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cénacle

Au fil des journées Emma devenait toujours plus critique, surtout avec ses amis locaux, principalement la bande d'André, un musicien, ami de Miguel, pivot d'une clique d'artistes quadragénaires, tous issus de la bourgeoisie. Elle les analysait, les jaugeant maintenant comme de tristes êtres, qui se croyaient métamorphosés parce qu'après avoir vécu ces expériences - par lesquelles ils avaient eu l'impression de se faire peur - ils étaient simplement intégrés. Des petits bourgeois, ridicules par cette mise en place progressive et étudiée de façades plus ou moins réussies, plus ou moins souriantes, assorties de quelques petites excentricités d'habillement, de tournures verbales supposément originales. Elle voyait à présent des cadres moyens du fin tissu social helvétique, un de ces rassemblement de gens qui craignent toute forme de marginalité. Sérail dérisoire ou l'on se fait la bise comme les stars de la télévision pour marquer sa différence, pour montrer son appartenance à un cercle qui serait plus humain, plus averti, éclairé, mais qui, quand il existe, elle ne le savait que trop, n'a que le fonctionnement d'un groupe de pression. Elle riait presque en se remémorant qu'ils avaient créé une structure à but artistique baptisée "Les gars sympas " c'était à n'y pas croire.

Telle était donc l'intelligentsia, les révoltés de cet endroit ?... en était-ce de même pour la culture occidentale en général ?... Etaient-ce eux les artistes ?... Emma se surprenait à fulminer intérieurement. Traumatisée par l'enfant elle ne voyait plus chez eux qu'une forme d'élitisme atroce, imbécile, soumis aux conventions, aux diplômes, loin de la vie, la vraie, celle avec des excréments, des bleus, du sang, des cris. Elle aurait préféré ne pas les juger mais c'était impossible, elle les voyait si distants, si étriqués, prenant brusquement conscience qu'elle n'en n'avait jamais vu un plaisanter ou simplement discuter avec une caissière édentée ou un clodo en pleine cuite. Oui, c'était ça, égoïstes : lors des fêtes qui réunissaient les familles, elle voyait bien que leurs enfants leur cassaient les pieds, comme s'ils ne les avaient pondus que par convention, par simple peur de la mort, ou pire, par ennui. Pas comme dans son pays où la jeunesse était synonyme de joie, de plaisir... de folie qui se développe.

Elle les dépréciait, ils étaient froids, pédants. Elle analysait leurs postures, leurs attitudes - vues par elle comme un mélange de classe et de réserve étudiées - des limitations quoi, y voyant pour preuve que l'humour grossier, même sciemment provocateur, les faisaient se raidir immédiatement. Comprenant aussi qu'il fallait bien qu'ils conservent la cohérence de leur statut social. Ils étaient carrément bridés, oui, c'était ça : sans ouverture... s'auto bombardaient non racistes... tolérants... ne semblaient pas supporter par ailleurs qu'on fasse part de la moindre forme de non allégeance à leur endroit, empêtrés dans leurs représentations, leur foutu confort. Mais stop. Il fallait revenir sur terre, être positive. Qu'avaient-ils de différents des autres humains, somme toute ?... N'était-elle pas comme eux ?.

Auteur: MG

Info: In Jean-Sébastien, 1999

[ sociologie ] [ suisse ]

 

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introspection

Je crois que l’interview est une nouvelle forme d'art. L'auto-interview est l'essence de la créativité. Se poser des questions et essayer de trouver des réponses. L'écrivain ne fait que répondre à des question qui n'ont pas été posées.

C'est un peu comme être appelé à la barre des témoins. C'est cette région étrange dans laquelle vous essayez de fixer quelque chose qui est arrivé dans le passé. Vous cherchez à vous souvenir, honnêtement, de ce que tentiez de faire à ce moment-là. C'est un exercice mental périlleux. Une interview vous donnera souvent l'occasion d'interroger votre esprit, ce qui est à mon avis, la définition de l'art. La chance vous est offerte d'éliminer tout remplissage... Vous devez être explicite, précis, aller directement l'essentiel... Pas de conneries. On trouve les antécédents de l'interview au confessionnal, dans un débat ou un contre-interrogatoire. Une fois la chose dite, vous ne pouvez pas la retirer. Trop tard. Il s'agit d'un moment existentiel.

