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urbanisme festif

Bien entendu, il n’y a pas davantage de plage, aujourd’hui, sur les bords de la Seine qu’il n’y en avait huit jours avant. L’important est de vérifier si les gens vont accepter d’y croire. Car tout cela n’a rien de futile. Ça s’appelle un programme. […] Contrairement à ce que l’on imagine, Paris n’est pas une enclave pittoresque où résisteraient les derniers adeptes du Parti du progrès universel et pluriel en difficulté. C’est un laboratoire. C’est un terrain d’expérience qui a l’avenir devant lui. Le maire nourrit d’amples ambitions. […] "Il faudra, déclare-t-il, qu’on puisse encore dire du bien dans trente ans de ce que nous décidons maintenant" (mais pourquoi faudrait-il attendre si longtemps pour en dire du mal ?). Ses grands projets se résument à couvrir tout ce que la sensibilité exquise de la modernité ne veut plus voir : périphériques, parkings, hangars de stockage, entrepôts du service municipal des Pompes funèbres. En gros, le réel. Delanoë le fourre sous dalle. Et, par-dessus, il plante tout ce qui fait rêver : murs d’escalade, squats d’artistes, promenades vertes, multiplexes créatifs, lieux d’éducation aux arts de la rue, espaces d’initiation à la musique hip-hop.

Et parasols.

Car il s’agit aussi de réconcilier le Parisien avec son fleuve. Il paraît que jusqu’alors le Parisien tournait le dos à la Seine, ses eaux noires moirées de mazout et ses courants d’air. De temps en temps, il s’accoudait aux parapets pour regarder un suicidé en train de gagner le large avec nonchalance. C’est tout ce qu’il avait comme distraction. Quel chemin parcouru depuis. Maintenant il peut bronzer en bordure de concept et s’initier à la fabrication des nœuds marins dans une station balnéaire non figurative où tout est stylisé, le sable, les pelouses, les oriflammes, les nœuds marins, les murs d’escalade, sa propre personne. Exactement comme dans un quartier piétonnier. Transformer les berges de la Seine en quartier piétonnier idéal, voilà l’exploit des plagistes de la Mairie de Paris. Je le sais, j’étais sur place le dimanche de l’ouverture du concept.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 3", Les Belles Lettres, Paris, 2002, page 450

[ virtualisation ] [ refoulement ]

 

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philosophie hégélienne

La Phénoménologie de l’Esprit montre la structure de la raison comme structure de la domination et comme dépassement de cette domination. La raison se développe à travers le développement de la conscience de soi de l’homme qui triomphe de la nature et du monde historique et en fait le matériau de sa propre réalisation. […]

Mais la Phénoménologie de l’Esprit ne serait pas l’auto-interprétation de la civilisation occidentale si elle n’était rien de plus que le développement de la logique de la domination. La Phénoménologie de l’Esprit conduit au dépassement de cette forme de liberté qui provient de la relation antagonique avec l’autre. Et le vrai mode de liberté n’est pas l’activité incessante de la conquête, mais la cessation de cette activité, dans la connaissance limpide et la satisfaction de l’être.  […]

Tout au long de la Phénoménologie de l’Esprit, la tension entre le contenu ontologique et le contenu historique demeure : les manifestations de l’esprit sont les étapes principales de la civilisation occidentale, mais ces manifestations historiques restent entachées de négativité, l’esprit ne revient à lui que dans le savoir absolu et en tant que savoir absolu. C’est en même temps la forme vraie de la pensée et la forme vraie de l’être. L’être est dans son essence même raison. Mais la forme la plus haute de la raison est, pour Hegel, presque à l’opposé de la forme existante : elle est plénitude atteinte et conservée, unité transparente du sujet et de l’objet, de l’universel et de l’individuel, une unité dynamique plutôt que statique, dans laquelle tout devenir est une auto-extériorisation libre (Selbst-Entäusserung), une libération et une jouissance des potentialités. Le travail de l’histoire trouve sa fin dans l’histoire : l’aliénation disparaît, et avec elle la transcendance et le flux du temps. L’esprit "dépasse" sa forme temporelle ; il nie le Temps. Mais la "fin" de l’histoire se ressaisit de son contenu : la force qui accomplit la conquête du temps est la mémoire (recollection du souvenir). […]

L’être n’est plus la transcendance douloureuse vers l’avenir, mais la reconquête pacifique du passé.

