vraisemblablement simples, se combinent-ils pour former le genres d'expériences mentales compliquées que nous autres humains vivons ? Après tout, quand on rassemble un groupe de personnes dans une salle, leurs différents esprits ne forment pas un esprit collectif simple. (Quoique!) Ensuite il y a le fait incommode qu'on ne peut pas scientifiquement tester cette affirmation qui, par exemple, dirait que la lune a un fonctionnement mental. (Et cela s'applique aussi aux gens - comment pourrez-vous démontrer que vos camarades de bureau de ne sont pas des robots sans connaissance, comme le commandant Data sur "Star Trek" ?) Il y a aussi cette idée un peu pernicieuse : si quelque chose comme un photon peut avoir des proto-émotions, proto-croyances et proto-désirs. Que pourrait alors être le contenu du désir d'un photon?.. Devenir un quark, ironise un anti panpsychisme. Il est plus facile de parodier le Panpsychisme que le réfuter. Mais même si cette recherche de compréhension de la conscience s'avère être un cul-de-sac, cela pourra éventuellement nous aider à nous élever au-dessus de nos pensées conventionnelles de la perspective cosmique. Nous sommes des êtres biologiques. Nous existons parce que nous sommes des autos réplications de nous-mêmes. Nous détectons et agissons sur l'information de notre environnement de sorte que nos réplications continuent. En tant que sous-produits, nous avons développé des cerveaux qui, nous voulons voir comme les choses les plus complexes de l'univers. Mais pensons à la matière brute. Prenez un rocher. Il ne semble pas faire grand-chose, en tout cas pour ce qui est d'animer nos perceptions. Mais à un nano niveau il se compose d'un nombre inimaginable d'atomes reliés par des liaisons chimiques flexibles, ondoyantes et s'agitant ensembles à des cadences que même notre ordinateur géant le plus rapide pourra envier pour encore longtemps. Et ils ne 'agitent pas au hasard. Les intestins du rocher "voient" l'univers entier au moyen de signaux gravitationnels et électromagnétiques qu'ils reçoivent sans interruption. Un tel système pourrait être regardé comme un processeur polyvalent d'informations, dont la dynamique intérieure pourrait refléter n'importe quelle séquence des états mentaux que nos cerveaux traversent. Et là où il y a de l'information, dit le panpsychisme, il y a de la conscience. Ainsi le slogan de David Chalmers, "l'expérience est information de l'intérieur; la physique est information de l'extérieur." Mais le rocher ne se démène pas lui-même comme résultat de toute cette "réflexion". Pourquoi le devrait-il ? Son existence, à la différence de la nôtre, ne dépend pas d'une lutte pour la survie et la reproduction. Il est indifférent à la perspective d'être pulvérisé. Etant poète on pourrait voir le rocher comme un être purement contemplatif. Et on pourrait dessiner cette morale que l'univers est, et a toujours été, saturé d'esprit. Même si nous autres snobs darwiniens reproducteurs retardataires sommes trop fermés pour le réaliser.

Auteur: Holt Jim

Info: Fortean Times 18 Nov. 2007

[ matière ] [ monade ] [ minéral ] [ métaphysique ] [ chiasme ]

 

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philosophie

Tout le monde a une théorie sur ce qui se passe dans notre monde. Mais beaucoup sont partielles, ou fragmentaires, ou trop simples – attribuant trop d'importance au "capitalisme", au "mondialisme", à "l'opportunisme" ou aux "conséquences imprévues". Nous devons continuer à essayer de donner un sens à l'ensemble du scénario.

Commençons par quelques grandes hypothèses sur ce qui se passe. L'hypothèse de René Guénon, esquissée pour la première fois vers 1930, était que toutes les civilisations possèdent des pouvoirs spirituels et temporels et incorporent donc en quelque sorte une tension entre les deux : mais que, pour la première fois dans l'histoire, notre modernité, à partir de  1500, a placé le temporel au-dessus de l'Eternel, le matériel au-dessus du spirituel : en bref, 'l'état' au-dessus de 'l'église'.  On a vu quelques hypothèses connexes proposées en même temps : comme celle de Julien Benda selon laquelle les clercs, ou intellectuels, avaient déplacé leur préoccupation : ainsi l'immense valeur qu'ils avaient toujours attribuée aux choses non mondaines était maintenant attribuée aux choses mondaines. C'est-à-dire que les intellectuels étaient maintenant corrompus, en quelque sorte suivistes de profits sales.