Je suis, en quelque sorte, "accro" au jeu de l'art et de la littérature ; mes héros sont des artistes et des écrivains.

J'ai toujours désiré écrire, mais je me figurais que rien ne bon ne sortirait. A moins que, pour une raison quelconque, ma main se mette au travail sans que j'y sois vraiment pour quelque chose. Comme l'écriture automatique, mais cela n'est jamais arrivé.

Bien-sûr, j'ai fait des poèmes. Notamment "The pony express" quand j'étais en classe de sixième ou cinquième. C'est le premier dont je me rappelle. C'était un poème dans le style ballade mais je ne l'ai jamais vraiment achevé.

"Horse Latitudes" remontent à mes années de lycée. Au cours de mon adolescence j'ai rempli des tas de carnets. Puis, quand j'ai quitté l'école, je les ai tous jetés... pour des raisons stupides, peut-être par sagesse ? Je remplissais ces pages nuit après nuit. Si je ne les avais pas jetés ; sans doute n'aurais-je jamais écrit quoi que ce soit d'original. Ils étaient, essentiellement, des accumulations de choses que j'avais lues et entendues, des citations tirées de livres. Si je ne m'en étais pas débarrassé, je crois que je n'aurais jamais pu être libre.

La vraie poésie ne veut rien dire, elle ne fait que révéler les possibles. Elle ouvre toutes les portes, à vous de franchir celle qui vous convient.

[...] C'est la raison pour laquelle je suis tellement attiré par la poésie, elle est si éternelle. Tant qu'il y aura des hommes, ils pourront se souvenir des mots et de leurs combinaisons. Seules la poésie et les chansons peuvent survivre à un holocauste. Personne ne peut mémoriser un roman entier, un film, une sculpture ou une peinture. Mais tant qu'il y aura des êtres humains, les chansons et la poésie pourront perpétuer.

Si ma poésie a un but, c'est de libérer les gens de leur œillères, de démultiplier leurs sens.

Auteur: Morrison Jim

Info: Los Angeles, 1970

[ confrontation ] [ sens de l'éternité ]

 

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projections

Il y avait une fille, et son oncle l'a vendue. Dit comme ça, ça parait simple.

Aucun homme, proclamait Donne, n'est une île, et il avait tort. Si nous n'étions pas des îles, nous serions perdus, noyés dans les tragédies des autres. Nous sommes isolés (mot qui signifie littéralement, rappelez-vous, transformés en îles) de la tragédie des autres, par notre nature insulaire et par la forme répétitive des histoires. La forme ne change pas : il y avait un être humain qui est né, a vécu et puis, par un moyen ou un autre, est mort. Voilà. Vous pouvez compléter les détails à partir de votre propre expérience. Aussi peu originale que n'importe quelle autre histoire, aussi unique que n'importe quelle autre. Les vies sont des flocons de neige - formant des motifs que nous avons déjà vus, aussi semblables les uns aux autres que des pois dans une gousse (avez-vous déjà regardé des pois dans une gousse ? Je veux dire, vraiment regardé ? Il n'y a aucune chance que vous confondiez l'un avec l'autre, après une minute d'observation attentive), bref elles restent uniques.