Auteur: Marcuse Herbert

Info: Dans "Eros et civilisation", trad. de l'anglais par Jean-Guy Nény et Boris Fraenkel, éditions de Minuit, Paris, 1963, pages 105-108, à propos d'un ouvrage de Hegel

[ résumé ] [ souvenir ] [ ouroboros ] [ appartenance lucide ]

 
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tube rock

[…] il était j'imagine pas très loin de minuit lorsque je lui proposai de mettre de la musique, ce qui depuis longtemps était la seule chose à faire, la seule chose possible dans notre situation, il acquiesça avec reconnaissance et là je ne me souviens plus trop bien de ce qu'il a mis parce que j'étais moi-même complètement saoul, saoul et désespéré, le fait de repenser à Camille m'avait achevé en quelques secondes, immédiatement avant je me sentais le mec fort, le sage et le consolateur, et d'un seul coup je n'étais plus qu'une merde à la dérive, enfin je suis sûr qu'il nous a mis ce qu'il avait de mieux, ce à quoi il tenait le plus. Le seul souvenir précis que j'ai, c'est un enregistrement de Child in time, un pirate réalisé à Duisburg en 1970, la sonorité de ses Klipschorn était vraiment exceptionnelle, esthétiquement c'était peut-être le plus beau moment de ma vie, je tiens à le signaler dans la mesure où la beauté peut servir à quelque chose, enfin on a dû se le passer trente ou quarante fois, à chaque fois captivés, sur le fond de la calme maîtrise de John Lord, par le mouvement d'envol absolu par lequel Ian Gillan passait de la parole au chant, puis du chant au cri, et ensuite revenait à la parole, immédiatement après s'ensuivait le break majestueux de Ian Paice, il est vrai que John Lord le soutenait avec son habituel mélange d’efficacité et de grandeur, mais quand même le break de Ian Paice était somptueux, c'était sans doute le plus beau break de l'histoire du rock, puis Gillan revenait et la seconde partie du sacrifice était consommée, Ian Gillan s'envolait à nouveau de la parole au chant, puis du chant au cri pur, et malheureusement peu après le morceau se terminait et il n'y avait plus qu'à replacer l'aiguille au début et nous aurions pu vivre éternellement ainsi, éternellement je ne sais pas c’était sans doute une illusion mais une illusion belle...

Auteur: Houellebecq Michel

Info: Dans "Sérotonine", pages 226-227 à propos d'un morceau de Deep Purple

[ description sonore ] [ chanson ]

 
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stade du miroir

C’est pour autant que le tiers, le grand Autre, intervient dans le rapport du moi au petit autre, que quelque chose peut fonctionner, qui entraîne la fécondité du rapport narcissique lui-même.

Exemplifions-le dans un geste de l’enfant devant le miroir, geste qui est bien connu, et qui n’est pas difficile à observer. L’enfant qui est dans les bras de l’adulte est confronté exprès à son image. L’adulte, qu’il comprenne ou pas, ça l’amuse. Il faut donner alors toute son importance à ce geste de la tête de l’enfant qui, même après avoir été captivé par les premières ébauches de jeu qu’il fait devant sa propre image, se retourne vers l’adulte qui le porte, sans que l’on puisse dire sans doute ce qu’il en attend, si c’est de l’ordre d’un accord ou d’un témoignage, mais la référence à l’Autre vient jouer là une fonction essentielle. Ce n’est pas forcer cette fonction que de l’articuler de cette façon, et de mettre ainsi en place ce qui s’attachera respectivement au moi idéal et à l’idéal du moi dans la suite du développement du sujet.