Un ami américain a récemment attiré mon attention sur certains des écrits récents d'un romancier et essayiste, Paul Kingsnorth . A l'origine anticapitaliste, il se croyait à gauche, et se retrouve aujourd'hui plus ou moins à droite. Son hypothèse est que le déclin du christianisme dans notre civilisation – déclin de l'éternel et du spirituel – coïncide et a probablement été causé par la montée de ce qu'il nomme "mythe du progrès". Le progrès, c'est la conviction que le monde, ce monde, va mieux. Ce mythe est le genre de chose que nous pouvons associer à Francis Bacon ou John Stuart Mill, ou encore Bayle, Mandeville, Voltaire, Smith, Hegel, Comte, Marx - plus ou moins tout le monde des XVIIe au XIXe siècles, sauf pour des gens un peu plus pointus comme Bossuet ou Maistre, aussi pour Burke à la toute fin de sa vie. Kingsnorth construit une vision très efficace de l'histoire sur cette hypothèse, ce qui lui permet d'expliquer pourquoi gauchistes et corporatistes s'accordent si bien aujourd'hui. Tous, dit-il, veulent du progrès. Ils contribuent tous à ce qu'il appelle la Machine.

Acceptons ces deux hypothèses. Mais je dois en ajouter un troisième, qui ajoute une complication interne à la deuxième, et rend ainsi l'ensemble du scénario un peu plus dynamique. Cela peut même expliquer pourquoi il y a tant de confusion sur ce qui s'est passé. L'hypothèse est qu'il n'y a jamais eu un seul "mythe du progrès" : la puissance du mythe du progrès était qu'il contenait un contradiction interne, comme les traducteurs de Hegel ont eu l'habitude de la nommer : une division intérieure.  Deux positions rivales en désaccord sur le comment alors même qu'elles étaient d'accord sur le quoi . Le quoi étant un présupposé absolu - quelque chose de si fondamental qu'il n'a jamais été remis en question par aucune des parties. Comme c'est toujours le cas, le désaccord au premier plan détournait l'attention de l'accord plus profond qui dominait tout à l'arrière-plan.

Ce sur quoi ils étaient d'accord, c'est que des progrès se produisaient et devaient se produire . Ce sur quoi ils n'étaient pas d'accord, c'était comment cela devait se passer. Je simplifie bien sûr ici, mais simplifier un argument en deux positions est bien moins simple que de le simplifier en une position.

D'un côté il y avait l'argument selon lequel des progrès étaient en cours, que cela nous plaise ou non. Cela se produisait à travers ce qu'Adam Smith appelait la main invisible, ou ce que Samuel Johnson appelait la concaténation secrète, ce que nous appelons parfois maintenant la loi des conséquences imprévues. C'est le processus par lequel de nombreux humains, à la poursuite de leurs propres intérêts individuels, ont contribué à l'émergence d'un bien qu'aucun n'avait jamais voulu, et qu'aucun n'avait anticipé, mais qui pouvait être compris rétrospectivement.

De l'autre côté, il y avait l'argument selon lequel le progrès ne se produirait que si nous adoptions les bonnes croyances rationnelles, les bonnes vues éclairées ( iberté, égalité, fraternité, etc.), et si nous nous efforcions d'imposer au monde les politiques ou les schémas suggéré par les bonnes croyances rationnelles et les bonnes vues éclairées. Il s'agissait de mettre l'accent sur la planification plutôt que sur les conséquences imprévues : et la planification ne pouvait être efficace que si elle était effectuée par ceux au pouvoir. Ainsi, les puissants devaient être subjugués par les experts de l'illumination.