Sans individus, on ne voit que des chiffres, un millier de morts, cent mille morts, "les pertes pourraient atteindre un million". Avec les histoires individuelles, les statistiques deviennent des personnes - mais même ça c'est un mensonge, car les gens continuent de souffrir au sein de chiffres eux-mêmes anesthésiants et sans signification. Regardez, voyez le ventre enflé, gonflé de cet enfant, les mouches qui s'agitent aux coins de ses yeux, ses membres squelettiques : vous sera-t-il plus facile de connaître son nom, son âge, ses rêves, ses peurs ? De le voir de l'intérieur ? Et si c'est le cas, n'est-ce pas rendre un mauvais service à sa sœur, qui gît dans la poussière brûlante à ses côtés, distendue caricature d'enfant humain ? Et là, si nous avons de la compassion pour eux, sont-ils maintenant plus importants pour nous que mille autres enfants touchés par la même famine, mille autres jeunes vies bientôt devenues nourriture pour les myriades de bébés mouches elles-même ?

Nous traçons nos lignes autour de ces moments de douleur, depuis nos îles, et ils ne peuvent nous blesser. Elle sont recouvertes d'une couche lisse, solide, nacrée, il suffit de les laisser glisser, comme une perle, hors de nos âmes intouchées d'une douleur réelle.

La fiction permet de nous glisser dans ces autres têtes, ces autres lieux, et voir à travers d'autres yeux. Et puis, dans le conte, nous nous arrêtons avant de mourir, ou nous mourons par procuration, indemnes, et, dans le monde au-delà du conte, nous tournons la page ou fermons le livre, et reprenons le cours de notre vie.

Une vie qui est, comme toutes les autres, différente de toutes les autres.

Et la simple vérité est la suivante : Il y avait une fille, et son oncle l'a vendue.


Auteur: Gaiman Neil

Info: American Gods

[ monades réflexives ]

 

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cité imaginaire

Chaque année, lors de mes voyages, je m'arrête à Procopia et pour séjourner dans la même chambre de la même auberge. Dès la première fois, je me suis attardé à contempler le paysage que l'on voit en déplaçant le rideau de la fenêtre : un fossé, un pont, un muret, un sorbier, un champ de maïs, un buisson de ronces avec des mûres, un poulailler, une colline jaune, un gros nuage blanc, un morceau de ciel bleu en forme de trapèze. Je suis sûr que la première fois on ne voit personne ; ce n'est que l'année suivante qu'à un mouvement parmi les feuilles, j'ai pu distinguer une face ronde et plate rongeant un épi. Au bout d'un an, ils étaient trois sur le petit mur, et à mon retour, j'en ai vu six, assis en rang, les mains sur les genoux et quelques sorbets dans un plat. Chaque année, dès que j'entrais dans la pièce, je soulevais le rideau et comptais quelques visages de plus : seize, dont ceux du fossé ; vingt-neuf, dont huit perchés sur le sorbier ; quarante-sept, sans compter ceux du poulailler. Ils se ressemblent, ils semblent gentils, ils ont des taches de rousseur sur les joues,  sourient, certains la bouche pleine de mûres. Bientôt, j'ai vu tout le pont rempli de gars aux visages ronds, serrés les uns contre les autres parce qu'ils n'avaient pas de place pour bouger ; ils mâchaient les épis, puis rongeaient les trognons. Et ainsi, une année après l'autre, j'ai vu le fossé, l'arbre, le buisson disparaître, cachés par des haies de sourires tranquilles, entre des joues rondes qui bougent en mâchant des feuilles. Vous n'avez pas idée, dans un petit espace comme ce champ de maïs, du nombre de personnes qui peuvent y tenir, surtout si elles sont assises, les bras autour des genoux, sans bouger. Elles doivent être beaucoup plus nombreux qu'il n'y paraît : j'ai vu la crête de la colline couverte d'une foule de plus en plus dense ; mais depuis que ceux du pont ont pris l'habitude de se chevaucher les épaules, je ne peux plus pousser mon regard aussi loin. Cette année, enfin, quand je lève le rideau, la fenêtre n'encadre qu'une étendue de visages : d'un coin à l'autre, à tous les niveaux et à toutes les distances, on voit ces visages ronds, fermes, plats, avec un soupçon de sourire, et au milieu beaucoup de mains, qui s'accrochent aux épaules de ceux qui sont devant. Même le ciel a disparu. Je pourrais aussi bien m'éloigner de la fenêtre. Non pas que le mouvement soit facile pour moi. Dans ma chambre, nous sommes vingt-six : pour bouger mes pieds, je dois déranger ceux qui sont accroupis par terre, je me fraie un chemin entre les genoux de ceux qui sont assis sur la commode et les coudes de ceux qui se relaient pour s'appuyer sur le lit : tous des gens sympathiques, heureusement.

