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Internet

Avec Internet vint l'usage des "like".

Au-delà d'une lecture devenue plus rapide et superficielle, qui a fait perdre de la continuité dans les raisonnements et les développement, on sait maintenant que les objets les plus "likés" (phrases, photos, articles ou films) le sont pour plusieurs raisons. Certaines énervantes, d'autres amusantes, à l'instar des anciens films de cul en vidéo (ou VHS) où les scènes les plus chaudes montraient une forte usure de la bande (d'où altération de l'image, au grand dam de l'utilisateur monomane)...

Statistiques souvent déprimantes puisque très proches du panurgisme d'un audimat aux pulsions naïves et formatées par le consumérisme de masse et à sa perméabilité aux modes grégaires, rassurantes et convenues... "Pourquoi croise-t-on des milliers de personnes et ne s'éprend-on que d'une seule ?" Cette phrase de Guillaume Musso étant par exemple la citation préférée sur babelio "depuis la nuit des temps". Il y a un autre mécanisme, moins décelable mais très en vogue ; la contre-affaire... Je "like" tes interventions et tu "like" les miennes, OK ?... D'où le développement de petits cénacles - forts sympathiques par ailleurs - qui en se soutenant font parfois monter en neige des choses insignifiantes.

Il y a aussi les petits malins qui vous vendent des "like" ou des "clicks", afin de faire monter l'audience de votre site ou de vos interventions, action mue en général plus par simple gloriole que par souci mercantile.

L'effet temporel peut aussi jouer un rôle important. Exemple : après les attentats de Paris en octobre 2015 les surfeurs plébiscitèrent les citations condamnant violence, fanatisme et religion.

On pourrait aussi parler des stratégies de guérilla marketing et autres recettes pour "faire le buzz" sur le web. Inutile. Sur le Web comme dans la vie réelle, on retrouve principalement un monde d'apparences et d'effets miroirs.

Auteur: Mg

Info: 13 juin 2015

[ magouilles ] [ cooptation ] [ pnl ]

 

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codage

Il a à voir avec l’influence des outils que nous essayons d’utiliser sur nos habitudes de penser. Je constate l’existence d’une tradition culturelle, dont les racines remontent sans doute à la Renaissance, d’ignorer cette influence, de considérer l’esprit humain comme le maître suprême et autonome de ses artefacts. Mais si je commence à analyser mon mode de penser et celui de compagnons humains, j’arrive, que cela me plaise ou non, à une conclusion totalement différente, à savoir que les outils que nous tentons d’utiliser et le langage ou la notation que nous utilisons pour exprimer ou enregistrer nos pensées sont les facteurs majeurs déterminant tout simplement ce que nous pouvons penser ou exprimer ! L’analyse de l’influence qu’ont les langages de programmation sur les modes de penser de leurs utilisateurs et la reconnaissance qu’aujourd’hui, la matière grise est de loin notre ressource la plus rare, ensemble, nous donne une nouvelle série de repères pour comparer les mérites relatifs de différents langages de programmation. Le programmeur compétent est pleinement conscient de la taille strictement limitée de son crâne ; il approche donc la tâche de la programmation en toute modestie, et, entre autres choses, il évite les astuces ingénieuses comme la peste.
[…]
Je n’ai pas connaissance d’une autre technologie couvrant un ratio de 10^10 ou plus : l’ordinateur, en raison de son extraordinaire rapidité, semble pour la première fois nous fournir un environnement où des artefacts hautement hiérarchisés sont à la fois possibles et nécessaires. Ce défi, à savoir la confrontation avec le travail de la programmation, est si unique que cette nouvelle expérience peut nous apprendre beaucoup sur nous-mêmes. Elle devrait approfondir notre compréhension du processus de conception et de création, elle devrait nous donner un meilleur contrôle sur l’organisation de nos pensées. Si ça n’est pas le cas, à mon avis nous ne méritons absolument pas l’ordinateur !

Auteur: Dijkstra Edsger W.