De cet Autre, pour autant que l’enfant devant le miroir se retourne vers lui, que peut-il venir ? Nous disons qu’il n’en peut venir que le signe image de a, cette image spéculaire, désirable et destructrice à la fois, effectivement désirée ou non. Voilà ce qui vient de celui vers lequel le sujet se retourne, à la place même où il s’identifie à ce moment, en tant qu’il soutient son identification à l’image spéculaire.

Dès ce moment originel, nous est sensible le caractère que j’appellerai antagoniste, du moi idéal. A savoir que, déjà dans cette situation spéculaire, se dédouble, et cette fois au niveau de l’Autre, pour l’Autre et par l’Autre, le moi désiré, j’entends désiré par lui, et le moi authentique […] – à ceci près que dans cette situation originelle, c’est l’idéal qui est là, je parle du moi idéal et non pas de l’idéal du moi, et que l’authentique moi est, lui, à venir.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, livre VIII - Le transfert" pages 411-412

[ déchirement ] [ intériorisation ] [ trait unaire ]

 

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religion

"Ce que je n’arrive pas à comprendre, c’est tout simplement qu’il puisse y avoir de la croyance", dit Yegussa en s’énervant d’une façon incompréhensible aux yeux d’Olo. "Prenons un exemple : "Sautra est un être qui se compose de cinq personnes." Je n’arrive absolument pas à comprendre qu’une proposition invérifiable comme celle-ci ait ses adeptes en Molussie, en Almusie, en Supolie, en Isalie, dans chaque ville, maison après maison, jusque dans les patelins les plus isolés. […] Je ne suis pas étonné que la "croyance" n’ait pas encore été exterminée, je suis étonné qu’elle ait pu naître. […] Voilà donc les chevaliers de la croyance qui arrivent à cheval", imagina Yegussa. "Ils racontent que "Sautra est un être qui se compose de cinq personnes." On se dit que le paysan aurait dû demander : "A quoi cela sert-il ?", le forgeron : "Qu’est-ce que c’est ?", le cordonnier : "Mais pourquoi donc cinq personnes ?" Au lieu de cela, le paysan dit : "Je crois", mais il ne voit rien se composant de cinq personnes, et le forgeron dit : "Je crois", mais il ne voit rien se composant de cinq personnes, puis le boulanger dit : "Je crois", mais il ne voit rien se composant de cinq personnes. (Je parle de "croyance", mais que faisaient-ils réellement quand ils "croyaient" et qu’entendaient-ils quand ils disaient cela ?) […] Et ils n’ont pas seulement dit :  "Je crois", ils ont aussi éduqué leurs enfants dans leur croyance", continua Yegussa, aussi énervé qu’avant. "Et ils ont pris lances et boucliers et sont morts pour défendre l’être se composant de cinq personnes. Aujourd’hui encore, à la dixième génération, ils sont des milliers à n’avoir jamais oublié d’y croire ; des gens comme toi et moi, des ouvriers travaillant dans des gravières ou dans des chantiers navals, dormant comme moi – tout comme toi et moi, dans la même ville, à la même époque. Alors, s’il te plaît, explique-moi, qu’entendent-ils lorsqu’ils parlent de  "croire" et que font-ils quand ils "croient" ?"

"Je ne m’étais jamais rendu compte que je ne le savais plus", admit Olo.  "Je ne le sais vraiment pas."

Auteur: Anders Günther Stern

Info: La catacombe de Molussie, traduit de l’allemand par Annika Ellenberger, Perrine Wilhelm et Christophe David, éditions l’Echappée, Paris, 2021, pages 112-113

[ questions ] [ origine ]

 