Auteur: Calvino Italo

Info:

[ surpopulation ]

 

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portrait

Céline craignait les visiteurs, il vivait comme un petit rentier, derrière une vitre, dans un fauteuil, assis sur des couvertures, les pieds emmitouflés et enfoncés dans des pantoufles énormes. Il écrivait tous les jours, jusqu'à 4 heures de l'après-midi. En arrivant, on demandait si le docteur était là. Il réagissait mieux quand on l'appelait docteur. Ce qui frappait, c'était son regard. Il avait cet oeil que la photo rend mal, un oeil bleu, malin, blasé, à la paupière floue, avec des éclairs, de l'amertume, de la ruse.

Quand il se sentait observé, il lui arrivait, pendant de longs moments, de parler comme un livre. Il y avait aussi des creux, durant lesquels il continuait à émettre de façon fragmentée. Si on ne l'interrompait pas ou si on ne le relançait pas par une question, il allait seul, oubliant le micro, dressant ses grands bras pour remplacer un mot ou une phrase, pour occuper le silence, puis il les laissait retomber sur ses genoux.

En allant l'interroger, je cherchais des influences de style dans ses lectures, des modèles. La Fontaine, principalement ; Mme de Sévigné aussi : les épistoliers sont à mi-chemin entre l'oral et l'écrit. Bien sûr qu'il avait à dire sur la Sévigné ! Les deux mains s'élèvent comme deux crabes à l'envers :

"Dans la Sévigné, on sent comme un tremblement de velours..."

Les autres stylistes y passent à leur tour. Stendhal ? Un pisse-froid Proust ? Il n'avait pas beaucoup de style, il était malade. Saint-Simon ? De premier ordre, mais emmerdant à cause de ses nobles ; il y a trop de nobles, c'est la barbe.

Mais c'était lui que je cherchais. À l'audition de la bande, sans les gestes, sans rien d'autre que ce qui est enregistré, l'évocation est encore vive et drôle, mais partielle. La langue orale, par son intonation, son accentuation, son rythme, conserve encore suffisamment de traits non équivoques. Mais le texte transcrit de ce que Céline disait est illisible. Il fallait être Céline pour transcoder son propre discours.

D'abord, il y a les silences. Ce sont des tunnels, et c'est de là, je crois, qu'il faut partir. Entre les moments où Céline cesse d'émettre des sons articulés et ceux où il reprend, la signification continue. Un exemple ? À propos de Villon, il dit : "Il ramène tout d'un coup, n'est-ce pas, des mélancolies qui viennent de loin... Qui sont bien au-dessus, au fond de la nature humaine, qui n'a pas cette qualité, n'est-ce pas..." Je note par des points de suspension ce qui me semble être un silence de dérive, là où Céline change de route. Et je note par une virgule ce qui me semble être un silence de reprise, là où, tandis que le silence se déroule. Céline continue dans la même direction. Dans un cas comme dans l'autre, le silence est un trait de la syntaxe célinienne : la signification continue dessous.