Info: The Humble Programmer

[ réflexion ] [ citation s'appliquant à ce logiciel ]

 

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division structurelle

Á un système qui lui-même, de sa propre pente, va essentiellement vers le leurre... vers l’erreur, vers quelque chose qui pointe dans le fait que cet organisme semble tout entier fait, non pour satisfaire le besoin, mais pour halluciner le besoin ...il convient que s’oppose un autre appareil. Et là je ne force pas la note, FREUD lui-même entend bien qu’il doit y avoir une sorte de distinction entre les appareils dont il avoue ne voir aucune trace dans ces supports anatomiques.

Il faut supposer un autre appareil qui vient là entrer en jeu pour exercer un principe, une instance de réalité qui se présentera comme essentiellement un principe de correction, de rappel à l’ordre. Le principe de réalité, c’est-à-dire tout ce à quoi doit, en fin de compte - le fonctionnement de l’appareil neuronique - son efficace, se présente comme un appareil qui va beaucoup plus loin dans le sens d’opposition que le simple contrôle. Il s’agit de la rectification et aussi bien d’ailleurs toute façon d’opérer ne sera que le détour de précaution, de retouche, de retenue dirai-je, pour caractériser essentiellement le mode sur lequel ce principe s’exerce et fonctionne.

Principe de retenue qui vient ici en somme pour corriger, compenser, fondamentalement s’opposer à ce qui paraît être la pente fondamentale de l’appareil psychique. Jamais personne, jamais aucun système possible de reconstitution de l’action humaine n’avait été aussi loin dans le caractère fondamentalement conflictuel, introduit à la base, au principe même de ce que comporte normalement l’affrontement d’un organisme qui semble en principe, après tout, disons-le, plutôt destiné à vivre. Et aucun n’avait poussé plus loin dans les présupposés, explications à donner de cet organisme dans le sens d’une inadéquation radicale pour autant que le dédoublement des systèmes se pose au principe, comme fait pour aller contre l’inadéquation foncière d’un des deux.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Séminaire VII, L'Ethique, 25 novembre 1959

[ antagonisme ] [ forces contraires ]

 
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spiritisme

En fait, la plupart de ceux qui croient ainsi "faire de la magie" ne font en réalité rien de plus ni d’autre que de s’autosuggestionner purement et simplement ; ce qu’il y a de plus curieux ici, c’est que les cérémonies arrivent à en imposer, non pas seulement aux spectateurs, s’il y en a, mais à ceux mêmes qui les accomplissent, et, quand ils sont sincères (nous n’avons à nous occuper que de ce cas, et non de celui ou le charlatanisme intervient), sont véritablement, à la façon des enfants, dupes de leur propre jeu. Ceux-là n’obtiennent donc et ne peuvent obtenir que des effets d’ordre exclusivement psychologique, c’est-à-dire de même nature que ceux que produisent les cérémonies en général, et qui sont du reste, au fond, toute la raison d’être de celles-ci ; mais, même s’ils sont restés assez conscients de ce qui se passe en eux et autour deux pour se rendre compte que tout se réduit à cela, ils sont bien loin de se douter que, s’il en est ainsi, ce n’est que du fait de leur incapacité et de leur ignorance. Alors, ils s’ingénient à bâtir des théories, en accord avec les conceptions les plus modernes, et rejoignant directement par là, bon gré mal gré, celles de la "science officielle" elle-même, pour expliquer que la magie et ses effets relèvent entièrement du domaine psychologique, comme d’autres le font aussi pour les rites en général ; le malheur est que ce dont ils parlent n’est point la magie, au point de vue de laquelle de pareils effets sont parfaitement nuls et inexistants, et que, confondant les rites avec les cérémonies, ils confondent aussi la réalité avec ce qui n’en est qu’une caricature ou une parodie ; si les "magistes" eux-mêmes en sont là, comment s’étonner que de semblables confusions aient cours parmi le "grand public" ?