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matriarchie

Elles sont déjà là, en réalité, toutes les déesses-mères, elles sont de retour même si elles ne s’appellent pas Isis ou Astarté. Elles occupent toute la place qui leur est due dans le "ciel" du nouveau matriarcat profondément anti-biblique, anti-judaïque et anti-chrétien, les nouvelles matrones tutélaires implacables, les Grandes Nounous garantes de la réasexuation de la société et de la réinfantilisation des humains, voire de leur bestialisation douce dans une vaste nursery high-tech parfaitement télésurveillée de partout, avec des pornos à toute heure, pour assurer la disparition du désir, et la lecture collective et quotidienne au réfectoire, pour les mêmes raisons, d’un chapitre de La vie sexuelle de Catherine M. par la Mère supérieure, en alternance avec un passage du Bébé de Darrieussecq. Toutes ces choses vont très bien ensemble. Le Panoptikon de l’avenir est indifféremment une pouponnière, une crèche, une couveuse, un bordel, mais les véritables aventures s’y résument, au nom du principe de précaution, à prévenir diarrhées, rubéoles, varicelles, scarlatines et oreillons des petits pensionnaires. L’univers qui s’installe est un jardin d’enfants où patrouillent de sévères puéricultrices veillant à ce que leurs jeunes protégés ne soient pas dès leur âge le plus tendre conditionnés à des rôles sexués […]. L’art du passé au premier chef doit être nurseryfié, car cet art du passé représente ce qu’a pu être l’affirmation virile et adulte la plus haute de la période historique. C’est la raison pour laquelle un musée qui n’aurait pas son service poussettes et le nombre de chauffe-biberons réglementaires devrait fermer ses portes instantanément. Je me souviens, l’année dernière, avoir visité l’exposition "Picasso érotique" littéralement suivi, de salle en salle, par une jeune femme qui poussait un landau démoniaque dont les roues grinçaient. Allant ainsi d’œuvre en œuvre avec son landau vide (le bébé était promené par son père, une espèce de forçat à la traîne, livide et ahuri), par sa seule présence décidée elle effaçait la beauté sexuelle des œuvres de Picasso. Et il était impossible de penser qu’elle ne savait pas très bien ce qu’elle faisait ; ni que c’était pour cela seulement qu’elle était venue.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 3", Les Belles Lettres, Paris, 2002, pages 134-135

[ désérotisation ] [ critique de l'idéalisme féministe ] [ hommes-femmes ]

 

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christianisme

On reproche à la morale catholique et à la morale chrétienne, chose grave à une époque comme la nôtre, d’être en opposition avec la nature et avec les instincts naturels, d’être une morale mystique, ou encore une morale ascétique, quelques-uns disent une morale monastique. Nous voilà bien loin de la morale relâchée de tout à l’heure. Accusation plus grave encore et d’autant plus redoutable qu’elle est plus spécieuse, on va répétant, autour de nous, que la morale religieuse est une morale égoïste, une morale antisociale, qui donne pour but, à la vie de l’homme, son salut personnel.

En effet, le catholicisme, les Eglises chrétiennes en général, pour ne pas dire toutes les religions, avec l’islam et le bouddhisme, donnent comme but, à l’activité et à la piété du croyant, son salut personnel. Il se peut que, par là même, cette morale religieuse se trouve, à vos yeux, entachée d’une sorte d’égoïsme ; mais, faut-il le rappeler ? l’esprit humain n’est pas d’une logique telle que, dans ses actes, le chrétien en soit toujours à considérer la récompense qu’il espère obtenir. Cette morale religieuse qui s’inspire de la charité, non moins que de l’espérance, sommes-nous, vraiment, en droit de la déclarer inférieure ? Sommes-nous certains qu’elle soit moins efficace que la morale sans sanction de tels de nos philosophes ?

[…] Pouvons-nous soutenir que les âmes pieuses sont, moralement, inférieures aux autres ? Il se trouve, sans doute, parmi vous, plus d’une personne qui, ayant reçu une éducation religieuse, et ayant eu pleine foi dans sa religion, a été prise, plus tard, de l’esprit de doute. Je fais appel à leur conscience, et je leur demande si, le jour où elles ont cessé d’espérer en la vie éternelle, leur moralité inférieure en est devenue plus forte ou plus délicate.

Je poserai la même question, sous une autre forme : sommes-nous certains que, dans les écoles ou dans les familles où l’on a renoncé à transmettre à l’enfant la notion d’un Dieu invisible, partout présent, qui sait tout et qui voit tout, on ait élevé le niveau de la moralité de l’enfant ?