La différence entre ces deux positions est que l'une y voit un processus inconscient , l'autre y voit une impulsion consciente. Ces deux positions ont dominé le débat politique deux siècles durant : d'une part, les uns ont privilégié les marchés et l'activité privée indépendante et apparemment (mais pas réellement ou finalement) égoïste, et d'autre part, un caméralisme, un colbertisme ou un comtisme de la planification scientifique. et l'activité publique collective.

En pratique, bien sûr, les deux ont été mélangées, ont reçu des noms variés, et certaines personnes qui ont commencé d'un côté pour se retrouver de l'autre : pensez à la dérive de John Stuart Mill ou de TH Green du libéralisme au socialisme ; mais considérez également la dérive de Kingsley Amis, Paul Johnson et John Osborne dans l'autre sens. Décoller tout cela est un boulôt de dingue : il faut peut-être le laisser aux historiens qui ont la patience de le faire. Mais les historiens ont tendance à embrouiller les choses... Alors tout ça mérite quelques explications : et l'expliquer dans l'abstrait, comme je le fais ici, permet certainement d'expliquer pourquoi les libéraux ont parfois été d'un côté ou de l'autre, et pourquoi les conservateurs sont tout aussi chimériques. 

Le point de cette hypothèse est de dire que toute la politique des deux derniers siècles fut dominée par des arguments sur la question de savoir si le progrès aurait lieu dans l'observance ou dans la violation, pour ainsi dire : s'il devrait être théorisé consciemment et ensuite imposée par une politique prudente, ou si il devait survenir sans planification délibérée de telle manière que seuls les historiens ultérieurs pourraient le comprendre pleinement. Mais tout ça est terminé. Nous sommes maintenant à l'étape suivante.

Cela s'explique en partie par le fait que, comme le dit Kingsnorth, le mythe du progrès - bien qu'il ne soit pas entièrement mort - parait pratiquer ses derniers rites. Il est sans doute en difficulté depuis les années 1890, a été secoué par la Première Guerre mondiale ; mais il a subi ses chocs récents depuis les années 1970, avec la pollution, la surpopulation, la stagflation, l'ozone, le dioxyde de carbone, les prêts hypothécaires à risque, etc. Pour l'instant les mondialistes ne savent pas exactement comment concilier le cercle du désir de "progrès" (ou, du moins comment être "progressiste") tout en faisant simultanément promotion de la "durabilité". Si nous avons un mythe en ce moment c'est sûrement le mythe de la durabilité. Peut-être que les mondialistes et les localistes comme Kingsnorth constateront que, bien qu'ils soient en désaccord sur beaucoup de choses - COVID-19, par exemple - ils sont d'accord sur la durabilité.

Mais il y a quelque chose à ajouter, une quatrième hypothèse, et c'est vraiment l'hypothèse suprême. J'ai dit que pendant quelques siècles, il y avait la planification contre le laissez-faire , ou la conscience contre les conséquences imprévues - les deux essayant de trouver comment rendre le monde, ce monde, meilleur. Mais il y a autre chose. La quatrième hypothèse est que certains personnages du début du XIXe siècle entrevoyaient que les deux positions pouvaient se confondre. Hegel était l'une de ces figures ; même Marx. Il y en eut d'autres; qui sont nombreux maintenant. Fusion qui signifiait quelque chose comme ce qui suit :

Jusqu'à présent, nous avons fait l'erreur de penser que le bien peut être imposé consciemment - généralement par le biais de préceptes religieux - mais nous avons découvert, grâce à Mandeville, Smith et les économistes, que le bien peut être obtenu par des conséquences involontaires. Ce qui ne signifie cependant pas que nous devrions adopter une politique de laissez-faire : au contraire, maintenant que nous comprenons les conséquences imprévues , nous savons comment fonctionne tout le système inconscient du monde, et puisque nous savons comment intégrer notre connaissance de ceci dans notre politique, nous pouvons enfin parvenir à un ordre mondial scientifique et moral ou probant et justifié parfait.