Auteur: Guénon René

Info: Aperçus sur l'initiation, chapitre XX

[ critique ] [ crédulité ] [ rationalisation inappropriée ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

humour

C'était un pays où vivaient des souris. Elles vivaient comme vous et moi et tous les 4 ans elles élisaient un parlement. Ce jour-là on les aidait, on les transportait en bus aux bureaux de votes... Leur parlement était constitué de beaux et gras chats noirs. Ces chats étaient de bons gars... Bon, ils mettaient principalement en place des lois pour protéger leurs propres intérêts. Par exemple il y en avait une qui obligeait les souris à laisser une entrée arrondie, assez grande pour que les chats puissent y passer la patte. Une autre loi interdisait aux souris de courir trop vite, et ainsi de suite. Après un temps sous ce régime les souris décidèrent de réagir. Plutôt que d'élire des chats noirs elles votèrent en masse pour les chats blancs... Qui décidèrent que les souris devaient avoir des entrées carrées, ce qui était même pire. Résultat les souris votèrent à nouveau pour les chats noirs, sans que cela apporte de changements notables. Alors on essaya avec des chats moitié blanc moitié noirs... Son nom : La coalition. Mais cela n'allait pas mieux. On alla ensuite jusqu'à élire des chats tachetés. Des chats qui essayaient de parler comme des souris mais qui mangeaient comme des chats. Sans succès. Le problème était simple : ils étaient des chats. Un jour arriva de très loin une petite souris. Elle vint s'exprimer devant une grande assemblée de ses congénères. - Mes amis écoutez un humble compagnon qui à une idée à vous soumettre. Voilà : pourquoi continuons-nous à élire un gouvernement composé de chats. Pourquoi n'élisons-nous pas des souris, comme nous, au parlement ? Mais, s'écrièrent toutes les souris en coeur... C'est UN COMMUNISTE. La petite souris fut mise en prison. Tout ça pour vous dire, mes amis, que si on peut enfermer un homme on ne peut le faire avec une idée.

Auteur: Douglas Thomas Clement Tommy

Info:

[ politique ] [ discours ] [ libération ]

 

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sexuation

[...] le phallus se trouve être cet élément imaginaire [...] par lequel le sujet, au niveau génital, est introduit dans la symbolique du don.

La symbolique du don et la maturation génitale, qui sont deux choses différentes, sont pourtant liées par un facteur qui est inclus dans la situation humaine réelle, à savoir les règles instaurées par la loi quant à l’exercice des fonctions génitales, en tant qu’elles viennent effectivement en jeu dans l’échange interhumain. [...] Il s’avère [...] que le fantasme du phallus, au niveau génital, prend sa valeur à l’intérieur de la symbolique du don. [...]

L’enfant femelle, c’est en tant qu’elle ne possède pas le phallus qu’elle est introduite à la symbolique du don. C’est en tant qu’elle phallicise la situation, c’est-à-dire qu’il s’agit d’avoir ou de n’avoir pas le phallus, qu’elle entre dans le complexe d’Œdipe. Le garçon, [...] ce n’est pas par là qu’il y entre, c’est par là qu’il en sort. A la fin du complexe d’Œdipe, au moment où il réalise sur un certain plan la symbolique du don, il faut qu’il fasse don de ce qu’il a. La fille, si elle entre dans le complexe d’Œdipe, c’est pour autant que ce qu’elle n’a pas, elle a à le trouver dans le complexe d’Œdipe.

Ce qu’elle n’a pas, qu’est-ce à dire ? Nous sommes déjà ici au niveau où un élément imaginaire entre dans une dialectique symbolique. Or, dans une dialectique symbolique, ce qu’on n’a pas est tout aussi existant que le reste. Simplement, c’est marqué du signe moins. Elle entre donc avec ce moins, comme le garçon avec le plus. Reste qu’il faut qu’il y ait quelque chose pour qu’on puisse mettre plus ou moins, présence ou absence. Ce dont il s’agit et qui est là en jeu, c’est le phallus.