Auteur: Guénot Jean

Info: De la parole à l'écriture, article dans le journal Le Monde du 15 février 1969

[ écrivains français ]

 

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denières paroles

Professeur de math l'américain Sheck Exley (1949 - 1994) était plongeur spéléo, grand pionnier de la discipline. En 29 ans on l'a vu réaliser plus de 4.000 plongées. Il est l'un des rares à avoir survécu à une plongée de plus de 300 mètres avec de l'air comprimé, malgré le fait que cela devienne très toxique à ces profondeurs. Le 6 Avril, en compagnie de Jim Bowden ils se mirent à l'eau après des mois de minutieuses planifications pour une plongée dans le gouffre El Zacatón au Mexique. Bowden partit en premier, descendant rapidement. Une fois à moins 800 pieds il réalisa qu'il avait utilisé beaucoup plus que prévu du mélange d'air adapté pour cette grande profondeur. Il décida de s'arrêter et lança ses ballons de remontée pour s'arrêter au premier palier afin de commencer la première partie de ses 8 heures et demies de décompression. Dans l'eau trouble il put alors voir Exley le dépasser en descente. Un peu plus tard, une plongeuse qui surveillait les bulles des plongeurs bien au-dessus constata, 18 minutes après son départ, que celles d'Exley avaient cessés. Le scénario le plus probable est que, comme Bowden, son air fut utilisé beaucoup plus vite que prévu. Contrairement à Bowden il le réalisa trop tard. A ce point, sans pouvoir gonfler ses ballons de remontée assez vite, ou pour une autre cause, il se serait enveloppé dans la corde guide afin d'arrêter sa descente et se donner le temps de réfléchir. Il fut alors probablement victime d'éclairs de narcose ou autres syndromes nerveux de haute pression comme il l'avait déjà vécu lors d'épisodes similaires. Lorsqu'il fut à bout de l'air pour cette profondeur il passa à un autre mélange, destiné à être inspiré beaucoup plus près de la surface. À ce moment, il aurait subi une convulsion d'oxygène suive d'une perte de conscience et de sa mort. Après l'accident, son équipe pensa qu'on ne récupérerait jamais son corps. Mais lorsque la lourde corde guide avec les diverses bouteilles de décompression fut remontée trois jours plus tard, son corps y était attaché. Ceux qui l'ont connu sont certains d'une chose: quoi qu'il soit arrivé, Exley n'a pas paniqué. Plus d'une fois dans le passé il avait risqué sa vie, par exemple pour en sauver, d'autres, conservant des nerfs d'acier dans les plus cauchemardesques conditions. "He was the ultimate cool" déclarera Bowden à un journal du Texas. Quelques temps après les membres de l'équipe ont publié une analyse détaillée concluant pour partie à ce qui est décrit plus haut. Ses bouteilles n'étaient pas vides (une était intacte). Son ordinateur de plongée indiquait une profondeur maximale de 879 pieds. Il n'est pas clair s'il fut capable de remonter un peu une fois atteint ce point car avec les bouteilles cela demande effort supplémentaire. Bowden et d'autres experts ont aussi émis l'hypothèse qu'Exley, en s'attachant juste avant de mourir, a tout fait pour éviter la dangereuse opération de récupération de son corps.

Auteur: Internet

Info:

[ plongée ] [ spéléo ] [ éloge ] [ hypoxie ]

 

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psycho-sociologie

Comment le cerveau résout-il le "dilemme du volontaire" ?

Un problème important en sciences sociales est de savoir quand il faut ou non se sacrifier pour le groupe. Lors de décisions collectives, les individus décident souvent de contribuer ou non de leurs ressources à un bien public qui est effectivement implémenté si et seulement si un certain niveau de contribution est atteint.

Cependant, leur contribution est gaspillée s'il y a trop de volontaires, et le projet public échoue si pas assez de volontaires y contribuent. Ce dilemme social s'appelle le dilemme du volontaire. Un exemple classique de ce dilemme est le comportement adopté par les voisins de Kitty Genovese, une jeune femme assassinée en bas de son immeuble sans qu'aucun voisin n'intervienne alors qu'ils avaient entendu ses appels au secours (chacun pensant que d'autres contribueraient à la secourir).