Est-ce clair? Les Lumières écossaises ont créé l'expert empirique, qui a fusionné avec le progressiste conscient moralement assuré, pour devenir l'espoir du monde. Sans doute, la plupart d'entre nous ont abandonné les fantasmes hégéliens et marxistes de "fin de l'histoire" ou d'"émancipation", mais je pense que l'ombre de ces fantasmes a survécu et s'est achevée dans le récent majoritarisme scientifique et moral, si clairement vu depuis que le COVID-19 est arrivé dans le monde.

Si j'ai raison à propos de cette quatrième hypothèse, cela explique pourquoi nous sommes si confus. Nous ne pouvons pas donner un sens à notre situation en utilisant le vieux langage du "collectivisme" contre "l'individualisme". Le fait est qu'à notre époque post-progressiste, les experts se sentent plus justifiés que jamais pour imposer à chacun un ensemble de protocoles et de préceptes "fondés sur des preuves" et "moralement justifiés". Plus justifiés parce que combinant la connaissance de la façon dont les choses fonctionnent individuellement (par la modélisation et l'observation de processus inconscients ou de conséquences imprévues) avec la certitude sur ce qu'il est juste de faire collectivement (étant donné que les vieux fantasmes de progrès ont été modifiés par une idéologie puritaine et contraignante de durabilité et de survie, ajoutée de diversité, d'équité et d'inclusion - qui sert d'ailleurs plus d'impulsion de retenue que d'anticipation d'une émancipation du marxisme)

Ce n'est pas seulement toxique mais emmêlé. Les niveaux d'hypocrisie et d'auto-tromperie impliqués dans cela sont formidables. Les mondialistes ont une doctrine à toute épreuve dans leur politique durable qui sauve le monde, ou "durabilité". Elle est presque inattaquable, puisqu'elle s'appuie sur les plus grandes réalisations des sciences naturelles et morales. Tout ça bien sûr alimenté par une ancienne cupidité acquisitive, mais aussi par le sentiment qu'il faut offrir quelque chose en échange de leur manque de privilèges à ceux qui ont besoin d'être nivelés ; et tout ça bien sûr rend le monde meilleur, "sauve" la planète, dorant les cages des déshérités et les palais des privilégiés de la même laque d'or insensée.

Peut-être, comme l'entrevoient Guenon et Kingsnorth – également Delingpole et Hitchens – la vérité est-elle que nous devons réellement remonter à travers toute l'ère de la durabilité et l'ère du progrès jusqu'à l'ère de la foi. Certes, quelqu'un ou quelque chose doit forcer ces "élites" à se soumettre à une vision supérieure : et je pense que la seule façon de donner un sens à cela pour le moment est d'imaginer qu'une église ou un prophète ou un penseur visionnaire puisse abattre leur État - la laïcité corporate-, leur montrer que leur foi n'est qu'une idéologie servant leurs intérêts, et qu'ils doivent se soumettre à une doctrine authentiquement fondée sur la grâce,  apte à admettre la faute, l'erreur, voire le péché. Cela ne se ferait pas par des excuses publiques ou une démonstration politique hypocrite, mais en interrogeant leurs propres âmes.

Je suis pas certain que c'est ce qui arrivera, ni même que cela devrait arriver (ou que cela pourrait arriver) : mais c'est certainement le genre de chose qui doit arriver. Autrement dit, c'est le genre de chose que nous devrions imaginer arriver. Ce qui se passera sera soit du genre Oie Blanche ancienne, soit peut-être un événement inattendu style "Black Swan" (pas nécessairement une bonne chose : nous semblons trop aimer la crise en ce moment). Mais, de toute façon, une sensibilité réactionnaire semble être la seule capable de manifester une quelconque conscience de ce qui se passe.

Pour clarifier, permettez-moi d'énoncer à nouveau les quatre hypothèses sur ce phénomène :

1. A travers toutes les époques, il y a eu un équilibre entre spiritualité et  sécularisation. Dans notre modernité, la sécularité est dominante. Il n'y a que ce monde.

2. Depuis environ trois siècles, nous croyons que ce monde s'améliore et devrait s'améliorer. C'est le "mythe du progrès".