Auteur: Leroy-Beaulieu Anatole

Info: " Les doctrines de haine ", éditions Payot et Rivages, Paris, 2022, pages 203-204

[ critiques ] [ réfutation ] [ comparaison ]

 

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pensée-de-femme

Cet homme fait l’amoureux mais ne me désire pas. Dois-je comprendre que je suis désormais trop vieille pour que mon corps suffise à l’exciter ? Pourtant c’est bien de cela que j’ai envie, d’un homme gourmand de mes fesses, de mes seins, de mon ventre et dont l’insatiabilité tempère, minimise la mienne (et mon besoin de consolation impossible à rassasier). Ce n’est pas tant le manque qui me taraude que le besoin de m’oublier dans le désir de l’autre qui, s’il n’existe pas, me fait ressentir de nouveau cet appel du vide de l’automne dernier. Cet homme simple, qui ne tergiverse pas, et dont j’imagine les mains me pétrir le corps comme un boulanger la pâte, je l’ai rencontré hier chez Cécile : son cousin, de passage à Paris, qui m’a regardée comme si j’étais une glace italienne vanille-fraise.
[…]
Voilà la nuit que j’ai vécue, me ramenant à cette sensation que j’ai eue parfois, sous les étoiles en pleine nature, d’être aussi violente et douce que les animaux qui m’entouraient. Les arbres ne montent pas jusqu'au ciel de Marianne Rubinstein
Cet homme fait l’amoureux mais ne me désire pas. Dois-je comprendre que je suis désormais trop vieille pour que mon corps suffise à l’exciter ? Pourtant c’est bien de cela que j’ai envie, d’un homme gourmand de mes fesses, de mes seins, de mon ventre et dont l’insatiabilité tempère, minimise la mienne (et mon besoin de consolation impossible à rassasier). Ce n’est pas tant le manque qui me taraude que le besoin de m’oublier dans le désir de l’autre qui, s’il n’existe pas, me fait ressentir de nouveau cet appel du vide de l’automne dernier. Cet homme simple, qui ne tergiverse pas, et dont j’imagine les mains me pétrir le corps comme un boulanger la pâte, je l’ai rencontré hier chez Cécile : son cousin, de passage à Paris, qui m’a regardée comme si j’étais une glace italienne vanille-fraise.

[…]

Voilà la nuit que j’ai vécue, me ramenant à cette sensation que j’ai eue parfois, sous les étoiles en pleine nature, d’être aussi violente et douce que les animaux qui m’entouraient. Ça s’appelle baiser et Dieu que c’est bon.

Auteur: Rubinstein Marianne

Info: Les arbres ne montent pas jusqu'au ciel

[ sexualité ] [ plaisir ]

 

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fondements philosophiques

Ainsi la philosophie s’obstine-t-elle généralement à remplacer l’idée que "cela est" par l’idée qu’il est impossible et inadmissible que "cela soit" : opposant au règne souverain et contraignant de l’être, le règne fantasmatique et moral d’un "doit être". […] ce à quoi en a la morale n’est pas du tout l’immoral, l’injuste, le scandaleux, mais bien le réel, - unique et vraie source de tout le scandale. Le cas de Platon et de Rousseau, pour m’en tenir à ces deux seuls penseurs soucieux avant tout de morale, est ici très éclairant. Platon ne cesse en effet de représenter comme méprisable et indigne de l’homme ce qui constitue au contraire sa tâche la plus haute et la plus difficile : je veux dire s’accommoder du réel, trouver sa satisfaction et son destin dans le monde sensible et périssable. De même l’égarement de Rousseau consiste-t-il essentiellement à condamner comme immorale toute réalité dès lors que celle-ci est tragique. […] Le dernier mot de la philosophie de Platon comme de celle de Rousseau me paraît ainsi se résumer à ce simple et aberrant adage : que si la vérité est cruelle, c’est qu’elle est fausse, - et doit par conséquent être à la fois réfutée par les doctes et dissimulée au peuple. Kant, me semble-t-il, s’inspire souvent du même adage ; établissant volontiers – ou croyant établir – la validité des thèses qui lui sont chères (comme l’immortalité de l’âme ou la rationalité et la finalité de la nature) sur la seule considération du caractère contrariant des hypothèses inverses. Ainsi cette démonstration étrange de la première proposition de l’Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique. Proposition : "Toutes les dispositions naturelles d’une créature sont déterminées de façon à se développer un jour complètement et conformément à un but." Démonstration : "Car si nous nous écartons de ce principe, nous n’avons plus une nature conforme à des lois, mais une nature marchant à l’aveuglette, et le hasard désolant remplace le fil conducteur de la raison." Idées vraies et idées fausses se départagent en somme aisément au gré de Kant : les premières se reconnaissent à leur nature agréable, les secondes à leur aspect "désolant".