Auteur: Lacan Jacques

Info: dans le "Séminaire, Livre IV", "La relation d'objet", éditions du Seuil, 1994, pages 170-171

[ concept psychanalytique ] [ réel-symbolique-imaginaire ]

 

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corps-esprit

Les Ennemis de l'Esprit sont d'opinion que la partie saine, bonne, innocente, inoffensive de l'homme, c'est la chair. La chair n'a d'elle-même aucun mauvais instinct, aucune tendance perverse. Se nourrir, se reproduire, se reposer, ce sont ses fonctions : Dieu les lui a données et les lui rappelle sans cesse par les appétits. Tant qu'elle n'est pas corrompue, elle recherche purement et simplement les occasions de se satisfaire ; ce qui est marcher dans les voies de la justice céleste ; et plus elle se satisfait, plus elle abonde dans le sens de la sainteté. Ce qui la corrompt, c'est l'Esprit. L'Esprit est d'origine diabolique. Il est parfaitement inutile au développement et au maintien de l'Humanité. Lui seul invente des passions, de prétendus devoirs qui, contrariant à tort et à travers la vocation de la chair, engendrent des maux sans fin. L'Esprit a introduit dans le monde le génie de la contradiction, de la controverse, de l'ambition et de la haine. C'est de l'Esprit que vient le meurtre : car la chair ne vit que pour se conserver et nullement pour détruire. L'Esprit est le père de la sottise, de l'hypocrisie, des exagérations dans tous les sens, et partant, des abus et des excès que l'on a coutume de reprocher à la chair, excellente personne, facile à entraîner à cause de son innocence même ; et c'est pourquoi les hommes vraiment religieux et vraiment éclairés doivent défendre cette pauvre enfant en bannissant vivement les séductions de l'Esprit. Dès lors, plus de religion positive pour éviter de devenir intolérant et persécuteur ; plus de mariage pour n'avoir plus d'adultère ; plus de contraintes dans aucun goût pour supprimer radicalement les révoltes de la chair, et, enfin, l'abandon de toute culture intellectuelle, occupation odieuse qui, n'aboutissant qu'au triomphe de la méchanceté, n'a opéré jusqu'ici qu'en faveur de la puissance du diable.

Auteur: Gobineau Joseph Arthur

Info: Nouvelles Asiatiques, La danseuse de Shamakha

[ déséquilibre ] [ anti intellectualisme ]

 

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richesse

J'ai connu dans ma vie un homme qui ne pouvait souffrir l'orgueil des grands seigneurs ; il n'y avait rien de plus beau que la morale qu'il débitait là-dessus : s'il faisait jamais fortune, ce serait le plus raisonnable de tous les hommes, disait-on. Cette fortune lui vint, il fut mis en place : je n'ai jamais rien vu de si sot et de si superbe que lui alors. Et d'où vient qu'il avait paru si différent ? C'est que quand un homme est dans une condition médiocre, il n'ose pas donner l'essor à son orgueil : il faut qu'il lui retienne la bride, il faut que notre homme file doux, en bon Français ; car s'il s'émancipe, on l'humilie ; et cela est mortifiant ; de sorte que par orgueil prudent il s'humilie lui-même, afin que personne ne s'en mêle. Après cela, vous le voyez bon, simple, accommodant, ne pouvant comprendre les grands airs de certaines gens, n'imaginant point comment on peut être orgueilleux, levant les épaules sur tous ceux qui le sont. Ah ! le bon apôtre ! Tenez, voici ce qu'il pense : puisque je ne saurais montrer mon orgueil, il faut que je m'en venge sur ceux qui ont la liberté de montrer le leur, et qui le montrent. Il faut que je dise qu'ils me font pitié, cela les rendra plus petits aux yeux des autres, et empêchera qu'on ne les voie si fort au-dessus de moi ; car ces gens-là, je ne saurais les souffrir, on ne paraît rien auprès d'eux, et je me soulage en les abaissant. Outre cela, c'est qu'en faisant profession de regarder l'orgueil comme une sottise, on croira que je n'en ai point, et que ce serait peine perdue d'en avoir avec moi, parce que je le mépriserais sans en être piqué, ou bien que je n'y prendrais pas garde.