3. Il y a toujours eu des désaccords sur le progrès : certains pensaient qu'il était le fruit du hasard et de l'intérêt individuel ; d'autres pensaient qu'il ne pouvait être que le résultat d'une conception délibérée.

4. Nous ne devons pas ignorer qu'il y a eu une fusion très intelligente de ces deux positions : une fusion qui ne s'est pas évanouie avec l'évanouissement du "mythe du progrès" mais qui survit pour soutenir la politique étrange et nouvelle de ce que nous pourrions appeler le "mythe de la durabilité". Cette fusion est extrêmement condescendante et sûre d'elle-même car elle associe la certitude scientifique de ce qui s'est passé inconsciemment pour améliorer le monde à la certitude morale de ce qui devrait maintenant être fait consciemment pour améliorer le monde. Elle semble réunir individu et collectif d'une manière qui est censée rendre impossible tout renoncement.

 

Auteur: Alexander James

Info: Daily Skeptic. Quatre hypothèses sur l'élite mondiale laïque-corporatiste, 20 février 2023. Trad Mg, avec DeePL

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multi-milliardaires

DE LA SURVIE DES PLUS RICHES
Quand des patrons de fonds d'investissement new-yorkais font appel à un spécialiste de la société de l'information, afin d'améliorer leurs chances de survie après l'Évènement qui détruira le monde tel que nous le connaissons.

AVERTISSEMENT, CECI N'EST PAS UNE FICTION
L’année dernière, j’ai été invité à donner une conférence dans un complexe hôtelier d’hyper-luxe face à ce que je pensais être un groupe d’une centaine de banquiers spécialisés dans l’investissement. On ne m’avait jamais proposé une somme aussi importante pour une intervention - presque la moitié de mon salaire annuel de professeur - et délivrer mes visions sur "l’avenir de la technologie".

Je n’ai jamais aimé parler du futur. Ce genre de séance d’échange se termine fatalement par un interrogatoire, à l’occasion duquel on me demande de me prononcer sur les dernières "tendances" technologiques, comme s’il s’agissait d’indicateurs boursiers pour les investisseurs : blockchain, impression 3D, CRISPR. L’audience s’y préoccupe généralement moins des technologies en elles-mêmes et de leurs implications, que de savoir si elles méritent ou non que l’on parie sur elles, en mode binaire. Mais l’argent ayant le dernier mot, j’ai accepté le boulot.

À mon arrivée, on m’a accompagné dans ce que j’ai cru n’être qu’une vulgaire salle technique. Mais alors que je m’attendais à ce que l’on me branche un microphone ou à ce que l’on m’amène sur scène, on m’a simplement invité à m’asseoir à une grande table de réunion, pendant que mon public faisait son entrée : cinq gars ultra-riches - oui, uniquement des hommes - tous issus des plus hautes sphères de la finance internationale. Dès nos premiers échanges, j’ai réalisé qu’ils n’étaient pas là pour le topo que je leur avais préparé sur le futur de la technologie. Ils étaient venus avec leurs propres questions.

Ça a d’abord commencé de manière anodine. Ethereum ou Bitcoin ? L’informatique quantique est-elle une réalité ? Lentement mais sûrement, ils m’ont amené vers le véritable sujet de leurs préoccupations.

Quelle sera la région du monde la plus épargnée par la prochaine crise climatique : la nouvelle Zélande ou l’Alaska ? Est-ce que Google construit réellement un nouveau foyer pour le cerveau de Ray Kurzweil ? Est-ce que sa conscience survivra à cette transition ou bien mourra-t-elle pour renaître ensuite ? Enfin, le PDG d’une société de courtage s’est inquiété, après avoir mentionné le bunker sous-terrain dont il achevait la construction : "Comment puis-je conserver le contrôle de mes forces de sécurité, après l’Événement ?"

L’Évènement. Un euphémisme qu’ils employaient pour évoquer l’effondrement environnemental, les troubles sociaux, l’explosion nucléaire, le nouveau virus impossible à endiguer ou encore l’attaque informatique d’un Mr Robot qui ferait à lui seul planter tout le système.