Dans le dilemme du volontaire, l'utilité de la décision de l'un dépend de la décision des autres. Lorsque de telles décisions collectives sont prises à plusieurs reprises au sein d'un même groupe, il est donc crucial d'actualiser sa croyance relative à la décision des autres après chaque interaction. En particulier, le cerveau doit calculer non seulement le bénéfice supplémentaire attendu de l'interaction immédiate, mais également le bénéfice potentiel que le groupe peut tirer des récompenses collectives des interactions sociales restantes après l'interaction en cours. Le cerveau pondère ensuite ces utilités individuelles et collectives pour choisir la stratégie optimale afin de maximiser les bénéfices totaux lors d'interactions sociales.

Ici, les chercheurs ont utilisé l'imagerie cérébrale et le jeu du dilemme du volontaire dans lequel les participants prenaient des décisions avec les mêmes membres d'un groupe à plusieurs reprises lors d'interactions sociales répétées. Le groupe n'obtenait des récompenses que lorsque qu'un certain nombre spécifique de membres consacraient leurs ressources. Une telle règle incitait les individus à prendre des décisions sur le moment où ils devaient ou non engager leurs ressources. Chaque membre du groupe assignait donc des probabilités spécifiques à des stratégies de contribuer ou pas, et la décision optimale variait de manière dynamique en fonction de sa croyance en la décision potentielle des autres.

Malgré l'omniprésence de la prise de décision collective dans la société, la façon dont le cerveau calcule ces utilités individuelles et de groupe reste peu comprise. Les résultats de cette recherche montrent que le cerveau calcule les utilités individuelles et collectives de contribuer ou non dans des régions cérébrales distinctes. Une région antérieure du cerveau, le cortex préfrontal ventromédial calcule l'utilité individuelle tandis que le cortex frontopolaire calcule l'utilité collective. De cette façon, la valeur de chaque état lors des interactions futures est mis à jour en fonction des changements de la croyance quant à la décision d'autres.

Ces résultats permettent de comprendre les mécanismes cérébraux sous-jacents aux décisions collectives stratégiques. Cette étude a permis d'identifier les mécanismes cérébraux engagés lors de décisions collectives de contribuer ou pas à un bien public.

Auteur: Internet

Info: traduit et publié par Adrien le 22/11/2019, Source: CNRS INSB. Source A : Neural computations underlying strategic social decision-making in groups. Park, S.A., Sestito, M., Boorman, E.D, Dreher, J.C.

[ PNL ] [ égoïsme ] [ altruisme ] [ éthologie ]

 

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emploi du temps

L’été, à Iasnaïa Poliana, Lev Nikolaïevitch [Tolstoï] se lève entre dix heures et dix heures et demie. Après avoir fait sa toilette et revêtu toujours la même blouse noire, il boit son café et du thé en compagnie de sa femme. Il en boit à son content, sans se presser. S’il fait beau, le thé est servi en plein air, dans le jardin, entre les acacias, sous un grand tilleul à la vaste frondaison ; s’il pleut, la comtesse attend Lev Nikolaïevitch au salon.

Une fois terminé son thé, qu’il accompagne de deux œufs à la coque, Lev Nikolaïevitch descend dans son petit cabinet de travail aux murs entièrement couverts de rayonnages à livres de facture toute simple et se plonge dans son activité intellectuelle.

Il s’y consacre assidûment, sérieusement, jusqu’à trois heures et plus, après quoi il va travailler dans les champs s’il a quelque chose à y faire. ce n’est pas toujours le cas, car le comte ne travaille que pour les pauvres, les faibles, les veuves et les orphelins. S’il n’a rien à faire aux champs, Lev Nikolaïevitch prend un panier et s’en va en forêt ramasser des champignons, ce qui lui permet de passer quelques heures seul avec la nature et avec lui-même.

Il arrive qu’il consacre ce temps entre trois et six heures à un hôte de passage. Des personnes de connaissance ou totalement inconnues viennent parfois exprès de régions très lointaines de Russie ou de pays étrangers pour lui poser les questions les plus diverses sur la vie.

[...]