Auteur: Marivaux Pierre Carlet de Chamblain de

Info: L'Indigent philosophe, 1727, Journaux et Oeuvres diverses, Classiques Garnier 1988 <p.308>

[ révélatrice ]

 

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société de contrôle

Le festif généralisé tel que je l’ai décrit, c’est aussi la volonté d’en finir avec les fêtes. On voit partout la Perfection devenue Crime travailler à établir la symétrie parfaite, l’égalité intégrale et démentielle (entre les sexes notamment) ; ou la Santé travaillant à éliminer tous les vices ; ou la justice outrepassant ses limites et imposant des décrets tellement fous, tellement justes, tellement plus justes que justes, qu’ils deviennent de nouveaux crimes et de nouvelles persécutions. [...]

On voudrait nous faire croire que la disposition naturelle et originelle de l’homme c’était la liberté (pourquoi pas la bonté ?), et tous les bons apôtres des mouvements libératoires se présentent comme des restaurateurs de cet état idéal. Mais dès qu’on passe au stade suivant, après l’orgie, après l’émancipation totale, on se retrouve comme par hasard exactement dans le contraire de l’émancipation et de la liberté.

Après l’orgie, on y est maintenant, et c’est tout simple : c’est le contraire de l’orgie et c’est le contraire de la liberté. C’est l’apparition de nouvelles lois, de nouvelles régulations, de nouvelles normes plus étonnantes les unes que les autres et qui poussent à toute allure comme des plantes monstrueuses, comme une végétation des premiers âges. La liberté n’a pas duré longtemps, mais le nouveau régime de persécution qui se met en place emploie encore le langage de la libération. Il ne l’emploiera pas longtemps, d’ailleurs, juste le temps qu’il faudra pour être devenu irréversible. [...] Après l’orgie, ce qu’il y a encore de plus libéré ce sont les lois, c’est la loi et le désir de loi, mais basés sur des valeurs que notre temps impose comme des évidences de toujours ou des lois d’essence alors qu’il ne s’agit, comme à chaque époque, que de préjugés.

[...] Après la libération, pour résumer, plus personne ne supporte la liberté.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 4", Les Belles Lettres, Paris, 2010, pages 1508 à 1511

[ retour du refoulé ] [ excès ] [ tyrannie moderne ]

 

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guerre nucléaire

Le monde est ce qu’il est, c’est-à-dire peu de chose. C’est ce que chacun sait depuis hier grâce au formidable concert que la radio, les journaux et les agences d’information viennent de déclencher au sujet de la bombe atomique. On nous apprend, en effet, au milieu d’une foule de commentaires enthousiastes, que n’importe quelle ville d’importance moyenne peut être totalement rasée par une bombe de la grosseur d’un ballon de football. Des journaux américains, anglais et français se répandent en dissertations élégantes sur l’avenir, le passé, les inventeurs, le coût, la vocation pacifique et les effets guerriers, les conséquences politiques et même le caractère indépendant de la bombe atomique. Nous nous résumerons en une phrase : la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l’utilisation intelligente des conquêtes scientifiques.

En attendant, il est permis de penser qu’il y a quelque indécence à célébrer ainsi une découverte, qui se met d’abord au service de la plus formidable rage de destruction dont l’homme ait fait preuve depuis des siècles. Que dans un monde livré à tous les déchirements de la violence, incapable d’aucun contrôle, indifférent à la justice et au simple bonheur des hommes, la science se consacre au meurtre organisé, personne sans doute, à moins d’idéalisme impénitent, ne songera à s’en étonner.

Ces découvertes doivent être enregistrées, commentées selon ce qu’elles sont, annoncées au monde pour que l’homme ait une juste idée de son destin. Mais entourer ces terribles révélations d’une littérature pittoresque ou humoristique, c’est ce qui n’est pas supportable.

Déjà, on ne respirait pas facilement dans ce monde torturé. Voici qu’une nouvelle angoisse nous est proposée, qui a toutes les chances d’être définitive. On offre sans doute à l’humanité sa dernière chance.

Auteur: Camus Albert

Info: 8 août 1945, après le bombardement d'Hiroshima

[ critique des discours ] [ barbarie ]

 

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