Cette question allait nous occuper durant toute l’heure restante. Ils avaient conscience que des gardes armés seraient nécessaires pour protéger leurs murs des foules en colère. Mais comment payer ces gardes, le jour où l’argent n’aurait plus de valeur ? Et comment les empêcher de se choisir un nouveau leader ? Ces milliardaires envisageaient d’enfermer leurs stocks de nourriture derrière des portes blindées aux serrures cryptées, dont eux seuls détiendraient les codes. D’équiper chaque garde d’un collier disciplinaire, comme garantie de leur survie. Ou encore, si la technologie le permettait à temps, de construire des robots qui serviraient à la fois de gardes et de force de travail.

C’est là que ça m’a frappé. Pour ces messieurs, notre discussion portait bien sur le futur de la technologie. Inspirés par le projet de colonisation de la planète Mars d’Elon Musk, les tentatives d’inversion du processus du vieillissement de Peter Thiel, ou encore les expériences de Sam Altman et Ray de Kurzweil qui ambitionnent de télécharger leurs esprits dans de super-ordinateurs, ils se préparaient à un avenir numérique qui avait moins à voir avec l’idée de construire un monde meilleur que de transcender la condition humaine et de se préserver de dangers aussi réels qu’immédiats, comme le changement climatique, la montée des océans, les migrations de masse, les pandémies planétaires, les paniques identitaires et l’épuisement des ressources. Pour eux, le futur de la technologie se résumait à une seule finalité : fuir.

Il n’y a rien de mal aux visions les plus follement optimistes sur la manière dont la technologie pourrait bénéficier à l’ensemble de la société humaine. Mais l’actuel engouement pour les utopies post-humaines est d’un tout autre ordre. Il s’agit moins d’une vision de la migration de l’ensemble de notre espèce vers une nouvelle condition humaine, que d’une quête pour transcender tout ce qui nous constitue : nos corps, notre interdépendance, la compassion, la vulnérabilité et la complexité. Comme l’indiquent maintenant depuis plusieurs années les philosophes de la technologie, le prisme transhumaniste réduit trop facilement la réalité à un conglomérat de données, en concluant que "les humains ne sont rien d’autre que des centres de traitement de l’information".

L’évolution humaine s’apparente alors à une sorte de jeu vidéo labyrinthique, dont les heureux gagnants balisent le chemin de la sortie pour leurs partenaires les plus privilégiés. S’agit-il de Musk, Bezos, Thiel… Zuckerberg ? Ces quelques milliardaires sont les gagnants présupposés d’une économie numérique régie par une loi de la jungle qui sévit dans le monde des affaires et de la spéculation dont ils sont eux-mêmes issus.

Bien sûr, il n’en n’a pas toujours été ainsi. Il y a eu une période courte, au début des années 1990, où l’avenir numérique apparaissait fertile, enthousiasmant, ouvert à la création. La technologie y devenait le terrain de jeu de la contre-culture, qui vit là l’opportunité de créer un futur plus inclusif, mieux réparti et pro-humain. Mais les intérêts commerciaux n’y ont vu pour leur part que de nouveaux potentiels pour leurs vieux réflexes. Et trop de technologues se sont laissés séduire par des IPO (introduction en bourse) chimériques. Les futurs numériques s’en retrouvèrent envisagés sous le même prisme que le cours de la bourse ou du coton, dans ce même jeu dangereux de paris et de prédictions. Ainsi, la moindre étude documentaire, le moindre article ou livre blanc publié sur ce thème n’étaient plus interprété que comme un nouvel indice boursier. Le futur s’est transformé en une sorte de scénario prédestiné, sur lequel on parie à grands renforts de capital-risque, mais qu’on laisse se produire de manière passive, plus que comme quelque chose que l’on crée au travers de nos choix présents et de nos espoirs pour l’espèce humaine.