Lev Nikolaïevitch revient vers six heures et retrouve pour le repas sa nombreuse famille qui comprend dix enfants de tous âges, depuis son fils aîné de 26 ans à un nourrisson de deux mois. Il faut y ajouter les invités, les camarades des fils, les cousines et les amies des filles, les précepteurs, les gouvernantes et parfois des amis du comte et de la comtesse venus leur rendre visite. Une immense table traverse sur toute sa longueur la grande salle blanche de la vieille demeure familiale aux murs couverts de portraits d’ancêtres, qui résonne durant le repas de conversations joyeuses et bruyantes de tous les âges sur les sujets les plus divers.

Après le repas, Lev Nikolaïevitch trie et lit le volumineux courrier qui vient de lui être apporté de Toula : des lettres, des revues, des brochures et diverses correspondances en provenance du monde entier. Il est aidé dans cette tâche très fatigante par sa fille aînée Tatiana, qui souvent rédige aussi les réponses selon les instructions de son père.

Vers neuf heures, toute la famille, à l’exception des plus petits, qui vont se coucher, se réunit à nouveau dans la grande salle pour le thé du soir accompagné de fruits et se livre aux divertissements les plus variés. C’est tantôt la lecture à haute voix d’une œuvre littéraire [...], tantôt du chant [...].

Auteur: Répine Ilia

Info: "Le Comte Lev Nikolaïevitch Tolstoï. Souvenirs personnels", dans "Lettres à Tolstoï et à sa famille", trad. Laure Troubetzkoy, éditions Vendémiaire, 2021

[ organisation des journées ]

 

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femmes-hommes

Earl but son café en attendant le sandwich. Deux types en complet-veston, le col ouvert et la cravate desserrée, s'assirent à côté de lui et demandèrent du café. Au moment où Doreen s'éloignait, la cafetière à la main, l'un des deux types s'exclama :

— Vise-moi un peu cette paire de miches ! C'est pas croyable !

L'autre se mit à rire.

— J'ai vu mieux, fit-il.

— C'est ce que je voulais dire, dit le premier. Mais t'as des gars, ils aiment leurs chagattes bien grasses.

— Pas moi, dit l'autre.

— Moi non plus, dit le premier. C'est ce que je te disais.

[…]

Elle revint avec la cafetière et, après avoir rempli la tasse d'Earl et celles de ses deux voisins, elle s'arma d'une coupelle et leur tourna le dos pour puiser de la glace. Elle plongea un bras dans le bac du congélateur et racla le fond avec le presse-boules. Sa jupe de nylon blanc remonta sur ses hanches, découvrant le bas d'une gaine rose, des cuisses grises, fripées, un peu velues et des veines qui formaient un entrelacs dément.

Les deux types assis à côté d'Earl échangèrent des regards. L'un d'eux haussa les sourcils. L'autre, la bouche fendue par un sourire, continua de lorgner Doreen par-dessus sa tasse de café tandis qu'elle nappait la glace de sirop de chocolat. Lorsqu'elle se mit à secouer la bombe de chantilly, Earl se leva et se dirigea vers la porte en abandonnant son assiette intacte. Il l'entendit crier son nom, mais il ne s'arrêta pas.

[…]

Au matin, après qu'elle eut expédié les enfants à l'école, Doreen entra dans la chambre et releva le store. Earl était déjà réveillé.

— Regarde-toi dans la glace, lui dit-il.

— Hein ? fit Doreen. Qu'est-ce que tu racontes ?

— Regarde-toi dans la glace, c'est tout.

— Qu'est-ce que je suis censée y voir ?

Mais elle se campa devant le miroir de la coiffeuse et repoussa les cheveux qui lui tombaient sur les épaules.

— Alors ? dit Earl.

— Quoi, alors ?

— Ça m'embête de te dire ça, mais je trouve que tu devrais songer à te mettre au régime. Sérieusement. Je ne plaisante pas. Je trouve que tu devrais perdre quelques kilos. Ne te fâche pas.

— Qu'est-ce que tu veux dire ?

— Rien d'autre que ce que je viens de dire. Je trouve que tu devrais perdre quelques kilos. Maigrir un peu.