Auteur: Rosset Clément

Info: "Principe de cruauté" in L'école du réel, pages 216-218

[ autoconfirmation ] [ réconfort existentiel ] [ simplicité bipolaire ]

 

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repli narcissique

Et pourtant, de nombreux ex-radicaux ont eux-mêmes embrassé la sensibilité thérapeutique dans les années 1970. Rennie Davis abandonne le radicalisme politique pour suivre Maharaj Ji, le gourou adolescent. Abbie Hoffman, l’ancien chef des Yippies, décide qu’il est plus important de rassembler ses esprits que de mouvoir les multitudes. Son associé d’antan, Jerry Rubin, lorsqu’il atteignit l’âge terrible de trente ans, se trouva confronté à ses peurs et à ses anxiétés secrètes ; il déménagea alors de New York à San Francisco, et se mit à acheter – avec des revenus apparemment inépuisables – tous les produits offerts par les supermarchés spirituels de la côte Ouest. […]

Dans ses mémoires, modestement intitulées Grandir à trente-sept ans, Rubin témoigne des effets salutaires du régime thérapeutique. Après avoir négligé son corps pendant des années, il se donna "la permission d’être en bonne santé", et perdit rapidement quinze kilos. Nourriture diététique, jogging, yoga, saunas, chiropraxie, acupuncture lui donnèrent l’impression, à trente-sept ans, "d’en avoir vingt-cinq". Sur le plan spirituel, ses progrès se révélèrent tout aussi satisfaisants et indolores. Abandonnant son armure protectrice, son sexisme, sa "manie de l’amour", il apprit "à s’aimer suffisamment soi-même pour n’avoir pas besoin d’un autre pour se rendre heureux", et parvint à comprendre que sa politique révolutionnaire cachait un "conditionnement puritain" qui provoquait parfois en lui un certain malaise, à cause de sa célébrité et des avantages monétaires qu’elle lui valait. C’est apparemment sans efforts psychiques épuisants que Rubin a réussi à se convaincre « qu’il n’y a pas de mal à "goûter les bienfaits de la vie qu’apporte l’argent". […]

Pourtant, cet "énorme auto examen" donne peu d’indications touchant la compréhension de soi auquel il serait parvenu sur le plan personnel ou collectif. Sa conscience de soi demeure embourbée dans les clichés de la libéralisation des mœurs. Rubin examine "la femme en lui", son besoin de se faire une conception plus tolérante de l’homosexualité et son envie de "faire la paix" avec ses parents, comme si ces lieux communs apportaient des révélations difficilement acquises sur la condition humaine. […]

Comme tant d’anciens radicaux, Rubin n’a fait que substituer des slogans thérapeutiques en vogue aux slogans politiques de naguère, qu’il utilise dans l’un et l’autre cas sans tenir compte de leur signification.

Auteur: Lasch Christopher

Info: Dans "La culture du narcissisme", trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, Paris, 2018, pp. 35-38

[ itinéraire ] [ critique ] [ autosatisfaction ] [ beat generation ]

 
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Ajouté à la BD par miguel