Ce qui a libéré chacun d’entre nous des implications morales de son activité. Le développement technologique est devenu moins une affaire d’épanouissement collectif que de survie individuelle. Pire, comme j’ai pu l’apprendre à mes dépens, le simple fait de pointer cette dérive suffisait à vous désigner d’emblée comme un ennemi rétrograde du marché, un ringard technophobe.

Et plutôt que de questionner la dimension éthique de pratiques qui exploitent et appauvrissent les masses au profit d’une minorité, la majorité des universitaires, des journalistes et des écrivains de science fiction ont préféré se focaliser sur des implications plus abstraites et périphériques : "Est-il juste qu’un trader utilise des drogues nootropiques ? Doit-on greffer des implants aux enfants pour leur permettre de parler des langues étrangères? Les véhicules intelligents doivent-ils privilégier la sécurité des piétons ou celle de leurs usagers? Est-ce que les premières colonies martiennes se doivent d’adopter un modèle démocratique? Modifier son ADN, est-ce modifier son identité ? Est-ce que les robots doivent avoir des droits ?".

Sans nier le côté divertissant de ces questions sur un plan philosophique, force est d’admettre qu’elles ne pèsent pas lourd face aux vrais enjeux moraux posés par le développement technologique débridé, au nom du capitalisme pratiqué par les multinationales. Les plateformes numériques ont modifié un marché déjà fondé sur l’exploitation (Walmart) pour donner naissance à un successeur encore plus déshumanisant (Amazon). La plupart d’entre-nous sommes conscients de ces dérives, rendues visibles par la recrudescence des emplois automatisés, par l’explosion de l’économie à la tâche et la disparition du commerce local de détails.

Mais c’est encore vis-à-vis de l’environnement et des populations les plus pauvres que ce capitalisme numérique désinhibé produit ses effets les plus dévastateurs. La fabrication de certains de nos ordinateurs et de nos smartphones reste assujettie au travail forcé et à l’esclavage. Une dépendance si consubstantielle que Fairphone, l’entreprise qui ambitionnait de fabriquer et de commercialiser des téléphones éthiques, s’est vue obligée de reconnaître que c’était en réalité impossible. Son fondateur se réfère aujourd’hui tristement à ses produits comme étant "plus" éthiques.

Pendant ce temps, l’extraction de métaux et de terres rares, conjuguée au stockage de nos déchets technologiques, ravage des habitats humains transformés en véritables décharges toxiques, dans lesquels es enfants et des familles de paysans viennent glaner de maigres restes utilisables, dans l’espoir de les revendre plus tard aux fabricants.

Nous aurons beau nous réfugier dans une réalité alternative, en cachant nos regards derrière des lunettes de réalité virtuelle, cette sous-traitance de la misère et de la toxicité n’en disparaîtra pas pour autant. De fait, plus nous en ignorerons les répercussions sociales, économiques et environnementales, plus elles s’aggraveront. En motivant toujours plus de déresponsabilisation, d’isolement et de fantasmes apocalyptiques, dont on cherchera à se prémunir avec toujours plus de technologies et de business plans. Le cycle se nourrit de lui-même.

Plus nous adhérerons à cette vision du monde, plus les humains apparaitront comme la source du problème et la technologie comme la solution. L’essence même de ce qui caractérise l’humain est moins traité comme une fonctionnalité que comme une perturbation. Quels que furent les biais idéologiques qui ont mené à leur émergence, les technologies bénéficient d’une aura de neutralité. Et si elles induisent parfois des dérives comportementales, celles-ci ne seraient que le reflet de nos natures corrompues. Comme si nos difficultés ne résultaient que de notre sauvagerie constitutive. À l’instar de l’inefficacité d’un système de taxis locaux pouvant être "résolue" par une application qui ruine les chauffeurs humains, les inconsistances contrariantes de notre psyché pouvait être corrigée par une mise à jour digitale ou génétique.

Selon l’orthodoxie techno-solutionniste, le point culminant de l’évolution humaine consisterait enfin à transférer notre conscience dans un ordinateur, ou encore mieux, à accepter la technologie comme notre successeur dans l’évolution des espèces. Comme les adeptes d’un culte gnostique, nous souhaitons atteindre la prochaine phase transcendante de notre évolution, en nous délestant de nos corps et en les abandonnant, avec nos péchés et nos problèmes.