— Tu ne m'as jamais fait aucune remarque, dit-elle.

Elle releva sa chemise de nuit au-dessus de ses hanches et se mit de profil pour regarder son ventre dans la glace.

— Ça ne m'avait jamais gêné jusqu'à présent, dit Earl en pesant soigneusement ses mots.


Auteur: Carver Raymond

Info: Neuf Histoires et un Poème. Ils t'ont pas épousée

[ regard des autres ]

 

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anthropo-zoom

Issus d'une infinité de précédents verbaux, parlés ou littéraires, nous nous sommes accoutumés-enfermés dans une certaine linélarité de la réflexion. Eloignés du monde : du monde des signes. Un signe n'est jamais linéaire - juste partie à miroitantes facettes d'un monde complexe et perspectiviste. Ainsi des signes perçus et souvent mal interprétés, peut-être plus pour ceux réfugiés dans l'univers des symboles, logiques réductives et autres conventions écrites-codées : le monde humain (soi-disant) consensuel. 

Mais le langage est aussi ouverture. Emergence du minéral-végétal-animal-singe pensant. Abstraction, mémoire-réflexion communautaire qui l'éloigne de la source. 

Mais non !...  Qui l'émancipe. Lui fait voir. 

La dualité est intriquée, toujours, elle est notre lot. La physique quantique se borne au constat, les limites intrinsèques de nos idiomes restant bien loin d'un quelconque "performatif" en la matière. Il nous manque un jargon communautaire sous-tendu par une logique indépendante de son substrat. 

Ah ah ah ah ah ah... C'est si facile à énoncer. 

Résumons-pensons : aux règnes minéraux, végétaux, etc. où des myriades d'interactions s'interpénétrent et s'auto-influencent sans cesse dans le flux d'une évolution apparemment lente et progressive. Mais qui avance aussi par paliers. 

Et vient l'affranchissement gravitationnel, enclenché chez le végétal, accéléré chez nos proches cousins animaux... qui se meuvent, changent de régions, de continents... Se libèrent topologiquement, s'opposent à l'immobilisme.

Et nous autres... qui explorons Mars.

L'entendement se brouille devant tout ça, épigénétique et binz des interactions multiples, sur des échelles trop grandes - du quark au cosmos entier - bidules qui s'assemblent, s'enveloppent, s'aggrègent... Pour constituer toutes sortes de sphères-astres, systèmes planétaires et autres immenses machins...  qui batifolent.

Et donc, à partir d'un de ces berceaux de matière-énergie E=mc2 - et sous certaines conditions pour ce que nous avons pu voir sur terre - les atomes se sont combinés-organisés, formant des molécules, cellules... organismes... puis des mousses, etc...  jusqu'à nous. 

Les mêmes atomes, partout, qui, après treize milliards d'années, nous accouchent. 

Et voilà que nous parlons, inscrivons et conservons nos idées, en les mélangeant... les traduisant...

Ecrits, dialectes, signes-symboles, langages, proverbes, images, romans, codages, musique... représentations... Tout celà maintenant accessible d'un clickement de doigts sur le Web. 

Et vlatipa que certains démontrent que l'état des lieux de nos "savoirs humains" n'est que notre propre reflet. Lisez un peu ceci.  (...)

Humain transitoire perdu dans une complexité qui s'expand, mu par un truc miroir, progressif... "Si l'esprit humain était suffisamment limpide pour qu'on le comprenne, nous serions trop simple pour pénétrer les choses." formula Emerson W. Pugh. Notion exprimée différemment par Raymond de Becker : "L'esprit peut être comparé à un cristal restituant différemment la lumière selon la facette qui la reçoit." Ici nous sommes tout prêt de l'idée des étages-hiérarchies septénaires des Dialogues avec l'ange.

Constant essor des limites du solipsisme anthropique, joliment résumé par Velimir Khlebnikov

Auteur: Mg

Info: 2 nov. 2022

[ linguistique ] [ limitation ] [ pensée rationaliste ]

 

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