Nos films et nos productions télévisuelles continuent d’alimenter ces fantasmes. Les séries sur les zombies dépeignent ainsi une post-apocalypse où les gens ne valent pas mieux que les morts vivants - et semblent en être conscients. Pire, ces projections fictives invitent les spectateurs à envisager l’avenir comme une bataille à somme nulle entre les survivants, où la survie d’un groupe dépend mécaniquement de la disparition d’un autre. Jusqu’à la série Westworld, basée sur un roman de science-fiction dans lequel les robots deviennent fous et qui clôt sa seconde saison sur une ultime révélation : les êtres humains sont plus simples et plus prévisibles que les intelligences artificielles qu’ils ont créées. Les robots y apprennent que nous nous réduisons, tous autant que nous sommes, à quelques lignes de code et que notre libre arbitre n’est qu’une illusion. Zut ! Dans cette série, les robots eux-mêmes veulent échapper aux limites de leurs corps et passer le reste de leurs vies dans une simulation informatique.

Seul un profond dégoût pour l’humanité autorise une telle gymnastique mentale, en inversant ainsi les rôles de l’homme et de la machine. Modifions-les ou fuyons-les, pour toujours.

Ainsi, nous nous retrouvons face à des techno-milliardaires qui expédient leurs voiture électriques dans l’espace, comme si ça symbolisait autre chose que la capacité d’un milliardaire à assurer la promotion de sa propre compagnie. Et quand bien même quelques élus parviendraient à rallier la planète Mars pour y subsister dans une sorte de bulle artificielle - malgré notre incapacité à maintenir des telles bulles sur Terre, malgré les milliards de dollars engloutis dans les projets Biosphère - le résultat s’apparenterait plus à une espèce de chaloupe luxueuse réservée une élite qu’à la perpétuation de la diaspora humaine.

Quand ces responsables de fonds d’investissement m’ont interrogé sur la meilleure manière de maintenir leur autorité sur leurs forces de sécurité "après l’Évènement", je leur ai suggéré de traiter leurs employés du mieux possible, dès maintenant. De se comporter avec eux comme s’il s’agissait des membres de leur propre famille. Et que plus ils insuffleraient cette éthique inclusive à leur pratiques commerciales, à la gestion de leurs chaînes d’approvisionnement, au développement durable et à la répartition des richesses, moins il y aurait de chances que "l’Événement" se produise. Qu’ils auraient tout intérêt à employer cette magie technologique au service d’enjeux, certes moins romantiques, mais plus collectifs, dès aujourd’hui.

Mon optimisme les a fait sourire, mais pas au point de les convaincre. Éviter la catastrophe ne les intéressait finalement pas, persuadés qu’ils sont que nous sommes déjà trop engagés dans cette direction. Malgré le pouvoir que leur confèrent leurs immenses fortunes, ils ne veulent pas croire en leur propre capacité d’infléchir sur le cours des événements. Ils achètent les scénarios les plus sombres et misent sur leur argent et la technologie pour s’en prémunir - surtout s’ils peuvent disposer d’un siège dans la prochaine fusée pour Mars.

Heureusement, ceux d’entre nous qui n’ont pas de quoi financer le reniement de leur propre humanité disposent de meilleures options. Rien nous force à utiliser la technologie de manière aussi antisociale et destructive. Nous pouvons nous transformer en individus consommateurs, aux profils formatés par notre arsenal de plateformes et d’appareils connectés, ou nous pouvons nous souvenir qu’un être humain véritablement évolué ne fonctionne pas seul.

Être humain ne se définit pas dans notre capacité à fuir ou à survivre individuellement. C’est un sport d’équipe. Quel que soit notre futur, il se produira ensemble.

Auteur: Rushkoff Douglas

Info: Quand les riches conspirent pour nous laisser derrière. Avec l’accord de l’auteur, traduction de Céleste Bruandet, avec la participation de Laurent Courau

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